« Chants de palefreniers, “Saïbara” »

éd. Publications orientalistes de France, coll. D’étranges pays-Poèmes, Paris

éd. Pu­bli­ca­tions orien­ta­listes de France, coll. D’étranges pays-Poèmes, Pa­ris

Il s’agit des « Sai­bara »1 (« Chants de pa­le­fre­niers »). Ce genre ja­po­nais est men­tionné pour la pre­mière fois dans les « Chro­niques vé­ri­diques des trois ères » (« Ni­hon san­dai jit­su­roku »2), au cha­pitre re­la­tif à l’année 859 apr. J.-C. Il y est dit que la prin­cesse Hi­roi, morte cette an­née-là, était fort cé­lèbre à l’époque de sa jeu­nesse pour ses in­ter­pré­ta­tions de « Sai­bara ». Jusqu’à nos jours, les phi­lo­logues ja­po­nais ont pro­posé une di­zaine d’explications pos­sibles pour ce terme, noté à l’aide de trois ca­rac­tères chi­nois dont le sens lit­té­ral est « airs pour en­cou­ra­ger les che­vaux ». Se­lon l’interprétation tra­di­tion­nelle3, il s’agirait de chan­sons po­pu­laires que les pa­le­fre­niers chan­taient en me­nant à la ca­pi­tale les bêtes de somme. D’autres es­timent que ce nom ne fait que tra­duire l’esprit de la pre­mière chan­son du re­cueil, in­ti­tu­lée pré­ci­sé­ment : « Va, mon cour­sier ». En­fin, tout ré­cem­ment, M. Usuda Jin­gorô dé­cou­vrait, dans un do­cu­ment conservé à la bi­blio­thèque de la Mai­son Im­pé­riale, la preuve de l’existence d’une mé­lo­die d’origine chi­noise, aujourd’hui per­due, dont le titre « Sai­ba­raku » s’écrivait au moyen des mêmes idéo­grammes. En tout cas, l’on se convain­cra ai­sé­ment, à la simple lec­ture, qu’il s’agit bien de chan­sons po­pu­laires, res­pi­rant l’humeur en­jouée et la naï­veté un peu grasse et bon en­fant de l’âme pay­sanne. Cu­rieu­se­ment, ces chan­sons ont connu leur vogue au­tour de l’an 1000 apr. J.-C., c’est-à-dire à l’apogée de cette Cour raf­fi­née qui a fait naître no­tam­ment le « Dit du genji », le chef-d’œuvre in­égalé des lettres ja­po­naises. Les per­son­nages de ce dit chantent des « Sai­bara » en toute oc­ca­sion : lors des ban­quets of­fi­ciels du pa­lais, aussi bien qu’en privé ; ils les fre­donnent en dé­am­bu­lant par les cou­loirs, et en usent, hommes et femmes, comme d’un lan­gage convenu pour leurs échanges épis­to­laires. Mieux en­core : quatre cha­pitres de ce dit — « La Branche du pru­nier » (ch. XXXII), « La Ri­vière aux bam­bous » (ch. XLIV), « Les Che­veux noués » (ch. XLVII) et « Le Pa­villon » (ch. L) — em­pruntent leurs titres mêmes à des chan­sons po­pu­laires de ce genre. « L’on pour­rait croire », dit très bien M. René Sief­fert, « que tous ces princes et cour­ti­sans, sou­mis per­pé­tuel­le­ment au car­can d’une éti­quette mé­ti­cu­leuse, trou­vaient dans l’allégresse qui anime la presque to­ta­lité de ces chan­sons… un exu­toire aux contraintes d’une vie ré­glée dans ses moindres dé­tails. »4

chan­sons po­pu­laires que les pa­le­fre­niers chan­taient en me­nant à la ca­pi­tale les bêtes de somme

Voici un pas­sage qui don­nera une idée du style des « Sai­bara » :
« Va, mon cour­sier
Vite va, trotte et fran­chis
Le mont Mat­su­chi
“Aharé”
Le mont Mat­su­chi
“Haré”
Au mont Mat­su­chi
Chez celle qui doit m’attendre
Vite je m’en vais
“Aharé”
Vite je m’en vais la voir
 »5.

Consultez cette bibliographie succincte en langue française

  • Vla­di­slav Sis­saouri, « Cos­mos, Ma­gie et Po­li­tique : la mu­sique an­cienne de la Chine et du Ja­pon » (éd. de la Mai­son des sciences de l’homme, Pa­ris).
  1. En ja­po­nais « 催馬楽 ». Haut
  2. En ja­po­nais « 日本三代実録 ». Haut
  3. In­ter­pré­ta­tion énon­cée par Ichijô Ka­neyo­shi. Haut
  1. p. 7. Haut
  2. p. 9. Haut