«Le Conte du coupeur de bambous»

dans « Bulletin de la Maison franco-japonaise », sér. 2, vol. 2, p. 123-199

dans «Bul­le­tin de la Mai­son franco-ja­po­naise», sér. 2, vol. 2, p. 123-199

Il s’agit du «Conte du cou­peur de bam­bous» 1Ta­ké­tori mo­no­ga­tari» 2), consi­déré comme le plus an­cien des «mo­no­ga­tari» (IXe siècle apr. J.-C.). Ce nom gé­né­rique de «mo­no­ga­tari», que l’on tra­duit sou­vent par «ro­man», doit être pris ici dans le sens pri­mi­tif de «chose contée». En l’occurrence, il s’agit d’un vé­ri­table conte de fées, même s’il pré­fi­gure, par en­droits, cette fi­nesse de cœur et cette douce mé­lan­co­lie qui ca­rac­té­ri­se­ront la lit­té­ra­ture ro­ma­nesque du Ja­pon. Le «Conte du cou­peur de bam­bous» oc­cupe une cin­quan­taine de pages et ap­pa­raît comme une jux­ta­po­si­tion, as­sez ha­bi­le­ment réa­li­sée, de plu­sieurs ré­cits dont cha­cun pour­rait être consi­déré comme com­plet en soi, si ne les re­liait la pré­sence de la même fi­gure cen­trale de Ka­guya-himé («Claire prin­cesse»). Chaque Ja­po­nais connaît les pé­ri­pé­ties de cette mi­nus­cule fillette, haute comme la main, qu’un vieillard trouve dans le creux d’un bam­bou qu’il vient de cou­per. Il l’adopte et il l’élève avec soin, et en seule­ment trois mois, elle de­vient une jeune femme dont la beauté at­tire tous les re­gards. Il lui donne le nom de Ka­guya-himé en rai­son de la lu­mière mys­té­rieuse qu’elle ré­pand au­tour d’elle. Tous les hommes du pays, à force d’entendre ré­pé­ter : «Cette Ka­guya-himé, que ne fe­rait-on pour ob­te­nir sa main!» 3, ac­courent pour la voir. Sa main est de­man­dée par cinq pré­ten­dants, à qui elle im­pose des tra­vaux her­cu­léens qu’aucun d’eux ne peut me­ner à terme; elle re­fuse jusqu’à l’anneau de l’Empereur, et bien­tôt, elle dé­clare à son père adop­tif qu’elle est une ha­bi­tante de la Lune, ban­nie sur la Terre pour cer­taine faute, et que, son temps d’épreuve étant écoulé, elle va re­tour­ner dans son an­cien sé­jour. En vain le vieillard se ré­pand en pro­tes­ta­tions pour la re­te­nir, en vain l’Empereur fait pla­cer une garde de deux mille hommes au­tour de sa mai­son; elle est em­por­tée dans un char vo­lant en­voyé par son père cé­leste. Elle laisse, en par­tant, des lettres d’adieu à son vieux pro­tec­teur et lui re­met un élixir d’immortalité.

Il n’existe pas moins de six tra­duc­tions fran­çaises du «Conte du cou­peur de bam­bous», mais s’il fal­lait n’en choi­sir qu’une seule, je choi­si­rais celle de M. René Sief­fert.

«Il était une fois un vieux cou­peur de bam­bous. Il al­lait par monts et par vaux cher­cher des bam­bous qu’il em­ployait à mille usages. Son nom était Sa­kaki no Miyat­suko. Or, parmi ces bam­bous, il y en eut un dont la base je­tait un vif éclat. Sur­pris, le vieillard se rap­pro­cha et vit que la lu­mière pro­ve­nait de l’intérieur de la tige 4. Il re­garda : c’était une per­sonne hu­maine, haute de trois pouces, d’une ex­trême beauté.»
— Dé­but dans la tra­duc­tion (I) de M. René Sief­fert, à par­tir de la ver­sion ori­gi­nale

«Voilà déjà long­temps, il était un homme qu’on ap­pe­lait le vieux cou­peur de bam­bous. Il al­lait par monts et par vaux cher­cher des bam­bous qu’il em­ployait à mille usages. Son nom était Sa­kaki no Miyat­suko. Or, parmi ces bam­bous, il y en eut un dont le pied je­tait un vif éclat. In­tri­gué, le vieillard s’approcha et vit que la lu­mière pro­ve­nait de l’intérieur de la tige. Il l’examina : il y avait, as­sise là, une per­sonne hu­maine, haute de trois pouces, d’une ex­trême beauté.»
— Dé­but dans la tra­duc­tion (II) de M. René Sief­fert, à par­tir de la ver­sion ori­gi­nale («Le Conte du cou­peur de bam­bous», éd. Pu­bli­ca­tions orien­ta­listes de France, coll. Tama, Cergy)

«Voilà déjà long­temps, du temps d’un cer­tain Em­pe­reur, il était un vieillard. Cou­pant des bam­bous, il en fai­sait des pa­niers dont il pour­voyait qui en avait be­soin, et de ce mé­tier, il ti­rait de quoi vivre; or, comme ce vieillard, pour faire ses pa­niers, était allé au bois pour cou­per des bam­bous, il y avait dans ce bois une lu­mière. Dans la tige d’un bam­bou, il y avait une per­sonne hu­maine, haute d’à peine trois pouces.»
— Dé­but dans la tra­duc­tion (III) de M. René Sief­fert, à par­tir de la ver­sion tar­dive des «His­toires qui sont main­te­nant du passé» («His­toire où l’on voit un vieux cou­peur de bam­bous éle­ver une fillette qu’il a trou­vée» dans «Le Conte du cou­peur de bam­bous», éd. Pu­bli­ca­tions orien­ta­listes de France, coll. Tama, Cergy, p. 91-94)

«Il y avait une fois un homme qu’on ap­pe­lait le Tailleur de Bam­bous, parce qu’il pas­sait son temps dans les fo­rêts et sur les mon­tagnes à tailler des bam­bous dont il se ser­vait pour mille usages, mais son vrai nom était Sa­nugi no Miyat­su­ko­maro. Or, voilà qu’il aper­çut dans un fourré un bam­bou res­plen­dis­sant. Étonné, il s’approcha : la lu­mière pro­ve­nait de l’intérieur d’une tige; il y re­garda donc et dé­cou­vrit une gra­cieuse créa­ture hu­maine qui avait bien trois pouces de hau­teur.»
— Dé­but dans la tra­duc­tion du mar­quis An­toine de La Ma­ze­lière, à par­tir de la ver­sion ori­gi­nale («Le Tailleur de bam­bous» dans «Le Ja­pon : his­toire et ci­vi­li­sa­tion. Tome I. Le Ja­pon an­cien», éd. Plon-Nour­rit et Cie, Pa­ris, p. 508-510)

«C’est main­te­nant du passé. Sous l’Auguste Règne de l’Empereur ***, il y avait un vieil homme qui cou­pait des bam­bous. De ces bam­bous, il fa­bri­quait des cor­beilles qu’il don­nait à qui en vou­lait, et le prix qu’il en re­ce­vait as­su­rait son exis­tence. Un jour que le vieil homme, pour fa­bri­quer ses cor­beilles, s’en était allé dans l’épaisse fo­rêt de bam­bous et qu’il taillait et taillait, un arbre lança un éclat d’or, et dans un nœud ap­pa­rut un être de quelque trois pouces.»
— Dé­but dans la tra­duc­tion Mme Do­mi­nique La­vigne-Ku­ri­hara, à par­tir de la ver­sion tar­dive des «His­toires qui sont main­te­nant du passé» («Com­ment un vieux cou­peur de bam­bous trouva une pe­tite fille et l’éleva» dans «His­toires d’amour du temps ja­dis», p. 187-190)

«Il était une fois un vieil homme et une vieille femme qui étaient cou­peurs de bam­bous. Chaque jour, ils par­taient dans la mon­tagne pour tailler des bam­bous avec les­quels ils fa­çon­naient toutes sortes de cor­beilles et de pa­niers. Un jour, le vieil homme dé­cou­vrit un bam­bou qui étin­ce­lait. In­tri­gué, il s’en ap­pro­cha et trouva à l’intérieur de la tige, pas plus haute que la main, une toute pe­tite fille. La plus jo­lie pe­tite fille qu’on ait ja­mais vue.»
— Dé­but dans la tra­duc­tion de Mme Vé­ro­nique Brin­deau, à par­tir de la ver­sion tar­dive de Mme Ta­wara Ma­chi («Le Conte du cou­peur de bam­bous», éd. Pic­quier jeu­nesse, Arles)

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  1. Par­fois tra­duit «Le Tailleur de bam­bous» ou «Conte du cueilleur de bam­bous». Haut
  2. En ja­po­nais «竹取物語». Le «Dit du genji» donne le titre plus com­plet de «竹取翁の物語» («Conte du vieillard, cou­peur de bam­bous»). Par­fois en­core, on l’appelle, du nom de son per­son­nage prin­ci­pal, «かぐや姫の物語» («Conte de Ka­guya-himé»). Haut
  1. p. 142. Haut
  2. L’on trouve aujourd’hui en­core, chez les mar­chands de «ko­ke­shi» (こけし), des «pou­pées en bois» re­pré­sen­tant Ka­guya-himé dans son bam­bou na­tal. Haut