Il s’agit du « Conte du coupeur de bambous » 1 (« Takétori monogatari » 2), considéré comme le plus ancien des « monogatari » (IXe siècle apr. J.-C.). Ce nom générique de « monogatari », que l’on traduit souvent par « roman », doit être pris ici dans le sens primitif de « chose contée ». En l’occurrence, il s’agit d’un véritable conte de fées, même s’il préfigure, par endroits, cette finesse de cœur et cette douce mélancolie qui caractériseront la littérature romanesque du Japon. Le « Conte du coupeur de bambous » occupe une cinquantaine de pages et apparaît comme une juxtaposition, assez habilement réalisée, de plusieurs récits dont chacun pourrait être considéré comme complet en soi, si ne les reliait la présence de la même figure centrale de Kaguya-himé (« Claire princesse »). Chaque Japonais connaît les péripéties de cette minuscule fillette, haute comme la main, qu’un vieillard trouve dans le creux d’un bambou qu’il vient de couper. Il l’adopte et il l’élève avec soin, et en seulement trois mois, elle devient une jeune femme dont la beauté attire tous les regards. Il lui donne le nom de Kaguya-himé en raison de la lumière mystérieuse qu’elle répand autour d’elle. Tous les hommes du pays, à force d’entendre répéter : « Cette Kaguya-himé, que ne ferait-on pour obtenir sa main ! » 3, accourent pour la voir. Sa main est demandée par cinq prétendants, à qui elle impose des travaux herculéens qu’aucun d’eux ne peut mener à terme ; elle refuse jusqu’à l’anneau de l’Empereur, et bientôt, elle déclare à son père adoptif qu’elle est une habitante de la Lune, bannie sur la Terre pour certaine faute, et que, son temps d’épreuve étant écoulé, elle va retourner dans son ancien séjour. En vain le vieillard se répand en protestations pour la retenir, en vain l’Empereur fait placer une garde de deux mille hommes autour de sa maison ; elle est emportée dans un char volant envoyé par son père céleste. Elle laisse, en partant, des lettres d’adieu à son vieux protecteur et lui remet un élixir d’immortalité.
Il n’existe pas moins de six traductions françaises du « Conte du coupeur de bambous », mais s’il fallait n’en choisir qu’une seule, je choisirais celle de M. René Sieffert.
« Il était une fois un vieux coupeur de bambous. Il allait par monts et par vaux chercher des bambous qu’il employait à mille usages. Son nom était Sakaki no Miyatsuko. Or, parmi ces bambous, il y en eut un dont la base jetait un vif éclat. Surpris, le vieillard se rapprocha et vit que la lumière provenait de l’intérieur de la tige 4. Il regarda : c’était une personne humaine, haute de trois pouces, d’une extrême beauté. »
— Début dans la traduction (I) de M. René Sieffert, à partir de la version originale
« Voilà déjà longtemps, il était un homme qu’on appelait le vieux coupeur de bambous. Il allait par monts et par vaux chercher des bambous qu’il employait à mille usages. Son nom était Sakaki no Miyatsuko. Or, parmi ces bambous, il y en eut un dont le pied jetait un vif éclat. Intrigué, le vieillard s’approcha et vit que la lumière provenait de l’intérieur de la tige. Il l’examina : il y avait, assise là, une personne humaine, haute de trois pouces, d’une extrême beauté. »
— Début dans la traduction (II) de M. René Sieffert, à partir de la version originale (« Le Conte du coupeur de bambous », éd. Publications orientalistes de France, coll. Tama, Cergy)
« Voilà déjà longtemps, du temps d’un certain Empereur, il était un vieillard. Coupant des bambous, il en faisait des paniers dont il pourvoyait qui en avait besoin, et de ce métier, il tirait de quoi vivre ; or, comme ce vieillard, pour faire ses paniers, était allé au bois pour couper des bambous, il y avait dans ce bois une lumière. Dans la tige d’un bambou, il y avait une personne humaine, haute d’à peine trois pouces. »
— Début dans la traduction (III) de M. René Sieffert, à partir de la version tardive des « Histoires qui sont maintenant du passé » (« Histoire où l’on voit un vieux coupeur de bambous élever une fillette qu’il a trouvée » dans « Le Conte du coupeur de bambous », éd. Publications orientalistes de France, coll. Tama, Cergy, p. 91-94)
« Il y avait une fois un homme qu’on appelait le Tailleur de Bambous, parce qu’il passait son temps dans les forêts et sur les montagnes à tailler des bambous dont il se servait pour mille usages, mais son vrai nom était Sanugi no Miyatsukomaro. Or, voilà qu’il aperçut dans un fourré un bambou resplendissant. Étonné, il s’approcha : la lumière provenait de l’intérieur d’une tige ; il y regarda donc et découvrit une gracieuse créature humaine qui avait bien trois pouces de hauteur. »
— Début dans la traduction du marquis Antoine de La Mazelière, à partir de la version originale (« Le Tailleur de bambous » dans « Le Japon : histoire et civilisation. Tome I. Le Japon ancien », éd. Plon-Nourrit et Cie, Paris, p. 508-510)
« C’est maintenant du passé. Sous l’Auguste Règne de l’Empereur ***, il y avait un vieil homme qui coupait des bambous. De ces bambous, il fabriquait des corbeilles qu’il donnait à qui en voulait, et le prix qu’il en recevait assurait son existence. Un jour que le vieil homme, pour fabriquer ses corbeilles, s’en était allé dans l’épaisse forêt de bambous et qu’il taillait et taillait, un arbre lança un éclat d’or, et dans un nœud apparut un être de quelque trois pouces. »
— Début dans la traduction Mme Dominique Lavigne-Kurihara, à partir de la version tardive des « Histoires qui sont maintenant du passé » (« Comment un vieux coupeur de bambous trouva une petite fille et l’éleva » dans « Histoires d’amour du temps jadis », p. 187-190)
« Il était une fois un vieil homme et une vieille femme qui étaient coupeurs de bambous. Chaque jour, ils partaient dans la montagne pour tailler des bambous avec lesquels ils façonnaient toutes sortes de corbeilles et de paniers. Un jour, le vieil homme découvrit un bambou qui étincelait. Intrigué, il s’en approcha et trouva à l’intérieur de la tige, pas plus haute que la main, une toute petite fille. La plus jolie petite fille qu’on ait jamais vue. »
— Début dans la traduction de Mme Véronique Brindeau, à partir de la version tardive de Mme Tawara Machi (« Le Conte du coupeur de bambous », éd. Picquier jeunesse, Arles)
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- Traduction partielle de Michel Revon (1923) [Source : Google Livres]
- Traduction partielle de Michel Revon (1918) [Source : Google Livres]
- Traduction partielle de Michel Revon (1910) [Source : Bibliothèque nationale de France]
- Traduction partielle du marquis Antoine de La Mazelière (1907) [Source : Google Livres]
- Traduction partielle du marquis Antoine de La Mazelière (1907) ; autre copie [Source : Google Livres]
- Traduction partielle du marquis Antoine de La Mazelière (1907) ; autre copie [Source : Google Livres]
- Traduction partielle du marquis Antoine de La Mazelière (1907) ; autre copie [Source : Google Livres]
- Traduction partielle du marquis Antoine de La Mazelière (1907) ; autre copie [Source : Google Livres].
- Parfois traduit « Le Tailleur de bambous » ou « Conte du cueilleur de bambous ».
- En japonais « 竹取物語 ». Le « Dit du genji » donne le titre plus complet de « 竹取翁の物語 » (« Conte du vieillard, coupeur de bambous »). Parfois encore, on l’appelle, du nom de son personnage principal, « かぐや姫の物語 » (« Conte de Kaguya-himé »).