
éd. Gallimard, coll. UNESCO d’œuvres représentatives-Connaissance de l’Orient, Paris
Il s’agit d’une traduction partielle du « Sûr-sâgar »* (« L’Océan de Sûr-dâs »). C’est une espèce de Divan formé d’un grand nombre de chansons ressemblant à nos pastorales, même si les Hindous leur donnent le titre d’« hymnes religieux » (« bhajans »**), parce qu’elles roulent sur les jeux de Kṛṣṇa et de ses épouses. Le sujet est indiqué dans le premier vers de ces chansons et se trouve répété à la fin. Le nom de l’auteur, Sûr-dâs***, apparaît à l’intérieur des vers, selon l’usage des poètes ourdous. Ce Sûr-dâs naquit dans le village de Sihi, près de Delhi, entre l’an 1478 et 1483 apr. J.-C. On dit qu’il était aveugle, mais doué d’une voyance si divine qu’elle lui fit, un jour, deviner le grain de beauté sur la cuisse de la princesse royale de Delhi ! On raconte aussi que lorsqu’il chantait, Kṛṣṇa venait et s’asseyait auprès de lui pour l’écouter. Ce dieu lui proposa de lui rendre la vue, mais Sûr-dâs refusa, disant : « Celui qui T’a vu, ne veut plus voir ce monde »****. Aujourd’hui encore, c’est en chantant ses chansons que les aveugles en Inde font la quête, eux que le peuple surnomme Sûr-dâs. Son œuvre poétique est souvent comparée à celle de ses contemporains, Tulsî-dâs et Keśav-dâs, quoiqu’elle n’égale ni la profondeur du premier, ni la diversité du second. « Le terme de “dévotion” ou de “religion dévotionnelle” ne me paraît pas [adapté] à la poésie de Sûr-dâs », dit Mme Maya Burger*****. « Je ne nie pas qu’il s’agisse d’une forme de religion… mais la notion de “jeu scénique” me paraît plus proche du monde de Sûr-dâs que celui de “dévotion”. Le poète met en scène le divin en parlant de la réalité la plus banale [et] la plus concrète… On peut s’amuser au quotidien avec les divinités du monde dépeint par Sûr-dâs [c’est-à-dire] le monde des bergers et paysans de la région de Mathura. »
Voici un passage qui donnera une idée de la manière de Sûr-dâs :
« Partons, Roukminî****** ! Retournons à mon pays natal !…
Au bord de la Jamna, paissant les vaches,
Nous boirons son eau délicieuse…
Blottis ensemble, tel un couple d’oiseaux “kounja”*******,
Nous resterons assis, enlacés sous l’ombre fraîche des arbres ;
Éventés par la brise douce, parfumée de santal,
Nous nous jouerons dans les sous-bois…
Les bonnes vaches et les pasteurs, Nanda et Jasoumatî********,
Je ne peux les oublier…
Partons, Roukminî ! Retournons à mon pays natal ! »*********
Consultez cette bibliographie succincte en langue française
- Maya Burger, « Gérer la religion des autres en traduisant : Sūr Dās et la “bhakti” » dans « Dans le laboratoire de l’historien des religions : mélanges offerts à Philippe Borgeaud » (éd. Labor et Fides, coll. Religions en perspective, Genève), p. 486-495
- Chandra Swami, « En quête de Dieu : aides et obstacles sur la voie spirituelle » (éd. Le Relié, Paris)
- Garcin de Tassy, « Histoire de la littérature hindoui et hindoustani, 2e édition. Tome III » (XIXe siècle) [Taille : 14,5 Mo].