Il s’agit du traité « Kitâb al-Tawahhum »1 (« Livre de la vision des fins dernières »2) de Ḥârith ibn Asad3, théologien et mystique arabe, plus connu sous le surnom de Muḥâsibî4 (« l’examinateur de conscience »). Né à Bassorah l’an 781 apr. J.-C., il vint de bonne heure à Bagdad, où il mourut l’an 857. Il fit de l’examen de conscience un moteur de la perfection spirituelle. À la manière des commerçants, les hommes devraient dresser chaque jour, affirmait-il, le bilan de ce qui a été positif ou négatif dans leur comportement, de leurs « profits » et « pertes ». C’est cela l’examen de conscience. De la vie de Muḥâsibî, nous ne savons presque rien, sinon qu’elle fut d’un grand ascétisme. « Si la moitié du monde était à mes côtés, cela ne me procurerait aucune réjouissance ; et si la moitié du monde était loin de moi, de cet éloignement je ne ressentirais aucun vide », dit-il5. Et aussi : « Dieu préfère, entre deux commandements positifs, le plus dur »6. Il faut avouer que ses œuvres exégétiques satisfont peu le goût moderne : la culture coranique et traditionnelle y est trop accentuée. Seul le « Kitâb al-Tawahhum » fait exception à cet égard. Il n’est pas l’œuvre du théologien, mais celle de l’écrivain. Il traite des fins dernières, c’est-à-dire des châtiments terribles qui seront infligés, en Enfer, aux hommes ayant désobéi à Dieu ; et des joies charnelles que les houris7 réserveront, au Paradis, aux hommes ayant observé Ses lois. Ce qui frappe, c’est l’admirable style dans lequel ces joies charnelles sont décrites. Par contraste avec la vie austère de Muḥâsibî, il y a dans le « Kitâb al-Tawahhum » un désir inavoué et qui donne à l’œuvre toute sa valeur.
il y a dans le « Kitâb al-Tawahhum » un désir inavoué et qui donne à l’œuvre toute sa valeur
Voici un passage qui donnera une idée du style du « Kitâb al-Tawahhum » : « Puis tu te hisses sur le lit… Ô la beauté de ton regard sur cette femme assise dans ses robes et ses parures, écrins d’un visage qui a l’éclat d’un matin, écrins de son corps suave. Aux poignets elle a des bracelets, aux mains des bagues, aux chevilles des anneaux. Une ceinture précieuse est nouée à ses reins. Un plastron constellé de pierreries prend ses deux seins et s’arrondit sur ses hanches… Une tiare coiffe sa tête. Et ses tresses échappées de sa tiare cascadent sur ses épaules et son dos de callipyge jusqu’à ses sandales. Tu vois ton visage sur sa gorge. Elle regarde son visage sur ta poitrine… Les arbres inclinent sur les côtés de ton alcôve leurs branches chargées de fruits. Des rivières courent sur le pourtour de ton palais »8.
Consultez cette bibliographie succincte en langue française
- Roger Arnaldez, « Réflexions chrétiennes sur les mystiques musulmans » (éd. OEIL, coll. Lumière des peuples, Paris)
- Abd-el-halim Mahmoud, « Al-Moḥâsibî : un mystique musulman religieux et moraliste » (éd. P. Geuthner, coll. Les Grandes Figures de l’Orient, Paris)
- Louis Massignon, « Essai sur les origines du lexique technique de la mystique musulmane » (éd. J. Vrin, coll. Études musulmanes, Paris).
- En arabe « كتاب التّوهّم ». Parfois transcrit « Kitab at Tawahum », « Kitab al Tawahhoum » ou « Kitâb al Tawahhom ».
- Parfois traduit « Le Livre sur la vision des dernières choses ».
- En arabe الحارث بن أسد.
- En arabe المحاسبي. Parfois transcrit Muhasiby, Muhassibi, Mouhassibi, Mohassibi ou Moḥâsibî.