Mot-clefhindi

pays, gen­tilé ou langue

Banârasî-dâs, « Histoire à demi : autobiographie d’un marchand jaïna du XVIIe siècle »

éd. Presses Sorbonne nouvelle, Paris

éd. Presses Sor­bonne nou­velle, Pa­ris

Il s’agit d’« His­toire à demi » (« Ardha-ka­thâ­naka »1), le pre­mier ré­cit au­to­bio­gra­phique de la lit­té­ra­ture hindi et de la lit­té­ra­ture in­dienne en gé­né­ral. Ce fut en 1641 apr. J.-C. qu’un mar­chand et poète nommé Ba­nâ­rasî-dâs2, âgé de cin­quante-cinq ans, ré­di­gea ce ré­cit en vers. Il l’intitula « His­toire à demi » en fai­sant al­lu­sion à la du­rée de vie idéale qui, se­lon la re­li­gion jaïna, est de cent dix ans. Les dé­bâcles com­mer­ciales et les échecs rythment vé­ri­ta­ble­ment la vie de cet homme qui, au fil de son ré­cit, se ré­vèle aussi mé­diocre mar­chand que pas­sable poète. Il dé­buta dans son mé­tier à l’âge de vingt-et-un ans. Son père ras­sem­bla les mar­chan­dises dont dis­po­sait la fa­mille — des pierres pré­cieuses, deux grandes gourdes d’huile, vingt me­sures de beurre cla­ri­fié, des châles de Jaun­pur — et après avoir fait ve­nir son fils Ba­nâ­rasî-dâs, il lui ex­pli­qua ses vues, di­sant : « Prends toutes ces af­faires. Va à Agra et vends les ar­ticles. Dé­sor­mais, le far­deau de la mai­son, c’est toi qui le prends sur les épaules. Il fau­dra que tu nour­risses toute la fa­mille »3. Ces mots durent pe­ser bien lourd sur les épaules d’un jeune homme tout juste re­penti d’avoir passé le plus clair de son temps dans l’amour des jeunes filles, où il avait « dé­laissé l’honneur fa­mi­lial et la pu­deur du monde »4. Ayant chargé les mar­chan­dises sur une char­rette, il se ren­dit non sans mal à Agra. Il tâ­cha de vendre tout, sans vrai­ment en connaître la va­leur, et se fit lar­ge­ment es­cro­quer par les ache­teurs. Il don­nait à qui of­frait, ne sa­chant pas dis­cer­ner « qui était hon­nête, qui était mal­hon­nête »5. Pire en­core, il avait at­ta­ché un étui de perles à la cein­ture de son pan­ta­lon : la cein­ture se cassa, et le pré­cieux étui fut perdu. Il avait aussi ca­ché des ru­bis dans la dou­blure de son pan­ta­lon : il le mit à sé­cher au so­leil ; des vo­leurs pas­sèrent et l’emportèrent. Il tomba dans la ban­que­route pour la pre­mière fois. Ce ne fut pas la der­nière. À chaque fois, il se consola, se consi­dé­rant heu­reux dans son mal­heur : « Le bon­heur et le mal­heur », dit-il6, « sont vus comme deux choses [dif­fé­rentes par] l’ignorant. Dans la for­tune et l’infortune, le sa­vant [au contraire] se tient d’une seule ma­nière. Il est comme un so­leil le­vant qui ne dé­lais­se­rait pas la nuit ; comme un so­leil cou­chant qui ne dé­lais­se­rait pas la splen­deur du jour ». Telle est sans doute la le­çon la plus utile de ce ré­cit.

  1. En hindi « अर्ध-कथानक ». Par­fois trans­crit « Ard­ha­ka­tha­nak ». Haut
  2. En hindi बनारसीदास. Par­fois trans­crit Banā­rasīdāsa. Haut
  3. p. 89. Haut
  1. p. 76. Haut
  2. p. 92. Haut
  3. p. 72. Haut

« Kabir : une expérience mystique au-delà des religions »

éd. A. Michel, coll. Spiritualités vivantes, Paris

éd. A. Mi­chel, coll. Spi­ri­tua­li­tés vi­vantes, Pa­ris

Il s’agit de Ka­bîr1, sur­nommé « le tis­se­rand de Bé­na­rès », l’un des poètes les plus po­pu­laires de l’Inde, et l’un des fon­da­teurs de la lit­té­ra­ture hindi, bien qu’il n’ait peut-être ja­mais rien écrit (XVe-XVIe siècle apr. J.-C.). Non seule­ment il a em­ployé le hindi, mais il a in­sisté sur l’avantage de se ser­vir de cette langue orale, en s’élevant contre l’emploi du sans­crit et de toute autre langue sa­vante. Car, comme So­crate, Ka­bîr se mé­fiait de l’écriture, qui était pour lui une lettre morte, un si­mu­lacre, et ne ju­geait vraie que la pa­role in­té­rieure de l’âme : « Je n’ai ja­mais tou­ché », dit-il2, « ni encre, ni pa­pier. Ma main ja­mais n’a tenu de plume. La gran­deur des quatre âges, Ka­bîr la fait naître des pa­roles de sa bouche ». Sa re­nom­mée re­pose sur les cinq cents cou­plets (« do­hâs »3) et les cent stances (« pa­das »4) trans­crits par ses dis­ciples, et dont des mor­ceaux choi­sis fi­gurent dans le « Gou­rou Granth Sa­hib », le livre saint des si­khs. Ils se dis­tinguent par leur va­leur poé­tique, par leur conci­sion et in­ten­sité, mais aussi et sur­tout par la ren­contre des deux tra­di­tions is­la­mique et hin­doue. Fils illé­gi­time d’une veuve brah­mane, adopté par un tis­se­rand mu­sul­man, Ka­bîr rê­vait d’amalgamer hin­douisme et is­lam en une seule et même re­li­gion mys­tique. Lui-même se di­sait « l’enfant d’Allah et de Râma » et es­ti­mait que les deux tra­di­tions, mal­gré leurs noms dif­fé­rents, étaient des « pots de la même ar­gile »5. On ra­conte que lorsqu’il fut sur le point de mou­rir, les hin­douistes dé­cla­rèrent qu’il fal­lait le brû­ler ; les mu­sul­mans — qu’il fal­lait l’enterrer. Il s’éteignit re­cou­vert par son drap. Les deux par­tis, après d’interminables que­relles, fi­nirent par s’approcher du ca­davre et sou­le­vèrent le lin­ceul ; mais ils virent qu’il n’y avait que des fleurs, et pas de corps. Les hin­douistes prirent la moi­tié des fleurs, les brû­lèrent et éle­vèrent en cet en­droit un mau­so­lée. Les mu­sul­mans prirent l’autre moi­tié et construi­sirent un sanc­tuaire pour les y mettre. « Il y a donc aujourd’hui à Ma­ghar6 deux mo­nu­ments dé­diés à Ka­bîr », dit Mme Char­lotte Vau­de­ville7. « Dres­sés l’un à côté de l’autre, ils té­moignent de l’irréductible contra­dic­tion que le gé­nie même du ré­for­ma­teur de­vait être fi­na­le­ment im­puis­sant à ré­soudre. Tra­gique des­tin de ce pro­phète de l’unité ! »

  1. En hindi कबीर. Au­tre­fois trans­crit Ca­bir. Haut
  2. « Ka­bir : une ex­pé­rience mys­tique au-delà des re­li­gions », p. 151. Haut
  3. En hindi दोहा. Haut
  4. En hindi पद. Haut
  1. « Ka­bir : une ex­pé­rience mys­tique au-delà des re­li­gions », p. 95 & 11. Haut
  2. En hindi मगहर. Par­fois trans­crit Ma­ga­har. Ville si­tuée dans le dis­trict ac­tuel de Sant Ka­bîr Na­gar. Haut
  3. « Pré­face à “Au ca­ba­ret de l’amour : pa­roles de Ka­bîr” », p. 16. Haut

« Sri Gourou Granth Sahib. Tome IV »

éd. Intellectual Services International, Providenciales

éd. In­tel­lec­tual Ser­vices In­ter­na­tio­nal, Pro­vi­den­ciales

Il s’agit de l’« Adi Granth »1 (le « Pre­mier Livre ») ou « Gou­rou Granth Sa­hib »2 (le « Maître Livre »), le livre saint des si­khs, com­pilé par le cin­quième gou­rou Ar­jan Dev3, puis ré­visé et achevé par le dixième gou­rou Go­bind Singh4. Les si­khs le dé­si­gnent sou­vent sous la vague ap­pel­la­tion de « Granth » (le « Livre »), de même que les chré­tiens citent le leur sous celle de « Bible » (« Bi­blia » si­gni­fiant les « Livres »). Le « Granth » est une œuvre tout à fait unique par rap­port aux ca­nons des autres re­li­gions. Ce qui l’en dis­tingue, c’est qu’il se pré­sente comme une fas­ci­nante an­tho­lo­gie poé­tique, qui ne contient pas seule­ment les psaumes et les hymnes de ses propres fon­da­teurs, comme gou­rou Na­nak5, mais aussi ceux de poètes mys­tiques an­té­rieurs : Ka­bîr, Jaya­deva, Bhi­khan, Nâm-dev… En tout, quinze poètes non si­khs (ap­pe­lés « bha­gats »6) sont in­cor­po­rés au « Granth », dont le plus an­cien est Sheikh Fa­rid né en 1175 apr. J.-C. Les gou­rous, eux, vé­curent entre 1469 et 1708 apr. J.-C. Voilà donc plus de cinq siècles de poé­sie in­dienne, to­ta­li­sant 3 384 poèmes ou 15 575 strophes, et mê­lant le pend­jabi à di­verses autres langues : le sans­crit, le per­san, le hindi… Une tra­di­tion uni­ver­sel­le­ment re­çue rap­porte que le dixième gou­rou, à son lit de mort, ne nomma pas de suc­ces­seur, mais dé­cida que la Pa­role du « Granth » se­rait dé­sor­mais l’éternel gou­rou : « Ici-bas, tous les si­khs sont char­gés de re­con­naître le “Granth” comme leur gou­rou. Re­con­nais “Gou­rou Granth Sa­hib” comme la per­sonne vi­sible des gou­rous. Ceux qui cherchent à ren­con­trer le Sei­gneur dans la Pa­role telle qu’elle s’est ma­ni­fes­tée dans le livre, Le dé­cou­vri­ront »7. De­puis ce jour-là, le « Granth » reste l’unique au­to­rité des si­khs, ainsi que le seul ob­jet de vé­né­ra­tion que l’on voit dans leurs lieux de culte. Leur temple cen­tral, qui s’élève tou­jours à Am­rit­sar8, au mi­lieu de l’étang sa­cré (Am­rit­sar si­gni­fiant « étang de l’immortalité »), ne ren­ferme au­cune idole, mais seule­ment des exem­plaires du « Granth » dé­po­sés sur des cous­sins de soie : « Jour et nuit, sans désem­pa­rer, comme pour réa­li­ser une sorte d’adoration per­pé­tuelle, des “gran­this” chantent sous ces voûtes ré­vé­rées des frag­ments du livre saint en s’accompagnant d’instruments à cordes. Ailleurs les si­khs ont sim­ple­ment des salles d’édification, où un “gran­thi” leur lit… le texte sa­cré », ex­plique Al­bert Ré­ville

  1. En pend­jabi « ਆਦਿ ਗ੍ਰੰਥ ». Par­fois trans­crit « Adi-grant ». Haut
  2. En pend­jabi « ਗੁਰੂ ਗ੍ਰੰਥ ਸਾਹਿਬ ». Par­fois trans­crit « Guru Granth Sa­heb ». Haut
  3. En pend­jabi ਅਰਜਨ ਦੇਵ. Par­fois trans­crit Ar­jun Dev. Haut
  4. En pend­jabi ਗੋਬਿੰਦ ਸਿੰਘ. Par­fois trans­crit Go­vind Singh. Haut
  1. En pend­jabi ਨਾਨਕ. Haut
  2. En pend­jabi ਭਗਤ. Haut
  3. « Le Si­khisme : an­tho­lo­gie de la poé­sie re­li­gieuse », p. 36. Haut
  4. En pend­jabi ਅੰਮ੍ਰਿਤਸਰ. Haut

« Sri Gourou Granth Sahib. Tome III »

éd. Intellectual Services International, Providenciales

éd. In­tel­lec­tual Ser­vices In­ter­na­tio­nal, Pro­vi­den­ciales

Il s’agit de l’« Adi Granth »1 (le « Pre­mier Livre ») ou « Gou­rou Granth Sa­hib »2 (le « Maître Livre »), le livre saint des si­khs, com­pilé par le cin­quième gou­rou Ar­jan Dev3, puis ré­visé et achevé par le dixième gou­rou Go­bind Singh4. Les si­khs le dé­si­gnent sou­vent sous la vague ap­pel­la­tion de « Granth » (le « Livre »), de même que les chré­tiens citent le leur sous celle de « Bible » (« Bi­blia » si­gni­fiant les « Livres »). Le « Granth » est une œuvre tout à fait unique par rap­port aux ca­nons des autres re­li­gions. Ce qui l’en dis­tingue, c’est qu’il se pré­sente comme une fas­ci­nante an­tho­lo­gie poé­tique, qui ne contient pas seule­ment les psaumes et les hymnes de ses propres fon­da­teurs, comme gou­rou Na­nak5, mais aussi ceux de poètes mys­tiques an­té­rieurs : Ka­bîr, Jaya­deva, Bhi­khan, Nâm-dev… En tout, quinze poètes non si­khs (ap­pe­lés « bha­gats »6) sont in­cor­po­rés au « Granth », dont le plus an­cien est Sheikh Fa­rid né en 1175 apr. J.-C. Les gou­rous, eux, vé­curent entre 1469 et 1708 apr. J.-C. Voilà donc plus de cinq siècles de poé­sie in­dienne, to­ta­li­sant 3 384 poèmes ou 15 575 strophes, et mê­lant le pend­jabi à di­verses autres langues : le sans­crit, le per­san, le hindi… Une tra­di­tion uni­ver­sel­le­ment re­çue rap­porte que le dixième gou­rou, à son lit de mort, ne nomma pas de suc­ces­seur, mais dé­cida que la Pa­role du « Granth » se­rait dé­sor­mais l’éternel gou­rou : « Ici-bas, tous les si­khs sont char­gés de re­con­naître le “Granth” comme leur gou­rou. Re­con­nais “Gou­rou Granth Sa­hib” comme la per­sonne vi­sible des gou­rous. Ceux qui cherchent à ren­con­trer le Sei­gneur dans la Pa­role telle qu’elle s’est ma­ni­fes­tée dans le livre, Le dé­cou­vri­ront »7. De­puis ce jour-là, le « Granth » reste l’unique au­to­rité des si­khs, ainsi que le seul ob­jet de vé­né­ra­tion que l’on voit dans leurs lieux de culte. Leur temple cen­tral, qui s’élève tou­jours à Am­rit­sar8, au mi­lieu de l’étang sa­cré (Am­rit­sar si­gni­fiant « étang de l’immortalité »), ne ren­ferme au­cune idole, mais seule­ment des exem­plaires du « Granth » dé­po­sés sur des cous­sins de soie : « Jour et nuit, sans désem­pa­rer, comme pour réa­li­ser une sorte d’adoration per­pé­tuelle, des “gran­this” chantent sous ces voûtes ré­vé­rées des frag­ments du livre saint en s’accompagnant d’instruments à cordes. Ailleurs les si­khs ont sim­ple­ment des salles d’édification, où un “gran­thi” leur lit… le texte sa­cré », ex­plique Al­bert Ré­ville

  1. En pend­jabi « ਆਦਿ ਗ੍ਰੰਥ ». Par­fois trans­crit « Adi-grant ». Haut
  2. En pend­jabi « ਗੁਰੂ ਗ੍ਰੰਥ ਸਾਹਿਬ ». Par­fois trans­crit « Guru Granth Sa­heb ». Haut
  3. En pend­jabi ਅਰਜਨ ਦੇਵ. Par­fois trans­crit Ar­jun Dev. Haut
  4. En pend­jabi ਗੋਬਿੰਦ ਸਿੰਘ. Par­fois trans­crit Go­vind Singh. Haut
  1. En pend­jabi ਨਾਨਕ. Haut
  2. En pend­jabi ਭਗਤ. Haut
  3. « Le Si­khisme : an­tho­lo­gie de la poé­sie re­li­gieuse », p. 36. Haut
  4. En pend­jabi ਅੰਮ੍ਰਿਤਸਰ. Haut

« Sri Gourou Granth Sahib. Tome II »

éd. Intellectual Services International, Providenciales

éd. In­tel­lec­tual Ser­vices In­ter­na­tio­nal, Pro­vi­den­ciales

Il s’agit de l’« Adi Granth »1 (le « Pre­mier Livre ») ou « Gou­rou Granth Sa­hib »2 (le « Maître Livre »), le livre saint des si­khs, com­pilé par le cin­quième gou­rou Ar­jan Dev3, puis ré­visé et achevé par le dixième gou­rou Go­bind Singh4. Les si­khs le dé­si­gnent sou­vent sous la vague ap­pel­la­tion de « Granth » (le « Livre »), de même que les chré­tiens citent le leur sous celle de « Bible » (« Bi­blia » si­gni­fiant les « Livres »). Le « Granth » est une œuvre tout à fait unique par rap­port aux ca­nons des autres re­li­gions. Ce qui l’en dis­tingue, c’est qu’il se pré­sente comme une fas­ci­nante an­tho­lo­gie poé­tique, qui ne contient pas seule­ment les psaumes et les hymnes de ses propres fon­da­teurs, comme gou­rou Na­nak5, mais aussi ceux de poètes mys­tiques an­té­rieurs : Ka­bîr, Jaya­deva, Bhi­khan, Nâm-dev… En tout, quinze poètes non si­khs (ap­pe­lés « bha­gats »6) sont in­cor­po­rés au « Granth », dont le plus an­cien est Sheikh Fa­rid né en 1175 apr. J.-C. Les gou­rous, eux, vé­curent entre 1469 et 1708 apr. J.-C. Voilà donc plus de cinq siècles de poé­sie in­dienne, to­ta­li­sant 3 384 poèmes ou 15 575 strophes, et mê­lant le pend­jabi à di­verses autres langues : le sans­crit, le per­san, le hindi… Une tra­di­tion uni­ver­sel­le­ment re­çue rap­porte que le dixième gou­rou, à son lit de mort, ne nomma pas de suc­ces­seur, mais dé­cida que la Pa­role du « Granth » se­rait dé­sor­mais l’éternel gou­rou : « Ici-bas, tous les si­khs sont char­gés de re­con­naître le “Granth” comme leur gou­rou. Re­con­nais “Gou­rou Granth Sa­hib” comme la per­sonne vi­sible des gou­rous. Ceux qui cherchent à ren­con­trer le Sei­gneur dans la Pa­role telle qu’elle s’est ma­ni­fes­tée dans le livre, Le dé­cou­vri­ront »7. De­puis ce jour-là, le « Granth » reste l’unique au­to­rité des si­khs, ainsi que le seul ob­jet de vé­né­ra­tion que l’on voit dans leurs lieux de culte. Leur temple cen­tral, qui s’élève tou­jours à Am­rit­sar8, au mi­lieu de l’étang sa­cré (Am­rit­sar si­gni­fiant « étang de l’immortalité »), ne ren­ferme au­cune idole, mais seule­ment des exem­plaires du « Granth » dé­po­sés sur des cous­sins de soie : « Jour et nuit, sans désem­pa­rer, comme pour réa­li­ser une sorte d’adoration per­pé­tuelle, des “gran­this” chantent sous ces voûtes ré­vé­rées des frag­ments du livre saint en s’accompagnant d’instruments à cordes. Ailleurs les si­khs ont sim­ple­ment des salles d’édification, où un “gran­thi” leur lit… le texte sa­cré », ex­plique Al­bert Ré­ville

  1. En pend­jabi « ਆਦਿ ਗ੍ਰੰਥ ». Par­fois trans­crit « Adi-grant ». Haut
  2. En pend­jabi « ਗੁਰੂ ਗ੍ਰੰਥ ਸਾਹਿਬ ». Par­fois trans­crit « Guru Granth Sa­heb ». Haut
  3. En pend­jabi ਅਰਜਨ ਦੇਵ. Par­fois trans­crit Ar­jun Dev. Haut
  4. En pend­jabi ਗੋਬਿੰਦ ਸਿੰਘ. Par­fois trans­crit Go­vind Singh. Haut
  1. En pend­jabi ਨਾਨਕ. Haut
  2. En pend­jabi ਭਗਤ. Haut
  3. « Le Si­khisme : an­tho­lo­gie de la poé­sie re­li­gieuse », p. 36. Haut
  4. En pend­jabi ਅੰਮ੍ਰਿਤਸਰ. Haut

« Sri Gourou Granth Sahib. Tome I »

éd. Intellectual Services International, Providenciales

éd. In­tel­lec­tual Ser­vices In­ter­na­tio­nal, Pro­vi­den­ciales

Il s’agit de l’« Adi Granth »1 (le « Pre­mier Livre ») ou « Gou­rou Granth Sa­hib »2 (le « Maître Livre »), le livre saint des si­khs, com­pilé par le cin­quième gou­rou Ar­jan Dev3, puis ré­visé et achevé par le dixième gou­rou Go­bind Singh4. Les si­khs le dé­si­gnent sou­vent sous la vague ap­pel­la­tion de « Granth » (le « Livre »), de même que les chré­tiens citent le leur sous celle de « Bible » (« Bi­blia » si­gni­fiant les « Livres »). Le « Granth » est une œuvre tout à fait unique par rap­port aux ca­nons des autres re­li­gions. Ce qui l’en dis­tingue, c’est qu’il se pré­sente comme une fas­ci­nante an­tho­lo­gie poé­tique, qui ne contient pas seule­ment les psaumes et les hymnes de ses propres fon­da­teurs, comme gou­rou Na­nak5, mais aussi ceux de poètes mys­tiques an­té­rieurs : Ka­bîr, Jaya­deva, Bhi­khan, Nâm-dev… En tout, quinze poètes non si­khs (ap­pe­lés « bha­gats »6) sont in­cor­po­rés au « Granth », dont le plus an­cien est Sheikh Fa­rid né en 1175 apr. J.-C. Les gou­rous, eux, vé­curent entre 1469 et 1708 apr. J.-C. Voilà donc plus de cinq siècles de poé­sie in­dienne, to­ta­li­sant 3 384 poèmes ou 15 575 strophes, et mê­lant le pend­jabi à di­verses autres langues : le sans­crit, le per­san, le hindi… Une tra­di­tion uni­ver­sel­le­ment re­çue rap­porte que le dixième gou­rou, à son lit de mort, ne nomma pas de suc­ces­seur, mais dé­cida que la Pa­role du « Granth » se­rait dé­sor­mais l’éternel gou­rou : « Ici-bas, tous les si­khs sont char­gés de re­con­naître le “Granth” comme leur gou­rou. Re­con­nais “Gou­rou Granth Sa­hib” comme la per­sonne vi­sible des gou­rous. Ceux qui cherchent à ren­con­trer le Sei­gneur dans la Pa­role telle qu’elle s’est ma­ni­fes­tée dans le livre, Le dé­cou­vri­ront »7. De­puis ce jour-là, le « Granth » reste l’unique au­to­rité des si­khs, ainsi que le seul ob­jet de vé­né­ra­tion que l’on voit dans leurs lieux de culte. Leur temple cen­tral, qui s’élève tou­jours à Am­rit­sar8, au mi­lieu de l’étang sa­cré (Am­rit­sar si­gni­fiant « étang de l’immortalité »), ne ren­ferme au­cune idole, mais seule­ment des exem­plaires du « Granth » dé­po­sés sur des cous­sins de soie : « Jour et nuit, sans désem­pa­rer, comme pour réa­li­ser une sorte d’adoration per­pé­tuelle, des “gran­this” chantent sous ces voûtes ré­vé­rées des frag­ments du livre saint en s’accompagnant d’instruments à cordes. Ailleurs les si­khs ont sim­ple­ment des salles d’édification, où un “gran­thi” leur lit… le texte sa­cré », ex­plique Al­bert Ré­ville

  1. En pend­jabi « ਆਦਿ ਗ੍ਰੰਥ ». Par­fois trans­crit « Adi-grant ». Haut
  2. En pend­jabi « ਗੁਰੂ ਗ੍ਰੰਥ ਸਾਹਿਬ ». Par­fois trans­crit « Guru Granth Sa­heb ». Haut
  3. En pend­jabi ਅਰਜਨ ਦੇਵ. Par­fois trans­crit Ar­jun Dev. Haut
  4. En pend­jabi ਗੋਬਿੰਦ ਸਿੰਘ. Par­fois trans­crit Go­vind Singh. Haut
  1. En pend­jabi ਨਾਨਕ. Haut
  2. En pend­jabi ਭਗਤ. Haut
  3. « Le Si­khisme : an­tho­lo­gie de la poé­sie re­li­gieuse », p. 36. Haut
  4. En pend­jabi ਅੰਮ੍ਰਿਤਸਰ. Haut

Tulsî-dâs, « Les Chants nuptiaux »

éd. L’Asiathèque, Paris

éd. L’Asiathèque, Pa­ris

Il s’agit du « Pâr­vatî man­gal »1 et du « Jâ­nakî man­gal »2, deux œuvres mi­neures de Tulsî-dâs, dé­cri­vant l’une le ma­riage de Śiva et de Pâr­vatî, l’autre — ce­lui de Râma et de Sîtâ. Ces deux œuvres se res­semblent beau­coup, non seule­ment par le su­jet et l’inspiration, mais en­core par le style, la langue et la mé­trique : toutes deux ap­par­tiennent au genre du « man­gal ». Un « man­gal » est une chan­son porte-bon­heur des­ti­née à être chan­tée dans cer­taines cé­ré­mo­nies, et en par­ti­cu­lier une « chan­son nup­tiale », un « épi­tha­lame ». Son but, dans ce cas, est de faire connaître aux nou­veaux époux le bon­heur de leur union ; but étrange peut-être, car s’ils ne sentent pas ce bon­heur, pour­quoi se ma­rient-ils ? Mais, en Inde, il y a sur­tout des ma­riages de conve­nance faits par les pa­rents sans que les jeunes époux se soient ja­mais vus, et non des ma­riages d’amour. La chan­son est utile pour conso­ler ces époux qui ne se ma­rient que par obéis­sance, en leur an­non­çant les avan­tages qu’ils au­ront dans l’avenir. « Ceux qui chan­te­ront avec amour ce poème dans les cé­ré­mo­nies heu­reuses et les fêtes nup­tiales », dit Tulsî3, « at­tein­dront la fé­li­cité et la réa­li­sa­tion de leurs dé­sirs. » Le poète a, dans ses des­crip­tions, ac­cordé aux femmes un rôle hors de pro­por­tion : « Les chan­sons de ma­riage in­diennes sont, en ef­fet, à peu près ex­clu­si­ve­ment ré­ser­vées aux sui­vantes de la jeune fille chez la­quelle se dé­roulent les cé­ré­mo­nies », ex­plique M. Jean-Em­ma­nuel Gorse4. Un autre in­té­rêt de ces chan­sons, c’est que la noce qu’elles chantent n’est pas une noce or­di­naire, mais di­vine : « [Elles donnent] pour mo­dèle d’une cé­ré­mo­nie les rites cé­lé­brés dans la même oc­ca­sion [par un] couple di­vin. De ce fait, [ce] sont de vé­ri­tables guides li­tur­giques à l’usage des femmes in­diennes », et en cette qua­lité, elles exercent une grande in­fluence sur la masse du peuple.

  1. En hindi « पार्वती मंगल ». Par­fois trans­crit « Pār­batī-maṅ­gal ». Haut
  2. En hindi « जानकी मंगल ». Par­fois trans­crit « Jankî man­gal ». Jâ­nakî (« fille du roi Ja­naka ») est un autre nom de Sîtâ. Haut
  1. p. 119. Haut
  2. p. 144-145. Haut

Kabîr, « Le Fils de Ram et d’Allah : anthologie de poèmes »

éd. Les Deux Océans, Paris

éd. Les Deux Océans, Pa­ris

Il s’agit de Ka­bîr1, sur­nommé « le tis­se­rand de Bé­na­rès », l’un des poètes les plus po­pu­laires de l’Inde, et l’un des fon­da­teurs de la lit­té­ra­ture hindi, bien qu’il n’ait peut-être ja­mais rien écrit (XVe-XVIe siècle apr. J.-C.). Non seule­ment il a em­ployé le hindi, mais il a in­sisté sur l’avantage de se ser­vir de cette langue orale, en s’élevant contre l’emploi du sans­crit et de toute autre langue sa­vante. Car, comme So­crate, Ka­bîr se mé­fiait de l’écriture, qui était pour lui une lettre morte, un si­mu­lacre, et ne ju­geait vraie que la pa­role in­té­rieure de l’âme : « Je n’ai ja­mais tou­ché », dit-il2, « ni encre, ni pa­pier. Ma main ja­mais n’a tenu de plume. La gran­deur des quatre âges, Ka­bîr la fait naître des pa­roles de sa bouche ». Sa re­nom­mée re­pose sur les cinq cents cou­plets (« do­hâs »3) et les cent stances (« pa­das »4) trans­crits par ses dis­ciples, et dont des mor­ceaux choi­sis fi­gurent dans le « Gou­rou Granth Sa­hib », le livre saint des si­khs. Ils se dis­tinguent par leur va­leur poé­tique, par leur conci­sion et in­ten­sité, mais aussi et sur­tout par la ren­contre des deux tra­di­tions is­la­mique et hin­doue. Fils illé­gi­time d’une veuve brah­mane, adopté par un tis­se­rand mu­sul­man, Ka­bîr rê­vait d’amalgamer hin­douisme et is­lam en une seule et même re­li­gion mys­tique. Lui-même se di­sait « l’enfant d’Allah et de Râma » et es­ti­mait que les deux tra­di­tions, mal­gré leurs noms dif­fé­rents, étaient des « pots de la même ar­gile »5. On ra­conte que lorsqu’il fut sur le point de mou­rir, les hin­douistes dé­cla­rèrent qu’il fal­lait le brû­ler ; les mu­sul­mans — qu’il fal­lait l’enterrer. Il s’éteignit re­cou­vert par son drap. Les deux par­tis, après d’interminables que­relles, fi­nirent par s’approcher du ca­davre et sou­le­vèrent le lin­ceul ; mais ils virent qu’il n’y avait que des fleurs, et pas de corps. Les hin­douistes prirent la moi­tié des fleurs, les brû­lèrent et éle­vèrent en cet en­droit un mau­so­lée. Les mu­sul­mans prirent l’autre moi­tié et construi­sirent un sanc­tuaire pour les y mettre. « Il y a donc aujourd’hui à Ma­ghar6 deux mo­nu­ments dé­diés à Ka­bîr », dit Mme Char­lotte Vau­de­ville7. « Dres­sés l’un à côté de l’autre, ils té­moignent de l’irréductible contra­dic­tion que le gé­nie même du ré­for­ma­teur de­vait être fi­na­le­ment im­puis­sant à ré­soudre. Tra­gique des­tin de ce pro­phète de l’unité ! »

  1. En hindi कबीर. Au­tre­fois trans­crit Ca­bir. Haut
  2. « Ka­bir : une ex­pé­rience mys­tique au-delà des re­li­gions », p. 151. Haut
  3. En hindi दोहा. Haut
  4. En hindi पद. Haut
  1. « Ka­bir : une ex­pé­rience mys­tique au-delà des re­li­gions », p. 95 & 11. Haut
  2. En hindi मगहर. Par­fois trans­crit Ma­ga­har. Ville si­tuée dans le dis­trict ac­tuel de Sant Ka­bîr Na­gar. Haut
  3. « Pré­face à “Au ca­ba­ret de l’amour : pa­roles de Ka­bîr” », p. 16. Haut

Sûr-dâs, « Pastorales »

éd. Gallimard, coll. UNESCO d’œuvres représentatives-Connaissance de l’Orient, Paris

éd. Gal­li­mard, coll. UNESCO d’œuvres re­pré­sen­ta­tives-Connais­sance de l’Orient, Pa­ris

Il s’agit d’une tra­duc­tion par­tielle du « Sûr-sâ­gar »1 (« L’Océan de Sûr-dâs »). C’est une es­pèce de Di­van formé d’un grand nombre de chan­sons res­sem­blant à nos pas­to­rales, même si les Hin­dous leur donnent le titre d’« hymnes re­li­gieux » (« bha­jans »2), parce qu’elles roulent sur les jeux de Kṛṣṇa et de ses épouses. Le su­jet est in­di­qué dans le pre­mier vers de ces chan­sons et se trouve ré­pété à la fin. Le nom de l’auteur, Sûr-dâs3, ap­pa­raît à l’intérieur des vers, se­lon l’usage des poètes our­dous. Ce Sûr-dâs na­quit dans le vil­lage de Sihi, près de Delhi, entre l’an 1478 et 1483 apr. J.-C. On dit qu’il était aveugle, mais doué d’une voyance si di­vine qu’elle lui fit, un jour, de­vi­ner le grain de beauté sur la cuisse de la prin­cesse royale de Delhi ! On ra­conte aussi que lorsqu’il chan­tait, Kṛṣṇa ve­nait et s’asseyait au­près de lui pour l’écouter. Ce dieu lui pro­posa de lui rendre la vue, mais Sûr-dâs re­fusa, di­sant : « Ce­lui qui T’a vu, ne veut plus voir ce monde »4. Aujourd’hui en­core, c’est en chan­tant ses chan­sons que les aveugles en Inde font la quête, eux que le peuple sur­nomme Sûr-dâs. Son œuvre poé­tique est sou­vent com­pa­rée à celle de ses contem­po­rains, Tulsî-dâs et Keśav-dâs, quoiqu’elle n’égale ni la pro­fon­deur du pre­mier, ni la di­ver­sité du se­cond. « Le terme de “dé­vo­tion” ou de “re­li­gion dé­vo­tion­nelle” ne me pa­raît pas [adapté] à la poé­sie de Sûr-dâs », dit Mme Maya Bur­ger5. « Je ne nie pas qu’il s’agisse d’une forme de re­li­gion… mais la no­tion de “jeu scé­nique” me pa­raît plus proche du monde de Sûr-dâs que ce­lui de “dé­vo­tion”. Le poète met en scène le di­vin en par­lant de la réa­lité la plus ba­nale [et] la plus concrète… On peut s’amuser au quo­ti­dien avec les di­vi­ni­tés du monde dé­peint par Sûr-dâs [c’est-à-dire] le monde des ber­gers et pay­sans de la ré­gion de Ma­thura. »

  1. En hindi « सूरसागर ». Par­fois trans­crit « Sour-sâ­gar », « Sur­sa­gara », « Sū­rasā­gar » ou « Sū­rasā­gara ». Haut
  2. En hindi भजन. Haut
  3. En hindi सूरदास. Par­fois trans­crit Soûr-dâs, Sū­radās ou Sū­radāsa. Haut
  1. Dans Chan­dra Swami, « En quête de Dieu : aides et obs­tacles sur la voie spi­ri­tuelle ». Haut
  2. « Gé­rer la re­li­gion des autres en tra­dui­sant », p. 493 & 489. Haut

Kumar, « Épouse »

dans « Les Bienheureuses : nouvelles » (éd. L’Harmattan, coll. Lettres asiatiques-Inde, Paris), p. 101-112

dans « Les Bien­heu­reuses : nou­velles » (éd. L’Harmattan, coll. Lettres asia­tiques-Inde, Pa­ris), p. 101-112

Il s’agit de « Patnî »1 (« Épouse ») de M. Anandi Lal2, plus connu sous le sur­nom de Jai­nen­dra Ku­mar3 (XXe siècle). Pour cet écri­vain et pes­si­miste in­dien, dis­ciple de Gandhi, l’homme est un être qui va ac­cu­mu­lant en lui-même la souf­france — de dou­leur en dou­leur — jusqu’à en être rem­pli. C’est cette souf­france ac­cu­mu­lée qui donne à l’âme une force et une puis­sante cou­leur dont l’éclat res­plen­dit sur la noir­ceur du des­tin hu­main. « Hor­mis ce dou­lou­reux éclat, ce ne sont que té­nèbres… La souf­france de l’âme est le joyau qui fait vivre, c’est le sel de la terre », dit M. Ku­mar4. La vé­rité est donc du côté des humbles et des ré­si­gnés ; elle est dans l’acceptation in­té­grale de cette souf­france en de­hors de la­quelle toute connais­sance est men­songe, toute pré­ten­tion est vain or­gueil. Par son œuvre, M. Ku­mar veut sa­luer ceux qui ont ac­cepté li­bre­ment le poids du des­tin hu­main, qui l’ont porté sans se plaindre, qui ont souf­fert sans un mot, puis qui, le mo­ment venu, au terme de leurs tri­bu­la­tions, s’en sont al­lés de la même fa­çon : en si­lence. « Leur fin, qu’en pen­ser ? Je ne dé­sire rien en pen­ser. Mais je peux quand même avoir cette pen­sée, cette unique pen­sée, que leur [sa­cri­fice] ne peut pas, ne pourra ja­mais s’oublier, et que peut-être leur pu­reté est en elle-même as­sez par­faite pour for­cer les portes du pa­ra­dis à s’ouvrir de­vant eux », dit-il5. « Dans un style in­ci­sif, per­cu­tant… ses ro­mans ex­cellent à dé­peindre l’exacerbation des affres de la vie do­mes­tique d’une couche de la po­pu­la­tion in­dienne — la classe moyenne ur­baine — dont il est issu, en ac­cu­sant un tour vo­lon­tiers pro­vo­cant ; ainsi dans “Su­nîtâ”6, œuvre de 1935 qui fit scan­dale, où se trouve poussé jusqu’à l’extrême le prin­cipe gand­hien de ré­sis­tance pas­sive », ex­pliquent MM. Ro­bert Laf­font et Va­len­tino Bom­piani.

  1. En hindi « पत्नी ». Haut
  2. En hindi आनंदीलाल. Haut
  3. En hindi जैनेंद्रकुमार. Haut
  1. « Un Amour sans me­sure », p. 94. Haut
  2. id. p. 95. Haut
  3. En hindi « सुनीता », in­édit en fran­çais. Par­fois trans­crit « Su­neeta ». Haut

Kumar, « Un Amour sans mesure »

éd. Gallimard, coll. Connaissance de l’Orient, Paris

éd. Gal­li­mard, coll. Connais­sance de l’Orient, Pa­ris

Il s’agit de « Tyâg­pa­tra »1 (« Un Amour sans me­sure », ou lit­té­ra­le­ment « La Lettre de dé­mis­sion ») de M. Anandi Lal2, plus connu sous le sur­nom de Jai­nen­dra Ku­mar3 (XXe siècle). Pour cet écri­vain et pes­si­miste in­dien, dis­ciple de Gandhi, l’homme est un être qui va ac­cu­mu­lant en lui-même la souf­france — de dou­leur en dou­leur — jusqu’à en être rem­pli. C’est cette souf­france ac­cu­mu­lée qui donne à l’âme une force et une puis­sante cou­leur dont l’éclat res­plen­dit sur la noir­ceur du des­tin hu­main. « Hor­mis ce dou­lou­reux éclat, ce ne sont que té­nèbres… La souf­france de l’âme est le joyau qui fait vivre, c’est le sel de la terre », dit M. Ku­mar4. La vé­rité est donc du côté des humbles et des ré­si­gnés ; elle est dans l’acceptation in­té­grale de cette souf­france en de­hors de la­quelle toute connais­sance est men­songe, toute pré­ten­tion est vain or­gueil. Par son œuvre, M. Ku­mar veut sa­luer ceux qui ont ac­cepté li­bre­ment le poids du des­tin hu­main, qui l’ont porté sans se plaindre, qui ont souf­fert sans un mot, puis qui, le mo­ment venu, au terme de leurs tri­bu­la­tions, s’en sont al­lés de la même fa­çon : en si­lence. « Leur fin, qu’en pen­ser ? Je ne dé­sire rien en pen­ser. Mais je peux quand même avoir cette pen­sée, cette unique pen­sée, que leur [sa­cri­fice] ne peut pas, ne pourra ja­mais s’oublier, et que peut-être leur pu­reté est en elle-même as­sez par­faite pour for­cer les portes du pa­ra­dis à s’ouvrir de­vant eux », dit-il5. « Dans un style in­ci­sif, per­cu­tant… ses ro­mans ex­cellent à dé­peindre l’exacerbation des affres de la vie do­mes­tique d’une couche de la po­pu­la­tion in­dienne — la classe moyenne ur­baine — dont il est issu, en ac­cu­sant un tour vo­lon­tiers pro­vo­cant ; ainsi dans “Su­nîtâ”6, œuvre de 1935 qui fit scan­dale, où se trouve poussé jusqu’à l’extrême le prin­cipe gand­hien de ré­sis­tance pas­sive », ex­pliquent MM. Ro­bert Laf­font et Va­len­tino Bom­piani.

  1. En hindi « त्यागपत्र ». Par­fois trans­crit « Tyāg patr » ou « Tyā­ga­pa­tra ». Haut
  2. En hindi आनंदीलाल. Haut
  3. En hindi जैनेंद्रकुमार. Haut
  1. « Un Amour sans me­sure », p. 94. Haut
  2. id. p. 95. Haut
  3. En hindi « सुनीता », in­édit en fran­çais. Par­fois trans­crit « Su­neeta ». Haut

Tulsî-dâs, « Le Lac spirituel : un chef-d’œuvre de la poésie religieuse indienne »

éd. Librairie d’Amérique et d’Orient A. Maisonneuve, Paris

éd. Li­brai­rie d’Amérique et d’Orient A. Mai­son­neuve, Pa­ris

Il s’agit d’une tra­duc­tion par­tielle du « Râm-ca­rit-mâ­nas »1 (« Le Lac spi­ri­tuel de la geste de Râma »), qu’on ap­pelle aussi le « Tulsî-kṛt Râ­mâyaṇ »2, c’est-à-dire le « Râ­mâyaṇa com­posé par Tulsî », pour le dis­tin­guer de l’ancienne épo­pée en sans­crit, le « Râ­mâyaṇa », at­tri­buée au sage Vâl­mîki. Il suf­fit d’ouvrir le « Râm-ca­rit-mâ­nas » pour voir com­bien Tulsî-dâs3 a em­prunté à Vâl­mîki, com­bien il l’a suivi à chaque pas et même dans toutes les in­ven­tions, qui ne sont chez lui, à bien des égards, que des imi­ta­tions. « C’est une com­po­si­tion qui, l’intention re­li­gieuse à part, res­semble à quelque chose d’une imi­ta­tion fort libre et — j’ose le dire — tout à fait ar­bi­traire, où Tulsî-dâs… a voulu peut-être évi­ter sou­vent d’être long, mais, au lieu d’émonder les branches pa­ra­sites, a coupé des ra­meaux utiles », ex­plique Hip­po­lyte Fauche4. Ce­pen­dant, tout en l’imitant, Tulsî-dâs a cru de­voir faire au­tre­ment que Vâl­mîki ; il a fait non pas mieux — c’eût été une tâche au-des­sus de ses forces — mais plus froid, plus em­pesé, plus dé­vot. Son Râma n’est plus un hé­ros qui parle, c’est un dieu dont l’élément hu­main s’est éva­poré com­plè­te­ment : « Le mer­veilleux en est-il aug­menté ? Loin de là ! Il s’en trouve af­fai­bli, car le mer­veilleux était dans l’union inef­fable de ces deux na­tures ; et main­te­nant on ne sent plus dans le dieu un cœur d’homme, où vienne se ré­chauf­fer un sang hu­main… ; et l’on a perdu le charme de re­con­naître ici dans le dieu cet “Homo sum : hu­mani nil a me alie­num puto” », conclut Fauche5. Le fait que le « Râm-ca­rit-mâ­nas » a été com­posé en langue vul­gaire (en hindi) et non en langue sa­vante (en sans­crit) ex­plique à la fois son im­mense po­pu­la­rité au­près des masses hin­doues, et les cri­tiques quel­que­fois dé­dai­gneuses, mais quel­que­fois aussi jus­ti­fiées, que lui ont adres­sées les let­trés du pays. Tulsî en avait conscience, et nous en avons la preuve dans la cu­rieuse apo­lo­gie qu’il a mise en tête du « Râm-ca­rit-mâ­nas » : « Les sa­vants poé­ti­ciens, dé­nués de ten­dresse pour Râma, pren­dront plai­sir à se gaus­ser de mon poème », dit-il, « car il est en langue vul­gaire, et mon es­prit est faible ! Oui, il mé­rite qu’on en rie — et qu’importe si l’on en rit !… Les cœurs nobles me par­don­ne­ront ma té­mé­rité, et ils écou­te­ront avec bien­veillance mes pro­pos en­fan­tins, comme un père et une mère écoutent avec joie les bal­bu­tie­ments de leur pe­tit en­fant ! »

  1. En hindi « रामचरितमानस ». Par­fois trans­crit « Ram-cha­rit-ma­nas », « Ram­cha­ri­ta­ma­nasa », « Rā­ma­ca­ri­tamā­nas » ou « Rā­ma­ca­ri­tamā­nasa ». Haut
  2. En hindi « तुलसीकृत रामायण ». Haut
  3. En hindi तुलसीदास. Par­fois trans­crit Toulsi-das, Tulcî-dâs, Tu­lasīdāsa ou Tu­lasīdās. Haut
  1. « Râ­mâyana : poème sans­crit ; tra­duit en fran­çais pour la pre­mière fois par Hip­po­lyte Fauche. Tome VII », p. CLIX. Haut
  2. id. p. CXXIV. Haut

Tulsî-dâs, « Le Rāmāyan »

éd. Les Belles Lettres, coll. UNESCO d’œuvres représentatives-Le Monde indien, Paris

éd. Les Belles Lettres, coll. UNESCO d’œuvres re­pré­sen­ta­tives-Le Monde in­dien, Pa­ris

Il s’agit d’une tra­duc­tion par­tielle du « Râm-ca­rit-mâ­nas »1 (« Le Lac spi­ri­tuel de la geste de Râma »), qu’on ap­pelle aussi le « Tulsî-kṛt Râ­mâyaṇ »2, c’est-à-dire le « Râ­mâyaṇa com­posé par Tulsî », pour le dis­tin­guer de l’ancienne épo­pée en sans­crit, le « Râ­mâyaṇa », at­tri­buée au sage Vâl­mîki. Il suf­fit d’ouvrir le « Râm-ca­rit-mâ­nas » pour voir com­bien Tulsî-dâs3 a em­prunté à Vâl­mîki, com­bien il l’a suivi à chaque pas et même dans toutes les in­ven­tions, qui ne sont chez lui, à bien des égards, que des imi­ta­tions. « C’est une com­po­si­tion qui, l’intention re­li­gieuse à part, res­semble à quelque chose d’une imi­ta­tion fort libre et — j’ose le dire — tout à fait ar­bi­traire, où Tulsî-dâs… a voulu peut-être évi­ter sou­vent d’être long, mais, au lieu d’émonder les branches pa­ra­sites, a coupé des ra­meaux utiles », ex­plique Hip­po­lyte Fauche4. Ce­pen­dant, tout en l’imitant, Tulsî-dâs a cru de­voir faire au­tre­ment que Vâl­mîki ; il a fait non pas mieux — c’eût été une tâche au-des­sus de ses forces — mais plus froid, plus em­pesé, plus dé­vot. Son Râma n’est plus un hé­ros qui parle, c’est un dieu dont l’élément hu­main s’est éva­poré com­plè­te­ment : « Le mer­veilleux en est-il aug­menté ? Loin de là ! Il s’en trouve af­fai­bli, car le mer­veilleux était dans l’union inef­fable de ces deux na­tures ; et main­te­nant on ne sent plus dans le dieu un cœur d’homme, où vienne se ré­chauf­fer un sang hu­main… ; et l’on a perdu le charme de re­con­naître ici dans le dieu cet “Homo sum : hu­mani nil a me alie­num puto” », conclut Fauche5. Le fait que le « Râm-ca­rit-mâ­nas » a été com­posé en langue vul­gaire (en hindi) et non en langue sa­vante (en sans­crit) ex­plique à la fois son im­mense po­pu­la­rité au­près des masses hin­doues, et les cri­tiques quel­que­fois dé­dai­gneuses, mais quel­que­fois aussi jus­ti­fiées, que lui ont adres­sées les let­trés du pays. Tulsî en avait conscience, et nous en avons la preuve dans la cu­rieuse apo­lo­gie qu’il a mise en tête du « Râm-ca­rit-mâ­nas » : « Les sa­vants poé­ti­ciens, dé­nués de ten­dresse pour Râma, pren­dront plai­sir à se gaus­ser de mon poème », dit-il, « car il est en langue vul­gaire, et mon es­prit est faible ! Oui, il mé­rite qu’on en rie — et qu’importe si l’on en rit !… Les cœurs nobles me par­don­ne­ront ma té­mé­rité, et ils écou­te­ront avec bien­veillance mes pro­pos en­fan­tins, comme un père et une mère écoutent avec joie les bal­bu­tie­ments de leur pe­tit en­fant ! »

  1. En hindi « रामचरितमानस ». Par­fois trans­crit « Ram-cha­rit-ma­nas », « Ram­cha­ri­ta­ma­nasa », « Rā­ma­ca­ri­tamā­nas » ou « Rā­ma­ca­ri­tamā­nasa ». Haut
  2. En hindi « तुलसीकृत रामायण ». Haut
  3. En hindi तुलसीदास. Par­fois trans­crit Toulsi-das, Tulcî-dâs, Tu­lasīdāsa ou Tu­lasīdās. Haut
  1. « Râ­mâyana : poème sans­crit ; tra­duit en fran­çais pour la pre­mière fois par Hip­po­lyte Fauche. Tome VII », p. CLIX. Haut
  2. id. p. CXXIV. Haut