« Sri Gourou Granth Sahib. Tome II »

éd. Intellectual Services International, Providenciales

éd. In­tel­lec­tual Ser­vices In­ter­na­tio­nal, Pro­vi­den­ciales

Il s’agit de l’« Adi Granth »1 (le « Pre­mier Livre ») ou « Gou­rou Granth Sa­hib »2 (le « Maître Livre »), le livre saint des si­khs, com­pilé par le cin­quième gou­rou Ar­jan Dev3, puis ré­visé et achevé par le dixième gou­rou Go­bind Singh4. Les si­khs le dé­si­gnent sou­vent sous la vague ap­pel­la­tion de « Granth » (le « Livre »), de même que les chré­tiens citent le leur sous celle de « Bible » (« Bi­blia » si­gni­fiant les « Livres »). Le « Granth » est une œuvre tout à fait unique par rap­port aux ca­nons des autres re­li­gions. Ce qui l’en dis­tingue, c’est qu’il se pré­sente comme une fas­ci­nante an­tho­lo­gie poé­tique, qui ne contient pas seule­ment les psaumes et les hymnes de ses propres fon­da­teurs, comme gou­rou Na­nak5, mais aussi ceux de poètes mys­tiques an­té­rieurs : Ka­bîr, Jaya­deva, Bhi­khan, Nâm-dev… En tout, quinze poètes non si­khs (ap­pe­lés « bha­gats »6) sont in­cor­po­rés au « Granth », dont le plus an­cien est Sheikh Fa­rid né en 1175 apr. J.-C. Les gou­rous, eux, vé­curent entre 1469 et 1708 apr. J.-C. Voilà donc plus de cinq siècles de poé­sie in­dienne, to­ta­li­sant 3 384 poèmes ou 15 575 strophes, et mê­lant le pend­jabi à di­verses autres langues : le sans­crit, le per­san, le hindi… Une tra­di­tion uni­ver­sel­le­ment re­çue rap­porte que le dixième gou­rou, à son lit de mort, ne nomma pas de suc­ces­seur, mais dé­cida que la Pa­role du « Granth » se­rait dé­sor­mais l’éternel gou­rou : « Ici-bas, tous les si­khs sont char­gés de re­con­naître le “Granth” comme leur gou­rou. Re­con­nais “Gou­rou Granth Sa­hib” comme la per­sonne vi­sible des gou­rous. Ceux qui cherchent à ren­con­trer le Sei­gneur dans la Pa­role telle qu’elle s’est ma­ni­fes­tée dans le livre, Le dé­cou­vri­ront »7. De­puis ce jour-là, le « Granth » reste l’unique au­to­rité des si­khs, ainsi que le seul ob­jet de vé­né­ra­tion que l’on voit dans leurs lieux de culte. Leur temple cen­tral, qui s’élève tou­jours à Am­rit­sar8, au mi­lieu de l’étang sa­cré (Am­rit­sar si­gni­fiant « étang de l’immortalité »), ne ren­ferme au­cune idole, mais seule­ment des exem­plaires du « Granth » dé­po­sés sur des cous­sins de soie : « Jour et nuit, sans désem­pa­rer, comme pour réa­li­ser une sorte d’adoration per­pé­tuelle, des “gran­this” chantent sous ces voûtes ré­vé­rées des frag­ments du livre saint en s’accompagnant d’instruments à cordes. Ailleurs les si­khs ont sim­ple­ment des salles d’édification, où un “gran­thi” leur lit… le texte sa­cré », ex­plique Al­bert Ré­ville9.

une œuvre tout à fait unique par rap­port aux ca­nons des autres re­li­gions

La phi­lo­so­phie du « Granth » est un mes­sage d’amour, de conten­te­ment spi­ri­tuel, ainsi qu’une édu­ca­tion de bien­veillance hu­maine et de pu­reté. De l’hindouisme, elle re­tient la quête de l’éveil, mais pas les sa­cri­fices, ni la sou­mis­sion aux castes. De l’islam, elle adopte le mo­no­théisme, mais pas le Co­ran, ni ses lois. En se ser­vant de la plus haute poé­sie, elle montre com­ment me­ner dans le monde une vie digne d’être vé­cue, ce qui l’élève au rang d’une re­li­gion uni­ver­selle. « “Bâ­tis le ra­deau de la contem­pla­tion ; sur lui, tu tra­ver­se­ras l’océan de la vie sans obs­truc­tion ; et tu ne te heur­te­ras ni à l’océan ni à la ma­rée… Ce­lui qui mate son ego, se dé­pouille du ‘moi’ et s’embellit de cette fa­çon. Par le Verbe du gou­rou, il ra­masse le Nec­tar du Sei­gneur… Alors, le va-et-vient se ter­mine, [il] aper­çoit par­tout le Sei­gneur.”10 Dans un lan­gage très sym­bo­lique, ce poème ré­sume ad­mi­ra­ble­ment l’enseignement [sikh]. L’ego de l’homme… est pri­son­nier de la vie ma­té­rielle et de ses fautes, re­pré­sen­tées par l’océan et la ma­rée. À cause d’elles, l’homme ne peut échap­per au “va-et-vient” de la trans­mi­gra­tion… Il ne peut at­teindre l’autre rive, celle de l’émancipation fi­nale, qui est, pour [les si­khs], sy­no­nyme de fin de la sé­pa­ra­tion, de fu­sion dé­fi­ni­tive en Dieu, [qu’en] pu­ri­fiant son es­sence spi­ri­tuelle, la dé­ga­geant de la gangue du “moi-je” et se ren­dant par là agréable à Dieu », ex­plique M. De­nis Ma­tringe11.

Voici un pas­sage qui don­nera une idée du style du « Granth » :
« Les riches s’enorgueillissent de leurs ri­chesses ;
Les pro­prié­taires s’enorgueillissent de leurs ter­rains ;
Le roi s’enorgueillit de son ter­ri­toire ;
Mais pour [le] dé­vot, c’est Son sup­port qui est tout.
Si quelqu’un s’appuie sur le vrai, le Sei­gneur,
Le Maître l’aide de tout Son pou­voir, et il ne connaît pas la dé­faite.
Lorsqu’on aban­donne tout autre sup­port et qu’on cherche le re­fuge du Sei­gneur…
Le Sei­gneur vient ha­bi­ter notre es­prit
 »12.

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Consultez cette bibliographie succincte en langue française

  1. En pend­jabi « ਆਦਿ ਗ੍ਰੰਥ ». Par­fois trans­crit « Adi-grant ». Haut
  2. En pend­jabi « ਗੁਰੂ ਗ੍ਰੰਥ ਸਾਹਿਬ ». Par­fois trans­crit « Guru Granth Sa­heb ». Haut
  3. En pend­jabi ਅਰਜਨ ਦੇਵ. Par­fois trans­crit Ar­jun Dev. Haut
  4. En pend­jabi ਗੋਬਿੰਦ ਸਿੰਘ. Par­fois trans­crit Go­vind Singh. Haut
  5. En pend­jabi ਨਾਨਕ. Haut
  6. En pend­jabi ਭਗਤ. Haut
  1. « Le Si­khisme : an­tho­lo­gie de la poé­sie re­li­gieuse », p. 36. Haut
  2. En pend­jabi ਅੰਮ੍ਰਿਤਸਰ. Haut
  3. « Les Si­khs », p. 427. Haut
  4. « Tome III », p. 869. Haut
  5. « Les Si­khs : his­toire et tra­di­tion », p. 61-62. Haut
  6. p. 813. Haut