Il s’agit de Kabîr 1, surnommé « le tisserand de Bénarès », l’un des poètes les plus populaires de l’Inde, et l’un des fondateurs de la littérature hindi, bien qu’il n’ait peut-être jamais rien écrit (XVe-XVIe siècle apr. J.-C.). Non seulement il a employé le hindi, mais il a insisté sur l’avantage de se servir de cette langue orale, en s’élevant contre l’emploi du sanscrit et de toute autre langue savante. Car, comme Socrate, Kabîr se méfiait de l’écriture, qui était pour lui une lettre morte, un simulacre, et ne jugeait vraie que la parole intérieure de l’âme : « Je n’ai jamais touché », dit-il 2, « ni encre, ni papier. Ma main jamais n’a tenu de plume. La grandeur des quatre âges, Kabîr la fait naître des paroles de sa bouche ». Sa renommée repose sur les cinq cents couplets (« dohâs » 3) et les cent stances (« padas » 4) transcrits par ses disciples, et dont des morceaux choisis figurent dans le « Gourou Granth Sahib », le livre saint des sikhs. Ils se distinguent par leur valeur poétique, par leur concision et intensité, mais aussi et surtout par la rencontre des deux traditions islamique et hindoue. Fils illégitime d’une veuve brahmane, adopté par un tisserand musulman, Kabîr rêvait d’amalgamer hindouisme et islam en une seule et même religion mystique. Lui-même se disait « l’enfant d’Allah et de Râma » et estimait que les deux traditions, malgré leurs noms différents, étaient des « pots de la même argile » 5. On raconte que lorsqu’il fut sur le point de mourir, les hindouistes déclarèrent qu’il fallait le brûler ; les musulmans — qu’il fallait l’enterrer. Il s’éteignit recouvert par son drap. Les deux partis, après d’interminables querelles, finirent par s’approcher du cadavre et soulevèrent le linceul ; mais ils virent qu’il n’y avait que des fleurs, et pas de corps. Les hindouistes prirent la moitié des fleurs, les brûlèrent et élevèrent en cet endroit un mausolée. Les musulmans prirent l’autre moitié et construisirent un sanctuaire pour les y mettre. « Il y a donc aujourd’hui à Maghar 6 deux monuments dédiés à Kabîr », dit Mme Charlotte Vaudeville 7. « Dressés l’un à côté de l’autre, ils témoignent de l’irréductible contradiction que le génie même du réformateur devait être finalement impuissant à résoudre. Tragique destin de ce prophète de l’unité ! »
poésie religieuse
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« Sri Gourou Granth Sahib. Tome IV »
Il s’agit de l’« Adi Granth » 1 (le « Premier Livre ») ou « Gourou Granth Sahib » 2 (le « Maître Livre »), le livre saint des sikhs, compilé par le cinquième gourou Arjan Dev 3, puis révisé et achevé par le dixième gourou Gobind Singh 4. Les sikhs le désignent souvent sous la vague appellation de « Granth » (le « Livre »), de même que les chrétiens citent le leur sous celle de « Bible » (« Biblia » signifiant les « Livres »). Le « Granth » est une œuvre tout à fait unique par rapport aux canons des autres religions. Ce qui l’en distingue, c’est qu’il se présente comme une fascinante anthologie poétique, qui ne contient pas seulement les psaumes et les hymnes de ses propres fondateurs, comme gourou Nanak 5, mais aussi ceux de poètes mystiques antérieurs : Kabîr, Jayadeva, Bhikhan, Nâm-dev… En tout, quinze poètes non sikhs (appelés « bhagats » 6) sont incorporés au « Granth », dont le plus ancien est Sheikh Farid né en 1175 apr. J.-C. Les gourous, eux, vécurent entre 1469 et 1708 apr. J.-C. Voilà donc plus de cinq siècles de poésie indienne, totalisant 3 384 poèmes ou 15 575 strophes, et mêlant le pendjabi à diverses autres langues : le sanscrit, le persan, le hindi… Une tradition universellement reçue rapporte que le dixième gourou, à son lit de mort, ne nomma pas de successeur, mais décida que la Parole du « Granth » serait désormais l’éternel gourou : « Ici-bas, tous les sikhs sont chargés de reconnaître le “Granth” comme leur gourou. Reconnais “Gourou Granth Sahib” comme la personne visible des gourous. Ceux qui cherchent à rencontrer le Seigneur dans la Parole telle qu’elle s’est manifestée dans le livre, Le découvriront » 7. Depuis ce jour-là, le « Granth » reste l’unique autorité des sikhs, ainsi que le seul objet de vénération que l’on voit dans leurs lieux de culte. Leur temple central, qui s’élève toujours à Amritsar 8, au milieu de l’étang sacré (Amritsar signifiant « étang de l’immortalité »), ne renferme aucune idole, mais seulement des exemplaires du « Granth » déposés sur des coussins de soie : « Jour et nuit, sans désemparer, comme pour réaliser une sorte d’adoration perpétuelle, des “granthis” chantent sous ces voûtes révérées des fragments du livre saint en s’accompagnant d’instruments à cordes. Ailleurs les sikhs ont simplement des salles d’édification, où un “granthi” leur lit… le texte sacré », explique Albert Réville
« Sri Gourou Granth Sahib. Tome III »
Il s’agit de l’« Adi Granth » 1 (le « Premier Livre ») ou « Gourou Granth Sahib » 2 (le « Maître Livre »), le livre saint des sikhs, compilé par le cinquième gourou Arjan Dev 3, puis révisé et achevé par le dixième gourou Gobind Singh 4. Les sikhs le désignent souvent sous la vague appellation de « Granth » (le « Livre »), de même que les chrétiens citent le leur sous celle de « Bible » (« Biblia » signifiant les « Livres »). Le « Granth » est une œuvre tout à fait unique par rapport aux canons des autres religions. Ce qui l’en distingue, c’est qu’il se présente comme une fascinante anthologie poétique, qui ne contient pas seulement les psaumes et les hymnes de ses propres fondateurs, comme gourou Nanak 5, mais aussi ceux de poètes mystiques antérieurs : Kabîr, Jayadeva, Bhikhan, Nâm-dev… En tout, quinze poètes non sikhs (appelés « bhagats » 6) sont incorporés au « Granth », dont le plus ancien est Sheikh Farid né en 1175 apr. J.-C. Les gourous, eux, vécurent entre 1469 et 1708 apr. J.-C. Voilà donc plus de cinq siècles de poésie indienne, totalisant 3 384 poèmes ou 15 575 strophes, et mêlant le pendjabi à diverses autres langues : le sanscrit, le persan, le hindi… Une tradition universellement reçue rapporte que le dixième gourou, à son lit de mort, ne nomma pas de successeur, mais décida que la Parole du « Granth » serait désormais l’éternel gourou : « Ici-bas, tous les sikhs sont chargés de reconnaître le “Granth” comme leur gourou. Reconnais “Gourou Granth Sahib” comme la personne visible des gourous. Ceux qui cherchent à rencontrer le Seigneur dans la Parole telle qu’elle s’est manifestée dans le livre, Le découvriront » 7. Depuis ce jour-là, le « Granth » reste l’unique autorité des sikhs, ainsi que le seul objet de vénération que l’on voit dans leurs lieux de culte. Leur temple central, qui s’élève toujours à Amritsar 8, au milieu de l’étang sacré (Amritsar signifiant « étang de l’immortalité »), ne renferme aucune idole, mais seulement des exemplaires du « Granth » déposés sur des coussins de soie : « Jour et nuit, sans désemparer, comme pour réaliser une sorte d’adoration perpétuelle, des “granthis” chantent sous ces voûtes révérées des fragments du livre saint en s’accompagnant d’instruments à cordes. Ailleurs les sikhs ont simplement des salles d’édification, où un “granthi” leur lit… le texte sacré », explique Albert Réville
« Sri Gourou Granth Sahib. Tome II »
Il s’agit de l’« Adi Granth » 1 (le « Premier Livre ») ou « Gourou Granth Sahib » 2 (le « Maître Livre »), le livre saint des sikhs, compilé par le cinquième gourou Arjan Dev 3, puis révisé et achevé par le dixième gourou Gobind Singh 4. Les sikhs le désignent souvent sous la vague appellation de « Granth » (le « Livre »), de même que les chrétiens citent le leur sous celle de « Bible » (« Biblia » signifiant les « Livres »). Le « Granth » est une œuvre tout à fait unique par rapport aux canons des autres religions. Ce qui l’en distingue, c’est qu’il se présente comme une fascinante anthologie poétique, qui ne contient pas seulement les psaumes et les hymnes de ses propres fondateurs, comme gourou Nanak 5, mais aussi ceux de poètes mystiques antérieurs : Kabîr, Jayadeva, Bhikhan, Nâm-dev… En tout, quinze poètes non sikhs (appelés « bhagats » 6) sont incorporés au « Granth », dont le plus ancien est Sheikh Farid né en 1175 apr. J.-C. Les gourous, eux, vécurent entre 1469 et 1708 apr. J.-C. Voilà donc plus de cinq siècles de poésie indienne, totalisant 3 384 poèmes ou 15 575 strophes, et mêlant le pendjabi à diverses autres langues : le sanscrit, le persan, le hindi… Une tradition universellement reçue rapporte que le dixième gourou, à son lit de mort, ne nomma pas de successeur, mais décida que la Parole du « Granth » serait désormais l’éternel gourou : « Ici-bas, tous les sikhs sont chargés de reconnaître le “Granth” comme leur gourou. Reconnais “Gourou Granth Sahib” comme la personne visible des gourous. Ceux qui cherchent à rencontrer le Seigneur dans la Parole telle qu’elle s’est manifestée dans le livre, Le découvriront » 7. Depuis ce jour-là, le « Granth » reste l’unique autorité des sikhs, ainsi que le seul objet de vénération que l’on voit dans leurs lieux de culte. Leur temple central, qui s’élève toujours à Amritsar 8, au milieu de l’étang sacré (Amritsar signifiant « étang de l’immortalité »), ne renferme aucune idole, mais seulement des exemplaires du « Granth » déposés sur des coussins de soie : « Jour et nuit, sans désemparer, comme pour réaliser une sorte d’adoration perpétuelle, des “granthis” chantent sous ces voûtes révérées des fragments du livre saint en s’accompagnant d’instruments à cordes. Ailleurs les sikhs ont simplement des salles d’édification, où un “granthi” leur lit… le texte sacré », explique Albert Réville
« Sri Gourou Granth Sahib. Tome I »
Il s’agit de l’« Adi Granth » 1 (le « Premier Livre ») ou « Gourou Granth Sahib » 2 (le « Maître Livre »), le livre saint des sikhs, compilé par le cinquième gourou Arjan Dev 3, puis révisé et achevé par le dixième gourou Gobind Singh 4. Les sikhs le désignent souvent sous la vague appellation de « Granth » (le « Livre »), de même que les chrétiens citent le leur sous celle de « Bible » (« Biblia » signifiant les « Livres »). Le « Granth » est une œuvre tout à fait unique par rapport aux canons des autres religions. Ce qui l’en distingue, c’est qu’il se présente comme une fascinante anthologie poétique, qui ne contient pas seulement les psaumes et les hymnes de ses propres fondateurs, comme gourou Nanak 5, mais aussi ceux de poètes mystiques antérieurs : Kabîr, Jayadeva, Bhikhan, Nâm-dev… En tout, quinze poètes non sikhs (appelés « bhagats » 6) sont incorporés au « Granth », dont le plus ancien est Sheikh Farid né en 1175 apr. J.-C. Les gourous, eux, vécurent entre 1469 et 1708 apr. J.-C. Voilà donc plus de cinq siècles de poésie indienne, totalisant 3 384 poèmes ou 15 575 strophes, et mêlant le pendjabi à diverses autres langues : le sanscrit, le persan, le hindi… Une tradition universellement reçue rapporte que le dixième gourou, à son lit de mort, ne nomma pas de successeur, mais décida que la Parole du « Granth » serait désormais l’éternel gourou : « Ici-bas, tous les sikhs sont chargés de reconnaître le “Granth” comme leur gourou. Reconnais “Gourou Granth Sahib” comme la personne visible des gourous. Ceux qui cherchent à rencontrer le Seigneur dans la Parole telle qu’elle s’est manifestée dans le livre, Le découvriront » 7. Depuis ce jour-là, le « Granth » reste l’unique autorité des sikhs, ainsi que le seul objet de vénération que l’on voit dans leurs lieux de culte. Leur temple central, qui s’élève toujours à Amritsar 8, au milieu de l’étang sacré (Amritsar signifiant « étang de l’immortalité »), ne renferme aucune idole, mais seulement des exemplaires du « Granth » déposés sur des coussins de soie : « Jour et nuit, sans désemparer, comme pour réaliser une sorte d’adoration perpétuelle, des “granthis” chantent sous ces voûtes révérées des fragments du livre saint en s’accompagnant d’instruments à cordes. Ailleurs les sikhs ont simplement des salles d’édification, où un “granthi” leur lit… le texte sacré », explique Albert Réville
Toukâ-râm, « Psaumes du pèlerin »
Il s’agit de Toukâ-râm 1, poète mystique marathe (XVIIe siècle apr. J.-C.), dont les milliers de « Psaumes » (« Abhang » 2) montrent la plus haute inspiration et constituent l’un des points culminants de la poésie religieuse hindoue. La vie de ce petit boutiquier devenu célèbre dévot nous est bien connue, autant grâce aux détails qu’il nous fournit lui-même dans certains de ses « Psaumes » que grâce aux relations de ses disciples. Son père avait une boutique dans un obscur village, perdu au milieu des terres à millet. Et quelle boutique ! Une pauvre échoppe plutôt, où le propriétaire se tenait accroupi au milieu de son étalage, entre des sacs de grains et des bottes de piments. Mais tous les ans, pendant trois semaines, il fermait la boutique et, avec son fils, il prenait le chemin du pèlerinage de Pandharpour. Trois semaines merveilleuses ! Ils traversaient des villages pavoisés pour l’arrivée des pèlerins, comme s’il s’était agi de l’arrivée d’un roi. À chaque étape où ils s’arrêtaient, c’était la fête, le bruit, les rires ! Enfin, l’enchantement de Pandharpour : « Adieu, adieu, Pandharpour ! », dit Toukâ-râm (psaume XXIV). « Les pèlerins se mettent en voie. Ils marchent dans le souvenir des cérémonies qu’ils ont vues. Paroles dites ou entendues ont gravé l’amour en leur cœur. Ils vont, parmi les bannières ocres, les cymbales et les tambours. Ils se racontent leur bonheur. » Mais tout ce bonheur s’évanouit le jour où le père de Toukâ-râm mourut. Plus de jeux, plus de prières ! Un cauchemar de soucis s’abattit sur les épaules de Toukâ-râm, qui devint, à quinze ans, boutiquier à son tour. Et voici que survint une année de grande famine. L’épouse qu’il avait prise entre-temps, mourut en gémissant : « Du pain, du pain ! » (psaume II). Ce malheur le couvrit de honte : « La vie », dit-il, « me devint insupportable ; mon commerce périclitait sous mes yeux… Je décidai alors de suivre mon ancien penchant [pour les dévotions]. À la fête du onzième jour 3, je me mis à chanter l’office ; mon esprit, sans pratique, était gauche. J’appris par cœur, dans la confiance et le respect, certaines paroles des saints ; quand ils entonnaient un psaume, je reprenais après eux le refrain : la foi purifia mon esprit ». Peu à peu on vint l’écouter. Les disciples se firent de plus en plus nombreux autour de lui. Mais il dut faire face, en même temps, à une sourde opposition du milieu brahmanique, qui voyait d’un mauvais œil l’ascension de ce paysan illettré. L’orage éclata le jour où une brahmane vint demander à Toukâ-râm de lui accorder l’initiation. Les autorités furent alertées, et des sanctions — ordonnées. Toukâ-râm s’y soumit : entouré de ses disciples en larmes, il descendit près de l’eau et lança, comme requis, les cahiers de ses « Psaumes » dans la rivière. Puis, il s’assit sur le bord et entra en méditation. Pendant treize jours, il resta sans manger, plongé dans une prière intense. Enfin, il dit : « Depuis treize jours je jeûne, et Toi, [mon Dieu], Tu n’es pas encore venu !… Je vais détruire ma vie, [mon Dieu]. Me voici maintenant à bout… Je pars noyer mon souffle dans la Candrabhâga 4 » (psaume L). À ces mots, les cahiers reparurent à la surface, et la rivière les déposa, intacts, aux pieds du dévot pleurant de joie. Désormais, l’opposition se tut.
- En marathe तुकाराम. Parfois transcrit Tookaram, Tukâ Râma ou Tukaram.
- En marathe « अभंग ». Parfois transcrit « Abhanga » ou « Abhaṃg ». Littéralement « Vers ininterrompus ».
- La « fête du onzième jour » est celle du dieu Viṭhobâ (विठोबा), dont le principal sanctuaire est à Pandharpour.
- La Candrabhâga (चंद्रभाग) est une rivière de l’Inde et du Pakistan. Elle prend sa source dans deux torrents de l’Himalaya (Candra et Bhâga) qui se réunissent à Tandi. Elle correspond à l’actuelle Chenab. « En te plongeant dans la rivière Candrabhâga, tous tes péchés se dissoudront aussitôt », dit Nâm-dev (« Psaumes du tailleur », psaume « Comment sortir du cycle des naissances »).
Kabîr, « Le Fils de Ram et d’Allah : anthologie de poèmes »
Il s’agit de Kabîr 1, surnommé « le tisserand de Bénarès », l’un des poètes les plus populaires de l’Inde, et l’un des fondateurs de la littérature hindi, bien qu’il n’ait peut-être jamais rien écrit (XVe-XVIe siècle apr. J.-C.). Non seulement il a employé le hindi, mais il a insisté sur l’avantage de se servir de cette langue orale, en s’élevant contre l’emploi du sanscrit et de toute autre langue savante. Car, comme Socrate, Kabîr se méfiait de l’écriture, qui était pour lui une lettre morte, un simulacre, et ne jugeait vraie que la parole intérieure de l’âme : « Je n’ai jamais touché », dit-il 2, « ni encre, ni papier. Ma main jamais n’a tenu de plume. La grandeur des quatre âges, Kabîr la fait naître des paroles de sa bouche ». Sa renommée repose sur les cinq cents couplets (« dohâs » 3) et les cent stances (« padas » 4) transcrits par ses disciples, et dont des morceaux choisis figurent dans le « Gourou Granth Sahib », le livre saint des sikhs. Ils se distinguent par leur valeur poétique, par leur concision et intensité, mais aussi et surtout par la rencontre des deux traditions islamique et hindoue. Fils illégitime d’une veuve brahmane, adopté par un tisserand musulman, Kabîr rêvait d’amalgamer hindouisme et islam en une seule et même religion mystique. Lui-même se disait « l’enfant d’Allah et de Râma » et estimait que les deux traditions, malgré leurs noms différents, étaient des « pots de la même argile » 5. On raconte que lorsqu’il fut sur le point de mourir, les hindouistes déclarèrent qu’il fallait le brûler ; les musulmans — qu’il fallait l’enterrer. Il s’éteignit recouvert par son drap. Les deux partis, après d’interminables querelles, finirent par s’approcher du cadavre et soulevèrent le linceul ; mais ils virent qu’il n’y avait que des fleurs, et pas de corps. Les hindouistes prirent la moitié des fleurs, les brûlèrent et élevèrent en cet endroit un mausolée. Les musulmans prirent l’autre moitié et construisirent un sanctuaire pour les y mettre. « Il y a donc aujourd’hui à Maghar 6 deux monuments dédiés à Kabîr », dit Mme Charlotte Vaudeville 7. « Dressés l’un à côté de l’autre, ils témoignent de l’irréductible contradiction que le génie même du réformateur devait être finalement impuissant à résoudre. Tragique destin de ce prophète de l’unité ! »