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su­jet

Bhartrihari, «Les Stances érotiques, morales et religieuses»

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit des «Trois Cen­tu­ries de qua­trains» («Śa­ta­ka­traya» 1) de Bhar­tri­hari 2, l’un des plus grands poètes d’expression sans­crite (VIIe siècle apr. J.-C. sans doute). L’oubli et l’indifférence où tombent cer­taines œuvres de l’esprit hu­main est quelque chose de sin­gu­lier. Cet ou­bli est in­juste; mais, à bien des égards, je me l’explique. Ce­pen­dant, ja­mais je ne m’expliquerai l’oubli qui frappe Bhar­tri­hari. Lui qui a été, pour­tant, le pre­mier poète hin­dou à être tra­duit en Eu­rope. Lui dont Iq­bal a dit : «Re­garde ce chan­teur de [mon] pays! Par la grâce de son re­gard, la ro­sée se trans­forme en perles. Ce poète à l’œuvre sub­tile qui s’appelle Bhar­tri­hari pos­sède une na­ture sem­blable aux nuages de feu» 3. Ses qua­trains, à la fois ar­dents et se­reins, qui chantent toutes les jouis­sances et qui les trouvent toutes vaines, mé­ditent, plu­sieurs siècles avant Khayyam, sur le néant des choses d’ici-bas, dans un style in­tem­po­rel d’une in­con­tes­table élé­va­tion. Ils sont au nombre de trois cents, par­ta­gés en trois par­ties égales : la pre­mière est éro­tique 4, la deuxième — mo­rale 5, la troi­sième et der­nière traite de l’impermanence, en in­ci­tant à la vie contem­pla­tive et au re­non­ce­ment au monde 6. Une lé­gende digne des «Mille et une Nuits» cir­cule à ce pro­pos : Bhar­tri­hari au­rait été roi, as­sis sur le trône d’Ujjayinî (l’actuelle Uj­jain 7). Ayant reçu d’un saint homme un fruit pré­cieux qui confé­rait l’immortalité, il l’offrit à la reine. La reine le donna au conseiller, son adul­tère amant; le conseiller — à une autre femme; de sorte que, pas­sant ainsi de main en main, cette am­broi­sie par­vint à une ser­vante qui fut aper­çue par le roi. Dé­goûté du monde par l’infidélité de son épouse, lais­sant là le pou­voir et les gran­deurs, Bhar­tri­hari s’en alla sans re­gret d’Ujjayinî. Ses qua­trains le montrent vi­vant dé­sor­mais en as­cète, après avoir fixé son sé­jour à Bé­na­rès, sur le bord de la ri­vière des dieux, le Gange (3.87). Il se nour­rit d’aumônes; il ha­bite parmi les hommes sans avoir de rap­ports avec eux (3.95). Vêtu seule­ment d’un pagne qui couvre sa nu­dité, il fuit avec ef­froi la di­ver­sité des ap­pa­rences ma­té­rielles et il crie à haute voix : «Shiva! Shiva!» (3.85). «N’accorde au­cune confiance, ô mon cœur, à l’inconstante déesse de la For­tune! C’est une cour­ti­sane vé­nale qui aban­donne ses amants sur un fron­ce­ment de sour­cil… Pre­nons la saie d’ascète et al­lons de porte en porte dans les rues de Bé­na­rès, en at­ten­dant que l’aumône nous tombe dans la main que nous ten­dons en guise d’écuelle», écrit-il (3.66).

  1. En sans­crit «शतकत्रय». Par­fois trans­crit «Sha­ta­ka­traya». Haut
  2. En sans­crit भर्तृहरि. Par­fois trans­crit Bar­throu­herri, Bhar­thru­hari, Bhar­tri­heri, Bhartṛhari ou Bartṛhari. Haut
  3. «Le Livre de l’éternité», p. 132. Haut
  4. «Śṛṅgâ­raśa­ta­kam» («शृङ्गारशतकम्»). Par­fois trans­crit «Shrin­gâra Ça­taka» ou «Śh­riṅgā­raś­ha­taka». Haut
  1. «Nî­tiśa­ta­kam» («नीतिशतकम्»). Par­fois trans­crit «Nîtî Ça­taka» ou «Nītīś­ha­taka». Haut
  2. «Vai­râ­gyaśa­ta­kam» («वैराग्यशतकम्»). Par­fois trans­crit «Vai­râ­gya Ça­taka», «Vai­râ­gya­sha­taka» ou «Vai­ra­gya Sha­ta­kam». Haut
  3. En hindi उज्जैन. Par­fois trans­crit Ugein, Ogein, Ojein, Od­jain, Oud­jayin, Oud­jeïn, Ud­jein, Ou­j­jeïn ou Ou­j­jain. Haut

«Oracles sibyllins. Livres VI, VII et VIII»

dans « Écrits apocryphes chrétiens. Tome II » (éd. Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, Paris), p. 1045-1083

dans «Écrits apo­cryphes chré­tiens. Tome II» (éd. Gal­li­mard, coll. Bi­blio­thèque de la Pléiade, Pa­ris), p. 1045-1083

Il s’agit des vers apo­cryphes qu’on ap­pelle «Oracles si­byl­lins» («Si­byl­lia­koi Chrês­moi» 1) et qui ne sont que le fruit de la pieuse ruse des juifs et des chré­tiens pour pas­ti­cher les «Livres si­byl­lins» des païens. La si­bylle était une femme ins­pi­rée, qui en­trait en ex­tase et qui an­non­çait aux hu­mains les se­crets de l’avenir. Elle écri­vait ses pro­phé­ties sur des feuilles vo­lantes qu’elle pla­çait à l’entrée de sa grotte. Ceux qui ve­naient la consul­ter, de­vaient être as­sez prompts pour s’emparer de ces feuilles dans le même ordre où elle les avait lais­sées, avant qu’elles fussent dis­per­sées par les quatre vents. Le pre­mier té­moi­gnage la concer­nant est ce­lui d’Hé­ra­clite qui dit : «La si­bylle, ni sou­riante, ni far­dée, ni par­fu­mée, de sa bouche dé­li­rante se fai­sant en­tendre, fran­chit mille ans par sa voix grâce au dieu». On lo­ca­li­sait de fa­çon va­riée cette de­vi­ne­resse idéale, cette in­car­na­tion sur­hu­maine, presque dé­ga­gée de l’espace et du temps, de sorte qu’on ar­riva à en comp­ter plu­sieurs : la si­bylle phry­gienne, la cu­méenne, celle d’Érythrées, etc. S’il faut en croire les his­to­riens, l’une d’entre elles vint à Rome et pro­posa à Tar­quin le Su­perbe de lui vendre neuf «Livres» de pro­phé­ties qu’elle lui as­sura être au­then­tiques; Tar­quin lui en de­manda le prix. La bonne femme mit un prix si haut, que le roi de Rome crut qu’elle ra­do­tait. Alors, elle jeta trois des vo­lumes dans le feu et pro­posa à Tar­quin les six autres pour le même prix. Tar­quin la crut en­core plus folle; mais lorsqu’elle en brûla en­core trois autres, sans bais­ser le prix, ce pro­cédé pa­rut si ex­tra­or­di­naire à Tar­quin, qu’il ac­cepta. Quel était le contenu de ces «Livres si­byl­lins»? On n’a ja­mais cessé à Rome de gar­der là-des­sus un se­cret ab­solu, en consi­dé­ra­tion du dan­ger qu’il au­rait pu y avoir à in­ter­pré­ter les oracles de fa­çon ar­bi­traire, et on a tou­jours ré­servé aux mo­ments d’urgence na­tio­nale la consul­ta­tion de ces «Livres». Deux ma­gis­trats ap­pe­lés «duum­viri sa­cris fa­ciun­dis» avaient pour charge d’en dé­ga­ger le sens et les consé­quences pour les af­faires de l’État si l’occasion s’en pré­sen­tait et à la condi­tion que le sé­nat l’ordonnât. Au­tre­ment, il ne leur était pas per­mis de les ou­vrir. Vers 400 apr. J.-C. ces vo­lumes sa­crés se trou­vaient en­core à Rome, et le cré­dit dont ils jouis­saient ne pa­rais­sait pas de­voir fai­blir de si­tôt, quand Sti­li­con, cé­dant à la pro­pa­gande chré­tienne, or­donna leur des­truc­tion. Il faut lais­ser par­ler le poète Ru­ti­lius Na­ma­tia­nus pour sa­voir à quel point les païens s’offusquèrent de ce crime : «Il n’en est que plus cruel, le for­fait du si­nistre Sti­li­con», dit Ru­ti­lius Na­ma­tia­nus 2, «car le traître a li­vré le cœur de l’Empire, [en] brû­lant les oracles se­cou­rables de la si­bylle [et en] dé­trui­sant le gage ir­ré­vo­cable de la do­mi­na­tion éter­nelle [de Rome]».

  1. En grec «Σιϐυλλιακοὶ Χρησμοί». Haut
  1. «Sur son re­tour», liv. II, v. 41-60. Haut

«Oracles sibyllins. Fragments • Livres III, IV et V»

dans « La Bible. Écrits intertestamentaires » (éd. Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, Paris), p. 1035-1140

dans «La Bible. Écrits in­ter­tes­ta­men­taires» (éd. Gal­li­mard, coll. Bi­blio­thèque de la Pléiade, Pa­ris), p. 1035-1140

Il s’agit des vers apo­cryphes qu’on ap­pelle «Oracles si­byl­lins» («Si­byl­lia­koi Chrês­moi» 1) et qui ne sont que le fruit de la pieuse ruse des juifs et des chré­tiens pour pas­ti­cher les «Livres si­byl­lins» des païens. La si­bylle était une femme ins­pi­rée, qui en­trait en ex­tase et qui an­non­çait aux hu­mains les se­crets de l’avenir. Elle écri­vait ses pro­phé­ties sur des feuilles vo­lantes qu’elle pla­çait à l’entrée de sa grotte. Ceux qui ve­naient la consul­ter, de­vaient être as­sez prompts pour s’emparer de ces feuilles dans le même ordre où elle les avait lais­sées, avant qu’elles fussent dis­per­sées par les quatre vents. Le pre­mier té­moi­gnage la concer­nant est ce­lui d’Hé­ra­clite qui dit : «La si­bylle, ni sou­riante, ni far­dée, ni par­fu­mée, de sa bouche dé­li­rante se fai­sant en­tendre, fran­chit mille ans par sa voix grâce au dieu». On lo­ca­li­sait de fa­çon va­riée cette de­vi­ne­resse idéale, cette in­car­na­tion sur­hu­maine, presque dé­ga­gée de l’espace et du temps, de sorte qu’on ar­riva à en comp­ter plu­sieurs : la si­bylle phry­gienne, la cu­méenne, celle d’Érythrées, etc. S’il faut en croire les his­to­riens, l’une d’entre elles vint à Rome et pro­posa à Tar­quin le Su­perbe de lui vendre neuf «Livres» de pro­phé­ties qu’elle lui as­sura être au­then­tiques; Tar­quin lui en de­manda le prix. La bonne femme mit un prix si haut, que le roi de Rome crut qu’elle ra­do­tait. Alors, elle jeta trois des vo­lumes dans le feu et pro­posa à Tar­quin les six autres pour le même prix. Tar­quin la crut en­core plus folle; mais lorsqu’elle en brûla en­core trois autres, sans bais­ser le prix, ce pro­cédé pa­rut si ex­tra­or­di­naire à Tar­quin, qu’il ac­cepta. Quel était le contenu de ces «Livres si­byl­lins»? On n’a ja­mais cessé à Rome de gar­der là-des­sus un se­cret ab­solu, en consi­dé­ra­tion du dan­ger qu’il au­rait pu y avoir à in­ter­pré­ter les oracles de fa­çon ar­bi­traire, et on a tou­jours ré­servé aux mo­ments d’urgence na­tio­nale la consul­ta­tion de ces «Livres». Deux ma­gis­trats ap­pe­lés «duum­viri sa­cris fa­ciun­dis» avaient pour charge d’en dé­ga­ger le sens et les consé­quences pour les af­faires de l’État si l’occasion s’en pré­sen­tait et à la condi­tion que le sé­nat l’ordonnât. Au­tre­ment, il ne leur était pas per­mis de les ou­vrir. Vers 400 apr. J.-C. ces vo­lumes sa­crés se trou­vaient en­core à Rome, et le cré­dit dont ils jouis­saient ne pa­rais­sait pas de­voir fai­blir de si­tôt, quand Sti­li­con, cé­dant à la pro­pa­gande chré­tienne, or­donna leur des­truc­tion. Il faut lais­ser par­ler le poète Ru­ti­lius Na­ma­tia­nus pour sa­voir à quel point les païens s’offusquèrent de ce crime : «Il n’en est que plus cruel, le for­fait du si­nistre Sti­li­con», dit Ru­ti­lius Na­ma­tia­nus 2, «car le traître a li­vré le cœur de l’Empire, [en] brû­lant les oracles se­cou­rables de la si­bylle [et en] dé­trui­sant le gage ir­ré­vo­cable de la do­mi­na­tion éter­nelle [de Rome]».

  1. En grec «Σιϐυλλιακοὶ Χρησμοί». Haut
  1. «Sur son re­tour», liv. II, v. 41-60. Haut

«Sri Gourou Granth Sahib. Tome IV»

éd. Intellectual Services International, Providenciales

éd. In­tel­lec­tual Ser­vices In­ter­na­tio­nal, Pro­vi­den­ciales

Il s’agit de l’«Adi Granth» 1 (le «Pre­mier Livre») ou «Gou­rou Granth Sa­hib» 2 (le «Maître Livre»), le livre saint des si­khs, com­pilé par le cin­quième gou­rou Ar­jan Dev 3, puis ré­visé et achevé par le dixième gou­rou Go­bind Singh 4. Les si­khs le dé­si­gnent sou­vent sous la vague ap­pel­la­tion de «Granth» (le «Livre»), de même que les chré­tiens citent le leur sous celle de «Bible» («Bi­blia» si­gni­fiant les «Livres»). Le «Granth» est une œuvre tout à fait unique par rap­port aux ca­nons des autres re­li­gions. Ce qui l’en dis­tingue, c’est qu’il se pré­sente comme une fas­ci­nante an­tho­lo­gie poé­tique, qui ne contient pas seule­ment les psaumes et les hymnes de ses propres fon­da­teurs, comme gou­rou Na­nak 5, mais aussi ceux de poètes mys­tiques an­té­rieurs : Ka­bîr, Jaya­deva, Bhi­khan, Nâm-dev… En tout, quinze poètes non si­khs (ap­pe­lés «bha­gats» 6) sont in­cor­po­rés au «Granth», dont le plus an­cien est Sheikh Fa­rid né en 1175 apr. J.-C. Les gou­rous, eux, vé­curent entre 1469 et 1708 apr. J.-C. Voilà donc plus de cinq siècles de poé­sie in­dienne, to­ta­li­sant 3 384 poèmes ou 15 575 strophes, et mê­lant le pend­jabi à di­verses autres langues : le sans­crit, le per­san, le hindi… Une tra­di­tion uni­ver­sel­le­ment re­çue rap­porte que le dixième gou­rou, à son lit de mort, ne nomma pas de suc­ces­seur, mais dé­cida que la Pa­role du «Granth» se­rait dé­sor­mais l’éternel gou­rou : «Ici-bas, tous les si­khs sont char­gés de re­con­naître le “Granth” comme leur gou­rou. Re­con­nais “Gou­rou Granth Sa­hib” comme la per­sonne vi­sible des gou­rous. Ceux qui cherchent à ren­con­trer le Sei­gneur dans la Pa­role telle qu’elle s’est ma­ni­fes­tée dans le livre, Le dé­cou­vri­ront» 7. De­puis ce jour-là, le «Granth» reste l’unique au­to­rité des si­khs, ainsi que le seul ob­jet de vé­né­ra­tion que l’on voit dans leurs lieux de culte. Leur temple cen­tral, qui s’élève tou­jours à Am­rit­sar 8, au mi­lieu de l’étang sa­cré (Am­rit­sar si­gni­fiant «étang de l’immortalité»), ne ren­ferme au­cune idole, mais seule­ment des exem­plaires du «Granth» dé­po­sés sur des cous­sins de soie : «Jour et nuit, sans désem­pa­rer, comme pour réa­li­ser une sorte d’adoration per­pé­tuelle, des “gran­this” chantent sous ces voûtes ré­vé­rées des frag­ments du livre saint en s’accompagnant d’instruments à cordes. Ailleurs les si­khs ont sim­ple­ment des salles d’édification, où un “gran­thi” leur lit… le texte sa­cré», ex­plique Al­bert Ré­ville

  1. En pend­jabi «ਆਦਿ ਗ੍ਰੰਥ». Par­fois trans­crit «Adi-grant». Haut
  2. En pend­jabi «ਗੁਰੂ ਗ੍ਰੰਥ ਸਾਹਿਬ». Par­fois trans­crit «Guru Granth Sa­heb». Haut
  3. En pend­jabi ਅਰਜਨ ਦੇਵ. Par­fois trans­crit Ar­jun Dev. Haut
  4. En pend­jabi ਗੋਬਿੰਦ ਸਿੰਘ. Par­fois trans­crit Go­vind Singh. Haut
  1. En pend­jabi ਨਾਨਕ. Haut
  2. En pend­jabi ਭਗਤ. Haut
  3. «Le Si­khisme : an­tho­lo­gie de la poé­sie re­li­gieuse», p. 36. Haut
  4. En pend­jabi ਅੰਮ੍ਰਿਤਸਰ. Haut

«Sri Gourou Granth Sahib. Tome III»

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Il s’agit de l’«Adi Granth» 1 (le «Pre­mier Livre») ou «Gou­rou Granth Sa­hib» 2 (le «Maître Livre»), le livre saint des si­khs, com­pilé par le cin­quième gou­rou Ar­jan Dev 3, puis ré­visé et achevé par le dixième gou­rou Go­bind Singh 4. Les si­khs le dé­si­gnent sou­vent sous la vague ap­pel­la­tion de «Granth» (le «Livre»), de même que les chré­tiens citent le leur sous celle de «Bible» («Bi­blia» si­gni­fiant les «Livres»). Le «Granth» est une œuvre tout à fait unique par rap­port aux ca­nons des autres re­li­gions. Ce qui l’en dis­tingue, c’est qu’il se pré­sente comme une fas­ci­nante an­tho­lo­gie poé­tique, qui ne contient pas seule­ment les psaumes et les hymnes de ses propres fon­da­teurs, comme gou­rou Na­nak 5, mais aussi ceux de poètes mys­tiques an­té­rieurs : Ka­bîr, Jaya­deva, Bhi­khan, Nâm-dev… En tout, quinze poètes non si­khs (ap­pe­lés «bha­gats» 6) sont in­cor­po­rés au «Granth», dont le plus an­cien est Sheikh Fa­rid né en 1175 apr. J.-C. Les gou­rous, eux, vé­curent entre 1469 et 1708 apr. J.-C. Voilà donc plus de cinq siècles de poé­sie in­dienne, to­ta­li­sant 3 384 poèmes ou 15 575 strophes, et mê­lant le pend­jabi à di­verses autres langues : le sans­crit, le per­san, le hindi… Une tra­di­tion uni­ver­sel­le­ment re­çue rap­porte que le dixième gou­rou, à son lit de mort, ne nomma pas de suc­ces­seur, mais dé­cida que la Pa­role du «Granth» se­rait dé­sor­mais l’éternel gou­rou : «Ici-bas, tous les si­khs sont char­gés de re­con­naître le “Granth” comme leur gou­rou. Re­con­nais “Gou­rou Granth Sa­hib” comme la per­sonne vi­sible des gou­rous. Ceux qui cherchent à ren­con­trer le Sei­gneur dans la Pa­role telle qu’elle s’est ma­ni­fes­tée dans le livre, Le dé­cou­vri­ront» 7. De­puis ce jour-là, le «Granth» reste l’unique au­to­rité des si­khs, ainsi que le seul ob­jet de vé­né­ra­tion que l’on voit dans leurs lieux de culte. Leur temple cen­tral, qui s’élève tou­jours à Am­rit­sar 8, au mi­lieu de l’étang sa­cré (Am­rit­sar si­gni­fiant «étang de l’immortalité»), ne ren­ferme au­cune idole, mais seule­ment des exem­plaires du «Granth» dé­po­sés sur des cous­sins de soie : «Jour et nuit, sans désem­pa­rer, comme pour réa­li­ser une sorte d’adoration per­pé­tuelle, des “gran­this” chantent sous ces voûtes ré­vé­rées des frag­ments du livre saint en s’accompagnant d’instruments à cordes. Ailleurs les si­khs ont sim­ple­ment des salles d’édification, où un “gran­thi” leur lit… le texte sa­cré», ex­plique Al­bert Ré­ville

  1. En pend­jabi «ਆਦਿ ਗ੍ਰੰਥ». Par­fois trans­crit «Adi-grant». Haut
  2. En pend­jabi «ਗੁਰੂ ਗ੍ਰੰਥ ਸਾਹਿਬ». Par­fois trans­crit «Guru Granth Sa­heb». Haut
  3. En pend­jabi ਅਰਜਨ ਦੇਵ. Par­fois trans­crit Ar­jun Dev. Haut
  4. En pend­jabi ਗੋਬਿੰਦ ਸਿੰਘ. Par­fois trans­crit Go­vind Singh. Haut
  1. En pend­jabi ਨਾਨਕ. Haut
  2. En pend­jabi ਭਗਤ. Haut
  3. «Le Si­khisme : an­tho­lo­gie de la poé­sie re­li­gieuse», p. 36. Haut
  4. En pend­jabi ਅੰਮ੍ਰਿਤਸਰ. Haut

«Sri Gourou Granth Sahib. Tome II»

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Il s’agit de l’«Adi Granth» 1 (le «Pre­mier Livre») ou «Gou­rou Granth Sa­hib» 2 (le «Maître Livre»), le livre saint des si­khs, com­pilé par le cin­quième gou­rou Ar­jan Dev 3, puis ré­visé et achevé par le dixième gou­rou Go­bind Singh 4. Les si­khs le dé­si­gnent sou­vent sous la vague ap­pel­la­tion de «Granth» (le «Livre»), de même que les chré­tiens citent le leur sous celle de «Bible» («Bi­blia» si­gni­fiant les «Livres»). Le «Granth» est une œuvre tout à fait unique par rap­port aux ca­nons des autres re­li­gions. Ce qui l’en dis­tingue, c’est qu’il se pré­sente comme une fas­ci­nante an­tho­lo­gie poé­tique, qui ne contient pas seule­ment les psaumes et les hymnes de ses propres fon­da­teurs, comme gou­rou Na­nak 5, mais aussi ceux de poètes mys­tiques an­té­rieurs : Ka­bîr, Jaya­deva, Bhi­khan, Nâm-dev… En tout, quinze poètes non si­khs (ap­pe­lés «bha­gats» 6) sont in­cor­po­rés au «Granth», dont le plus an­cien est Sheikh Fa­rid né en 1175 apr. J.-C. Les gou­rous, eux, vé­curent entre 1469 et 1708 apr. J.-C. Voilà donc plus de cinq siècles de poé­sie in­dienne, to­ta­li­sant 3 384 poèmes ou 15 575 strophes, et mê­lant le pend­jabi à di­verses autres langues : le sans­crit, le per­san, le hindi… Une tra­di­tion uni­ver­sel­le­ment re­çue rap­porte que le dixième gou­rou, à son lit de mort, ne nomma pas de suc­ces­seur, mais dé­cida que la Pa­role du «Granth» se­rait dé­sor­mais l’éternel gou­rou : «Ici-bas, tous les si­khs sont char­gés de re­con­naître le “Granth” comme leur gou­rou. Re­con­nais “Gou­rou Granth Sa­hib” comme la per­sonne vi­sible des gou­rous. Ceux qui cherchent à ren­con­trer le Sei­gneur dans la Pa­role telle qu’elle s’est ma­ni­fes­tée dans le livre, Le dé­cou­vri­ront» 7. De­puis ce jour-là, le «Granth» reste l’unique au­to­rité des si­khs, ainsi que le seul ob­jet de vé­né­ra­tion que l’on voit dans leurs lieux de culte. Leur temple cen­tral, qui s’élève tou­jours à Am­rit­sar 8, au mi­lieu de l’étang sa­cré (Am­rit­sar si­gni­fiant «étang de l’immortalité»), ne ren­ferme au­cune idole, mais seule­ment des exem­plaires du «Granth» dé­po­sés sur des cous­sins de soie : «Jour et nuit, sans désem­pa­rer, comme pour réa­li­ser une sorte d’adoration per­pé­tuelle, des “gran­this” chantent sous ces voûtes ré­vé­rées des frag­ments du livre saint en s’accompagnant d’instruments à cordes. Ailleurs les si­khs ont sim­ple­ment des salles d’édification, où un “gran­thi” leur lit… le texte sa­cré», ex­plique Al­bert Ré­ville

  1. En pend­jabi «ਆਦਿ ਗ੍ਰੰਥ». Par­fois trans­crit «Adi-grant». Haut
  2. En pend­jabi «ਗੁਰੂ ਗ੍ਰੰਥ ਸਾਹਿਬ». Par­fois trans­crit «Guru Granth Sa­heb». Haut
  3. En pend­jabi ਅਰਜਨ ਦੇਵ. Par­fois trans­crit Ar­jun Dev. Haut
  4. En pend­jabi ਗੋਬਿੰਦ ਸਿੰਘ. Par­fois trans­crit Go­vind Singh. Haut
  1. En pend­jabi ਨਾਨਕ. Haut
  2. En pend­jabi ਭਗਤ. Haut
  3. «Le Si­khisme : an­tho­lo­gie de la poé­sie re­li­gieuse», p. 36. Haut
  4. En pend­jabi ਅੰਮ੍ਰਿਤਸਰ. Haut

«Sri Gourou Granth Sahib. Tome I»

éd. Intellectual Services International, Providenciales

éd. In­tel­lec­tual Ser­vices In­ter­na­tio­nal, Pro­vi­den­ciales

Il s’agit de l’«Adi Granth» 1 (le «Pre­mier Livre») ou «Gou­rou Granth Sa­hib» 2 (le «Maître Livre»), le livre saint des si­khs, com­pilé par le cin­quième gou­rou Ar­jan Dev 3, puis ré­visé et achevé par le dixième gou­rou Go­bind Singh 4. Les si­khs le dé­si­gnent sou­vent sous la vague ap­pel­la­tion de «Granth» (le «Livre»), de même que les chré­tiens citent le leur sous celle de «Bible» («Bi­blia» si­gni­fiant les «Livres»). Le «Granth» est une œuvre tout à fait unique par rap­port aux ca­nons des autres re­li­gions. Ce qui l’en dis­tingue, c’est qu’il se pré­sente comme une fas­ci­nante an­tho­lo­gie poé­tique, qui ne contient pas seule­ment les psaumes et les hymnes de ses propres fon­da­teurs, comme gou­rou Na­nak 5, mais aussi ceux de poètes mys­tiques an­té­rieurs : Ka­bîr, Jaya­deva, Bhi­khan, Nâm-dev… En tout, quinze poètes non si­khs (ap­pe­lés «bha­gats» 6) sont in­cor­po­rés au «Granth», dont le plus an­cien est Sheikh Fa­rid né en 1175 apr. J.-C. Les gou­rous, eux, vé­curent entre 1469 et 1708 apr. J.-C. Voilà donc plus de cinq siècles de poé­sie in­dienne, to­ta­li­sant 3 384 poèmes ou 15 575 strophes, et mê­lant le pend­jabi à di­verses autres langues : le sans­crit, le per­san, le hindi… Une tra­di­tion uni­ver­sel­le­ment re­çue rap­porte que le dixième gou­rou, à son lit de mort, ne nomma pas de suc­ces­seur, mais dé­cida que la Pa­role du «Granth» se­rait dé­sor­mais l’éternel gou­rou : «Ici-bas, tous les si­khs sont char­gés de re­con­naître le “Granth” comme leur gou­rou. Re­con­nais “Gou­rou Granth Sa­hib” comme la per­sonne vi­sible des gou­rous. Ceux qui cherchent à ren­con­trer le Sei­gneur dans la Pa­role telle qu’elle s’est ma­ni­fes­tée dans le livre, Le dé­cou­vri­ront» 7. De­puis ce jour-là, le «Granth» reste l’unique au­to­rité des si­khs, ainsi que le seul ob­jet de vé­né­ra­tion que l’on voit dans leurs lieux de culte. Leur temple cen­tral, qui s’élève tou­jours à Am­rit­sar 8, au mi­lieu de l’étang sa­cré (Am­rit­sar si­gni­fiant «étang de l’immortalité»), ne ren­ferme au­cune idole, mais seule­ment des exem­plaires du «Granth» dé­po­sés sur des cous­sins de soie : «Jour et nuit, sans désem­pa­rer, comme pour réa­li­ser une sorte d’adoration per­pé­tuelle, des “gran­this” chantent sous ces voûtes ré­vé­rées des frag­ments du livre saint en s’accompagnant d’instruments à cordes. Ailleurs les si­khs ont sim­ple­ment des salles d’édification, où un “gran­thi” leur lit… le texte sa­cré», ex­plique Al­bert Ré­ville

  1. En pend­jabi «ਆਦਿ ਗ੍ਰੰਥ». Par­fois trans­crit «Adi-grant». Haut
  2. En pend­jabi «ਗੁਰੂ ਗ੍ਰੰਥ ਸਾਹਿਬ». Par­fois trans­crit «Guru Granth Sa­heb». Haut
  3. En pend­jabi ਅਰਜਨ ਦੇਵ. Par­fois trans­crit Ar­jun Dev. Haut
  4. En pend­jabi ਗੋਬਿੰਦ ਸਿੰਘ. Par­fois trans­crit Go­vind Singh. Haut
  1. En pend­jabi ਨਾਨਕ. Haut
  2. En pend­jabi ਭਗਤ. Haut
  3. «Le Si­khisme : an­tho­lo­gie de la poé­sie re­li­gieuse», p. 36. Haut
  4. En pend­jabi ਅੰਮ੍ਰਿਤਸਰ. Haut

«Le Veda : premier livre sacré de l’Inde. Tome II»

éd. Gérard et Cie, coll. Marabout université-Trésors spirituels de l’humanité, Verviers

éd. Gé­rard et Cie, coll. Ma­ra­bout uni­ver­sité-Tré­sors spi­ri­tuels de l’humanité, Ver­viers

Il s’agit du «Ṛgveda» 1, de l’«Athar­va­veda» 2 et autres hymnes hin­dous por­tant le nom de Vé­das («sciences sa­crées») — nom dé­rivé de la même ra­cine «vid» qui se trouve dans nos mots «idée», «idole». Il est cer­tain que ces hymnes sont le plus an­cien mo­nu­ment de la lit­té­ra­ture de l’Inde (IIe mil­lé­naire av. J.-C.). On peut s’en convaincre déjà par leur langue désuète qui ar­rête à chaque pas in­ter­prètes et tra­duc­teurs; mais ce qui le prouve en­core mieux, c’est qu’on n’y trouve au­cune trace du culte aujourd’hui om­ni­pré­sent de Râma et de Kṛṣṇa. Je ne vou­drais pas, pour au­tant, qu’on se fasse une opi­nion trop exa­gé­rée de leur mé­rite. On a af­faire à des bribes de ma­gie dé­cou­sues, à des for­mules de ri­tuel dé­con­cer­tantes, sortes de bal­bu­tie­ments du verbe, dont l’originalité fi­nit par aga­cer. «Les sa­vants, de­puis [Abel] Ber­gaigne sur­tout, ont cessé d’admirer dans les Vé­das les pre­miers hymnes de l’humanité ou de la “race aryenne” en pré­sence [de] la na­ture… À par­ler franc, les trois quarts et demi du “Ṛgveda” sont du ga­li­ma­tias. Les in­dia­nistes le savent et en conviennent vo­lon­tiers entre eux», dit Sa­lo­mon Rei­nach 3. La rhé­to­rique vé­dique est, en ef­fet, une rhé­to­rique bi­zarre, qui ef­fa­rouche les meilleurs sa­vants par la dis­pa­rité des images et le che­vau­che­ment des sens. Elle se com­pose de mé­ta­phores sa­cer­do­tales, com­pli­quées et obs­cures à des­sein, parce que les prêtres vé­diques, qui vi­vaient de l’autel, en­ten­daient s’en ré­ser­ver le mo­no­pole. Sou­vent, ces mé­ta­phores font, comme nous di­rions, d’une pierre deux coups. Deux idées, as­so­ciées quelque part à une troi­sième, sont en­suite as­so­ciées l’une à l’autre, alors qu’elles hurlent de dé­goût de se voir en­semble. Voici un exemple dont l’étrangeté a, du moins, une sa­veur my­tho­lo­gique : Le «soma» («li­queur cé­leste») sort de la nuée. La nuée est une vache. Le «soma» est donc un lait, ou plu­tôt, c’est un beurre qui a des «pieds», qui a des «sa­bots», et qu’Indra trouve dans la vache. Le «soma» est donc un veau qui sort d’un «pis», et ce qui est plus fort, du pis d’un mâle, par suite de la sub­sti­tu­tion du mot «nuée» avec le mot «nuage». De là, cet hymne :

«Voilà le nom se­cret du beurre :
“Langue des dieux”, “nom­bril de l’immortel”.
Pro­cla­mons le nom du beurre,
Sou­te­nons-le de nos hom­mages en ce sa­cri­fice!…
Le buffle aux quatre cornes l’a ex­crété.
Il a quatre cornes, trois pieds…
Elles jaillissent de l’océan spi­ri­tuel,
Ces cou­lées de beurre cent fois en­closes,
In­vi­sibles à l’ennemi. Je les consi­dère :
La verge d’or est en leur mi­lieu
», etc.

  1. En sans­crit «ऋग्वेद». Par­fois trans­crit «Rk Veda», «Rak-véda», «Rag­veda», «Rěg­veda», «Rik-veda», «Rick Veda» ou «Rig-ved». Haut
  2. En sans­crit «अथर्ववेद». Haut
  1. «Or­pheus : his­toire gé­né­rale des re­li­gions», p. 77-78. On peut joindre à cette opi­nion celle de Vol­taire : «Les Vé­das sont le plus en­nuyeux fa­tras que j’aie ja­mais lu. Fi­gu­rez-vous la “Lé­gende do­rée”, les “Confor­mi­tés de saint Fran­çois d’Assise”, les “Exer­cices spi­ri­tuels” de saint Ignace et les “Ser­mons” de Me­not joints en­semble, vous n’aurez en­core qu’une idée très im­par­faite des im­per­ti­nences des Vé­das» («Lettres chi­noises, in­diennes et tar­tares», lettre IX). Haut

Macrobe, «Commentaire au “Songe de Scipion”. Tome II»

éd. Les Belles Lettres, coll. des universités de France, Paris

éd. Les Belles Lettres, coll. des uni­ver­si­tés de France, Pa­ris

Il s’agit du «Com­men­taire au “Songe de Sci­pion”» («In “Som­nium Sci­pio­nis”») de Ma­crobe 1, éru­dit et com­pi­la­teur la­tin, le der­nier en date des grands re­pré­sen­tants du pa­ga­nisme. Il vé­cut à la fin du IVe siècle et au com­men­ce­ment du Ve siècle apr. J.-C. Ce fut un des hommes les plus dis­tin­gués de l’Empire ro­main, comme l’atteste le double titre de «cla­ris­si­mus» et d’«illus­tris» que lui at­tri­buent un cer­tain nombre de ma­nus­crits. En ef­fet, si «cla­ris­si­mus» n’indique que l’appartenance à l’ordre sé­na­to­rial, «illus­tris», lui, était ré­servé à une poi­gnée de hauts fonc­tion­naires, exer­çant de grandes charges. Tous ces em­plois di­vers n’empêchèrent pas Ma­crobe de s’appliquer aux belles-lettres avec un soin ex­tra­or­di­naire. D’ailleurs, bien qu’à cette époque les beaux-arts et les sciences fussent déjà dans leur dé­ca­dence, ils avaient en­core néan­moins l’avantage d’être culti­vés, plus que ja­mais, par les per­sonnes les plus consi­dé­rables de l’Empire — les consuls, les pré­fets, les pré­teurs, les gou­ver­neurs des pro­vinces et les prin­ci­paux chefs des ar­mées —, qui se fai­saient gloire d’être les seuls re­fuges, les seuls rem­parts de la ci­vi­li­sa­tion face au chris­tia­nisme en­va­his­sant. Tels furent les Fla­via­nus, les Al­bi­nus, les Sym­maque, les Pré­tex­ta­tus, et autres païens convain­cus, dont Ma­crobe fai­sait par­tie, et qu’il met­tait en scène dans son œuvre en qua­lité d’interlocuteurs. L’un d’eux dé­clare : «Pour le passé, nous de­vons tou­jours avoir de la vé­né­ra­tion, si nous avons quelque sa­gesse; car ce sont ces gé­né­ra­tions qui ont fait naître notre Em­pire au prix de leur sang et de leur sueur — Em­pire que seule une pro­fu­sion de ver­tus a pu bâ­tir» 2. Voilà une pro­fes­sion de foi qui peut ser­vir d’exergue à toute l’œuvre de Ma­crobe. Celle-ci est un com­pen­dium de la science et de la sa­gesse du passé, «un miel éla­boré de sucs di­vers» 3. On y trouve ce qu’on veut : des spé­cu­la­tions phi­lo­so­phiques, des no­tions gram­ma­ti­cales, une mine de bons mots et de traits d’esprit, une as­tro­no­mie et une géo­gra­phie abré­gées. Il est vrai qu’on a re­pro­ché à Ma­crobe de n’y avoir mis que fort peu du sien; de s’être contenté de rap­por­ter les mots mêmes em­ployés par les an­ciens au­teurs. «Seul le vê­te­ment lui ap­par­tient», dit un cri­tique 4, «tan­dis que le contenu est la pro­priété d’autrui». C’est pour cela qu’Érasme l’appelle «la cor­neille d’Ésope, qui pas­tiche en se pa­rant des plumes des autres oi­seaux» («Æso­pi­cam cor­ni­cu­lam, ex alio­rum pan­nis suos contexuit cen­tones»); et que Marc An­toine Mu­ret lui ap­plique spi­ri­tuel­le­ment ce vers de Té­rence, dans un sens tout dif­fé­rent de ce­lui qu’on a l’habitude de lui don­ner : «Je suis homme : en cette qua­lité, je crois avoir droit sur les biens de tous les autres hommes».

  1. En la­tin Fla­vius Ma­cro­bius Am­bro­sius Theo­do­sius. Haut
  2. «Sa­tur­nales», liv. III, ch. XIV, sect. 2. Haut
  1. «Sa­tur­nales», liv. I, préf., sect. 5. Haut
  2. Mar­tin Schanz. Haut

Macrobe, «Commentaire au “Songe de Scipion”. Tome I»

éd. Les Belles Lettres, coll. des universités de France, Paris

éd. Les Belles Lettres, coll. des uni­ver­si­tés de France, Pa­ris

Il s’agit du «Com­men­taire au “Songe de Sci­pion”» («In “Som­nium Sci­pio­nis”») de Ma­crobe 1, éru­dit et com­pi­la­teur la­tin, le der­nier en date des grands re­pré­sen­tants du pa­ga­nisme. Il vé­cut à la fin du IVe siècle et au com­men­ce­ment du Ve siècle apr. J.-C. Ce fut un des hommes les plus dis­tin­gués de l’Empire ro­main, comme l’atteste le double titre de «cla­ris­si­mus» et d’«illus­tris» que lui at­tri­buent un cer­tain nombre de ma­nus­crits. En ef­fet, si «cla­ris­si­mus» n’indique que l’appartenance à l’ordre sé­na­to­rial, «illus­tris», lui, était ré­servé à une poi­gnée de hauts fonc­tion­naires, exer­çant de grandes charges. Tous ces em­plois di­vers n’empêchèrent pas Ma­crobe de s’appliquer aux belles-lettres avec un soin ex­tra­or­di­naire. D’ailleurs, bien qu’à cette époque les beaux-arts et les sciences fussent déjà dans leur dé­ca­dence, ils avaient en­core néan­moins l’avantage d’être culti­vés, plus que ja­mais, par les per­sonnes les plus consi­dé­rables de l’Empire — les consuls, les pré­fets, les pré­teurs, les gou­ver­neurs des pro­vinces et les prin­ci­paux chefs des ar­mées —, qui se fai­saient gloire d’être les seuls re­fuges, les seuls rem­parts de la ci­vi­li­sa­tion face au chris­tia­nisme en­va­his­sant. Tels furent les Fla­via­nus, les Al­bi­nus, les Sym­maque, les Pré­tex­ta­tus, et autres païens convain­cus, dont Ma­crobe fai­sait par­tie, et qu’il met­tait en scène dans son œuvre en qua­lité d’interlocuteurs. L’un d’eux dé­clare : «Pour le passé, nous de­vons tou­jours avoir de la vé­né­ra­tion, si nous avons quelque sa­gesse; car ce sont ces gé­né­ra­tions qui ont fait naître notre Em­pire au prix de leur sang et de leur sueur — Em­pire que seule une pro­fu­sion de ver­tus a pu bâ­tir» 2. Voilà une pro­fes­sion de foi qui peut ser­vir d’exergue à toute l’œuvre de Ma­crobe. Celle-ci est un com­pen­dium de la science et de la sa­gesse du passé, «un miel éla­boré de sucs di­vers» 3. On y trouve ce qu’on veut : des spé­cu­la­tions phi­lo­so­phiques, des no­tions gram­ma­ti­cales, une mine de bons mots et de traits d’esprit, une as­tro­no­mie et une géo­gra­phie abré­gées. Il est vrai qu’on a re­pro­ché à Ma­crobe de n’y avoir mis que fort peu du sien; de s’être contenté de rap­por­ter les mots mêmes em­ployés par les an­ciens au­teurs. «Seul le vê­te­ment lui ap­par­tient», dit un cri­tique 4, «tan­dis que le contenu est la pro­priété d’autrui». C’est pour cela qu’Érasme l’appelle «la cor­neille d’Ésope, qui pas­tiche en se pa­rant des plumes des autres oi­seaux» («Æso­pi­cam cor­ni­cu­lam, ex alio­rum pan­nis suos contexuit cen­tones»); et que Marc An­toine Mu­ret lui ap­plique spi­ri­tuel­le­ment ce vers de Té­rence, dans un sens tout dif­fé­rent de ce­lui qu’on a l’habitude de lui don­ner : «Je suis homme : en cette qua­lité, je crois avoir droit sur les biens de tous les autres hommes».

  1. En la­tin Fla­vius Ma­cro­bius Am­bro­sius Theo­do­sius. Haut
  2. «Sa­tur­nales», liv. III, ch. XIV, sect. 2. Haut
  1. «Sa­tur­nales», liv. I, préf., sect. 5. Haut
  2. Mar­tin Schanz. Haut

Macrobe, «Les Saturnales»

éd. Les Belles Lettres, coll. La Roue à livres, Paris

éd. Les Belles Lettres, coll. La Roue à livres, Pa­ris

Il s’agit des «Sa­tur­nales» («Sa­tur­na­lia») de Ma­crobe 1, éru­dit et com­pi­la­teur la­tin, le der­nier en date des grands re­pré­sen­tants du pa­ga­nisme. Il vé­cut à la fin du IVe siècle et au com­men­ce­ment du Ve siècle apr. J.-C. Ce fut un des hommes les plus dis­tin­gués de l’Empire ro­main, comme l’atteste le double titre de «cla­ris­si­mus» et d’«illus­tris» que lui at­tri­buent un cer­tain nombre de ma­nus­crits. En ef­fet, si «cla­ris­si­mus» n’indique que l’appartenance à l’ordre sé­na­to­rial, «illus­tris», lui, était ré­servé à une poi­gnée de hauts fonc­tion­naires, exer­çant de grandes charges. Ces dif­fé­rents em­plois n’empêchèrent pas Ma­crobe de s’appliquer aux belles-lettres avec un soin ex­tra­or­di­naire. D’ailleurs, bien qu’à cette époque les sciences et les arts fussent déjà dans leur dé­ca­dence, ils avaient en­core néan­moins l’avantage d’être culti­vés, plus que ja­mais, par les per­sonnes les plus consi­dé­rables de l’Empire — les consuls, les pré­fets, les pré­teurs, les gou­ver­neurs des pro­vinces et les prin­ci­paux chefs des ar­mées —, qui se fai­saient gloire d’être les seuls re­fuges, les seuls rem­parts de la ci­vi­li­sa­tion face au chris­tia­nisme en­va­his­sant. Tels furent les Fla­via­nus, les Al­bi­nus, les Sym­maque, les Pré­tex­ta­tus et autres païens convain­cus, dont Ma­crobe fai­sait par­tie, et qu’il met­tait en scène dans son œuvre en qua­lité d’interlocuteurs. L’un d’eux dé­clare : «Pour le passé, nous de­vons tou­jours avoir de la vé­né­ra­tion, si nous avons quelque sa­gesse; car ce sont ces gé­né­ra­tions qui ont fait naître notre Em­pire au prix de leur sang et de leur sueur — Em­pire que seule une pro­fu­sion de ver­tus a pu bâ­tir» 2. Voilà une pro­fes­sion de foi qui peut ser­vir d’exergue à toute l’œuvre de Ma­crobe. Celle-ci est un com­pen­dium de la science et de la sa­gesse du passé, «un miel éla­boré de sucs di­vers» 3. On y trouve ce qu’on veut : des spé­cu­la­tions phi­lo­so­phiques, des no­tions gram­ma­ti­cales, une mine de bons mots et de traits d’esprit, une as­tro­no­mie et une géo­gra­phie abré­gées. Il est vrai qu’on a re­pro­ché à Ma­crobe de n’y avoir mis que fort peu du sien; de s’être contenté de rap­por­ter les mots mêmes em­ployés par les an­ciens au­teurs. «Seul le vê­te­ment lui ap­par­tient», dit un cri­tique 4, «tan­dis que le contenu est la pro­priété d’autrui». C’est pour cela qu’Érasme l’appelle «la cor­neille d’Ésope, qui pas­tiche en se pa­rant des plumes des autres oi­seaux» («Æso­pi­cam cor­ni­cu­lam, ex alio­rum pan­nis suos contexuit cen­tones»); et que Marc An­toine Mu­ret lui ap­plique spi­ri­tuel­le­ment ce vers de Té­rence, dans un sens tout dif­fé­rent de ce­lui qu’on a l’habitude de lui don­ner : «Je suis homme : en cette qua­lité, je crois avoir droit sur les biens de tous les autres hommes».

  1. En la­tin Fla­vius Ma­cro­bius Am­bro­sius Theo­do­sius. Haut
  2. «Sa­tur­nales», liv. III, ch. XIV, sect. 2. Haut
  1. «Sa­tur­nales», liv. I, préf., sect. 5. Haut
  2. Mar­tin Schanz. Haut

Lucien, «Œuvres. Tome VI»

XVIIIᵉ siècle

XVIIIe siècle

Il s’agit des «Dia­logues des cour­ti­sanes» («He­tai­ri­koi Dia­lo­goi» 1) et autres œuvres de Lu­cien de Sa­mo­sate 2, au­teur d’expression grecque qui n’épargna dans ses sa­tires en­jouées ni les dieux ni les hommes. «Je suis né en Sy­rie, sur les bords de l’Euphrate. Mais qu’importe mon pays? J’en sais, parmi mes ad­ver­saires, qui ne sont pas moins bar­bares que moi… Mon ac­cent étran­ger ne nuira point à ma cause si j’ai le bon droit de mon côté», dit-il dans «Les Phi­lo­sophes res­sus­ci­tés, ou le Pê­cheur» 3. Les pa­rents de Lu­cien étaient pauvres et d’humble condi­tion. Ils le des­ti­nèrent dès le dé­part au mé­tier de sculp­teur et mirent en ap­pren­tis­sage chez son oncle, qui était sta­tuaire. Mais son ini­tia­tion ne fut pas heu­reuse : pour son coup d’essai, il brisa le marbre qu’on lui avait donné à dé­gros­sir, et son oncle, homme d’un ca­rac­tère em­porté, l’en pu­nit sé­vè­re­ment. Il n’en fal­lut pas da­van­tage pour dé­goû­ter sans re­tour le jeune ap­prenti, dont le gé­nie et les sen­ti­ments étaient au-des­sus d’un mé­tier ma­nuel. Il prit dès lors la dé­ci­sion de ne plus re­mettre les pieds dans un ate­lier et se li­vra tout en­tier à l’étude des lettres. Il ra­conte lui-même cette anec­dote de jeu­nesse, de la ma­nière la plus sym­pa­thique, dans un écrit qu’il com­posa long­temps après et in­ti­tulé «Le Songe de Lu­cien» 4. Il y sup­pose qu’en ren­trant à la mai­son, après s’être sauvé des mains de son oncle, il s’endort, ac­ca­blé de fa­tigue et de tris­tesse. Il voit dans son som­meil les di­vi­ni­tés tu­té­laires de la Sculp­ture et de l’Instruction. Cha­cune d’elles fait l’éloge de son art : «Si tu veux me suivre, je te ren­drai, pour ainsi dire, le contem­po­rain de tous les gé­nies su­blimes qui ont existé… en te fai­sant connaître les im­mor­tels ou­vrages des grands écri­vains et les belles ac­tions des an­ciens hé­ros… Je te pro­mets, [à toi] aussi, un rang dis­tin­gué parmi ce pe­tit nombre d’hommes for­tu­nés qui ont ob­tenu l’immortalité. Et lors même que tu au­ras cessé de vivre, les sa­vants ai­me­ront en­core s’entretenir avec toi dans tes écrits» 5. On de­vine quelle di­vi­nité plaide ainsi et fi­nit par l’emporter. Aussi, dans «La Double Ac­cu­sa­tion», ce Sy­rien re­mer­cie-t-il l’Instruction de l’avoir «élevé» et «in­tro­duit parmi les Grecs», alors qu’«il n’était en­core qu’un jeune étourdi [par­lant] un lan­gage bar­bare» et por­tant une vi­laine robe orien­tale 6.

  1. En grec «Ἑταιρικοὶ Διάλογοι». Haut
  2. En grec Λουκιανὸς ὁ Σαμοσατεύς. Au­tre­fois trans­crit Lu­cian de Sa­mo­sate. Haut
  3. «Œuvres. Tome II», p. 399. Haut
  1. À ne pas confondre avec «Le Rêve, ou le Coq», qui porte sur un su­jet dif­fé­rent. Haut
  2. «Œuvres. Tome I», p. 14-15 & 17. Haut
  3. «Tome IV», p. 469 & 465. Haut

Lucien, «Œuvres. Tome V»

XVIIIᵉ siècle

XVIIIe siècle

Il s’agit de l’«Apo­lo­gie des por­traits» («Hy­per tôn ei­ko­nôn» 1) et autres œuvres de Lu­cien de Sa­mo­sate 2, au­teur d’expression grecque qui n’épargna dans ses sa­tires en­jouées ni les dieux ni les hommes. «Je suis né en Sy­rie, sur les bords de l’Euphrate. Mais qu’importe mon pays? J’en sais, parmi mes ad­ver­saires, qui ne sont pas moins bar­bares que moi… Mon ac­cent étran­ger ne nuira point à ma cause si j’ai le bon droit de mon côté», dit-il dans «Les Phi­lo­sophes res­sus­ci­tés, ou le Pê­cheur» 3. Les pa­rents de Lu­cien étaient pauvres et d’humble condi­tion. Ils le des­ti­nèrent dès le dé­part au mé­tier de sculp­teur et mirent en ap­pren­tis­sage chez son oncle, qui était sta­tuaire. Mais son ini­tia­tion ne fut pas heu­reuse : pour son coup d’essai, il brisa le marbre qu’on lui avait donné à dé­gros­sir, et son oncle, homme d’un ca­rac­tère em­porté, l’en pu­nit sé­vè­re­ment. Il n’en fal­lut pas da­van­tage pour dé­goû­ter sans re­tour le jeune ap­prenti, dont le gé­nie et les sen­ti­ments étaient au-des­sus d’un mé­tier ma­nuel. Il prit dès lors la dé­ci­sion de ne plus re­mettre les pieds dans un ate­lier et se li­vra tout en­tier à l’étude des lettres. Il ra­conte lui-même cette anec­dote de jeu­nesse, de la ma­nière la plus sym­pa­thique, dans un écrit qu’il com­posa long­temps après et in­ti­tulé «Le Songe de Lu­cien» 4. Il y sup­pose qu’en ren­trant à la mai­son, après s’être sauvé des mains de son oncle, il s’endort, ac­ca­blé de fa­tigue et de tris­tesse. Il voit dans son som­meil les di­vi­ni­tés tu­té­laires de la Sculp­ture et de l’Instruction. Cha­cune d’elles fait l’éloge de son art : «Si tu veux me suivre, je te ren­drai, pour ainsi dire, le contem­po­rain de tous les gé­nies su­blimes qui ont existé… en te fai­sant connaître les im­mor­tels ou­vrages des grands écri­vains et les belles ac­tions des an­ciens hé­ros… Je te pro­mets, [à toi] aussi, un rang dis­tin­gué parmi ce pe­tit nombre d’hommes for­tu­nés qui ont ob­tenu l’immortalité. Et lors même que tu au­ras cessé de vivre, les sa­vants ai­me­ront en­core s’entretenir avec toi dans tes écrits» 5. On de­vine quelle di­vi­nité plaide ainsi et fi­nit par l’emporter. Aussi, dans «La Double Ac­cu­sa­tion», ce Sy­rien re­mer­cie-t-il l’Instruction de l’avoir «élevé» et «in­tro­duit parmi les Grecs», alors qu’«il n’était en­core qu’un jeune étourdi [par­lant] un lan­gage bar­bare» et por­tant une vi­laine robe orien­tale 6.

  1. En grec «Ὑπὲρ τῶν εἰκόνων». Haut
  2. En grec Λουκιανὸς ὁ Σαμοσατεύς. Au­tre­fois trans­crit Lu­cian de Sa­mo­sate. Haut
  3. «Œuvres. Tome II», p. 399. Haut
  1. À ne pas confondre avec «Le Rêve, ou le Coq», qui porte sur un su­jet dif­fé­rent. Haut
  2. «Œuvres. Tome I», p. 14-15 & 17. Haut
  3. «Tome IV», p. 469 & 465. Haut