Rutilius Namatianus, « Sur son retour »

éd. Les Belles Lettres, coll. des universités de France, Paris

éd. Les Belles Lettres, coll. des uni­ver­si­tés de France, Pa­ris

Il s’agit du poème la­tin « Sur son re­tour, ou Iti­né­raire » (« De re­ditu suo, sive Iti­ne­ra­rium ») de Clau­dius Ru­ti­lius Na­ma­tia­nus1. Tout ce qu’on sait de l’auteur nous vient de son poème. Ori­gi­naire de la Gaule, d’un mi­lieu de grands pro­prié­taires de la Nar­bon­naise, tous re­pré­sen­tants de la haute aris­to­cra­tie, il fut nommé chef des ser­vices de la po­lice (« ma­gis­ter of­fi­cio­rum »), puis pré­fet de Rome en 414 apr. J.-C. Le dé­but de « Sur son re­tour » ex­prime de fa­çon in­ou­bliable l’attachement à la fois in­tel­lec­tuel et af­fec­tif qu’inspirait à ce fonc­tion­naire la gran­deur de Rome, au mo­ment même où elle al­lait être fou­lée aux pieds des bar­bares. Qui ne se rap­pelle, parmi ceux qui l’ont lu, son éloge plein d’amour pour cette Cité éter­nelle ; plein de ten­dresse pour cette reine vé­né­rable ; plein de re­gret pour cet astre sur le point de s’éclipser ? « Écoute », dit-il2, « ô reine si belle d’un monde qui t’appartient, ô Rome, ad­mise parmi les astres du ciel !… Illustre par des guerres justes et une paix sans in­so­lence, ta gloire t’a por­tée au faîte de la puis­sance… Le re­gard… est brouillé par l’éclat de tes temples ; ainsi doivent être, je pense, les de­meures des dieux… » Mais, quelque agré­ment qu’il trou­vât dans la ca­pi­tale du monde, Ru­ti­lius Na­ma­tia­nus la quitta en 417 apr. J.-C. pour vo­ler au se­cours de sa Gaule na­tale, et tâ­cher de ré­pa­rer par sa pré­sence et son au­to­rité les maux que les bar­bares ve­naient d’y cau­ser : « Ma for­tune », dit-il3, « m’arrache à [la Ville] ai­mée, et en­fant de la Gaule, les cam­pagnes gau­loises me rap­pellent. Elles sont, certes, fort en­lai­dies par de longues guerres ; mais, moins elles sont ave­nantes, plus elles sont à plaindre ». Ce voyage lui ins­pira le poème qui a sauvé son nom de l’oubli. Ru­ti­lius Na­ma­tia­nus y dé­crit ce qu’il voit ; et ses des­crip­tions sont fort tou­chantes, sur­tout lorsqu’il parle du dé­la­bre­ment de la la­ti­nité. La vue des ves­tiges ; des rem­parts ef­fon­drés ; des mo­nu­ments en­se­ve­lis sous de vastes dé­combres, lui sug­gère cette pen­sée : « Ne nous in­di­gnons pas si les corps des mor­tels ont une fin : des exemples nous montrent que les villes peuvent mou­rir ! » (« Non in­di­gne­mur mor­ta­lia cor­pora solvi : cer­ni­mus exem­plis op­pida posse mori ! »). Ce cri de dou­leur du noble Ro­main qui sent tout chan­ce­ler au­tour de lui a quelque chose de su­blime. Il est dom­mage que son poème ne soit pas par­venu en en­tier. Nous n’en avons que le livre I (644 vers) et le dé­but du livre II (68 vers), ainsi que deux pas­sages mu­ti­lés dé­cou­verts en 1973. La fin est per­due.

Il n’existe pas moins de sept tra­duc­tions fran­çaises de « Sur son re­tour », mais s’il fal­lait n’en choi­sir qu’une seule, je choi­si­rais celle de M. Étienne Wolff.

« Exaudi, re­gina tui pul­cher­rima mundi,
In­ter si­de­reos, Roma, re­cepta po­los !
Exaudi, Ge­ni­trix ho­mi­num Ge­ni­trixque deo­rum,
Non pro­cul a cælo per tua tem­pla su­mus.
Te ca­ni­mus sem­perque, sinent dum fata, ca­ne­mus :
Sospes nemo po­test im­me­mor esse tui.
Obrue­rint ci­tius sce­le­rata obli­via so­lem
Quam tuus e nos­tro corde re­ce­dat ho­nos.
Nam so­lis ra­diis æqua­lia mu­nera ten­dis,
Qua cir­cum­fu­sus fluc­tuat ocea­nus.
Vol­vi­tur ipse tibi, qui conti­net om­nia, Phœ­bus
Eque tuis or­tos in tua condit equos. »
— Pas­sage dans la langue ori­gi­nale

« Écoute, ô reine si belle d’un monde qui t’appartient, ô Rome, ad­mise parmi les astres du ciel ! Écoute, Mère des hommes, Mère des dieux, nous sommes proches du ciel grâce à tes temples. C’est toi que je chante, que tou­jours, aussi long­temps que le per­met­tront les des­tins, je chan­te­rai ; per­sonne ne peut être sauf et perdre ton sou­ve­nir. Un cri­mi­nel ou­bli aura plus vite fait d’ensevelir le so­leil que je ne lais­se­rai s’évanouir de mon cœur ta glo­rieuse image. C’est que tu étends ta mu­ni­fi­cence jusqu’où at­teignent les rayons du so­leil, par­tout où l’océan agite le cercle de ses flots. Pour toi roule le char de Phé­bus lui-même, qui em­brasse toutes choses ; chez toi se lèvent, chez toi se couchent ses cour­siers. »
— Pas­sage dans la tra­duc­tion de M. Wolff

« Écoute, ô reine si belle d’un monde qui t’appartient, ô Rome, ad­mise parmi les astres du ciel ! Écoute, Mère des hommes, Mère des dieux ! Tu nous rap­proches du ciel par tes temples. Nous te chan­tons, et tou­jours, aussi long­temps que le per­met­tront les des­tins, nous te chan­te­rons ; per­sonne ne peut vivre et perdre ton sou­ve­nir. Nous en­se­ve­li­rions plus vite le so­leil dans un cri­mi­nel ou­bli, que nous ne lais­se­rions échap­per de notre cœur l’honneur qui t’est dû. C’est que tes dons par­viennent par­tout où at­teignent les rayons du so­leil, par­tout où l’océan agite le cercle de ses flots. Pour toi tourne Phœ­bus qui em­brasse tout ; chez toi se lèvent, chez toi se couchent ses cour­siers. »
— Pas­sage dans la tra­duc­tion de Jules Ves­se­reau (éd. A. Fon­te­moing, Pa­ris)

« Écoute, ô reine si belle d’un monde qui t’appartient, ô Rome, ad­mise parmi les astres du ciel ! Écoute, Mère des hommes, Mère des dieux ! Tu nous rap­proches du ciel par tes temples. C’est toi que je chante, que tou­jours, aussi long­temps que le per­met­tront les des­tins, je chan­te­rai ; per­sonne ne peut res­ter vi­vant et perdre ton sou­ve­nir. J’ensevelirai plus vite le so­leil dans un cri­mi­nel ou­bli, que je ne lais­se­rai s’évanouir ta glo­rieuse image dans mon cœur. C’est que par­tout où at­teignent les rayons du so­leil, tu étends ta mu­ni­fi­cence, par­tout où l’océan agite le cercle de ses flots. Pour toi roule Phé­bus lui-même, dont le tour em­brasse tout ; chez toi se lèvent, chez toi se couchent ses cour­siers. »
— Pas­sage dans la tra­duc­tion de Jules Ves­se­reau et Fran­çois Pré­chac (éd. Les Belles Lettres, coll. des uni­ver­si­tés de France, Pa­ris)

« Écoute-moi, reine ma­gni­fique du monde de­venu ton do­maine, Rome, toi dont l’astre brille parmi les étoiles ; écoute-moi, Mère des hommes, Mère des dieux, tes temples nous rap­prochent du ciel. Je te chante et te chan­te­rai tou­jours, tant que le per­met­tra le sort ; la mort seule peut ef­fa­cer ton sou­ve­nir. Oui, je pour­rais plu­tôt mé­con­naître la lu­mière du jour, qu’étouffer dans mon cœur le culte que je te dois ! Tes bien­faits s’étendent aussi loin que les rayons du so­leil, jusqu’aux bornes de la terre qu’enferme la cein­ture de l’océan. C’est pour toi que roule Phé­bus, dont la course em­brasse l’univers ; ses cour­siers se couchent et se lèvent dans tes États. »
— Pas­sage dans la tra­duc­tion d’Eugène Des­pois (XIXe siècle)

« Écoute-nous, ô ma­gni­fique reine de ton uni­vers, ô Rome, ad­mise dans les cieux étoi­lés ; écoute-nous, Mère des dieux, Mère des hommes ; grâce à tes temples, nous ne sommes pas loin des cieux. Nous te chan­tons, et tou­jours, tant que le des­tin le per­met­tra, nous te chan­te­rons ; qui­conque est sain et sauf ne sau­rait ne pas se sou­ve­nir de toi. Bien plu­tôt, dans un cri­mi­nel ou­bli, nous ef­fa­ce­rions de notre mé­moire le so­leil, que d’étouffer en notre âme le culte de ta gran­deur, car tu dis­penses des dons pa­reils aux rayons du so­leil, et tu les jettes par­tout où flotte la vaste cein­ture de l’océan. C’est pour toi que roule Phœ­bus, qui contient toutes choses ; c’est dans ton Em­pire que se lèvent, dans ton Em­pire que se couchent ses cour­siers. »
— Pas­sage dans la tra­duc­tion de Fran­çois-Zé­non Col­lom­bet (XIXe siècle)

« Écoute-moi, reine du monde, di­vi­nité as­sise sur les astres ! Écoute-moi, Mère des hommes et des dieux, toi qui nous rap­proches du ciel par tes temples !

Je chante tes louanges, et je ne ces­se­rai de les chan­ter tant que la Parque fi­lera pour moi. On ne perd ton sou­ve­nir qu’avec la vie. Je re­fu­se­rais au so­leil le tri­but de ma re­con­nais­sance, plu­tôt que d’étouffer dans mon cœur les sen­ti­ments que je te dois. Tes bien­faits s’étendent aussi loin que les rayons du so­leil, jusqu’aux bornes de la terre qu’embrasse l’océan. L’astre dont la course em­brasse l’univers, ne roule que pour toi : il se lève dans ton Em­pire, il se couche dans tes mers. »
— Pas­sage dans la tra­duc­tion du mar­quis Jean-Jacques Le Franc de Pom­pi­gnan, re­vue par Charles Ni­sard (XIXe siècle)

« Écoute-moi, reine du monde, di­vi­nité as­sise sur les astres ! Écoute-moi, Mère des hommes et des dieux, toi qui nous rap­proches du ciel par tes temples !

Je chante tes louanges, et je ne ces­se­rai de les chan­ter tant que la Parque fi­lera pour moi. Il suf­fit de t’avoir vue, pour ne t’oublier ja­mais. Je re­fu­se­rais au so­leil le tri­but de ma re­con­nais­sance, plu­tôt que d’étouffer dans mon cœur les sen­ti­ments que je te dois. Les bien­faits du Dieu du jour ne sur­passent point les dons que tu ré­pands sur toute la terre, jusqu’à ses der­nières bornes, qui se perdent dans le vaste océan. L’astre qui contient toutes choses, ne roule que pour toi : il se lève dans ton Em­pire, il se couche dans tes mers. »
— Pas­sage dans la tra­duc­tion du mar­quis Jean-Jacques Le Franc de Pom­pi­gnan (XVIIIe siècle)

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  1. On ren­contre aussi les gra­phies Nu­man­tia­nus et Nu­ma­tia­nus. Haut
  2. liv. I, v. 47-96. Haut
  1. liv. I, v. 19-24. Haut