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su­jet

Lucilius, « L’Etna »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit de «L’Etna» («Ætna»), poème scien­ti­fique, qui dé­crit et ex­plique les na­tu­relles des di­vers phé­no­mènes phy­siques que pré­sente le cé­lèbre vol­can de ce nom (Ier siècle apr. J.-C.). On ne sait pas pré­ci­sé­ment qui en est l’auteur. On lit dans Sé­nèque («Lettres à Lu­ci­lius», lettre LXXIX) que Vir­gile, et Cor­ne­lius Se­ve­rus ont écrit suc­ces­si­ve­ment sur l’Etna. Il est pos­sible d’attribuer le poème à l’un de ces grands . Tou­te­fois, dans le même pas­sage, Sé­nèque in­vite Lu­ci­lius le Jeune (Lu­ci­lius Ju­nior), son ami et son cor­res­pon­dant, à pro­fi­ter de sa tour­née ad­mi­nis­tra­tive en Si­cile pour «abor­der [lui] aussi une qui at­tire tous les » et in­siste sur les ex­cel­lentes dis­po­si­tions où est ce der­nier, à la fois par ses pen­chants phi­lo­so­phiques et lit­té­raires et par ses connais­sances lo­cales sur la Si­cile, pour trai­ter du ma­jes­tueux ri­val du Vé­suve. Cela concourt à le faire ac­cep­ter comme l’auteur. Sé­nèque ne lui dit-il pas : «Je ne te connais pas, ou l’Etna te fait déjà ve­nir l’ à la bouche : tu as­pires à com­po­ser quelque grand ou­vrage égal à ce qu’ont pro­duit tes de­van­ciers»? «L’Etna» compte, se­lon les édi­tions, de 640 à 648 vers hexa­mètres, avec une rare pré­ci­sion de . Pos­té­rieur d’un demi-siècle aux «As­tro­no­miques», il pro­cède à peu près du même es­prit. Comme Ma­ni­lius, l’auteur de «L’Etna» est un dur pour les fables men­teuses ré­pan­dues par les poètes : «D’abord, qu’on ne se laisse pas abu­ser par les fic­tions des poètes» («Prin­ci­pio, ne quem ca­piat fal­la­cia va­tum»); «c’est en vain que j’essayerais d’expliquer la cause de chaque phé­no­mène, si vous per­sis­tez dans une opi­nion men­son­gère» («frus­tra cer­tis dis­po­nere sin­gula cau­sis ten­ta­mus, si firma ma­net tibi fa­bula men­dax»). Il veut donc des faits, rien que des faits, mais des faits bien avé­rés; il s’y pas­sionne. Comme Lu­crèce, il chante «la dé­li­cieuse vo­lupté» («ju­cunda vo­lup­tas») de la cer­ti­tude scien­ti­fique, la triom­phale de la dé­cou­verte : «Toutes ces mer­veilles qui frappent nos yeux dans ce vaste Uni­vers, ne pas les lais­ser dis­per­sées et confon­dues dans la masse des phé­no­mènes, mais les ob­ser­ver, les clas­ser par leur ca­rac­tère dis­tinc­tif : voilà pour l’esprit un plai­sir dé­li­cieux et di­vin». En­fin, il dé­plore que nous autres, mor­tels, nous nous tour­men­tions mi­sé­ra­ble­ment pour des riens, nous sup­por­tions mille fa­tigues dans le vain es­poir de faire for­tune, alors que «chose hon­teuse! les qui… en­seignent le vrai sont ré­duites au si­lence et dé­lais­sées comme in­dif­fé­rentes ou sté­riles».

Manilius, « Astronomicon. Tome II »

XVIIIᵉ siècle

XVIIIe siècle

Il s’agit de , au­teur (Ier siècle av. J.-C.-Ier siècle apr. J.-C.), au­tant poète qu’astronome ou as­tro­logue, et dont l’œuvre dé­crit le comme une im­mense ma­chine dont est la su­prême et le grand hor­lo­ger. La de Ma­ni­lius pa­raît avoir été celle d’un sa­vant en­thou­siaste, mais re­tiré, parce qu’aucune source an­tique ne nous parle de lui. Quin­tillien, qui men­tionne un grand nombre d’, ne dit rien sur notre sa­vant, qui leur est pour­tant su­pé­rieur. On a pré­tendu, d’après quelques tour­nures in­so­lites qu’on ne trouve pas ai­sé­ment chez des au­teurs du même siècle, qu’il était un étran­ger. Ce­pen­dant faut-il s’étonner que, trai­tant un su­jet neuf et in­ha­bi­tuel, il ait em­ployé des formes éga­le­ment in­ha­bi­tuelles? Ma­ni­lius le sen­tait lui-même et il s’en ex­cuse dès les pre­mières lignes de son poème : «Je se­rai», dit-il, «le pre­mier des Ro­mains qui fe­rai en­tendre sur l’Hélicon ces nou­veaux concerts». Il vi­vait, en tout cas, sous le règne d’Auguste, parce qu’il s’adresse à cet Em­pe­reur comme à un per­son­nage contem­po­rain. Et puis, dans un pas­sage du livre I 1, il fait al­lu­sion à la dé­faite de Va­rus 2 comme à un évé­ne­ment tout ré­cent. , elle sur­vint en 9 apr. J.-C. Ma­ni­lius a laissé à la pos­té­rité un unique poème in­ti­tulé «As­tro­no­miques» («As­tro­no­mi­con» 3) et qui est in­té­res­sant à plus d’un titre. Il touche, à vrai dire, bien plus à l’ qu’à l’, parce que, des cinq qu’il contient, le pre­mier seule­ment se rap­porte à la sphé­ri­cité de la , à la di­vi­sion du , aux ; les quatre autres sont pu­re­ment as­tro­lo­giques et sont une sorte de com­plet de l’horoscope.

  1. v. 898-901. Icône Haut
  2. À Teu­to­bourg, en Ger­ma­nie. Icône Haut
  1. Cal­qué sur le «As­tro­no­mi­kôn» («Ἀστρονομικῶν»). Icône Haut

Manilius, « Astronomicon. Tome I »

XVIIIᵉ siècle

XVIIIe siècle

Il s’agit de , au­teur (Ier siècle av. J.-C.-Ier siècle apr. J.-C.), au­tant poète qu’astronome ou as­tro­logue, et dont l’œuvre dé­crit le comme une im­mense ma­chine dont est la su­prême et le grand hor­lo­ger. La de Ma­ni­lius pa­raît avoir été celle d’un sa­vant en­thou­siaste, mais re­tiré, parce qu’aucune source an­tique ne nous parle de lui. Quin­tillien, qui men­tionne un grand nombre d’, ne dit rien sur notre sa­vant, qui leur est pour­tant su­pé­rieur. On a pré­tendu, d’après quelques tour­nures in­so­lites qu’on ne trouve pas ai­sé­ment chez des au­teurs du même siècle, qu’il était un étran­ger. Ce­pen­dant faut-il s’étonner que, trai­tant un su­jet neuf et in­ha­bi­tuel, il ait em­ployé des formes éga­le­ment in­ha­bi­tuelles? Ma­ni­lius le sen­tait lui-même et il s’en ex­cuse dès les pre­mières lignes de son poème : «Je se­rai», dit-il, «le pre­mier des Ro­mains qui fe­rai en­tendre sur l’Hélicon ces nou­veaux concerts». Il vi­vait, en tout cas, sous le règne d’Auguste, parce qu’il s’adresse à cet Em­pe­reur comme à un per­son­nage contem­po­rain. Et puis, dans un pas­sage du livre I 1, il fait al­lu­sion à la dé­faite de Va­rus 2 comme à un évé­ne­ment tout ré­cent. , elle sur­vint en 9 apr. J.-C. Ma­ni­lius a laissé à la pos­té­rité un unique poème in­ti­tulé «As­tro­no­miques» («As­tro­no­mi­con» 3) et qui est in­té­res­sant à plus d’un titre. Il touche, à vrai dire, bien plus à l’ qu’à l’, parce que, des cinq qu’il contient, le pre­mier seule­ment se rap­porte à la sphé­ri­cité de la , à la di­vi­sion du , aux ; les quatre autres sont pu­re­ment as­tro­lo­giques et sont une sorte de com­plet de l’horoscope.

  1. v. 898-901. Icône Haut
  2. À Teu­to­bourg, en Ger­ma­nie. Icône Haut
  1. Cal­qué sur le «As­tro­no­mi­kôn» («Ἀστρονομικῶν»). Icône Haut

Rutilius Namatianus, « Sur son retour »

éd. Les Belles Lettres, coll. des universités de France, Paris

éd. Les Belles Lettres, coll. des uni­ver­si­tés de , Pa­ris

Il s’agit du poème «Sur son re­tour, ou Iti­né­raire» («De re­ditu suo, sive Iti­ne­ra­rium») de Clau­dius Ru­ti­lius Na­ma­tia­nus 1. Tout ce qu’on sait de l’auteur nous vient de son poème. Ori­gi­naire de la Gaule, d’un mi­lieu de grands pro­prié­taires de la Nar­bon­naise, tous re­pré­sen­tants de la haute , il fut nommé chef des ser­vices de la po­lice («ma­gis­ter of­fi­cio­rum»), puis pré­fet de en 414 apr. J.-C. Le dé­but de «Sur son re­tour» ex­prime de fa­çon in­ou­bliable l’attachement à la fois in­tel­lec­tuel et af­fec­tif qu’inspirait à ce fonc­tion­naire la gran­deur de Rome, au mo­ment même où elle al­lait être fou­lée aux pieds des . Qui ne se rap­pelle, parmi ceux qui l’ont lu, son éloge plein d’ pour cette Cité éter­nelle; plein de ten­dresse pour cette reine vé­né­rable; plein de re­gret pour cet astre sur le point de s’éclipser? «Écoute», dit-il 2, «ô reine si belle d’un qui t’appartient, ô Rome, ad­mise parmi les astres du !… Illustre par des guerres et une sans in­so­lence, ta gloire t’a por­tée au faîte de la puis­sance… Le … est brouillé par l’éclat de tes temples; ainsi doivent être, je pense, les de­meures des » Mais, quelque agré­ment qu’il trou­vât dans la ca­pi­tale du monde, Ru­ti­lius Na­ma­tia­nus la quitta en 417 apr. J.-C. pour vo­ler au se­cours de sa Gaule na­tale, et tâ­cher de ré­pa­rer par sa pré­sence et son au­to­rité les maux que les bar­bares ve­naient d’y cau­ser : «Ma for­tune», dit-il 3, «m’arrache à [la Ville] ai­mée, et en­fant de la Gaule, les cam­pagnes gau­loises me rap­pellent. Elles sont, certes, fort en­lai­dies par de longues guerres; mais, moins elles sont ave­nantes, plus elles sont à plaindre». Ce voyage lui ins­pira le poème qui a sauvé son nom de l’oubli. Ru­ti­lius Na­ma­tia­nus y dé­crit ce qu’il voit; et ses des­crip­tions sont fort tou­chantes, sur­tout lorsqu’il parle du dé­la­bre­ment de la la­ti­nité. La vue des ves­tiges; des rem­parts ef­fon­drés; des en­se­ve­lis sous de vastes dé­combres, lui sug­gère cette  : «Ne nous in­di­gnons pas si les des mor­tels ont une fin : des exemples nous montrent que les peuvent mou­rir!» («Non in­di­gne­mur mor­ta­lia cor­pora solvi : cer­ni­mus exem­plis op­pida posse mori!»). Ce cri de du noble qui sent tout chan­ce­ler au­tour de lui a quelque chose de . Il est dom­mage que son poème ne soit pas par­venu en en­tier. Nous n’en avons que le livre I (644 vers) et le dé­but du livre II (68 vers), ainsi que deux pas­sages mu­ti­lés dé­cou­verts en 1973. La fin est per­due.

  1. On ren­contre aussi les gra­phies Nu­man­tia­nus et Nu­ma­tia­nus. Icône Haut
  2. liv. I, v. 47-96. Icône Haut
  1. liv. I, v. 19-24. Icône Haut

Catulle, « Les Poésies »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit de Ca­tulle 1, poète (Ie siècle av. J.-C.), qui s’est es­sayé dans tous les genres, de­van­çant Vir­gile dans l’, Ho­race dans l’ode, Ovide, Ti­bulle, Pro­perce dans l’élégie amou­reuse, Mar­tial dans l’épigramme et ce que nous ap­pe­lons la lé­gère. Sous un air de sim­pli­cité ex­trême, et ne for­mant pas cent pages, son pe­tit livre, ce «nou­vel en­fant d’une muse ba­dine» comme il l’appelle 2, est une an­nonce com­plète, une sorte de pré­lude à toute la poé­sie du siècle d’Auguste. On se gé­né­ra­le­ment que les Ro­mains de cette époque étaient le le plus po­licé de l’; c’est une er­reur grave, que les poé­sies de Ca­tulle suf­fi­raient au be­soin pour dé­men­tir. En­ri­chis tout à coup par les dé­pouilles des peuples qu’ils avaient conquis, les Ro­mains pas­sèrent, sans tran­si­tion, de la sé­vère des camps aux dé­rè­gle­ments des dé­bauches, des fes­tins, de toutes les dé­penses, et aux ex­cès les plus cra­pu­leux. Sal­luste écrit 3 : «Dès que les ri­chesses eurent com­mencé à être ho­no­rées… la per­dit son , la de­vint un op­probre, et l’antique sim­pli­cité fut ée comme une af­fec­ta­tion mal­veillante. Par les ri­chesses, on a vu se ré­pandre parmi notre , avec l’, la dé­bauche et la cu­pi­dité; puis… la pro­di­ga­lité de son pa­tri­moine, la convoi­tise de la for­tune d’, l’entier mé­pris de l’, de la pu­di­cité, des choses di­vines et hu­maines… Les hommes se pros­ti­tuaient comme des , et les femmes af­fi­chaient leur im­pu­di­cité». C’est au mi­lieu de cette mi-bar­bare, mi-ci­vi­li­sée que vé­cut notre poète. Ami de tous les plai­sirs et de la bonne chère, joyeux vi­veur de la grande ville, amant vo­lage de ces beau­tés vé­nales pour les­quelles se rui­nait la jeu­nesse d’alors, il se vit obligé de mettre en gage ses biens pour s’adonner aux charmes dan­ge­reux de la pas­sion amou­reuse. Dans un mor­ceau cé­lèbre, tout à coup il s’interrompt et se re­proche le mau­vais usage qu’il fait de ses loi­sirs. Il se dit à lui-même : «Prends-y garde, Ca­tulle, [tes loi­sirs] te se­ront fu­nestes. Ils ont pris trop d’empire sur ton . N’oublie pas qu’ils ont perdu les rois et les Em­pires»

  1. En la­tin Gaius Va­le­rius Ca­tul­lus. Icône Haut
  2. p. 3. Icône Haut
  1. «Conju­ra­tion de Ca­ti­lina», ch. XII. Icône Haut

Lucrèce, « Œuvres complètes. De la Nature des choses »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit du «De re­rum Na­tura» («De la des choses») de Lu­crèce 1, poète qui avait l’ambition de pé­né­trer dans les se­crets de l’univers et de nous y faire pé­né­trer avec lui; de fouiller dans cet pour mon­trer que tout phé­no­mène , tout ce qui s’accomplit au­tour de nous est la consé­quence de simples, par­fai­te­ment im­muables; d’établir, en­fin, d’une puis­sante fa­çon les atomes comme pre­miers prin­cipes de la na­ture, en fai­sant table rase des fic­tions re­li­gieuses et des su­per­sti­tions (Ier siècle av. J.-C.). Ni le titre ni le su­jet du «De re­rum Na­tura» ne sont de Lu­crèce; ils ap­par­tiennent pro­pre­ment à Épi­cure. Lu­crèce, tout charmé par les dé­cou­vertes que ce sa­vant avait faites dans son «Peri phy­seôs» 2De la Na­ture»), a joint aux sys­tèmes de ce pen­seur l’agrément et la force des ex­pres­sions; il a en­duit, comme il dit, la amère des connais­sances avec «la jaune li­queur du doux miel» de la  : «Et certes, je ne me cache pas», ajoute-t-il 3, «qu’il est dif­fi­cile de rendre claires, dans des vers la­tins, les obs­cures dé­cou­vertes des Grecs — sur­tout main­te­nant qu’il va fal­loir créer tant de termes nou­veaux, à cause de l’indigence de notre et de la nou­veauté du su­jet. Mais ton mé­rite et le plai­sir que me pro­met une si tendre, me per­suadent d’entreprendre le plus pé­nible tra­vail et m’engagent à veiller dans le calme des nuits, cher­chant par quelles pa­roles, par quels vers en­fin je pour­rai faire luire à tes yeux une vive lu­mière qui t’aide à voir sous toutes leurs faces nos mys­té­rieux pro­blèmes».

  1. En la­tin Ti­tus Lu­cre­tius Ca­rus. Icône Haut
  2. En grec «Περὶ φύσεως». Icône Haut
  1. p. 65. Icône Haut

Ovide, « Les Élégies d’Ovide, pendant son exil. Tome II »

XVIIIᵉ siècle

XVIIIe siècle

Il s’agit des «Pon­tiques» 1 d’ 2. En l’an 8 apr. J.-C., alors que sa pa­rais­sait plus as­su­rée et plus confor­table que ja­mais, Ovide fut é à Tomes 3, sur la Noire, à l’extrême li­mite de l’Empire. Quelle fut la cause de son exil, et quelle eut l’Empereur Au­guste de pri­ver et sa Cour d’un si grand poète, pour le confi­ner dans les terres ? C’est ce que l’on ignore, et ce qu’apparemment on igno­rera tou­jours. «Sa faute ca­pi­tale fut d’avoir été té­moin de quelque ac­tion se­crète qui in­té­res­sait la ré­pu­ta­tion de l’Empereur, ou plu­tôt de quelque per­sonne qui lui était bien chère : c’est… sur quoi nos … qui veulent à quelque prix que ce soit de­vi­ner une énigme de dix-sept siècles, se trouvent fort par­ta­gés», ex­plique le père  4. Mais lais­sons de côté les hy­po­thèses in­nom­brables et in­utiles. Il suf­fit de sa­voir que, dans ses mal­heurs, Ovide ne trouva pas d’autre res­source que sa , et qu’il l’employa tout en­tière à flé­chir la de l’Empereur : «On ne peut man­quer d’avoir de l’indulgence pour mes », écrit notre poète 5, «quand on saura que c’est pré­ci­sé­ment dans le de mon exil et au mi­lieu de la bar­ba­rie qu’ils ont été faits. L’on s’étonnera même que, parmi tant d’adversités, j’aie pu tra­cer un seul vers de ma main… Je n’ai point ici de qui puissent ra­ni­mer ma verve et me nour­rir au tra­vail : au lieu de livres, je ne vois que des arcs tou­jours ban­dés; et je n’entends que le bruit des qui re­ten­tit de toutes parts… Ô prince le plus doux et le plus hu­main qui soit au ! Sans le mal­heur qui m’est ar­rivé sur la fin de mes jours, l’ de votre es­time m’aurait mis à cou­vert de tous les mau­vais bruits. Oui, c’est la fin de ma qui m’a perdu; une seule bour­rasque a sub­mergé ma barque échap­pée tant de fois du nau­frage. Et ce n’est pas seule­ment quelques gouttes d’ qui ont re­jailli sur ; tous les flots de la mer et l’océan tout en­tier sont ve­nus fondre sur une seule tête et m’ont en­glouti». Il est éton­nant que les cri­tiques n’aient pas fait de ces pages poi­gnantes le cas qu’elles mé­ritent. Aux adres­sées à un pou­voir im­pla­cable, Ovide mêle la la­men­ta­tion d’un perdu loin des siens, loin d’une dont il était na­guère le plus brillant re­pré­sen­tant. Iti­né­raire du , de la , des heures vides, son che­mi­ne­ment tou­chera tous ceux que l’effet de la for­tune ou les vi­cis­si­tudes de la au­ront ar­ra­chés à leur pa­trie.

  1. En «Epis­tulæ ex Ponto» ou «Pon­ticæ Epis­tolæ». Icône Haut
  2. En la­tin Pu­blius Ovi­dius Naso. Icône Haut
  3. Aujourd’hui , en . Icône Haut
  1. «Tome I», p. X. Icône Haut
  2. id. p. 273-275 & 107 & 115. Icône Haut

Ovide, « Les Élégies d’Ovide, pendant son exil. Tome I »

XVIIIᵉ siècle

XVIIIe siècle

Il s’agit des «Tristes» 1 d’ 2. En l’an 8 apr. J.-C., alors que sa pa­rais­sait plus as­su­rée et plus confor­table que ja­mais, Ovide fut é à Tomes 3, sur la Noire, à l’extrême li­mite de l’Empire. Quelle fut la cause de son exil, et quelle eut l’Empereur Au­guste de pri­ver et sa Cour d’un si grand poète, pour le confi­ner dans les terres ? C’est ce que l’on ignore, et ce qu’apparemment on igno­rera tou­jours. «Sa faute ca­pi­tale fut d’avoir été té­moin de quelque ac­tion se­crète qui in­té­res­sait la ré­pu­ta­tion de l’Empereur, ou plu­tôt de quelque per­sonne qui lui était bien chère : c’est… sur quoi nos … qui veulent à quelque prix que ce soit de­vi­ner une énigme de dix-sept siècles, se trouvent fort par­ta­gés», ex­plique le père  4. Mais lais­sons de côté les hy­po­thèses in­nom­brables et in­utiles. Il suf­fit de sa­voir que, dans ses mal­heurs, Ovide ne trouva pas d’autre res­source que sa , et qu’il l’employa tout en­tière à flé­chir la de l’Empereur : «On ne peut man­quer d’avoir de l’indulgence pour mes », écrit notre poète 5, «quand on saura que c’est pré­ci­sé­ment dans le de mon exil et au mi­lieu de la bar­ba­rie qu’ils ont été faits. L’on s’étonnera même que, parmi tant d’adversités, j’aie pu tra­cer un seul vers de ma main… Je n’ai point ici de qui puissent ra­ni­mer ma verve et me nour­rir au tra­vail : au lieu de livres, je ne vois que des arcs tou­jours ban­dés; et je n’entends que le bruit des qui re­ten­tit de toutes parts… Ô prince le plus doux et le plus hu­main qui soit au ! Sans le mal­heur qui m’est ar­rivé sur la fin de mes jours, l’ de votre es­time m’aurait mis à cou­vert de tous les mau­vais bruits. Oui, c’est la fin de ma qui m’a perdu; une seule bour­rasque a sub­mergé ma barque échap­pée tant de fois du nau­frage. Et ce n’est pas seule­ment quelques gouttes d’ qui ont re­jailli sur ; tous les flots de la mer et l’océan tout en­tier sont ve­nus fondre sur une seule tête et m’ont en­glouti». Il est éton­nant que les cri­tiques n’aient pas fait de ces pages poi­gnantes le cas qu’elles mé­ritent. Aux adres­sées à un pou­voir im­pla­cable, Ovide mêle la la­men­ta­tion d’un perdu loin des siens, loin d’une dont il était na­guère le plus brillant re­pré­sen­tant. Iti­né­raire du , de la , des heures vides, son che­mi­ne­ment tou­chera tous ceux que l’effet de la for­tune ou les vi­cis­si­tudes de la au­ront ar­ra­chés à leur pa­trie.

  1. En «Tris­tia» ou «Tris­tium li­bri». Icône Haut
  2. En la­tin Pu­blius Ovi­dius Naso. Icône Haut
  3. Aujourd’hui , en . Icône Haut
  1. «Tome I», p. X. Icône Haut
  2. id. p. 273-275 & 107 & 115. Icône Haut