Il s’agit de Marcus Manilius, auteur latin (Ier siècle av. J.-C.-Ier siècle apr. J.-C.), autant poète qu’astronome ou astrologue, et dont l’œuvre décrit le monde comme une immense machine dont Dieu est la Raison suprême et le grand horloger. La vie de Manilius paraît avoir été celle d’un savant enthousiaste, mais retiré, parce qu’aucune source antique ne nous parle de lui. Quintillien, qui mentionne un grand nombre d’écrivains, ne dit rien sur notre savant, qui leur est pourtant supérieur. On a prétendu, d’après quelques tournures insolites qu’on ne trouve pas aisément chez des auteurs du même siècle, qu’il était un étranger. Cependant faut-il s’étonner que, traitant un sujet neuf et inhabituel, il ait employé des formes également inhabituelles ? Manilius le sentait lui-même et il s’en excuse dès les premières lignes de son poème : « Je serai », dit-il, « le premier des Romains qui ferai entendre sur l’Hélicon ces nouveaux concerts ». Il vivait, en tout cas, sous le règne d’Auguste, parce qu’il s’adresse à cet Empereur comme à un personnage contemporain. Et puis, dans un passage du livre I 1, il fait allusion à la défaite de Varus 2 comme à un événement tout récent. Or, elle survint en 9 apr. J.-C. Manilius a laissé à la postérité un unique poème intitulé « Astronomiques » (« Astronomicon » 3) et qui est intéressant à plus d’un titre. Il touche, à vrai dire, bien plus à l’astrologie qu’à l’astronomie, parce que, des cinq livres qu’il contient, le premier seulement se rapporte à la sphéricité de la Terre, à la division du ciel, aux comètes ; les quatre autres sont purement astrologiques et sont une sorte de traité complet de l’horoscope.
Il pressent quelque cause divine sous cet infini qui l’enveloppe
Une versification très agréable, digne du grand siècle, prête à cet ouvrage une élégance peu commune. Manilius, par ailleurs, ne manque pas d’importance en tant que philosophe. Il a de généreuses pensées et tend à s’élever ; il ne s’arrête pas aux astres visibles qu’il décrit. Il pressent quelque cause divine sous cet infini qui l’enveloppe. Il ne bâtit pas, comme Lucrèce, un système d’athéisme ; il réfute la doctrine des atomes. Il admet une Providence et ne veut pas que le monde soit créé et gouverné par l’agrégation fortuite des éléments dont il est constitué : « Dans ce vaste univers », dit-il, « rien n’est si étonnant que son uniformité et que l’ordre constant qui en règle tous les ressorts. Le nombre des parties ne cause aucune confusion… ; les mouvements ne se précipitent jamais ; jamais ils ne se ralentissent… Peut-on concevoir une machine plus composée dans ses ressorts, plus uniforme dans ses effets ? Quant à moi, je ne pense pas qu’il soit possible de démontrer, avec plus d’évidence, que le monde est gouverné par une puissance divine… ; que ce n’est point un hasard créateur qui l’a produit ». Il trouve quelquefois des accents sublimes pour célébrer l’éternelle structure du monde, comme dans ce distique que j’admire : « Tel que l’ont observé nos aïeux, tel le verront nos neveux : il est Dieu, puisqu’il est immuable » (« Non alium videre patres, aliumve nepotes aspicient : Deus est, qui non mutatur in ævo »).
Il n’existe pas moins de trois traductions françaises des « Astronomiques », mais s’il fallait n’en choisir qu’une seule, je choisirais celle d’Alexandre-Gui Pingré.
« Fata regunt orbem, certa stant omnia lege,
Cunctaque per certos signantur tempora casus.
Nascentes morimur, finisque ab origine pendet.
Hinc et opes et regna fluunt, et sæpius orta
Paupertas, artesque datæ, moresque creatis,
Et vitia et clades, damna et compendia rerum.
Nemo carere dato poterit, nec habere negatum,
Fortunamve suis invitam prendere votis,
Aut fugere instantem ; sors est sua cuique ferenda. »
— Passage dans la langue originale
« Le destin règle tout, tout est soumis à ses lois immuables ; tous les événements sont irrévocablement liés aux temps qui doivent les produire. L’instant qui nous voit naître a déterminé celui de notre mort ; notre fin dépend du premier moment de notre existence. De ce même principe découlent les richesses, les dignités, souvent même la pauvreté, les succès dans les arts, les mœurs, les défauts, les malheurs, la perte ou l’augmentation des biens. Ce que le destin nous prépare ne peut nous manquer ; nous n’acquerrons jamais ce qu’il nous refuse. En vain essayerions-nous de prévenir par nos désirs les faveurs ou les menaces de la fortune : il faut que chacun se soumette au sort qui lui est réservé. »
— Passage dans la traduction de Pingré
« Le destin régit le monde : tout subsiste par des lois déterminées ; immuable est le cours des événements qui doivent signaler la suite des âges.
La naissance entraîne la mort : la fin n’est que la conséquence du commencement. De cette loi découlent richesse, puissance royale, et plus souvent encore pauvreté, arts et mœurs, et vices, et désastres, et pertes et accroissements de fortune ! Ce que le destin nous assigne, nous sommes sûrs de l’avoir, de même que nous n’aurons pas ce qu’il nous refuse, et qu’en dépit de nos vœux, nous ne pourrons ni saisir la bonne fortune, si elle nous repousse, ni éviter la mauvaise, si elle nous poursuit : chacun a sa destinée qu’il lui faut subir. »
— Passage dans la traduction d’Eugène Fallex (dans « Anthologie des poètes latins. Tome II », XIXe siècle)
« Le destin règle l’univers, tout existe par sa loi immuable ; les événements sont déterminés pour tous les instants. En naissant, nous mourons ; notre mort dépend de notre premier jour. De ce point de départ découlent pour les créatures humaines les richesses, les dignités, et souvent la pauvreté, l’aptitude aux arts, les mœurs, les vices, les malheurs, la perte et l’accroissement des biens ; personne ne peut manquer d’avoir ce que la fortune lui donne, ni posséder ce qu’elle refuse. Nul ne peut saisir la fortune quand elle résiste aux vœux, ni la fuir quand elle menace : chacun doit supporter son propre sort. »
— Passage dans la traduction d’Adolphe Mazure (dans « Les Poètes antiques : études morales et littéraires. Tome II. Latins », XIXe siècle, p. 199-211)
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- Hubert Zehnacker et Jean-Claude Fredouille, « Littérature latine » (éd. Presses universitaires de France, coll. Premier Cycle, Paris).