Il s’agit du « Ṛgveda » 1, de l’« Atharvaveda » 2 et autres hymnes hindous portant le nom de Védas (« sciences sacrées ») — nom dérivé de la même racine « vid » qui se trouve dans nos mots « idée », « idole ». Il est certain que ces hymnes sont le plus ancien monument de la littérature de l’Inde (IIe millénaire av. J.-C.). On peut s’en convaincre déjà par leur langue désuète qui arrête à chaque pas interprètes et traducteurs ; mais ce qui le prouve encore mieux, c’est qu’on n’y trouve aucune trace du culte aujourd’hui omniprésent de Râma et de Kṛṣṇa. Je ne voudrais pas, pour autant, qu’on se fasse une opinion trop exagérée de leur mérite. On a affaire à des bribes de magie décousues, à des formules de rituel déconcertantes, sortes de balbutiements du verbe, dont l’originalité finit par agacer. « Les savants, depuis [Abel] Bergaigne surtout, ont cessé d’admirer dans les Védas les premiers hymnes de l’humanité ou de la “race aryenne” en présence [de] la nature… À parler franc, les trois quarts et demi du “Ṛgveda” sont du galimatias. Les indianistes le savent et en conviennent volontiers entre eux », dit Salomon Reinach 3. La rhétorique védique est, en effet, une rhétorique bizarre, qui effarouche les meilleurs savants par la disparité des images et le chevauchement des sens. Elle se compose de métaphores sacerdotales, compliquées et obscures à dessein, parce que les prêtres védiques, qui vivaient de l’autel, entendaient s’en réserver le monopole. Souvent, ces métaphores font, comme nous dirions, d’une pierre deux coups. Deux idées, associées quelque part à une troisième, sont ensuite associées l’une à l’autre, alors qu’elles hurlent de dégoût de se voir ensemble. Voici un exemple dont l’étrangeté a, du moins, une saveur mythologique : Le « soma » (« liqueur céleste ») sort de la nuée. La nuée est une vache. Le « soma » est donc un lait, ou plutôt, c’est un beurre qui a des « pieds », qui a des « sabots », et qu’Indra trouve dans la vache. Le « soma » est donc un veau qui sort d’un « pis », et ce qui est plus fort, du pis d’un mâle, par suite de la substitution du mot « nuée » avec le mot « nuage ». De là, cet hymne :
« Voilà le nom secret du beurre :
“Langue des dieux”, “nombril de l’immortel”.
Proclamons le nom du beurre,
Soutenons-le de nos hommages en ce sacrifice !…
Le buffle aux quatre cornes l’a excrété.
Il a quatre cornes, trois pieds…
Elles jaillissent de l’océan spirituel,
Ces coulées de beurre cent fois encloses,
Invisibles à l’ennemi. Je les considère :
La verge d’or est en leur milieu », etc. 4
métaphores sacerdotales, compliquées et obscures à dessein
En somme, les Védas contiennent bien des puérilités et bien des futilités, et il nous faut chercher patiemment avant de rencontrer, çà et là, des sentiments qui viennent des profondeurs de l’âme, et des prières auxquelles nous pourrions nous associer nous-mêmes. Cependant, de tels passages existent, et ce sont les seuls qui importent.
Voici un passage qui donnera une idée du style de l’« Atharvaveda » :
« Enflammé grâce à sa bûche, se vêtant de la peau d’antilope,
Consacré et portant barbe longue, le disciple va,
En un instant, de la mer d’Orient à la mer d’Occident.
S’étant emparé des trois mondes, les façonnant, il les parcourt.
Le disciple, engendrant le brahmane, les eaux, l’univers
Et Prajâpati lui-même qui est seigneur et souveraineté,
Se fit embryon dans la matrice de l’ambroisie
Et, sous la forme d’Indra, écrasa les Asura » 5.
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Consultez cette bibliographie succincte en langue française
- Abel Bergaigne, « Quelques Observations sur les figures de rhétorique dans le “Ṛig-véda” » dans « Mémoires de la Société de linguistique de Paris », vol. 4, p. 96-137 [Source : Google Livres]
- Friedrich Max Müller, « Essais sur l’histoire des religions » (XIXe siècle) [Source : Google Livres]
- Salomon Reinach, « Orpheus : histoire générale des religions » (éd. A. Picard, Paris).
- En sanscrit « ऋग्वेद ». Parfois transcrit « Rk Veda », « Rak-véda », « Ragveda », « Rěgveda », « Rik-veda », « Rick Veda » ou « Rig-ved ».
- En sanscrit « अथर्ववेद ».
- « Orpheus : histoire générale des religions », p. 77-78. On peut joindre à cette opinion celle de Voltaire : « Les Védas sont le plus ennuyeux fatras que j’aie jamais lu. Figurez-vous la “Légende dorée”, les “Conformités de saint François d’Assise”, les “Exercices spirituels” de saint Ignace et les “Sermons” de Menot joints ensemble, vous n’aurez encore qu’une idée très imparfaite des impertinences des Védas » (« Lettres chinoises, indiennes et tartares », lettre IX).