Il s’agit du « Pârvatî mangal »1 et du « Jânakî mangal »2, deux œuvres mineures de Tulsî-dâs, décrivant l’une le mariage de Śiva et de Pârvatî, l’autre — celui de Râma et de Sîtâ. Ces deux œuvres se ressemblent beaucoup, non seulement par le sujet et l’inspiration, mais encore par le style, la langue et la métrique : toutes deux appartiennent au genre du « mangal ». Un « mangal » est une chanson porte-bonheur destinée à être chantée dans certaines cérémonies, et en particulier une « chanson nuptiale », un « épithalame ». Son but, dans ce cas, est de faire connaître aux nouveaux époux le bonheur de leur union ; but étrange peut-être, car s’ils ne sentent pas ce bonheur, pourquoi se marient-ils ? Mais, en Inde, il y a surtout des mariages de convenance faits par les parents sans que les jeunes époux se soient jamais vus, et non des mariages d’amour. La chanson est utile pour consoler ces époux qui ne se marient que par obéissance, en leur annonçant les avantages qu’ils auront dans l’avenir. « Ceux qui chanteront avec amour ce poème dans les cérémonies heureuses et les fêtes nuptiales », dit Tulsî3, « atteindront la félicité et la réalisation de leurs désirs. » Le poète a, dans ses descriptions, accordé aux femmes un rôle hors de proportion : « Les chansons de mariage indiennes sont, en effet, à peu près exclusivement réservées aux suivantes de la jeune fille chez laquelle se déroulent les cérémonies », explique M. Jean-Emmanuel Gorse4. Un autre intérêt de ces chansons, c’est que la noce qu’elles chantent n’est pas une noce ordinaire, mais divine : « [Elles donnent] pour modèle d’une cérémonie les rites célébrés dans la même occasion [par un] couple divin. De ce fait, [ce] sont de véritables guides liturgiques à l’usage des femmes indiennes », et en cette qualité, elles exercent une grande influence sur la masse du peuple.
Tulsî-dâs
auteur
Tulsî-dâs, « Le Lac spirituel : un chef-d’œuvre de la poésie religieuse indienne »
Il s’agit d’une traduction partielle du « Râm-carit-mânas »1 (« Le Lac spirituel de la geste de Râma »), qu’on appelle aussi le « Tulsî-kṛt Râmâyaṇ »2, c’est-à-dire le « Râmâyaṇa composé par Tulsî », pour le distinguer de l’ancienne épopée en sanscrit, le « Râmâyaṇa », attribuée au sage Vâlmîki. Il suffit d’ouvrir le « Râm-carit-mânas » pour voir combien Tulsî-dâs3 a emprunté à Vâlmîki, combien il l’a suivi à chaque pas et même dans toutes les inventions, qui ne sont chez lui, à bien des égards, que des imitations. « C’est une composition qui, l’intention religieuse à part, ressemble à quelque chose d’une imitation fort libre et — j’ose le dire — tout à fait arbitraire, où Tulsî-dâs… a voulu peut-être éviter souvent d’être long, mais, au lieu d’émonder les branches parasites, a coupé des rameaux utiles », explique Hippolyte Fauche4. Cependant, tout en l’imitant, Tulsî-dâs a cru devoir faire autrement que Vâlmîki ; il a fait non pas mieux — c’eût été une tâche au-dessus de ses forces — mais plus froid, plus empesé, plus dévot. Son Râma n’est plus un héros qui parle, c’est un dieu dont l’élément humain s’est évaporé complètement : « Le merveilleux en est-il augmenté ? Loin de là ! Il s’en trouve affaibli, car le merveilleux était dans l’union ineffable de ces deux natures ; et maintenant on ne sent plus dans le dieu un cœur d’homme, où vienne se réchauffer un sang humain… ; et l’on a perdu le charme de reconnaître ici dans le dieu cet “Homo sum : humani nil a me alienum puto” », conclut Fauche5. Le fait que le « Râm-carit-mânas » a été composé en langue vulgaire (en hindi) et non en langue savante (en sanscrit) explique à la fois son immense popularité auprès des masses hindoues, et les critiques quelquefois dédaigneuses, mais quelquefois aussi justifiées, que lui ont adressées les lettrés du pays. Tulsî en avait conscience, et nous en avons la preuve dans la curieuse apologie qu’il a mise en tête du « Râm-carit-mânas » : « Les savants poéticiens, dénués de tendresse pour Râma, prendront plaisir à se gausser de mon poème », dit-il, « car il est en langue vulgaire, et mon esprit est faible ! Oui, il mérite qu’on en rie — et qu’importe si l’on en rit !… Les cœurs nobles me pardonneront ma témérité, et ils écouteront avec bienveillance mes propos enfantins, comme un père et une mère écoutent avec joie les balbutiements de leur petit enfant ! »
Tulsî-dâs, « Le Rāmāyan »
Il s’agit d’une traduction partielle du « Râm-carit-mânas »1 (« Le Lac spirituel de la geste de Râma »), qu’on appelle aussi le « Tulsî-kṛt Râmâyaṇ »2, c’est-à-dire le « Râmâyaṇa composé par Tulsî », pour le distinguer de l’ancienne épopée en sanscrit, le « Râmâyaṇa », attribuée au sage Vâlmîki. Il suffit d’ouvrir le « Râm-carit-mânas » pour voir combien Tulsî-dâs3 a emprunté à Vâlmîki, combien il l’a suivi à chaque pas et même dans toutes les inventions, qui ne sont chez lui, à bien des égards, que des imitations. « C’est une composition qui, l’intention religieuse à part, ressemble à quelque chose d’une imitation fort libre et — j’ose le dire — tout à fait arbitraire, où Tulsî-dâs… a voulu peut-être éviter souvent d’être long, mais, au lieu d’émonder les branches parasites, a coupé des rameaux utiles », explique Hippolyte Fauche4. Cependant, tout en l’imitant, Tulsî-dâs a cru devoir faire autrement que Vâlmîki ; il a fait non pas mieux — c’eût été une tâche au-dessus de ses forces — mais plus froid, plus empesé, plus dévot. Son Râma n’est plus un héros qui parle, c’est un dieu dont l’élément humain s’est évaporé complètement : « Le merveilleux en est-il augmenté ? Loin de là ! Il s’en trouve affaibli, car le merveilleux était dans l’union ineffable de ces deux natures ; et maintenant on ne sent plus dans le dieu un cœur d’homme, où vienne se réchauffer un sang humain… ; et l’on a perdu le charme de reconnaître ici dans le dieu cet “Homo sum : humani nil a me alienum puto” », conclut Fauche5. Le fait que le « Râm-carit-mânas » a été composé en langue vulgaire (en hindi) et non en langue savante (en sanscrit) explique à la fois son immense popularité auprès des masses hindoues, et les critiques quelquefois dédaigneuses, mais quelquefois aussi justifiées, que lui ont adressées les lettrés du pays. Tulsî en avait conscience, et nous en avons la preuve dans la curieuse apologie qu’il a mise en tête du « Râm-carit-mânas » : « Les savants poéticiens, dénués de tendresse pour Râma, prendront plaisir à se gausser de mon poème », dit-il, « car il est en langue vulgaire, et mon esprit est faible ! Oui, il mérite qu’on en rie — et qu’importe si l’on en rit !… Les cœurs nobles me pardonneront ma témérité, et ils écouteront avec bienveillance mes propos enfantins, comme un père et une mère écoutent avec joie les balbutiements de leur petit enfant ! »