Murasaki-shikibu, «Le Dit du genji. Tome II. Impermanence»

éd. Publications orientalistes de France, coll. Les Œuvres capitales de la littérature japonaise, Paris

éd. Pu­bli­ca­tions orien­ta­listes de France, coll. Les Œuvres ca­pi­tales de la lit­té­ra­ture ja­po­naise, Pa­ris

Il s’agit du «Dit du genji» («Genji mo­no­ga­tari» 1) de la dame Mu­ra­saki-shi­kibu 2, ro­man qui marque le som­met le plus haut at­teint par la lit­té­ra­ture ja­po­naise. «De tous les tré­sors du Ja­pon, le “Dit du genji” est de loin le plus pré­cieux.» 3 On sup­pose que ce ro­man mo­nu­men­tal fut com­posé vers 1004 apr. J.-C. Une jo­lie lé­gende as­so­cie sa com­po­si­tion au temple d’Ishiyama 4, à l’extrémité mé­ri­dio­nale du lac Biwa. En ce site di­vin, la dame Mu­ra­saki-shi­kibu se re­tira, dit-on, loin de la Cour : chaque nuit, ac­cou­dée à sa table, elle contem­plait le lac Biwa dont la nappe ar­gen­tée ré­flé­chis­sait la lune étin­ce­lante et, la sé­ré­nité des choses en­trant dans son cœur, elle écri­vait, d’un pin­ceau tran­quille et ins­piré, ses plus belles pages. Aujourd’hui en­core, si vous vi­si­tez le temple d’Ishiyama, les bonzes vous mon­tre­ront la chambre où le «Dit du genji» fut écrit, et l’encrier même dont la ro­man­cière se ser­vit — preuves qui, si elles ne sa­tis­font pas les his­to­riens ri­gou­reux, sont bien suf­fi­santes pour convaincre les vi­si­teurs or­di­naires. «Le “Dit du genji” est une chose in­ex­pli­cable», dit un Em­pe­reur ja­po­nais 5. «Il ne peut être l’ouvrage d’une per­sonne or­di­naire.» Com­ment, en ef­fet, ex­pli­quer ce chef-d’œuvre com­plexe où, sur un fond d’exquises ob­ser­va­tions em­prun­tées à tout ce que la vie ga­lante de la Cour, les brillantes fêtes du Pa­lais, les ren­contres in­times entre ca­va­liers et dames, mais aussi les ri­vages de l’exil ou la paix re­li­gieuse d’un er­mi­tage, peuvent of­frir de plus char­mant à une ro­man­cière, on voit se dé­ta­cher une constel­la­tion de quelque trois cents per­son­nages, dont l’unité est as­su­rée par la pré­sence cen­trale d’un don Juan au cœur sen­sible — le «genji» 6? Et que dire des quelque huit cents poèmes que ces per­son­nages s’envoient les uns aux autres sous forme de billets pour se confier mu­tuel­le­ment leurs émo­tions? Quoi qu’il en soit, conve­nons avec M. René Sief­fert 7 «qu’il s’agit là… du ro­man psy­cho­lo­gique le plus éton­nant, par sa sub­ti­lité et sa pé­né­tra­tion, qui ait ja­mais été écrit dans au­cune langue».

«De tous les tré­sors du Ja­pon, le “Dit du genji” est de loin le plus pré­cieux»

Voici un pas­sage qui don­nera une idée du style du «Dit du genji» : «À la lune-sans-dieux, sai­son où vo­lon­tiers tombent les froides averses, il était plongé dans ses mornes son­ge­ries, et à l’aspect du ciel au cré­pus­cule, une in­ex­pri­mable an­goisse le sai­sit : “tou­jours elles sont tom­bées, mais…”, mur­mura-t-il pour lui seul. Et il en­viait leurs ailes aux oies sau­vages qui pas­saient dans les nuages :

Maître d’illusion
Qui dans le ciel te dé­places
Va-t’en re­cher­cher
L’âme qui, en rêve même,
Plus ja­mais ne m’apparaît

Ainsi, quelles que fussent les cir­cons­tances, et les mois s’ajoutant aux jours, ja­mais il ne se dis­trayait de sa peine» 8.

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Consultez cette bibliographie succincte en langue française

  1. En ja­po­nais «源氏物語». Au­tre­fois trans­crit «Gen-zi mono-ga­tari», «Ghenzi mo­no­ga­tari», «Guendji mo­no­ga­tari», «Guenji-mo­no­ga­tari», «Ghenndji mo­no­gha­tari», «Ghenji mo­no­ga­tari» ou «Ghennji mo­no­ga­tari». Haut
  2. En ja­po­nais 紫式部. Au­tre­fois trans­crit Mou­ra­saki Chi­ki­bou, Mou­ra­çaki Shi­ki­bou ou Mou­ra­saki Si­ki­bou. Haut
  3. Ichijô Ka­neyo­shi, «Ka­chô yo­sei» («Images de fleurs et d’oiseaux»), in­édit en fran­çais. Haut
  4. En ja­po­nais 石山寺. Haut
  1. L’Empereur Jun­toku. Haut
  2. «Genji» est un titre ho­no­ri­fique ac­cordé à un fils ou à une fille d’Empereur à qui est re­fu­sée la qua­lité d’héritier ou d’héritière. Haut
  3. Dans Phi­lippe Pons, «“Le Dit du genji”, un fleuve sans fin : un en­tre­tien». Haut
  4. p. 259. Haut