Mot-cleffemmes écrivains japonaises

su­jet

« Yosano Akiko (1878-1942) : le séjour à Paris d’une Japonaise en 1912 »

dans « Clio », vol. 28, p. 194-203

dans « Clio », vol. 28, p. 194-203

Il s’agit d’une tra­duc­tion par­tielle de « De­puis Pa­ris » (« Pa­rii yori »1) de Yo­sano Akiko. En 1912, lorsqu’elle al­lait s’embarquer pour la France, Akiko était déjà l’auteur de dix re­cueils de poé­sies, dont la sen­sua­lité li­bé­rée de tout be­soin de jus­ti­fi­ca­tion lui avait fait la ré­pu­ta­tion de pion­nière de l’identité fé­mi­nine au Ja­pon. Elle n’avait qu’une seule idée en tête : re­joindre à Pa­ris son époux, Yo­sano Tek­kan. Ce­lui-ci était parti quelques mois au­pa­ra­vant pour réa­li­ser un rêve de tou­jours et ten­ter de dis­si­per une dé­pres­sion ner­veuse qui le me­na­çait. Il avait di­rigé pen­dant huit ans une des re­vues lit­té­raires les plus pres­ti­gieuses de Tô­kyô, « Myôjô »2 (« L’Étoile du ber­ger »3). Puis, il l’avait per­due ; et de­puis ce jour, il er­rait dans la mai­son, tan­tôt mé­lan­co­lique, tan­tôt agres­sif. Akiko était per­sua­dée que ce n’était pas d’un mé­de­cin re­nommé que son mari avait be­soin pour gué­rir, mais d’un voyage en France ; car il rê­vait de­puis long­temps déjà de sé­jour­ner dans ce pays, dont il avait pu­blié les toutes pre­mières tra­duc­tions en langue ja­po­naise. Le pro­jet était fi­nan­ciè­re­ment in­fai­sable, mais fut pour­tant dé­cidé. Pour réunir la somme né­ces­saire au voyage, Akiko cal­li­gra­phia cer­tains poèmes de son re­cueil « Che­veux em­mê­lés » sur une cen­taine de pa­ra­vents en or, qu’elle ven­dit au prix fort. Le reste de l’argent fut fourni par des jour­naux, aux­quels Tek­kan et plus tard Akiko s’engagèrent d’envoyer ré­gu­liè­re­ment des pa­piers une fois sur place. Deux ou­vrages nous ren­seignent sur le sé­jour en France des deux époux : « De­puis Pa­ris », qui re­groupe leurs ar­ticles et leurs im­pres­sions de voyage en­voyés pour être pu­bliés dans les jour­naux ; et « De l’été à l’automne » (« Natsu yori aki e »4), re­cueil de poèmes, où Akiko ra­conte son bon­heur de vi­si­ter la France dans des vers qui mé­ri­te­raient d’être connus des Fran­çais :

« Joli mois de mai
Dans les champs de blé fran­çais
Aux cou­leurs de feu…
Co­que­li­cot mon amant,
Co­que­li­cot moi aussi !
 »

  1. En ja­po­nais « 巴里より ». Par­fois trans­crit « Pari yori ». Haut
  2. En ja­po­nais « 明星 ». Haut
  1. Par­fois tra­duit « L’Étoile du ma­tin ». Haut
  2. En ja­po­nais « 夏より秋へ ». Haut

Sei-shônagon, « Les Notes de l’oreiller, “Makura no soshi” »

éd. Stock-Delamain et Boutelleau, coll. Le Cabinet cosmopolite, Paris

éd. Stock-De­la­main et Bou­tel­leau, coll. Le Ca­bi­net cos­mo­po­lite, Pa­ris

Il s’agit des « Notes de l’oreiller » (« Ma­kura no sô­shi »1), la pre­mière ma­ni­fes­ta­tion dans les lettres ja­po­naises d’un genre de lit­té­ra­ture qui connaî­tra une grande vogue par la suite : ce­lui des « zui­hitsu »2 (« es­sais au fil du pin­ceau »). On n’y trouve ni plan ni mé­thode — un désordre fan­tai­siste ré­gnant ici en maître, mais un mé­lange d’esquisses sai­sies sur le vif, d’anecdotes, de choses vues, de re­marques per­son­nelles. Leur au­teur était une femme « mo­queuse, pro­vo­cante, inexo­rable »3 ; une dame de la Cour, dont nous ne connais­sons que le pseu­do­nyme : Sei-shô­na­gon4. Ce pseu­do­nyme s’explique (comme ce­lui de Mu­ra­saki-shi­kibu) par la com­bi­nai­son d’un nom de fa­mille avec un titre ho­no­ri­fique — « shô­na­gon » dé­si­gnant un di­gni­taire de la Cour, et « sei » étant la pro­non­cia­tion chi­noise du ca­rac­tère qui forme le pre­mier élé­ment du nom Kiyo­hara, fa­mille à la­quelle elle ap­par­te­nait. En ef­fet, son père n’était autre que le poète Kiyo­hara no Mo­to­suke5, l’un des cinq let­trés de l’Empereur. Et même si quelques-uns sont d’avis que Mo­to­suke ne fut que le père adop­tif de Sei-shô­na­gon, il n’en reste pas moins cer­tain que le mi­lieu où elle passa sa jeu­nesse ne put que fa­vo­ri­ser les pen­chants lit­té­raires qui lui per­mirent, plus tard, de de­ve­nir dame d’honneur de l’Impératrice Sa­dako. En­trée donc à la Cour en 990 apr. J.-C. Sei-shô­na­gon s’y fit re­mar­quer par une pré­sence d’esprit trop vive pour n’être pas à la fois es­ti­mée, haïe et re­dou­tée. Car (et c’est là peut-être son dé­faut) elle écra­sait les autres du poids de son éru­di­tion qu’elle cher­chait à mon­trer à la moindre oc­ca­sion. On ra­conte que les cour­ti­sans, qui crai­gnaient ses plai­san­te­ries, pâ­lis­saient à sa seule ap­proche. La clair­voyante Mu­ra­saki-shi­kibu écrit dans son « Jour­nal » : « Sei-shô­na­gon est une per­sonne qui en im­pose en vé­rité par ses grands airs. Mais sa pré­ten­tion de tout sa­voir et sa fa­çon de se­mer au­tour d’elle les écrits en ca­rac­tères chi­nois, à tout bien consi­dé­rer, ne font que mas­quer de nom­breuses la­cunes. Ceux qui de la sorte se plaisent à se mon­trer dif­fé­rents des autres, s’attirent for­cé­ment le mé­pris et fi­nissent tou­jours très mal »6. De fait, le mal­heur vint frap­per Sei-shô­na­gon quand, peu d’années après, l’ambitieux Fu­ji­wara no Mi­chi­naga par­vint à faire écar­ter l’Impératrice Sa­dako, à l’ombre de la­quelle fleu­ris­sait notre dame d’honneur.

  1. En ja­po­nais « 枕草子 ». Au­tre­fois trans­crit « Ma­koura no ço­chi », « Ma­koura no sôci » ou « Ma­kura no soo­shi ». Haut
  2. En ja­po­nais 随筆. Au­tre­fois trans­crit « zouï-hit­sou ». Haut
  3. Mi­chel Re­von. Haut
  1. En ja­po­nais 清少納言. Au­tre­fois trans­crit Çei Cho­na­gon, Shei Sho­na­gun ou Seï Sô­na­gon. Haut
  2. En ja­po­nais 清原元輔. Au­tre­fois trans­crit Kiyo­wara-no-Mo­to­suke, Kiyo­wara no Mo­to­çouké ou Kiyo­hara no Mo­to­souké. Haut
  3. « Jour­nal ; tra­duit du ja­po­nais par René Sief­fert », p. 67. Haut

Ichiyô, « Le Trente et un Décembre, “Ôtsugomori” »

dans « Anthologie de nouvelles japonaises contemporaines. [Tome I] » (éd. Gallimard, coll. Du monde entier, Paris)

dans « An­tho­lo­gie de nou­velles ja­po­naises contem­po­raines. [Tome I] » (éd. Gal­li­mard, coll. Du monde en­tier, Pa­ris)

Il s’agit du « Trente et un Dé­cembre » (« Ôt­su­go­mori »1) de Hi­gu­chi Ichiyô2, écri­vaine ja­po­naise, tom­bée à vingt-quatre ans comme la feuille au vent d’automne (son sur­nom Ichiyô si­gni­fie « Simple feuille ») et qui, mal­gré la briè­veté de sa vie, fut un des au­teurs les plus in­té­res­sants de sa gé­né­ra­tion, an­non­çant avec éclat le re­tour des femmes sur la scène lit­té­raire de l’Empire du So­leil le­vant. De son vrai nom Hi­gu­chi Natsu3 ou Hi­gu­chi Nat­suko4, elle mon­tra un goût pré­coce pour la lit­té­ra­ture et don­nait déjà mieux que des es­pé­rances, lorsqu’en 1889, la mort de son père, sui­vie de celle de son frère, mit sa fa­mille dans une mi­sère ex­trême. De­ve­nue l’unique sou­tien de sa mère et de sa sœur ca­dette, Ichiyô s’essaya, pour ga­gner de quoi vivre, à écrire sous forme de feuille­tons dans la presse quo­ti­dienne. Son ini­tia­teur à ce genre as­sez nou­veau au Ja­pon fut un ré­dac­teur de l’« Asahi Shim­bun »5 (« Le Jour­nal du So­leil le­vant »), Na­ka­rai Tô­sui, qui de­vint son amant ; mais, tra­hie et aban­don­née par ce der­nier, elle son­gea un mo­ment à re­non­cer à tout. Entre-temps, pour don­ner aux siens un peu de pain, elle ven­dait des ca­hiers dans les ruelles des uni­ver­si­tés, des ba­lais aux portes du quar­tier mal famé du Yo­shi­wara. Elle fût morte de faim si, en 1893, les ro­man­tiques du « Bun­ga­ku­kai »6 (« Le Monde lit­té­raire ») ne s’étaient aper­çus de son gé­nie et ne lui avaient ou­vert les co­lonnes de leur re­vue. Elle y pu­blia, en l’espace de quatre ans, une quin­zaine de ré­cits et de ro­mans, avant d’être em­por­tée par la tu­ber­cu­lose. Ces œuvres, qui avaient pour ca­rac­té­ris­tique com­mune de trai­ter de la grande souf­france d’être née femme et sen­sible, furent cha­leu­reu­se­ment ac­cueillies, en par­ti­cu­lier par Mori Ôgai : « On se mo­quera peut-être de moi », dit-il7, « en di­sant que je suis un ado­ra­teur d’Ichiyô, peu im­porte, je ne crains pas d’attribuer à celle-ci le titre de vrai poète ». On peut dire, en ef­fet, qu’Ichiyô était un poète en prose. Ses œuvres ren­voient abon­dam­ment aux grandes an­tho­lo­gies d’autrefois, et quand elle écrit par exemple : « Du­rant l’hiver de ma quin­zième an­née, alors que j’ignorais tout en­core des choses de l’amour, les vents froids ap­por­tèrent avec eux une ru­meur. Bien­tôt… on ra­con­tait ici et là que j’étais amou­reuse… Les ru­meurs nous brisent comme les vagues d’une ri­vière… et nous écla­boussent » ; elle trans­pose, en y ajou­tant le fré­mis­se­ment d’un cœur fé­mi­nin, af­finé par les épreuves de l’existence, le poème sui­vant du « Ko­kin-shû » : « À tra­vers le Mi­chi­noku coule la Ri­vière des Ru­meurs ; moi, j’ai ac­quis la ré­pu­ta­tion de sé­duc­teur sans même avoir ren­con­tré l’être aimé ; voilà qui m’est pé­nible ! »

  1. En ja­po­nais « 大つごもり ». Haut
  2. En ja­po­nais 樋口一葉. Par­fois trans­crit Hi­gout­chi It­chiyo. Haut
  3. En ja­po­nais 樋口奈津. Haut
  4. En ja­po­nais 樋口夏子. Haut
  1. En ja­po­nais 朝日新聞. Haut
  2. En ja­po­nais 文學界. Haut
  3. Dans Claire Do­dane, « Post­face à “La Trei­zième Nuit” ». Haut

Ichiyô, « Qui est le plus grand ? : roman »

éd. Ph. Picquier, coll. Picquier poche, Arles

éd. Ph. Pic­quier, coll. Pic­quier poche, Arles

Il s’agit de « Qui est le plus grand ? » (« Ta­ke­ku­rabe »1) de Hi­gu­chi Ichiyô2, écri­vaine ja­po­naise, tom­bée à vingt-quatre ans comme la feuille au vent d’automne (son sur­nom Ichiyô si­gni­fie « Simple feuille ») et qui, mal­gré la briè­veté de sa vie, fut un des au­teurs les plus in­té­res­sants de sa gé­né­ra­tion, an­non­çant avec éclat le re­tour des femmes sur la scène lit­té­raire de l’Empire du So­leil le­vant. De son vrai nom Hi­gu­chi Natsu3 ou Hi­gu­chi Nat­suko4, elle mon­tra un goût pré­coce pour la lit­té­ra­ture et don­nait déjà mieux que des es­pé­rances, lorsqu’en 1889, la mort de son père, sui­vie de celle de son frère, mit sa fa­mille dans une mi­sère ex­trême. De­ve­nue l’unique sou­tien de sa mère et de sa sœur ca­dette, Ichiyô s’essaya, pour ga­gner de quoi vivre, à écrire sous forme de feuille­tons dans la presse quo­ti­dienne. Son ini­tia­teur à ce genre as­sez nou­veau au Ja­pon fut un ré­dac­teur de l’« Asahi Shim­bun »5 (« Le Jour­nal du So­leil le­vant »), Na­ka­rai Tô­sui, qui de­vint son amant ; mais, tra­hie et aban­don­née par ce der­nier, elle son­gea un mo­ment à re­non­cer à tout. Entre-temps, pour don­ner aux siens un peu de pain, elle ven­dait des ca­hiers dans les ruelles des uni­ver­si­tés, des ba­lais aux portes du quar­tier mal famé du Yo­shi­wara. Elle fût morte de faim si, en 1893, les ro­man­tiques du « Bun­ga­ku­kai »6 (« Le Monde lit­té­raire ») ne s’étaient aper­çus de son gé­nie et ne lui avaient ou­vert les co­lonnes de leur re­vue. Elle y pu­blia, en l’espace de quatre ans, une quin­zaine de ré­cits et de ro­mans, avant d’être em­por­tée par la tu­ber­cu­lose. Ces œuvres, qui avaient pour ca­rac­té­ris­tique com­mune de trai­ter de la grande souf­france d’être née femme et sen­sible, furent cha­leu­reu­se­ment ac­cueillies, en par­ti­cu­lier par Mori Ôgai : « On se mo­quera peut-être de moi », dit-il7, « en di­sant que je suis un ado­ra­teur d’Ichiyô, peu im­porte, je ne crains pas d’attribuer à celle-ci le titre de vrai poète ». On peut dire, en ef­fet, qu’Ichiyô était un poète en prose. Ses œuvres ren­voient abon­dam­ment aux grandes an­tho­lo­gies d’autrefois, et quand elle écrit par exemple : « Du­rant l’hiver de ma quin­zième an­née, alors que j’ignorais tout en­core des choses de l’amour, les vents froids ap­por­tèrent avec eux une ru­meur. Bien­tôt… on ra­con­tait ici et là que j’étais amou­reuse… Les ru­meurs nous brisent comme les vagues d’une ri­vière… et nous écla­boussent » ; elle trans­pose, en y ajou­tant le fré­mis­se­ment d’un cœur fé­mi­nin, af­finé par les épreuves de l’existence, le poème sui­vant du « Ko­kin-shû » : « À tra­vers le Mi­chi­noku coule la Ri­vière des Ru­meurs ; moi, j’ai ac­quis la ré­pu­ta­tion de sé­duc­teur sans même avoir ren­con­tré l’être aimé ; voilà qui m’est pé­nible ! »

  1. En ja­po­nais « たけくらべ ». Haut
  2. En ja­po­nais 樋口一葉. Par­fois trans­crit Hi­gout­chi It­chiyo. Haut
  3. En ja­po­nais 樋口奈津. Haut
  4. En ja­po­nais 樋口夏子. Haut
  1. En ja­po­nais 朝日新聞. Haut
  2. En ja­po­nais 文學界. Haut
  3. Dans Claire Do­dane, « Post­face à “La Trei­zième Nuit” ». Haut

Ichiyô, « La Treizième Nuit et Autres Récits »

éd. Les Belles Lettres, coll. Japon, Paris

éd. Les Belles Lettres, coll. Ja­pon, Pa­ris

Il s’agit de « La Trei­zième Nuit » (« Jû­san Ya »1) et autres ré­cits de Hi­gu­chi Ichiyô2, écri­vaine ja­po­naise, tom­bée à vingt-quatre ans comme la feuille au vent d’automne (son sur­nom Ichiyô si­gni­fie « Simple feuille ») et qui, mal­gré la briè­veté de sa vie, fut un des au­teurs les plus in­té­res­sants de sa gé­né­ra­tion, an­non­çant avec éclat le re­tour des femmes sur la scène lit­té­raire de l’Empire du So­leil le­vant. De son vrai nom Hi­gu­chi Natsu3 ou Hi­gu­chi Nat­suko4, elle mon­tra un goût pré­coce pour la lit­té­ra­ture et don­nait déjà mieux que des es­pé­rances, lorsqu’en 1889, la mort de son père, sui­vie de celle de son frère, mit sa fa­mille dans une mi­sère ex­trême. De­ve­nue l’unique sou­tien de sa mère et de sa sœur ca­dette, Ichiyô s’essaya, pour ga­gner de quoi vivre, à écrire sous forme de feuille­tons dans la presse quo­ti­dienne. Son ini­tia­teur à ce genre as­sez nou­veau au Ja­pon fut un ré­dac­teur de l’« Asahi Shim­bun »5 (« Le Jour­nal du So­leil le­vant »), Na­ka­rai Tô­sui, qui de­vint son amant ; mais, tra­hie et aban­don­née par ce der­nier, elle son­gea un mo­ment à re­non­cer à tout. Entre-temps, pour don­ner aux siens un peu de pain, elle ven­dait des ca­hiers dans les ruelles des uni­ver­si­tés, des ba­lais aux portes du quar­tier mal famé du Yo­shi­wara. Elle fût morte de faim si, en 1893, les ro­man­tiques du « Bun­ga­ku­kai »6 (« Le Monde lit­té­raire ») ne s’étaient aper­çus de son gé­nie et ne lui avaient ou­vert les co­lonnes de leur re­vue. Elle y pu­blia, en l’espace de quatre ans, une quin­zaine de ré­cits et de ro­mans, avant d’être em­por­tée par la tu­ber­cu­lose. Ces œuvres, qui avaient pour ca­rac­té­ris­tique com­mune de trai­ter de la grande souf­france d’être née femme et sen­sible, furent cha­leu­reu­se­ment ac­cueillies, en par­ti­cu­lier par Mori Ôgai : « On se mo­quera peut-être de moi », dit-il7, « en di­sant que je suis un ado­ra­teur d’Ichiyô, peu im­porte, je ne crains pas d’attribuer à celle-ci le titre de vrai poète ». On peut dire, en ef­fet, qu’Ichiyô était un poète en prose. Ses œuvres ren­voient abon­dam­ment aux grandes an­tho­lo­gies d’autrefois, et quand elle écrit par exemple : « Du­rant l’hiver de ma quin­zième an­née, alors que j’ignorais tout en­core des choses de l’amour, les vents froids ap­por­tèrent avec eux une ru­meur. Bien­tôt… on ra­con­tait ici et là que j’étais amou­reuse… Les ru­meurs nous brisent comme les vagues d’une ri­vière… et nous écla­boussent » ; elle trans­pose, en y ajou­tant le fré­mis­se­ment d’un cœur fé­mi­nin, af­finé par les épreuves de l’existence, le poème sui­vant du « Ko­kin-shû » : « À tra­vers le Mi­chi­noku coule la Ri­vière des Ru­meurs ; moi, j’ai ac­quis la ré­pu­ta­tion de sé­duc­teur sans même avoir ren­con­tré l’être aimé ; voilà qui m’est pé­nible ! »

  1. En ja­po­nais « 十三夜 ». Haut
  2. En ja­po­nais 樋口一葉. Par­fois trans­crit Hi­gout­chi It­chiyo. Haut
  3. En ja­po­nais 樋口奈津. Haut
  4. En ja­po­nais 樋口夏子. Haut
  1. En ja­po­nais 朝日新聞. Haut
  2. En ja­po­nais 文學界. Haut
  3. Dans Claire Do­dane, « Post­face à “La Trei­zième Nuit” ». Haut

Akiko, « Cheveux emmêlés »

éd. Les Belles Lettres, coll. Japon-Série Fiction, Paris

éd. Les Belles Lettres, coll. Ja­pon-Sé­rie Fic­tion, Pa­ris

Il s’agit de Yo­sano Akiko1, poé­tesse ja­po­naise (XIXe-XXe siècle) dont les poèmes d’amour rap­pellent cette verve sen­suelle et au­da­cieuse qui avait ca­rac­té­risé Izumi-shi­kibu. Dans sa « Bio­gra­phie de la poé­tesse Izumi-shi­kibu », Akiko écri­vit, au su­jet de celle qu’elle consi­dé­rait comme son mo­dèle, des pages très re­mar­quables, non seule­ment parce qu’elles comp­taient parmi les plus belles qui eussent été ja­mais écrites sur le su­jet, mais aussi parce qu’en ces pages, sans peut-être y son­ger, Akiko se dé­cri­vait elle-même : « Poé­tesse de l’amour ve­nue du ciel », dit-elle dans cette bio­gra­phie2, « toute sa vie fut consa­crée à l’amour et à la poé­sie. Écri­vait-elle par amour ou ai­mait-elle pour la poé­sie ? Dans son es­prit, ces deux choses n’en étaient qu’une ». « Che­veux em­mê­lés » (« Mi­da­re­gami »3), tel sera le titre du pre­mier re­cueil d’Akiko par al­lu­sion au cé­lèbre poème d’Izumi-shikibu. Dans ce re­cueil qu’on peut qua­li­fier de ré­vo­lu­tion­naire, elle se montre en jeune fille fré­mis­sante de pas­sions fu­gi­tives, d’abandons char­nels, de ca­prices d’un jour, et se confiant à voix haute. « Être femme ; en être fière ; à mots vrais, forts, crier au monde son droit à l’amour, à la joie ; chan­ter “sa chair et sa vie”… c’est les “che­veux em­mê­lés” que, tête haute, Yo­sano Akiko s’[avancera] dans la vie et dans la poé­sie »4. Ce sont cette spon­ta­néité et cette har­diesse qui lui vau­dront le suc­cès au­près d’un pu­blic à la fois sur­pris et ad­mi­ra­tif.

  1. En ja­po­nais 与謝野晶子. Au­tre­fois trans­crit Yo­çano Akiko. Haut
  2. Dans Claire Do­dane, « Yo­sano Akiko : poète de la pas­sion », p. 71. Haut
  1. En ja­po­nais « みだれ髪 ». Par­fois tra­duit « Les Che­veux mê­lés » ou « Che­veux en désordre ». Haut
  2. Georges Bon­neau, « His­toire de la lit­té­ra­ture ja­po­naise contem­po­raine ». Haut

Komachi, « Visages cachés, Sentiments mêlés : le livre poétique »

éd. Gallimard, coll. Connaissance de l’Orient, Paris

éd. Gal­li­mard, coll. Connais­sance de l’Orient, Pa­ris

Il s’agit d’Ono no Ko­ma­chi1, poé­tesse ja­po­naise (IXe siècle apr. J.-C.) cé­lèbre par sa beauté, et qui fut la seule femme à fi­gu­rer dans la liste des « six gé­nies de la poé­sie » (« rok­ka­sen »2) de son temps. Quand on évoque Ko­ma­chi, on parle et on fait par­ler in­évi­ta­ble­ment deux fi­gures : la réelle et la lé­gen­daire. Les traits de la Ko­ma­chi réelle nous échappent et ne se laissent guère fixer ; en dé­pit de tous les ef­forts, elle reste en grande par­tie mys­té­rieuse : « Le flou, le voilé dans la brume qui l’enveloppent au tra­vers d’une poi­gnée de poèmes — dont on est cer­tain qu’elle fut l’auteur — et dans les quelques re­pères de son exis­tence énig­ma­tique ont les nuances in­fimes d’un la­vis si dé­lavé qu’il en émane en per­ma­nence le vague à l’âme… dans le­quel se plaît à se re­flé­ter l’âme ja­po­naise », disent MM. Ar­men Go­del et Koi­chi Kano3. Elle ne nous est at­tes­tée que par les qua­rante-cinq poèmes ir­ré­fu­tables qu’on lui connaît et qui fi­gurent dans les an­tho­lo­gies poé­tiques, et par le té­moi­gnage contem­po­rain de Ki no Tsu­rayuki qui la dé­crit ainsi : « Ono no Ko­ma­chi émeut, mais manque de force : pour ainsi dire pa­reille à une femme dont le charme se mê­le­rait de mé­lan­co­lique fai­blesse »4. Quant à la Ko­ma­chi lé­gen­daire, elle laissa mou­rir de froid, dit-on, le ca­pi­taine de Fu­ka­kusa5, à qui elle im­posa cent nuits de veille de­vant sa porte : le mal­heu­reux amant mou­rut au terme de la quatre-vingt-dix-neu­vième. Tou­jours se­lon la lé­gende, elle en fut cruel­le­ment pu­nie, puisqu’elle tomba dans une très pro­fonde tris­tesse. En­fin, les an­nées vinrent et la ren­dirent hor­rible et dé­cré­pite. Elle fi­nit par er­rer en men­diant sur les che­mins. Elle al­lait d’école en école, ré­ci­tant aux en­fants ses vers qu’elle ne vou­lait pas trans­mettre par écrit à un monde qu’elle dé­tes­tait.

  1. En ja­po­nais 小野小町. Au­tre­fois trans­crit Ono no Ko­mat­chi ou Ono-no Ko-maţi. Haut
  2. En ja­po­nais 六歌仙. Au­tre­fois trans­crit « rok­ka­çenn ». Haut
  3. p. 5. Haut
  1. « Le Mo­nu­ment poé­tique de Heian : le “Ko­kin­shû”. Tome I. Pré­face de Ki no Tsu­rayuki », p. 71. Haut
  2. En ja­po­nais 深草少将. Par­fois trans­crit Fou­ka­kousa-Chô­chô ou Fu­ka­kusa no Shō­shō. Haut

mère de Fujiwara no Michitsuna, « Mémoires d’une éphémère (954-974) »

éd. Collège de France-Institut des hautes études japonaises, coll. Bibliothèque de l’Institut des hautes études japonaises, Paris

éd. Col­lège de France-Ins­ti­tut des hautes études ja­po­naises, coll. Bi­blio­thèque de l’Institut des hautes études ja­po­naises, Pa­ris

Il s’agit du « Jour­nal d’une éphé­mère ». Ce genre d’écrits in­times qui tient tant de place dans la lit­té­ra­ture fé­mi­nine du Ja­pon, je veux dire le « nikki » (« jour­nal »), fut inau­guré (chose étrange !) par un homme, Ki no Tsu­rayuki1, poète et cri­tique, qui ve­nait d’exercer, pen­dant cinq ans, les fonc­tions de pré­fet de la pro­vince de Tosa. Dans son « Tosa nikki »2 (« Jour­nal de Tosa »), ré­digé en 935 apr. J.-C., il ra­con­tait dans une prose ex­quise, en­tre­mê­lée de poé­sies, son voyage de re­tour à la ca­pi­tale. Mais le prin­ci­pal in­té­rêt de son jour­nal était ailleurs : tout le se­cret en était, en ef­fet, dans la pre­mière phrase, où l’auteur fai­sait le choix de l’écriture ja­po­naise, qu’on ap­pe­lait com­mu­né­ment « on­nade »3 (« main de femme »), par op­po­si­tion à l’écriture chi­noise, qu’on ap­pe­lait com­mu­né­ment « oto­kode »4 (« main d’homme »). C’est non seule­ment en « on­nade » qu’il écri­vit son jour­nal, mais aussi dans la langue même que pra­ti­quaient les femmes, dé­mon­trant de la sorte que cette langue par­ve­nait à ex­pri­mer par­fai­te­ment, si­non les concepts abs­traits de l’écriture chi­noise, du moins les mou­ve­ments dé­li­cats du cœur, com­muns à toute l’humanité : « [D’un pays à l’autre], le lan­gage certes dif­fère », dit le « Jour­nal de Tosa »5, « mais puisque pa­reil à coup sûr est le clair de lune, pour­quoi n’en se­rait-il de même du cœur hu­main ? » Les dames de la Cour ja­po­naise ne tar­dèrent pas à en­tendre cette le­çon, et cloî­trées comme elles étaient dans leurs chambres, où elles avaient as­sez de loi­sir pour lire et pour son­ger à leurs mal­heurs, elles se mirent à no­ter leurs tristes pen­sées sous forme de jour­nal. La vio­lence des émo­tions dont elles étaient suf­fo­quées, et qu’elles ne pou­vaient pas dire à haute voix, éclata bien­tôt en un feu d’artifice comme on n’en vit ja­mais de sem­blable dans la lit­té­ra­ture uni­ver­selle. Se sui­virent à quelques an­nées d’intervalle : le « Ka­gerô (no) nikki »6 (« Jour­nal d’une éphé­mère ») ; le « Mu­ra­saki-shi­kibu nikki »7 (« Jour­nal de Mu­ra­saki-shi­kibu ») ; l’« Izumi-shi­kibu nikki »8 (« Jour­nal d’Izumi-shikibu ») ; le « Sa­ra­shina nikki »9 (« Jour­nal de Sa­ra­shina ») ; le « Jô­jin-ajari (no) haha no shû »10 (« Jour­nal de la mère du ré­vé­rend Jô­jin ») ; en­fin le « Sa­nuki no suke (no) nikki »11 (« Jour­nal de la dame d’honneur Sa­nuki »).

  1. En ja­po­nais 紀貫之. Au­tre­fois trans­crit Tsou­rayouki. Haut
  2. En ja­po­nais « 土佐日記 ». Au­tre­fois trans­crit « Toça nikki » ou « Tossa nikki ». Haut
  3. En ja­po­nais 女手. Par­fois trans­crit « won­nade ». Haut
  4. En ja­po­nais 男手. Par­fois trans­crit « wo­to­kode » ou « wo­toko no te ». Haut
  5. p. 36-37. Haut
  6. En ja­po­nais « 蜻蛉日記 ». Au­tre­fois trans­crit « Ka­gherô nikki ». Haut
  1. En ja­po­nais « 紫式部日記 ». Au­tre­fois trans­crit « Mou­ra­çaki Shi­ki­bou niki » ou « Mou­ra­saki Shi­ki­bou nikki ». Haut
  2. En ja­po­nais « 和泉式部日記 ». Au­tre­fois trans­crit « Izoumi-shi­ki­bou nikki ». Haut
  3. En ja­po­nais « 更級日記 ». Haut
  4. En ja­po­nais « 成尋阿闍梨母集 ». Haut
  5. En ja­po­nais « 讃岐典侍日記 », in­édit en fran­çais. Au­tre­fois trans­crit « Sa­nouki no souké no nikki ». Haut

mère du révérend Jôjin, « Un Malheur absolu »

éd. Le Promeneur-Gallimard, coll. Le Cabinet des lettrés, Paris

éd. Le Pro­me­neur-Gal­li­mard, coll. Le Ca­bi­net des let­trés, Pa­ris

Il s’agit du « Jour­nal de la mère du ré­vé­rend Jô­jin ». Ce genre d’écrits in­times qui tient tant de place dans la lit­té­ra­ture fé­mi­nine du Ja­pon, je veux dire le « nikki » (« jour­nal »), fut inau­guré (chose étrange !) par un homme, Ki no Tsu­rayuki1, poète et cri­tique, qui ve­nait d’exercer, pen­dant cinq ans, les fonc­tions de pré­fet de la pro­vince de Tosa. Dans son « Tosa nikki »2 (« Jour­nal de Tosa »), ré­digé en 935 apr. J.-C., il ra­con­tait dans une prose ex­quise, en­tre­mê­lée de poé­sies, son voyage de re­tour à la ca­pi­tale. Mais le prin­ci­pal in­té­rêt de son jour­nal était ailleurs : tout le se­cret en était, en ef­fet, dans la pre­mière phrase, où l’auteur fai­sait le choix de l’écriture ja­po­naise, qu’on ap­pe­lait com­mu­né­ment « on­nade »3 (« main de femme »), par op­po­si­tion à l’écriture chi­noise, qu’on ap­pe­lait com­mu­né­ment « oto­kode »4 (« main d’homme »). C’est non seule­ment en « on­nade » qu’il écri­vit son jour­nal, mais aussi dans la langue même que pra­ti­quaient les femmes, dé­mon­trant de la sorte que cette langue par­ve­nait à ex­pri­mer par­fai­te­ment, si­non les concepts abs­traits de l’écriture chi­noise, du moins les mou­ve­ments dé­li­cats du cœur, com­muns à toute l’humanité : « [D’un pays à l’autre], le lan­gage certes dif­fère », dit le « Jour­nal de Tosa »5, « mais puisque pa­reil à coup sûr est le clair de lune, pour­quoi n’en se­rait-il de même du cœur hu­main ? » Les dames de la Cour ja­po­naise ne tar­dèrent pas à en­tendre cette le­çon, et cloî­trées comme elles étaient dans leurs chambres, où elles avaient as­sez de loi­sir pour lire et pour son­ger à leurs mal­heurs, elles se mirent à no­ter leurs tristes pen­sées sous forme de jour­nal. La vio­lence des émo­tions dont elles étaient suf­fo­quées, et qu’elles ne pou­vaient pas dire à haute voix, éclata bien­tôt en un feu d’artifice comme on n’en vit ja­mais de sem­blable dans la lit­té­ra­ture uni­ver­selle. Se sui­virent à quelques an­nées d’intervalle : le « Ka­gerô (no) nikki »6 (« Jour­nal d’une éphé­mère ») ; le « Mu­ra­saki-shi­kibu nikki »7 (« Jour­nal de Mu­ra­saki-shi­kibu ») ; l’« Izumi-shi­kibu nikki »8 (« Jour­nal d’Izumi-shikibu ») ; le « Sa­ra­shina nikki »9 (« Jour­nal de Sa­ra­shina ») ; le « Jô­jin-ajari (no) haha no shû »10 (« Jour­nal de la mère du ré­vé­rend Jô­jin ») ; en­fin le « Sa­nuki no suke (no) nikki »11 (« Jour­nal de la dame d’honneur Sa­nuki »).

  1. En ja­po­nais 紀貫之. Au­tre­fois trans­crit Tsou­rayouki. Haut
  2. En ja­po­nais « 土佐日記 ». Au­tre­fois trans­crit « Toça nikki » ou « Tossa nikki ». Haut
  3. En ja­po­nais 女手. Par­fois trans­crit « won­nade ». Haut
  4. En ja­po­nais 男手. Par­fois trans­crit « wo­to­kode » ou « wo­toko no te ». Haut
  5. p. 36-37. Haut
  6. En ja­po­nais « 蜻蛉日記 ». Au­tre­fois trans­crit « Ka­gherô nikki ». Haut
  1. En ja­po­nais « 紫式部日記 ». Au­tre­fois trans­crit « Mou­ra­çaki Shi­ki­bou niki » ou « Mou­ra­saki Shi­ki­bou nikki ». Haut
  2. En ja­po­nais « 和泉式部日記 ». Au­tre­fois trans­crit « Izoumi-shi­ki­bou nikki ». Haut
  3. En ja­po­nais « 更級日記 ». Haut
  4. En ja­po­nais « 成尋阿闍梨母集 ». Haut
  5. En ja­po­nais « 讃岐典侍日記 », in­édit en fran­çais. Au­tre­fois trans­crit « Sa­nouki no souké no nikki ». Haut

Murasaki-shikibu, « Journal »

éd. Publications orientalistes de France, coll. Les Journaux poétiques de l’époque de Héian, Paris

éd. Pu­bli­ca­tions orien­ta­listes de France, coll. Les Jour­naux poé­tiques de l’époque de Héian, Pa­ris

Il s’agit du « Jour­nal de Mu­ra­saki-shi­kibu ». Ce genre d’écrits in­times qui tient tant de place dans la lit­té­ra­ture fé­mi­nine du Ja­pon, je veux dire le « nikki » (« jour­nal »), fut inau­guré (chose étrange !) par un homme, Ki no Tsu­rayuki1, poète et cri­tique, qui ve­nait d’exercer, pen­dant cinq ans, les fonc­tions de pré­fet de la pro­vince de Tosa. Dans son « Tosa nikki »2 (« Jour­nal de Tosa »), ré­digé en 935 apr. J.-C., il ra­con­tait dans une prose ex­quise, en­tre­mê­lée de poé­sies, son voyage de re­tour à la ca­pi­tale. Mais le prin­ci­pal in­té­rêt de son jour­nal était ailleurs : tout le se­cret en était, en ef­fet, dans la pre­mière phrase, où l’auteur fai­sait le choix de l’écriture ja­po­naise, qu’on ap­pe­lait com­mu­né­ment « on­nade »3 (« main de femme »), par op­po­si­tion à l’écriture chi­noise, qu’on ap­pe­lait com­mu­né­ment « oto­kode »4 (« main d’homme »). C’est non seule­ment en « on­nade » qu’il écri­vit son jour­nal, mais aussi dans la langue même que pra­ti­quaient les femmes, dé­mon­trant de la sorte que cette langue par­ve­nait à ex­pri­mer par­fai­te­ment, si­non les concepts abs­traits de l’écriture chi­noise, du moins les mou­ve­ments dé­li­cats du cœur, com­muns à toute l’humanité : « [D’un pays à l’autre], le lan­gage certes dif­fère », dit le « Jour­nal de Tosa »5, « mais puisque pa­reil à coup sûr est le clair de lune, pour­quoi n’en se­rait-il de même du cœur hu­main ? » Les dames de la Cour ja­po­naise ne tar­dèrent pas à en­tendre cette le­çon, et cloî­trées comme elles étaient dans leurs chambres, où elles avaient as­sez de loi­sir pour lire et pour son­ger à leurs mal­heurs, elles se mirent à no­ter leurs tristes pen­sées sous forme de jour­nal. La vio­lence des émo­tions dont elles étaient suf­fo­quées, et qu’elles ne pou­vaient pas dire à haute voix, éclata bien­tôt en un feu d’artifice comme on n’en vit ja­mais de sem­blable dans la lit­té­ra­ture uni­ver­selle. Se sui­virent à quelques an­nées d’intervalle : le « Ka­gerô (no) nikki »6 (« Jour­nal d’une éphé­mère ») ; le « Mu­ra­saki-shi­kibu nikki »7 (« Jour­nal de Mu­ra­saki-shi­kibu ») ; l’« Izumi-shi­kibu nikki »8 (« Jour­nal d’Izumi-shikibu ») ; le « Sa­ra­shina nikki »9 (« Jour­nal de Sa­ra­shina ») ; le « Jô­jin-ajari (no) haha no shû »10 (« Jour­nal de la mère du ré­vé­rend Jô­jin ») ; en­fin le « Sa­nuki no suke (no) nikki »11 (« Jour­nal de la dame d’honneur Sa­nuki »).

  1. En ja­po­nais 紀貫之. Au­tre­fois trans­crit Tsou­rayouki. Haut
  2. En ja­po­nais « 土佐日記 ». Au­tre­fois trans­crit « Toça nikki » ou « Tossa nikki ». Haut
  3. En ja­po­nais 女手. Par­fois trans­crit « won­nade ». Haut
  4. En ja­po­nais 男手. Par­fois trans­crit « wo­to­kode » ou « wo­toko no te ». Haut
  5. p. 36-37. Haut
  6. En ja­po­nais « 蜻蛉日記 ». Au­tre­fois trans­crit « Ka­gherô nikki ». Haut
  1. En ja­po­nais « 紫式部日記 ». Au­tre­fois trans­crit « Mou­ra­çaki Shi­ki­bou niki » ou « Mou­ra­saki Shi­ki­bou nikki ». Haut
  2. En ja­po­nais « 和泉式部日記 ». Au­tre­fois trans­crit « Izoumi-shi­ki­bou nikki ». Haut
  3. En ja­po­nais « 更級日記 ». Haut
  4. En ja­po­nais « 成尋阿闍梨母集 ». Haut
  5. En ja­po­nais « 讃岐典侍日記 », in­édit en fran­çais. Au­tre­fois trans­crit « Sa­nouki no souké no nikki ». Haut

fille de Sugawara no Takasue, « Le Journal de Sarashina »

éd. Publications orientalistes de France, coll. Les Journaux poétiques de l’époque de Héian-Les Œuvres capitales de la littérature japonaise, Paris

éd. Pu­bli­ca­tions orien­ta­listes de France, coll. Les Jour­naux poé­tiques de l’époque de Héian-Les Œuvres ca­pi­tales de la lit­té­ra­ture ja­po­naise, Pa­ris

Il s’agit du « Jour­nal de Sa­ra­shina ». Ce genre d’écrits in­times qui tient tant de place dans la lit­té­ra­ture fé­mi­nine du Ja­pon, je veux dire le « nikki » (« jour­nal »), fut inau­guré (chose étrange !) par un homme, Ki no Tsu­rayuki1, poète et cri­tique, qui ve­nait d’exercer, pen­dant cinq ans, les fonc­tions de pré­fet de la pro­vince de Tosa. Dans son « Tosa nikki »2 (« Jour­nal de Tosa »), ré­digé en 935 apr. J.-C., il ra­con­tait dans une prose ex­quise, en­tre­mê­lée de poé­sies, son voyage de re­tour à la ca­pi­tale. Mais le prin­ci­pal in­té­rêt de son jour­nal était ailleurs : tout le se­cret en était, en ef­fet, dans la pre­mière phrase, où l’auteur fai­sait le choix de l’écriture ja­po­naise, qu’on ap­pe­lait com­mu­né­ment « on­nade »3 (« main de femme »), par op­po­si­tion à l’écriture chi­noise, qu’on ap­pe­lait com­mu­né­ment « oto­kode »4 (« main d’homme »). C’est non seule­ment en « on­nade » qu’il écri­vit son jour­nal, mais aussi dans la langue même que pra­ti­quaient les femmes, dé­mon­trant de la sorte que cette langue par­ve­nait à ex­pri­mer par­fai­te­ment, si­non les concepts abs­traits de l’écriture chi­noise, du moins les mou­ve­ments dé­li­cats du cœur, com­muns à toute l’humanité : « [D’un pays à l’autre], le lan­gage certes dif­fère », dit le « Jour­nal de Tosa »5, « mais puisque pa­reil à coup sûr est le clair de lune, pour­quoi n’en se­rait-il de même du cœur hu­main ? » Les dames de la Cour ja­po­naise ne tar­dèrent pas à en­tendre cette le­çon, et cloî­trées comme elles étaient dans leurs chambres, où elles avaient as­sez de loi­sir pour lire et pour son­ger à leurs mal­heurs, elles se mirent à no­ter leurs tristes pen­sées sous forme de jour­nal. La vio­lence des émo­tions dont elles étaient suf­fo­quées, et qu’elles ne pou­vaient pas dire à haute voix, éclata bien­tôt en un feu d’artifice comme on n’en vit ja­mais de sem­blable dans la lit­té­ra­ture uni­ver­selle. Se sui­virent à quelques an­nées d’intervalle : le « Ka­gerô (no) nikki »6 (« Jour­nal d’une éphé­mère ») ; le « Mu­ra­saki-shi­kibu nikki »7 (« Jour­nal de Mu­ra­saki-shi­kibu ») ; l’« Izumi-shi­kibu nikki »8 (« Jour­nal d’Izumi-shikibu ») ; le « Sa­ra­shina nikki »9 (« Jour­nal de Sa­ra­shina ») ; le « Jô­jin-ajari (no) haha no shû »10 (« Jour­nal de la mère du ré­vé­rend Jô­jin ») ; en­fin le « Sa­nuki no suke (no) nikki »11 (« Jour­nal de la dame d’honneur Sa­nuki »).

  1. En ja­po­nais 紀貫之. Au­tre­fois trans­crit Tsou­rayouki. Haut
  2. En ja­po­nais « 土佐日記 ». Au­tre­fois trans­crit « Toça nikki » ou « Tossa nikki ». Haut
  3. En ja­po­nais 女手. Par­fois trans­crit « won­nade ». Haut
  4. En ja­po­nais 男手. Par­fois trans­crit « wo­to­kode » ou « wo­toko no te ». Haut
  5. p. 36-37. Haut
  6. En ja­po­nais « 蜻蛉日記 ». Au­tre­fois trans­crit « Ka­gherô nikki ». Haut
  1. En ja­po­nais « 紫式部日記 ». Au­tre­fois trans­crit « Mou­ra­çaki Shi­ki­bou niki » ou « Mou­ra­saki Shi­ki­bou nikki ». Haut
  2. En ja­po­nais « 和泉式部日記 ». Au­tre­fois trans­crit « Izoumi-shi­ki­bou nikki ». Haut
  3. En ja­po­nais « 更級日記 ». Haut
  4. En ja­po­nais « 成尋阿闍梨母集 ». Haut
  5. En ja­po­nais « 讃岐典侍日記 », in­édit en fran­çais. Au­tre­fois trans­crit « Sa­nouki no souké no nikki ». Haut

Izumi-shikibu, « Journal »

éd. Publications orientalistes de France, coll. Poètes du Japon-Les Œuvres capitales de la littérature japonaise, Paris

éd. Pu­bli­ca­tions orien­ta­listes de France, coll. Poètes du Ja­pon-Les Œuvres ca­pi­tales de la lit­té­ra­ture ja­po­naise, Pa­ris

Il s’agit du « Jour­nal d’Izumi-shikibu ». Ce genre d’écrits in­times qui tient tant de place dans la lit­té­ra­ture fé­mi­nine du Ja­pon, je veux dire le « nikki » (« jour­nal »), fut inau­guré (chose étrange !) par un homme, Ki no Tsu­rayuki1, poète et cri­tique, qui ve­nait d’exercer, pen­dant cinq ans, les fonc­tions de pré­fet de la pro­vince de Tosa. Dans son « Tosa nikki »2 (« Jour­nal de Tosa »), ré­digé en 935 apr. J.-C., il ra­con­tait dans une prose ex­quise, en­tre­mê­lée de poé­sies, son voyage de re­tour à la ca­pi­tale. Mais le prin­ci­pal in­té­rêt de son jour­nal était ailleurs : tout le se­cret en était, en ef­fet, dans la pre­mière phrase, où l’auteur fai­sait le choix de l’écriture ja­po­naise, qu’on ap­pe­lait com­mu­né­ment « on­nade »3 (« main de femme »), par op­po­si­tion à l’écriture chi­noise, qu’on ap­pe­lait com­mu­né­ment « oto­kode »4 (« main d’homme »). C’est non seule­ment en « on­nade » qu’il écri­vit son jour­nal, mais aussi dans la langue même que pra­ti­quaient les femmes, dé­mon­trant de la sorte que cette langue par­ve­nait à ex­pri­mer par­fai­te­ment, si­non les concepts abs­traits de l’écriture chi­noise, du moins les mou­ve­ments dé­li­cats du cœur, com­muns à toute l’humanité : « [D’un pays à l’autre], le lan­gage certes dif­fère », dit le « Jour­nal de Tosa »5, « mais puisque pa­reil à coup sûr est le clair de lune, pour­quoi n’en se­rait-il de même du cœur hu­main ? » Les dames de la Cour ja­po­naise ne tar­dèrent pas à en­tendre cette le­çon, et cloî­trées comme elles étaient dans leurs chambres, où elles avaient as­sez de loi­sir pour lire et pour son­ger à leurs mal­heurs, elles se mirent à no­ter leurs tristes pen­sées sous forme de jour­nal. La vio­lence des émo­tions dont elles étaient suf­fo­quées, et qu’elles ne pou­vaient pas dire à haute voix, éclata bien­tôt en un feu d’artifice comme on n’en vit ja­mais de sem­blable dans la lit­té­ra­ture uni­ver­selle. Se sui­virent à quelques an­nées d’intervalle : le « Ka­gerô (no) nikki »6 (« Jour­nal d’une éphé­mère ») ; le « Mu­ra­saki-shi­kibu nikki »7 (« Jour­nal de Mu­ra­saki-shi­kibu ») ; l’« Izumi-shi­kibu nikki »8 (« Jour­nal d’Izumi-shikibu ») ; le « Sa­ra­shina nikki »9 (« Jour­nal de Sa­ra­shina ») ; le « Jô­jin-ajari (no) haha no shû »10 (« Jour­nal de la mère du ré­vé­rend Jô­jin ») ; en­fin le « Sa­nuki no suke (no) nikki »11 (« Jour­nal de la dame d’honneur Sa­nuki »).

  1. En ja­po­nais 紀貫之. Au­tre­fois trans­crit Tsou­rayouki. Haut
  2. En ja­po­nais « 土佐日記 ». Au­tre­fois trans­crit « Toça nikki » ou « Tossa nikki ». Haut
  3. En ja­po­nais 女手. Par­fois trans­crit « won­nade ». Haut
  4. En ja­po­nais 男手. Par­fois trans­crit « wo­to­kode » ou « wo­toko no te ». Haut
  5. p. 36-37. Haut
  6. En ja­po­nais « 蜻蛉日記 ». Au­tre­fois trans­crit « Ka­gherô nikki ». Haut
  1. En ja­po­nais « 紫式部日記 ». Au­tre­fois trans­crit « Mou­ra­çaki Shi­ki­bou niki » ou « Mou­ra­saki Shi­ki­bou nikki ». Haut
  2. En ja­po­nais « 和泉式部日記 ». Au­tre­fois trans­crit « Izoumi-shi­ki­bou nikki ». Haut
  3. En ja­po­nais « 更級日記 ». Haut
  4. En ja­po­nais « 成尋阿闍梨母集 ». Haut
  5. En ja­po­nais « 讃岐典侍日記 », in­édit en fran­çais. Au­tre­fois trans­crit « Sa­nouki no souké no nikki ». Haut

Tsurayuki, « Le Journal de Tosa »

éd. Publications orientalistes de France, coll. Tama, Cergy

éd. Pu­bli­ca­tions orien­ta­listes de France, coll. Tama, Cergy

Il s’agit du « Jour­nal de Tosa ». Ce genre d’écrits in­times qui tient tant de place dans la lit­té­ra­ture fé­mi­nine du Ja­pon, je veux dire le « nikki » (« jour­nal »), fut inau­guré (chose étrange !) par un homme, Ki no Tsu­rayuki1, poète et cri­tique, qui ve­nait d’exercer, pen­dant cinq ans, les fonc­tions de pré­fet de la pro­vince de Tosa. Dans son « Tosa nikki »2 (« Jour­nal de Tosa »), ré­digé en 935 apr. J.-C., il ra­con­tait dans une prose ex­quise, en­tre­mê­lée de poé­sies, son voyage de re­tour à la ca­pi­tale. Mais le prin­ci­pal in­té­rêt de son jour­nal était ailleurs : tout le se­cret en était, en ef­fet, dans la pre­mière phrase, où l’auteur fai­sait le choix de l’écriture ja­po­naise, qu’on ap­pe­lait com­mu­né­ment « on­nade »3 (« main de femme »), par op­po­si­tion à l’écriture chi­noise, qu’on ap­pe­lait com­mu­né­ment « oto­kode »4 (« main d’homme »). C’est non seule­ment en « on­nade » qu’il écri­vit son jour­nal, mais aussi dans la langue même que pra­ti­quaient les femmes, dé­mon­trant de la sorte que cette langue par­ve­nait à ex­pri­mer par­fai­te­ment, si­non les concepts abs­traits de l’écriture chi­noise, du moins les mou­ve­ments dé­li­cats du cœur, com­muns à toute l’humanité : « [D’un pays à l’autre], le lan­gage certes dif­fère », dit le « Jour­nal de Tosa »5, « mais puisque pa­reil à coup sûr est le clair de lune, pour­quoi n’en se­rait-il de même du cœur hu­main ? » Les dames de la Cour ja­po­naise ne tar­dèrent pas à en­tendre cette le­çon, et cloî­trées comme elles étaient dans leurs chambres, où elles avaient as­sez de loi­sir pour lire et pour son­ger à leurs mal­heurs, elles se mirent à no­ter leurs tristes pen­sées sous forme de jour­nal. La vio­lence des émo­tions dont elles étaient suf­fo­quées, et qu’elles ne pou­vaient pas dire à haute voix, éclata bien­tôt en un feu d’artifice comme on n’en vit ja­mais de sem­blable dans la lit­té­ra­ture uni­ver­selle. Se sui­virent à quelques an­nées d’intervalle : le « Ka­gerô (no) nikki »6 (« Jour­nal d’une éphé­mère ») ; le « Mu­ra­saki-shi­kibu nikki »7 (« Jour­nal de Mu­ra­saki-shi­kibu ») ; l’« Izumi-shi­kibu nikki »8 (« Jour­nal d’Izumi-shikibu ») ; le « Sa­ra­shina nikki »9 (« Jour­nal de Sa­ra­shina ») ; le « Jô­jin-ajari (no) haha no shû »10 (« Jour­nal de la mère du ré­vé­rend Jô­jin ») ; en­fin le « Sa­nuki no suke (no) nikki »11 (« Jour­nal de la dame d’honneur Sa­nuki »).

  1. En ja­po­nais 紀貫之. Au­tre­fois trans­crit Tsou­rayouki. Haut
  2. En ja­po­nais « 土佐日記 ». Au­tre­fois trans­crit « Toça nikki » ou « Tossa nikki ». Haut
  3. En ja­po­nais 女手. Par­fois trans­crit « won­nade ». Haut
  4. En ja­po­nais 男手. Par­fois trans­crit « wo­to­kode » ou « wo­toko no te ». Haut
  5. p. 36-37. Haut
  6. En ja­po­nais « 蜻蛉日記 ». Au­tre­fois trans­crit « Ka­gherô nikki ». Haut
  1. En ja­po­nais « 紫式部日記 ». Au­tre­fois trans­crit « Mou­ra­çaki Shi­ki­bou niki » ou « Mou­ra­saki Shi­ki­bou nikki ». Haut
  2. En ja­po­nais « 和泉式部日記 ». Au­tre­fois trans­crit « Izoumi-shi­ki­bou nikki ». Haut
  3. En ja­po­nais « 更級日記 ». Haut
  4. En ja­po­nais « 成尋阿闍梨母集 ». Haut
  5. En ja­po­nais « 讃岐典侍日記 », in­édit en fran­çais. Au­tre­fois trans­crit « Sa­nouki no souké no nikki ». Haut