Mot-clefYosano Akiko

au­teur

« Yosano Akiko (1878-1942) : le séjour à Paris d’une Japonaise en 1912 »

dans « Clio », vol. 28, p. 194-203

dans « Clio », vol. 28, p. 194-203

Il s’agit d’une tra­duc­tion par­tielle de « De­puis Pa­ris » (« Pa­rii yori »1) de Yo­sano Akiko. En 1912, lorsqu’elle al­lait s’embarquer pour la France, Akiko était déjà l’auteur de dix re­cueils de poé­sies, dont la sen­sua­lité li­bé­rée de tout be­soin de jus­ti­fi­ca­tion lui avait fait la ré­pu­ta­tion de pion­nière de l’identité fé­mi­nine au Ja­pon. Elle n’avait qu’une seule idée en tête : re­joindre à Pa­ris son époux, Yo­sano Tek­kan. Ce­lui-ci était parti quelques mois au­pa­ra­vant pour réa­li­ser un rêve de tou­jours et ten­ter de dis­si­per une dé­pres­sion ner­veuse qui le me­na­çait. Il avait di­rigé pen­dant huit ans une des re­vues lit­té­raires les plus pres­ti­gieuses de Tô­kyô, « Myôjô »2 (« L’Étoile du ber­ger »3). Puis, il l’avait per­due ; et de­puis ce jour, il er­rait dans la mai­son, tan­tôt mé­lan­co­lique, tan­tôt agres­sif. Akiko était per­sua­dée que ce n’était pas d’un mé­de­cin re­nommé que son mari avait be­soin pour gué­rir, mais d’un voyage en France ; car il rê­vait de­puis long­temps déjà de sé­jour­ner dans ce pays, dont il avait pu­blié les toutes pre­mières tra­duc­tions en langue ja­po­naise. Le pro­jet était fi­nan­ciè­re­ment in­fai­sable, mais fut pour­tant dé­cidé. Pour réunir la somme né­ces­saire au voyage, Akiko cal­li­gra­phia cer­tains poèmes de son re­cueil « Che­veux em­mê­lés » sur une cen­taine de pa­ra­vents en or, qu’elle ven­dit au prix fort. Le reste de l’argent fut fourni par des jour­naux, aux­quels Tek­kan et plus tard Akiko s’engagèrent d’envoyer ré­gu­liè­re­ment des pa­piers une fois sur place. Deux ou­vrages nous ren­seignent sur le sé­jour en France des deux époux : « De­puis Pa­ris », qui re­groupe leurs ar­ticles et leurs im­pres­sions de voyage en­voyés pour être pu­bliés dans les jour­naux ; et « De l’été à l’automne » (« Natsu yori aki e »4), re­cueil de poèmes, où Akiko ra­conte son bon­heur de vi­si­ter la France dans des vers qui mé­ri­te­raient d’être connus des Fran­çais :

« Joli mois de mai
Dans les champs de blé fran­çais
Aux cou­leurs de feu…
Co­que­li­cot mon amant,
Co­que­li­cot moi aussi !
 »

  1. En ja­po­nais « 巴里より ». Par­fois trans­crit « Pari yori ». Haut
  2. En ja­po­nais « 明星 ». Haut
  1. Par­fois tra­duit « L’Étoile du ma­tin ». Haut
  2. En ja­po­nais « 夏より秋へ ». Haut

Akiko, « Cheveux emmêlés »

éd. Les Belles Lettres, coll. Japon-Série Fiction, Paris

éd. Les Belles Lettres, coll. Ja­pon-Sé­rie Fic­tion, Pa­ris

Il s’agit de Yo­sano Akiko1, poé­tesse ja­po­naise (XIXe-XXe siècle) dont les poèmes d’amour rap­pellent cette verve sen­suelle et au­da­cieuse qui avait ca­rac­té­risé Izumi-shi­kibu. Dans sa « Bio­gra­phie de la poé­tesse Izumi-shi­kibu », Akiko écri­vit, au su­jet de celle qu’elle consi­dé­rait comme son mo­dèle, des pages très re­mar­quables, non seule­ment parce qu’elles comp­taient parmi les plus belles qui eussent été ja­mais écrites sur le su­jet, mais aussi parce qu’en ces pages, sans peut-être y son­ger, Akiko se dé­cri­vait elle-même : « Poé­tesse de l’amour ve­nue du ciel », dit-elle dans cette bio­gra­phie2, « toute sa vie fut consa­crée à l’amour et à la poé­sie. Écri­vait-elle par amour ou ai­mait-elle pour la poé­sie ? Dans son es­prit, ces deux choses n’en étaient qu’une ». « Che­veux em­mê­lés » (« Mi­da­re­gami »3), tel sera le titre du pre­mier re­cueil d’Akiko par al­lu­sion au cé­lèbre poème d’Izumi-shikibu. Dans ce re­cueil qu’on peut qua­li­fier de ré­vo­lu­tion­naire, elle se montre en jeune fille fré­mis­sante de pas­sions fu­gi­tives, d’abandons char­nels, de ca­prices d’un jour, et se confiant à voix haute. « Être femme ; en être fière ; à mots vrais, forts, crier au monde son droit à l’amour, à la joie ; chan­ter “sa chair et sa vie”… c’est les “che­veux em­mê­lés” que, tête haute, Yo­sano Akiko s’[avancera] dans la vie et dans la poé­sie »4. Ce sont cette spon­ta­néité et cette har­diesse qui lui vau­dront le suc­cès au­près d’un pu­blic à la fois sur­pris et ad­mi­ra­tif.

  1. En ja­po­nais 与謝野晶子. Au­tre­fois trans­crit Yo­çano Akiko. Haut
  2. Dans Claire Do­dane, « Yo­sano Akiko : poète de la pas­sion », p. 71. Haut
  1. En ja­po­nais « みだれ髪 ». Par­fois tra­duit « Les Che­veux mê­lés » ou « Che­veux en désordre ». Haut
  2. Georges Bon­neau, « His­toire de la lit­té­ra­ture ja­po­naise contem­po­raine ». Haut