Il s’agit de contes fantastiques d’Akinari Ueda 1, la figure la plus attachante de la littérature japonaise du XVIIIe siècle. Fils d’une courtisane et d’un père inconnu, le jeune Akinari mena quelque temps une vie dissolue, avant de rencontrer le philologue Katô Umaki 2, de séjour à Ôsaka. Il se mit aussitôt à l’école de celui qui devint pour lui le maître et l’ami. Ce fut une révélation : « Le maître passait ses heures de loisir près de ma demeure. Au hasard des questions que je lui posais sur des mots anciens, nous en vînmes à parler du “Dit du genji”. Je lui posai çà et là quelques questions, puis je copiai en regard du texte ma traduction en termes vulgaires ; comme je lui exposais en outre ma propre façon de comprendre, il sourit avec un signe d’approbation… Je lui demandai sept ans des renseignements par lettres » 3. Le résultat de cette liaison fut d’élever peu à peu les horizons d’Akinari ; de le détourner des succès faciles qu’il avait obtenus jusque-là pour le conduire à cet art véritable qu’il conquerra, la plume à la main, dans son « Ugetsu-monogatari » 4 (« Dit de pluie et de lune »). Par « ugetsu », c’est-à-dire « pluie et lune », Akinari fait allusion au calme après la pluie, quand la lune se couvre de brumes — temps idéal pour les spectres et les démons qui peuplent ses contes. Par « monogatari », c’est-à-dire « dit », Akinari indique qu’il renoue par son grand style, par sa manière noble et agréable de s’exprimer, avec les lettres anciennes de la Chine et du Japon. « L’originalité, dans l’“Ugetsu-monogatari”, réside, en effet, dans le style d’Akinari, même quand il traduit, même lorsqu’il compose — comme c’est le cas pour la “Maison dans les roseaux” — des paragraphes entiers avec des fragments glanés dans les classiques les mieux connus de tous. Dans le second cas, le plaisir du lecteur japonais est parfait : il y retrouve à profusion les allusions littéraires dont il est friand, mais il les retrouve dans un agencement nouveau qui leur rend une intensité inattendue, de telle sorte que, sous le pinceau d’Akinari, les poncifs les plus éculés se chargent d’une signification nouvelle », dit M. René Sieffert 5.
quand la lune se couvre de brumes — temps idéal pour les spectres et les démons qui peuplent ses contes
Voici les neuf apparitions représentées dans l’« Ugetsu-monogatari » : le fantôme d’un Empereur mort en proie au ressentiment ; le fantôme d’un homme qui fut empêché de se rendre au rendez-vous juré et qui se suicida ; le fantôme d’une femme abandonnée qui attendait fidèlement le retour de son époux ; l’âme d’un moine transférée dans le corps d’un poisson ; des fantômes en train de discuter de littérature et qui invitèrent un moine-poète à leur banquet ; le démon d’une femme jalouse qui pourchassait son mari infidèle et sa concubine ; un serpent caché sous la forme d’une femme séduisante ; le démon d’un abbé qui mangea le cadavre de son bien-aimé ; l’esprit de l’or.
Consultez cette bibliographie succincte en langue française
- Pierre Humbertclaude, « Essai sur la vie et l’œuvre de Ueda Akinari (1734-1809) » dans « Monumenta nipponica », vol. 3, nº 2, p. 458-479 ; vol. 4, nº 1, p. 102-123 ; vol. 4, nº 2, p. 454-464 ; vol. 5, nº 1, p. 52-85 [Source : Revue « Monumenta nipponica »]
- René Sieffert, « Akinari Ueda (1734-1809) » dans « Encyclopædia universalis » (éd. électronique).