Mot-cleflittérature populaire japonaise

su­jet

« Les Aïnous des îles Kouriles »

dans « Journal of the College of Science, Imperial University of Tokyo », vol. 42, p. 1-337

dans « Jour­nal of the Col­lege of Science, Im­pe­rial Uni­ver­sity of To­kyo », vol. 42, p. 1-337

Il s’agit de contes tra­di­tion­nels des Aï­nous1. À l’instar des Amé­rin­diens, ce qui reste aujourd’hui du peuple aï­nou, au­tre­fois si re­mar­quable et si épris de li­berté, est ex­clu­si­ve­ment et mi­sé­ra­ble­ment can­tonné dans les ré­serves de l’île de Hok­kaidô ; il est en voie d’extinction, aban­donné à un sort peu en­viable, qu’il ne mé­rite pas. Avant l’établissement des Ja­po­nais, le ter­ri­toire aï­nou s’étendait de l’île de Hok­kaidô, ap­pe­lée Ezo, jusqu’aux deux pro­lon­ge­ments de cette île, égre­nés comme des cha­pe­lets, se dé­ployant l’un vers le Nord-Ouest, l’autre vers le Nord-Est : l’île de Sa­kha­line, ap­pe­lée Kita-Ezo2 (« Ezo du Nord ») ; et l’archipel des Kou­riles, ap­pelé Oku-Ezo3 (« Ezo des confins »). Ce n’est qu’au dé­but du XVIIe siècle que l’État ja­po­nais in­ves­tit un daï­mio à Mat­su­mae, mais ce­lui-ci se conten­tait en quelque sorte de mon­ter la garde contre les Aï­nous. Il n’avait au­cune idée sé­rieuse du ter­ri­toire de ces « hommes poi­lus » (« ke­bito »4) dont il igno­rait tout ou à peu près tout, et il in­ter­di­sait à ses su­jets de s’y aven­tu­rer loin ou d’y en­tre­prendre quoi que ce soit, rap­porte le père de An­ge­lis. Terres par­fai­te­ment né­gli­geables et né­gli­gées, ces îles furent la seule par­tie du globe qui échappa à l’activité in­fa­ti­gable du ca­pi­taine Cook. Et à ce titre, elles pro­vo­quèrent la cu­rio­sité de La Pé­rouse, qui, de­puis son dé­part de France, brû­lait d’impatience d’être le pre­mier à y avoir abordé. En 1787, les fré­gates sous son com­man­de­ment mouillèrent de­vant Sa­kha­line, et les Fran­çais, des­cen­dus à terre, en­trèrent en contact avec « une race d’hommes dif­fé­rente de celle des Ja­po­nais, des Chi­nois, des Kamt­cha­dales et des Tar­tares dont ils ne sont sé­pa­rés que par un ca­nal »5. C’étaient les Aï­nous. Quoique n’ayant ja­mais abordé aux Kou­riles, La Pé­rouse éta­blit avec cer­ti­tude, d’après la re­la­tion de Kra­ché­nin­ni­kov et l’identité du vo­ca­bu­laire com­posé par ce Russe avec ce­lui qu’il re­cueillit sur place, que les ha­bi­tants des Kou­riles, ceux de Sa­kha­line et de Hok­kaidô avaient « une ori­gine com­mune ». Leurs ma­nières douces et graves et leur in­tel­li­gence éten­due firent im­pres­sion sur La Pé­rouse, qui les com­para à celles des Eu­ro­péens ins­truits : « Nous par­vînmes à leur faire com­prendre que nous dé­si­rions qu’ils fi­gu­rassent la forme de leur pays et de ce­lui des Mand­chous. Alors, un des vieillards se leva, et avec le bout de sa pique, il fi­gura la côte de Tar­ta­rie à l’Ouest, cou­rant à peu près [du] Nord [au] Sud. À l’Est, vis-à-vis et dans la même di­rec­tion, il fi­gura… son propre pays ; il avait laissé entre la Tar­ta­rie et son île un dé­troit, et se tour­nant vers nos vais­seaux qu’on aper­ce­vait du ri­vage, il mar­qua, par un trait, qu’on pou­vait y pas­ser… Sa sa­ga­cité pour de­vi­ner toutes nos ques­tions était ex­trême, mais moindre en­core que celle d’un se­cond in­su­laire, âgé à peu près de trente ans, qui, voyant que les fi­gures tra­cées sur le sable s’effaçaient, prit un de nos crayons avec du pa­pier. Il y fi­gura son île [et traça] par des traits le nombre de jour­nées de pi­rogue né­ces­saire pour se rendre du lieu où nous étions [jusqu’à] l’embouchure du Sé­ga­lien6 »

  1. On ren­contre aussi les gra­phies Aï­nos et Ainu. Ce terme si­gni­fie « être hu­main » dans la langue du même nom. Haut
  2. En ja­po­nais 北蝦夷. Haut
  3. En ja­po­nais 奥蝦夷. Par­fois trans­crit Oku-Yezo, Oko-Ieso ou Okou-Yesso. Haut
  1. En ja­po­nais 毛人. Haut
  2. « Le Voyage de La­pé­rouse (1785-1788). Tome II », p. 387. Haut
  3. L’actuel fleuve Amour. Haut

« Tombent, tombent les gouttes d’argent : chants du peuple aïnou »

éd. Gallimard, coll. L’Aube des peuples, Paris

éd. Gal­li­mard, coll. L’Aube des peuples, Pa­ris

Il s’agit de chants tra­di­tion­nels des Aï­nous1. À l’instar des Amé­rin­diens, ce qui reste aujourd’hui du peuple aï­nou, au­tre­fois si re­mar­quable et si épris de li­berté, est ex­clu­si­ve­ment et mi­sé­ra­ble­ment can­tonné dans les ré­serves de l’île de Hok­kaidô ; il est en voie d’extinction, aban­donné à un sort peu en­viable, qu’il ne mé­rite pas. Avant l’établissement des Ja­po­nais, le ter­ri­toire aï­nou s’étendait de l’île de Hok­kaidô, ap­pe­lée Ezo, jusqu’aux deux pro­lon­ge­ments de cette île, égre­nés comme des cha­pe­lets, se dé­ployant l’un vers le Nord-Ouest, l’autre vers le Nord-Est : l’île de Sa­kha­line, ap­pe­lée Kita-Ezo2 (« Ezo du Nord ») ; et l’archipel des Kou­riles, ap­pelé Oku-Ezo3 (« Ezo des confins »). Ce n’est qu’au dé­but du XVIIe siècle que l’État ja­po­nais in­ves­tit un daï­mio à Mat­su­mae, mais ce­lui-ci se conten­tait en quelque sorte de mon­ter la garde contre les Aï­nous. Il n’avait au­cune idée sé­rieuse du ter­ri­toire de ces « hommes poi­lus » (« ke­bito »4) dont il igno­rait tout ou à peu près tout, et il in­ter­di­sait à ses su­jets de s’y aven­tu­rer loin ou d’y en­tre­prendre quoi que ce soit, rap­porte le père de An­ge­lis. Terres par­fai­te­ment né­gli­geables et né­gli­gées, ces îles furent la seule par­tie du globe qui échappa à l’activité in­fa­ti­gable du ca­pi­taine Cook. Et à ce titre, elles pro­vo­quèrent la cu­rio­sité de La Pé­rouse, qui, de­puis son dé­part de France, brû­lait d’impatience d’être le pre­mier à y avoir abordé. En 1787, les fré­gates sous son com­man­de­ment mouillèrent de­vant Sa­kha­line, et les Fran­çais, des­cen­dus à terre, en­trèrent en contact avec « une race d’hommes dif­fé­rente de celle des Ja­po­nais, des Chi­nois, des Kamt­cha­dales et des Tar­tares dont ils ne sont sé­pa­rés que par un ca­nal »5. C’étaient les Aï­nous. Quoique n’ayant ja­mais abordé aux Kou­riles, La Pé­rouse éta­blit avec cer­ti­tude, d’après la re­la­tion de Kra­ché­nin­ni­kov et l’identité du vo­ca­bu­laire com­posé par ce Russe avec ce­lui qu’il re­cueillit sur place, que les ha­bi­tants des Kou­riles, ceux de Sa­kha­line et de Hok­kaidô avaient « une ori­gine com­mune ». Leurs ma­nières douces et graves et leur in­tel­li­gence éten­due firent im­pres­sion sur La Pé­rouse, qui les com­para à celles des Eu­ro­péens ins­truits : « Nous par­vînmes à leur faire com­prendre que nous dé­si­rions qu’ils fi­gu­rassent la forme de leur pays et de ce­lui des Mand­chous. Alors, un des vieillards se leva, et avec le bout de sa pique, il fi­gura la côte de Tar­ta­rie à l’Ouest, cou­rant à peu près [du] Nord [au] Sud. À l’Est, vis-à-vis et dans la même di­rec­tion, il fi­gura… son propre pays ; il avait laissé entre la Tar­ta­rie et son île un dé­troit, et se tour­nant vers nos vais­seaux qu’on aper­ce­vait du ri­vage, il mar­qua, par un trait, qu’on pou­vait y pas­ser… Sa sa­ga­cité pour de­vi­ner toutes nos ques­tions était ex­trême, mais moindre en­core que celle d’un se­cond in­su­laire, âgé à peu près de trente ans, qui, voyant que les fi­gures tra­cées sur le sable s’effaçaient, prit un de nos crayons avec du pa­pier. Il y fi­gura son île [et traça] par des traits le nombre de jour­nées de pi­rogue né­ces­saire pour se rendre du lieu où nous étions [jusqu’à] l’embouchure du Sé­ga­lien6 »

  1. On ren­contre aussi les gra­phies Aï­nos et Ainu. Ce terme si­gni­fie « être hu­main » dans la langue du même nom. Haut
  2. En ja­po­nais 北蝦夷. Haut
  3. En ja­po­nais 奥蝦夷. Par­fois trans­crit Oku-Yezo, Oko-Ieso ou Okou-Yesso. Haut
  1. En ja­po­nais 毛人. Haut
  2. « Le Voyage de La­pé­rouse (1785-1788). Tome II », p. 387. Haut
  3. L’actuel fleuve Amour. Haut

Saikaku, « Arashi, vie et mort d’un acteur »

éd. Ph. Picquier, coll. Le Pavillon des corps curieux, Arles

éd. Ph. Pic­quier, coll. Le Pa­villon des corps cu­rieux, Arles

Il s’agit de l’« Ara­shi mujô mo­no­ga­tari »1 (« Ara­shi, vie et mort d’un ac­teur »2) d’Ihara Sai­kaku3, mar­chand ja­po­nais qui, après la mort de sa femme et de sa fille aveugle, se consa­cra à l’art du ro­man, où il de­vint un maître in­con­testé, et le plus ha­bile des écri­vains. On com­pare la vi­va­cité et la ra­pi­dité de son style à celles que l’on éprouve en des­cen­dant un tor­rent dans une barque. À la nais­sance de Sai­kaku, en 1642, le Ja­pon était en­tré dans une pé­riode de paix et de bon ordre, après plus de deux siècles de guerres ci­viles. Les for­ti­fi­ca­tions ra­sées des villes avaient fait place à des quar­tiers de dis­trac­tion, où les bour­geois met­taient à la pour­suite du plai­sir l’opiniâtreté et la pas­sion qu’ils avaient au­tre­fois ap­por­tées à la conquête de l’argent. L’œuvre de Sai­kaku, vaste fresque de ce « monde flot­tant » (« ukiyo »4), prend pour su­jets les mar­chands, les ven­deurs, les fa­bri­cants de ton­neaux, les bouilleurs d’alcool de riz, les ac­teurs, les guer­riers, les cour­ti­sanes. Les por­traits de celles-ci sur­tout, très re­mar­quables et osés, al­lant jusqu’à la vul­ga­rité, font que l’on consi­dère Sai­kaku comme un por­no­graphe ; en quoi, on a grand tort. Car si on lui en­lève ce masque d’indécence, qui peut bien avoir contri­bué à faire de lui le plus po­pu­laire écri­vain de son temps, mais qui n’est ce­pen­dant qu’un masque, et le plus trom­peur des masques, on verra un psy­cho­logue hors pair, lu­cide, mais plein d’humour, tou­jours à l’écoute du « cœur des gens de ce monde » (« yo no hito-go­koro »5) comme il dit lui-même6. Avec lui, le Ja­pon re­trouve cette fi­nesse d’observation qu’il n’avait plus at­teinte de­puis Mu­ra­saki-shi­kibu. « Dans ses ou­vrages aussi francs qu’enjoués, Sai­kaku [dé­crit] tous les ha­sards doux et amers de ce monde de l’impermanence et de l’illusion dé­noncé dans les ser­mons des bonzes. Mais les hé­ros de Sai­kaku ne tentent pas de lui échap­per, ils mettent leur sa­gesse à s’en ac­com­mo­der, et leur iro­nie à n’en être pas dupes. D’avance, ils ac­ceptent tout ce que les ha­sards de ce monde vou­dront bien leur don­ner — et le ha­sard n’est pas chiche en­vers eux… Ces ré­cits, on le voit, sont francs, cy­niques, sa­laces. Li­ber­tins ? Non, on n’y trouve ja­mais viol ni dol, ja­mais cet ac­cent de ré­volte et de défi qui re­lève les noires prouesses du li­ber­ti­nage oc­ci­den­tal, de Don Juan… à Sade. Pour être libres de leurs plai­sirs, les hé­ros de Sai­kaku n’ont pas à se [faire] scé­lé­rats », dit M. Mau­rice Pin­guet

  1. En ja­po­nais « 嵐無常物語 ». Haut
  2. Par­fois tra­duit « Ré­cit de la mort d’Arashi ». Haut
  3. En ja­po­nais 井原西鶴. Au­tre­fois trans­crit Ihara Saï­ka­kou. Haut
  1. En ja­po­nais « 浮世 ». Au­tre­fois trans­crit « ou­kiyo ». Haut
  2. En ja­po­nais « 世の人心 ». Haut
  3. Ihara Sai­kaku, « Sai­kaku ori­dome » (« Le Tis­sage in­ter­rompu de Sai­kaku »), in­édit en fran­çais. Haut

Saikaku, « Quatre Nouvelles. “L’Écritoire de poche” »

dans « Autour de Saikaku : le roman en Chine et au Japon aux XVIIᵉ et XVIIIᵉ siècles » (éd. Les Indes savantes, coll. Études japonaises, Paris), p. 113-122

dans « Au­tour de Sai­kaku : le ro­man en Chine et au Ja­pon aux XVIIe et XVIIIe siècles » (éd. Les Indes sa­vantes, coll. Études ja­po­naises, Pa­ris), p. 113-122

Il s’agit d’une tra­duc­tion par­tielle du « Fu­to­koro su­zuri »1 (« L’Écritoire de poche ») d’Ihara Sai­kaku2, mar­chand ja­po­nais qui, après la mort de sa femme et de sa fille aveugle, se consa­cra à l’art du ro­man, où il de­vint un maître in­con­testé, et le plus ha­bile des écri­vains. On com­pare la vi­va­cité et la ra­pi­dité de son style à celles que l’on éprouve en des­cen­dant un tor­rent dans une barque. À la nais­sance de Sai­kaku, en 1642, le Ja­pon était en­tré dans une pé­riode de paix et de bon ordre, après plus de deux siècles de guerres ci­viles. Les for­ti­fi­ca­tions ra­sées des villes avaient fait place à des quar­tiers de dis­trac­tion, où les bour­geois met­taient à la pour­suite du plai­sir l’opiniâtreté et la pas­sion qu’ils avaient au­tre­fois ap­por­tées à la conquête de l’argent. L’œuvre de Sai­kaku, vaste fresque de ce « monde flot­tant » (« ukiyo »3), prend pour su­jets les mar­chands, les ven­deurs, les fa­bri­cants de ton­neaux, les bouilleurs d’alcool de riz, les ac­teurs, les guer­riers, les cour­ti­sanes. Les por­traits de celles-ci sur­tout, très re­mar­quables et osés, al­lant jusqu’à la vul­ga­rité, font que l’on consi­dère Sai­kaku comme un por­no­graphe ; en quoi, on a grand tort. Car si on lui en­lève ce masque d’indécence, qui peut bien avoir contri­bué à faire de lui le plus po­pu­laire écri­vain de son temps, mais qui n’est ce­pen­dant qu’un masque, et le plus trom­peur des masques, on verra un psy­cho­logue hors pair, lu­cide, mais plein d’humour, tou­jours à l’écoute du « cœur des gens de ce monde » (« yo no hito-go­koro »4) comme il dit lui-même5. Avec lui, le Ja­pon re­trouve cette fi­nesse d’observation qu’il n’avait plus at­teinte de­puis Mu­ra­saki-shi­kibu. « Dans ses ou­vrages aussi francs qu’enjoués, Sai­kaku [dé­crit] tous les ha­sards doux et amers de ce monde de l’impermanence et de l’illusion dé­noncé dans les ser­mons des bonzes. Mais les hé­ros de Sai­kaku ne tentent pas de lui échap­per, ils mettent leur sa­gesse à s’en ac­com­mo­der, et leur iro­nie à n’en être pas dupes. D’avance, ils ac­ceptent tout ce que les ha­sards de ce monde vou­dront bien leur don­ner — et le ha­sard n’est pas chiche en­vers eux… Ces ré­cits, on le voit, sont francs, cy­niques, sa­laces. Li­ber­tins ? Non, on n’y trouve ja­mais viol ni dol, ja­mais cet ac­cent de ré­volte et de défi qui re­lève les noires prouesses du li­ber­ti­nage oc­ci­den­tal, de Don Juan… à Sade. Pour être libres de leurs plai­sirs, les hé­ros de Sai­kaku n’ont pas à se [faire] scé­lé­rats », dit M. Mau­rice Pin­guet

  1. En ja­po­nais « 懐硯 ». Haut
  2. En ja­po­nais 井原西鶴. Au­tre­fois trans­crit Ihara Saï­ka­kou. Haut
  3. En ja­po­nais « 浮世 ». Au­tre­fois trans­crit « ou­kiyo ». Haut
  1. En ja­po­nais « 世の人心 ». Haut
  2. Ihara Sai­kaku, « Sai­kaku ori­dome » (« Le Tis­sage in­ter­rompu de Sai­kaku »), in­édit en fran­çais. Haut

« Un Haïku satirique : le “senryû” »

éd. Publications orientalistes de France, coll. Bibliothèque japonaise, Paris

éd. Pu­bli­ca­tions orien­ta­listes de France, coll. Bi­blio­thèque ja­po­naise, Pa­ris

Il s’agit d’une tra­duc­tion par­tielle du « Ton­neau de saule » (« Ya­na­gi­daru »1), de la « Fleur du bout » (« Suet­su­mu­hana »2) et d’autres re­cueils de « sen­ryû »3 (XVIIIe-XIXe siècle). Le « sen­ryû » est un poème sa­ti­rique ou éro­tique, de forme si­mi­laire au haïku. Mais si le haïku est la com­po­si­tion d’un gen­til­homme sé­rieux, sou­cieux du qu’en-dira-t-on, le « sen­ryû » est celle d’un bour­geois rieur et éhonté, li­vré à ses seuls plai­sirs, pas­sant des heures, à vi­sage dé­cou­vert, sous les lam­pions et les lan­ternes des quar­tiers de dis­trac­tion. Ces quar­tiers, dis­pa­rus seule­ment au XXe siècle, étaient de vraies cu­rio­si­tés à vi­si­ter, aussi in­té­res­santes que les sanc­tuaires les plus fa­meux de l’Empire du So­leil le­vant. C’étaient des sortes d’îlots dans les villes mêmes, des coins soi­gneu­se­ment cir­cons­crits « à la fois fée­riques et la­men­tables… char­mants, lu­mi­neux… et naïfs en leur im­mo­ra­lité »4, où s’offraient aux yeux des pas­sants, as­sises dans des cages do­rées et sur des nattes éblouis­santes, des femmes somp­tueu­se­ment pa­rées. Chaque ville pos­sé­dait un quar­tier af­fecté à ces éta­lages. Ce­lui d’Edo (Tô­kyô), nommé le Yo­shi­wara5, était le plus beau de l’Empire ja­po­nais : no­blesse oblige. On ne s’y ren­dait pas sur l’impulsion du mo­ment. Seul un pro­vin­cial égaré dans la ville, ou un sol­dat de gar­ni­son, pou­vait s’imaginer trou­ver sa­tis­fac­tion de la sorte. Le bour­geois éclairé et rompu aux plai­sirs dé­li­cats sa­vait qu’il fal­lait com­men­cer par l’achat et la lec­ture ap­pro­fon­die du « Ca­ta­logue », où fi­gu­raient, avec un sys­tème de des­crip­tion éla­boré, les noms et les rangs des cour­ti­sanes dis­po­nibles. « Rien des “En­tre­tiens de Confu­cius” [il] ne com­prend, mais [il] sait tout lire dans le “Ca­ta­logue” », dit un « sen­ryû ». Le Yo­shi­wara étant loin du centre-ville, on s’y ren­dait le plus sou­vent en chaise à por­teurs : le voyage ne coû­tait pas cher, et on évi­tait la fa­tigue du che­min à pied. Mais on pre­nait la pré­cau­tion de mon­ter et de des­cendre à quelque dis­tance de chez soi, pour ne pas se faire sur­prendre par son épouse soup­çon­neuse : « En plein [che­min], nez à nez avec l’épouse ; ah, ca­la­mité ! », dit un « sen­ryû ». On pou­vait alors ten­ter de se jus­ti­fier : « Ce jour, je vais en prière sur la tombe d’un pa­rent », mais l’épouse n’était pas dupe. D’où ce « sen­ryû » : « Au mi­lieu [du che­min] “lettre de sé­pa­ra­tion tu m’écris de suite !” » Quant au fils pro­digue, pris en fla­grant dé­lit par ses pa­rents : « Bou­clé dans sa chambre, en rêve en­core il par­court le quar­tier des filles », dit un « sen­ryû », en pa­ro­diant ce cé­lèbre haïku com­posé par Ba­shô avant sa mort : « En rêve en­core je par­cours les landes dé­so­lées ».

  1. En ja­po­nais « 柳多留 ». Haut
  2. En ja­po­nais « 末摘花 ». Haut
  3. En ja­po­nais 川柳. Haut
  1. Ma­ti­gnon, « La Pros­ti­tu­tion au Ja­pon : le quar­tier du “Yo­shi­wara” de To­kio ». Haut
  2. En ja­po­nais 吉原. Haut

« Haïku érotiques : extraits de la “Fleur du bout” et du “Tonneau de saule” »

éd. Ph. Picquier, coll. Picquier poche, Arles

éd. Ph. Pic­quier, coll. Pic­quier poche, Arles

Il s’agit d’une tra­duc­tion par­tielle du « Ton­neau de saule » (« Ya­na­gi­daru »1), de la « Fleur du bout » (« Suet­su­mu­hana »2) et d’autres re­cueils de « sen­ryû »3 (XVIIIe-XIXe siècle). Le « sen­ryû » est un poème sa­ti­rique ou éro­tique, de forme si­mi­laire au haïku. Mais si le haïku est la com­po­si­tion d’un gen­til­homme sé­rieux, sou­cieux du qu’en-dira-t-on, le « sen­ryû » est celle d’un bour­geois rieur et éhonté, li­vré à ses seuls plai­sirs, pas­sant des heures, à vi­sage dé­cou­vert, sous les lam­pions et les lan­ternes des quar­tiers de dis­trac­tion. Ces quar­tiers, dis­pa­rus seule­ment au XXe siècle, étaient de vraies cu­rio­si­tés à vi­si­ter, aussi in­té­res­santes que les sanc­tuaires les plus fa­meux de l’Empire du So­leil le­vant. C’étaient des sortes d’îlots dans les villes mêmes, des coins soi­gneu­se­ment cir­cons­crits « à la fois fée­riques et la­men­tables… char­mants, lu­mi­neux… et naïfs en leur im­mo­ra­lité »4, où s’offraient aux yeux des pas­sants, as­sises dans des cages do­rées et sur des nattes éblouis­santes, des femmes somp­tueu­se­ment pa­rées. Chaque ville pos­sé­dait un quar­tier af­fecté à ces éta­lages. Ce­lui d’Edo (Tô­kyô), nommé le Yo­shi­wara5, était le plus beau de l’Empire ja­po­nais : no­blesse oblige. On ne s’y ren­dait pas sur l’impulsion du mo­ment. Seul un pro­vin­cial égaré dans la ville, ou un sol­dat de gar­ni­son, pou­vait s’imaginer trou­ver sa­tis­fac­tion de la sorte. Le bour­geois éclairé et rompu aux plai­sirs dé­li­cats sa­vait qu’il fal­lait com­men­cer par l’achat et la lec­ture ap­pro­fon­die du « Ca­ta­logue », où fi­gu­raient, avec un sys­tème de des­crip­tion éla­boré, les noms et les rangs des cour­ti­sanes dis­po­nibles. « Rien des “En­tre­tiens de Confu­cius” [il] ne com­prend, mais [il] sait tout lire dans le “Ca­ta­logue” », dit un « sen­ryû ». Le Yo­shi­wara étant loin du centre-ville, on s’y ren­dait le plus sou­vent en chaise à por­teurs : le voyage ne coû­tait pas cher, et on évi­tait la fa­tigue du che­min à pied. Mais on pre­nait la pré­cau­tion de mon­ter et de des­cendre à quelque dis­tance de chez soi, pour ne pas se faire sur­prendre par son épouse soup­çon­neuse : « En plein [che­min], nez à nez avec l’épouse ; ah, ca­la­mité ! », dit un « sen­ryû ». On pou­vait alors ten­ter de se jus­ti­fier : « Ce jour, je vais en prière sur la tombe d’un pa­rent », mais l’épouse n’était pas dupe. D’où ce « sen­ryû » : « Au mi­lieu [du che­min] “lettre de sé­pa­ra­tion tu m’écris de suite !” » Quant au fils pro­digue, pris en fla­grant dé­lit par ses pa­rents : « Bou­clé dans sa chambre, en rêve en­core il par­court le quar­tier des filles », dit un « sen­ryû », en pa­ro­diant ce cé­lèbre haïku com­posé par Ba­shô avant sa mort : « En rêve en­core je par­cours les landes dé­so­lées ».

  1. En ja­po­nais « 柳多留 ». Haut
  2. En ja­po­nais « 末摘花 ». Haut
  3. En ja­po­nais 川柳. Haut
  1. Ma­ti­gnon, « La Pros­ti­tu­tion au Ja­pon : le quar­tier du “Yo­shi­wara” de To­kio ». Haut
  2. En ja­po­nais 吉原. Haut

« Courtisanes du Japon »

éd. Ph. Picquier, coll. Le Pavillon des corps curieux, Arles

éd. Ph. Pic­quier, coll. Le Pa­villon des corps cu­rieux, Arles

Il s’agit d’une tra­duc­tion par­tielle du « Ton­neau de saule » (« Ya­na­gi­daru »1), de la « Fleur du bout » (« Suet­su­mu­hana »2) et d’autres re­cueils de « sen­ryû »3 (XVIIIe-XIXe siècle). Le « sen­ryû » est un poème sa­ti­rique ou éro­tique, de forme si­mi­laire au haïku. Mais si le haïku est la com­po­si­tion d’un gen­til­homme sé­rieux, sou­cieux du qu’en-dira-t-on, le « sen­ryû » est celle d’un bour­geois rieur et éhonté, li­vré à ses seuls plai­sirs, pas­sant des heures, à vi­sage dé­cou­vert, sous les lam­pions et les lan­ternes des quar­tiers de dis­trac­tion. Ces quar­tiers, dis­pa­rus seule­ment au XXe siècle, étaient de vraies cu­rio­si­tés à vi­si­ter, aussi in­té­res­santes que les sanc­tuaires les plus fa­meux de l’Empire du So­leil le­vant. C’étaient des sortes d’îlots dans les villes mêmes, des coins soi­gneu­se­ment cir­cons­crits « à la fois fée­riques et la­men­tables… char­mants, lu­mi­neux… et naïfs en leur im­mo­ra­lité »4, où s’offraient aux yeux des pas­sants, as­sises dans des cages do­rées et sur des nattes éblouis­santes, des femmes somp­tueu­se­ment pa­rées. Chaque ville pos­sé­dait un quar­tier af­fecté à ces éta­lages. Ce­lui d’Edo (Tô­kyô), nommé le Yo­shi­wara5, était le plus beau de l’Empire ja­po­nais : no­blesse oblige. On ne s’y ren­dait pas sur l’impulsion du mo­ment. Seul un pro­vin­cial égaré dans la ville, ou un sol­dat de gar­ni­son, pou­vait s’imaginer trou­ver sa­tis­fac­tion de la sorte. Le bour­geois éclairé et rompu aux plai­sirs dé­li­cats sa­vait qu’il fal­lait com­men­cer par l’achat et la lec­ture ap­pro­fon­die du « Ca­ta­logue », où fi­gu­raient, avec un sys­tème de des­crip­tion éla­boré, les noms et les rangs des cour­ti­sanes dis­po­nibles. « Rien des “En­tre­tiens de Confu­cius” [il] ne com­prend, mais [il] sait tout lire dans le “Ca­ta­logue” », dit un « sen­ryû ». Le Yo­shi­wara étant loin du centre-ville, on s’y ren­dait le plus sou­vent en chaise à por­teurs : le voyage ne coû­tait pas cher, et on évi­tait la fa­tigue du che­min à pied. Mais on pre­nait la pré­cau­tion de mon­ter et de des­cendre à quelque dis­tance de chez soi, pour ne pas se faire sur­prendre par son épouse soup­çon­neuse : « En plein [che­min], nez à nez avec l’épouse ; ah, ca­la­mité ! », dit un « sen­ryû ». On pou­vait alors ten­ter de se jus­ti­fier : « Ce jour, je vais en prière sur la tombe d’un pa­rent », mais l’épouse n’était pas dupe. D’où ce « sen­ryû » : « Au mi­lieu [du che­min] “lettre de sé­pa­ra­tion tu m’écris de suite !” » Quant au fils pro­digue, pris en fla­grant dé­lit par ses pa­rents : « Bou­clé dans sa chambre, en rêve en­core il par­court le quar­tier des filles », dit un « sen­ryû », en pa­ro­diant ce cé­lèbre haïku com­posé par Ba­shô avant sa mort : « En rêve en­core je par­cours les landes dé­so­lées ».

  1. En ja­po­nais « 柳多留 ». Haut
  2. En ja­po­nais « 末摘花 ». Haut
  3. En ja­po­nais 川柳. Haut
  1. Ma­ti­gnon, « La Pros­ti­tu­tion au Ja­pon : le quar­tier du “Yo­shi­wara” de To­kio ». Haut
  2. En ja­po­nais 吉原. Haut

« L’Enseignement de la vérité • L’Enseignement de la jeunesse »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit de « L’Enseignement de la vé­rité » (« Jit­su­go­kyô »1) et de « L’Enseignement de la jeu­nesse » (« Dô­ji­kyô »2), trai­tés de mo­rale élé­men­taire qui, pen­dant l’époque d’Edo3, étaient ex­pli­qués dans toutes les écoles du Ja­pon, où les élèves en ap­pre­naient les maximes par cœur. « La soie blanche [c’est-à-dire l’enfance] re­çoit ai­sé­ment les im­pres­sions », dit la pré­face ja­po­naise4. « Si l’on n’étudie pas, étant jeune, l’obscurantisme ne se dis­sipe plus, une fois de­venu vieux. Aux en­fants des cam­pagnes et des vil­lages, ces livres sont of­ferts comme une échelle pour gra­vir les pre­miers de­grés ». Et ailleurs : « Les étu­diants des âges fu­turs de­vront tout d’abord s’attacher à l’étude de [ces livres]. Ils sont le com­men­ce­ment de la science. Jusqu’à la fin de la vie, gar­dez-vous de les ou­blier ou de les aban­don­ner »5. Les moines à qui l’on doit ces trai­tés, bien que s’appuyant en prin­cipe sur la croyance in­dienne boud­dhique, émettent des idées qui, dans une énorme pro­por­tion, rat­tachent leurs maximes à la doc­trine chi­noise confu­cia­niste, par­fois même taoïste. Ce mé­lange de pen­sées em­prun­tées à des sources phi­lo­so­phiques ou re­li­gieuses di­verses, voire op­po­sées les unes aux autres, se re­marque fré­quem­ment en Ex­trême-Orient. Pré­sentes dès le VIIIe siècle apr. J.-C. au centre de l’éducation ja­po­naise ; pro­po­sées, comme je l’ai dit, à l’ensemble de la po­pu­la­tion à l’époque d’Edo, ces pen­sées mar­que­ront en­core de leur em­preinte in­dé­lé­bile la gé­né­ra­tion qui a étu­dié au dé­but de l’ère Meiji. C’est ainsi que l’écrivain Mori Ôgai, né en 1862, en ana­ly­sant son pen­chant pour la phi­lo­so­phie, dit : « Ce sont peut-être les théo­ries [mo­rales], en­ten­dues dans mon en­fance, qui de­meu­raient au fond de mon cœur à l’état de “ré­mi­nis­cences lé­gères” (“ka­suka na re­mi­ni­su­sansu”6) et orien­taient ma bous­sole vers l’école de Scho­pen­hauer »7. Au-delà de ces « ré­mi­nis­cences lé­gères », tout lec­teur d’Ôgai ne peut qu’être frappé, chez cet homme qui connais­sait si bien l’Occident et ses langues, par la place consi­dé­rable que tient dans ses écrits une rhé­to­rique pui­sée dans la mo­rale pri­mor­diale de l’Extrême-Orient.

  1. En ja­po­nais « 実語教 ». Au­tre­fois trans­crit « Zitu-go kyau ». Il y a une tra­di­tion peu fon­dée qui veut que Kôbô-dai­shi soit l’auteur de ce traité. Haut
  2. En ja­po­nais « 童子教 ». Au­tre­fois trans­crit « Dô-zi kyau ». Il y a une tra­di­tion peu fon­dée qui veut que Bai Juyi soit l’auteur de ce traité. Haut
  3. De l’an 1603 à l’an 1868. Haut
  4. p. 5. Haut
  1. p. 25. Haut
  2. En ja­po­nais かすかなレミニスサンス. Haut
  3. Dans Em­ma­nuel Lo­ze­rand, p. 40. Haut

« Supplément aux “Contes d’Uji” »

éd. Publications orientalistes de France, coll. Contes et Romans du Moyen Âge-Les Œuvres capitales de la littérature japonaise, Paris

éd. Pu­bli­ca­tions orien­ta­listes de France, coll. Contes et Ro­mans du Moyen Âge-Les Œuvres ca­pi­tales de la lit­té­ra­ture ja­po­naise, Pa­ris

Il s’agit du « Sup­plé­ment aux “His­toires d’Uji” » (« Uji shûi mo­no­ga­tari »1). Ce Grand Conseiller d’Uji, dont le nom était Mi­na­moto no Ta­ka­kuni2 (XIe siècle apr. J.-C.), était un homme qui sup­por­tait mal dans sa vieillesse les cha­leurs de l’été et qui se re­ti­rait chaque an­née, du cin­quième au hui­tième mois, à Uji, au Sud de Kyôto. Là, dans une te­nue né­gli­gée, se fai­sant éven­ter d’un grand éven­tail, il fai­sait ap­pe­ler à lui les pas­sants, sans se sou­cier de leur rang, et les priait de ra­con­ter des his­toires du passé, ce­pen­dant que lui-même, étendu à l’intérieur, no­tait leurs pa­roles dans un gros ca­hier : « Il y avait des ré­cits de l’Inde, des ré­cits de la Chine, et aussi des ré­cits du Ja­pon. Il en était d’édifiants, il en était de plai­sants, il en était de ter­ri­fiants, il en était d’émouvants, il en était de ré­pu­gnants. Quelques-uns étaient sans rime ni rai­son, d’autres étaient des plus adroits, bref, il en était de toute sorte et de toute es­pèce », dit le « Sup­plé­ment aux “His­toires d’Uji” »3. La par­tie des « His­toires qui sont main­te­nant du passé » re­la­tive au Ja­pon oc­cupe à elle seule, avec ses vingt et un tomes sur trente et un, plus des deux tiers du texte, tan­dis que les par­ties consa­crées à l’Inde et à la Chine ne com­prennent cha­cune que cinq tomes. Trois tomes sont aujourd’hui man­quants4 et deux autres5 ne nous sont par­ve­nus qu’en un état in­com­plet. Tel quel pour­tant, le re­cueil est en­core d’une éton­nante ri­chesse, et les mille cin­quante-neuf ré­cits qu’il contient font pen­ser à un ad­mi­rable ka­léi­do­scope qui nous pré­sente à chaque se­cousse, comme par un coup de ma­gie, des fi­gures in­at­ten­dues et sur­pre­nantes : « Un dé­filé de per­son­nages ap­par­te­nant à toutes les ca­té­go­ries de la so­ciété anime un monde d’une grande ri­chesse hu­maine, où les sen­ti­ments et les sou­cis des humbles n’ont pas une di­gnité moindre que ceux des grands… La va­riété des ré­cits, ba­dins ou bur­lesques, ins­truc­tifs ou édi­fiants, fan­tas­tiques ou tou­chants, donne la pos­si­bi­lité de s’exprimer à toutes les émo­tions, des plus nobles aux moins raf­fi­nées »6. Tous dé­butent par la for­mule « main­te­nant, c’est du passé » (pro­non­cée « ima wa mu­ka­shi » à la ja­po­naise, « kon­jaku » à la chi­noise) qui fut choi­sie par Ta­ka­kuni parce qu’elle ex­prime à mer­veille l’idée boud­dhique se­lon la­quelle le passé existe au même titre et avec la même réa­lité que le « main­te­nant ».

  1. En ja­po­nais « 宇治拾遺物語 ». Haut
  2. En ja­po­nais 源隆国. Au­tre­fois trans­crit Mi­na­moto no Ta­ka­kouni. Haut
  3. p. 7. Haut
  1. VIII, XVIII et XXXI. Haut
  2. XXII et XXIII. Haut
  3. Jean Guilla­maud, « His­toire de la lit­té­ra­ture ja­po­naise ». Haut

Takakuni, « Gouverneurs de province et Guerriers dans les “Histoires qui sont maintenant du passé” »

éd. Collège de France-Institut des hautes études japonaises, coll. Bibliothèque de l’Institut des hautes études japonaises, Paris

éd. Col­lège de France-Ins­ti­tut des hautes études ja­po­naises, coll. Bi­blio­thèque de l’Institut des hautes études ja­po­naises, Pa­ris

Il s’agit d’une tra­duc­tion par­tielle des « His­toires qui sont main­te­nant du passé » (« Kon­jaku mo­no­ga­tari »1) éga­le­ment connues sous le titre d’« His­toires du Grand Conseiller d’Uji » (« Uji dai­na­gon mo­no­ga­tari »2). Ce Grand Conseiller d’Uji, dont le nom était Mi­na­moto no Ta­ka­kuni3 (XIe siècle apr. J.-C.), était un homme qui sup­por­tait mal dans sa vieillesse les cha­leurs de l’été et qui se re­ti­rait chaque an­née, du cin­quième au hui­tième mois, à Uji, au Sud de Kyôto. Là, dans une te­nue né­gli­gée, se fai­sant éven­ter d’un grand éven­tail, il fai­sait ap­pe­ler à lui les pas­sants, sans se sou­cier de leur rang, et les priait de ra­con­ter des his­toires du passé, ce­pen­dant que lui-même, étendu à l’intérieur, no­tait leurs pa­roles dans un gros ca­hier : « Il y avait des ré­cits de l’Inde, des ré­cits de la Chine, et aussi des ré­cits du Ja­pon. Il en était d’édifiants, il en était de plai­sants, il en était de ter­ri­fiants, il en était d’émouvants, il en était de ré­pu­gnants. Quelques-uns étaient sans rime ni rai­son, d’autres étaient des plus adroits, bref, il en était de toute sorte et de toute es­pèce », dit le « Sup­plé­ment aux “His­toires d’Uji” »4. La par­tie des « His­toires qui sont main­te­nant du passé » re­la­tive au Ja­pon oc­cupe à elle seule, avec ses vingt et un tomes sur trente et un, plus des deux tiers du texte, tan­dis que les par­ties consa­crées à l’Inde et à la Chine ne com­prennent cha­cune que cinq tomes. Trois tomes sont aujourd’hui man­quants5 et deux autres6 ne nous sont par­ve­nus qu’en un état in­com­plet. Tel quel pour­tant, le re­cueil est en­core d’une éton­nante ri­chesse, et les mille cin­quante-neuf ré­cits qu’il contient font pen­ser à un ad­mi­rable ka­léi­do­scope qui nous pré­sente à chaque se­cousse, comme par un coup de ma­gie, des fi­gures in­at­ten­dues et sur­pre­nantes : « Un dé­filé de per­son­nages ap­par­te­nant à toutes les ca­té­go­ries de la so­ciété anime un monde d’une grande ri­chesse hu­maine, où les sen­ti­ments et les sou­cis des humbles n’ont pas une di­gnité moindre que ceux des grands… La va­riété des ré­cits, ba­dins ou bur­lesques, ins­truc­tifs ou édi­fiants, fan­tas­tiques ou tou­chants, donne la pos­si­bi­lité de s’exprimer à toutes les émo­tions, des plus nobles aux moins raf­fi­nées »7. Tous dé­butent par la for­mule « main­te­nant, c’est du passé » (pro­non­cée « ima wa mu­ka­shi » à la ja­po­naise, « kon­jaku » à la chi­noise) qui fut choi­sie par Ta­ka­kuni parce qu’elle ex­prime à mer­veille l’idée boud­dhique se­lon la­quelle le passé existe au même titre et avec la même réa­lité que le « main­te­nant ».

  1. En ja­po­nais « 今昔物語 ». Au­tre­fois trans­crit « Kond­ja­kou mo­no­ga­tari » ou « Kon­ja­kou mo­no­ga­tari ». Haut
  2. En ja­po­nais « 宇治大納言物語 ». Haut
  3. En ja­po­nais 源隆国. Au­tre­fois trans­crit Mi­na­moto no Ta­ka­kouni. Haut
  4. p. 7. Haut
  1. VIII, XVIII et XXXI. Haut
  2. XXII et XXIII. Haut
  3. Jean Guilla­maud, « His­toire de la lit­té­ra­ture ja­po­naise ». Haut

Takakuni, « Histoires d’amour du temps jadis »

éd. Ph. Picquier, Arles

éd. Ph. Pic­quier, Arles

Il s’agit d’une tra­duc­tion par­tielle des « His­toires qui sont main­te­nant du passé » (« Kon­jaku mo­no­ga­tari »1) éga­le­ment connues sous le titre d’« His­toires du Grand Conseiller d’Uji » (« Uji dai­na­gon mo­no­ga­tari »2). Ce Grand Conseiller d’Uji, dont le nom était Mi­na­moto no Ta­ka­kuni3 (XIe siècle apr. J.-C.), était un homme qui sup­por­tait mal dans sa vieillesse les cha­leurs de l’été et qui se re­ti­rait chaque an­née, du cin­quième au hui­tième mois, à Uji, au Sud de Kyôto. Là, dans une te­nue né­gli­gée, se fai­sant éven­ter d’un grand éven­tail, il fai­sait ap­pe­ler à lui les pas­sants, sans se sou­cier de leur rang, et les priait de ra­con­ter des his­toires du passé, ce­pen­dant que lui-même, étendu à l’intérieur, no­tait leurs pa­roles dans un gros ca­hier : « Il y avait des ré­cits de l’Inde, des ré­cits de la Chine, et aussi des ré­cits du Ja­pon. Il en était d’édifiants, il en était de plai­sants, il en était de ter­ri­fiants, il en était d’émouvants, il en était de ré­pu­gnants. Quelques-uns étaient sans rime ni rai­son, d’autres étaient des plus adroits, bref, il en était de toute sorte et de toute es­pèce », dit le « Sup­plé­ment aux “His­toires d’Uji” »4. La par­tie des « His­toires qui sont main­te­nant du passé » re­la­tive au Ja­pon oc­cupe à elle seule, avec ses vingt et un tomes sur trente et un, plus des deux tiers du texte, tan­dis que les par­ties consa­crées à l’Inde et à la Chine ne com­prennent cha­cune que cinq tomes. Trois tomes sont aujourd’hui man­quants5 et deux autres6 ne nous sont par­ve­nus qu’en un état in­com­plet. Tel quel pour­tant, le re­cueil est en­core d’une éton­nante ri­chesse, et les mille cin­quante-neuf ré­cits qu’il contient font pen­ser à un ad­mi­rable ka­léi­do­scope qui nous pré­sente à chaque se­cousse, comme par un coup de ma­gie, des fi­gures in­at­ten­dues et sur­pre­nantes : « Un dé­filé de per­son­nages ap­par­te­nant à toutes les ca­té­go­ries de la so­ciété anime un monde d’une grande ri­chesse hu­maine, où les sen­ti­ments et les sou­cis des humbles n’ont pas une di­gnité moindre que ceux des grands… La va­riété des ré­cits, ba­dins ou bur­lesques, ins­truc­tifs ou édi­fiants, fan­tas­tiques ou tou­chants, donne la pos­si­bi­lité de s’exprimer à toutes les émo­tions, des plus nobles aux moins raf­fi­nées »7. Tous dé­butent par la for­mule « main­te­nant, c’est du passé » (pro­non­cée « ima wa mu­ka­shi » à la ja­po­naise, « kon­jaku » à la chi­noise) qui fut choi­sie par Ta­ka­kuni parce qu’elle ex­prime à mer­veille l’idée boud­dhique se­lon la­quelle le passé existe au même titre et avec la même réa­lité que le « main­te­nant ».

  1. En ja­po­nais « 今昔物語 ». Au­tre­fois trans­crit « Kond­ja­kou mo­no­ga­tari » ou « Kon­ja­kou mo­no­ga­tari ». Haut
  2. En ja­po­nais « 宇治大納言物語 ». Haut
  3. En ja­po­nais 源隆国. Au­tre­fois trans­crit Mi­na­moto no Ta­ka­kouni. Haut
  4. p. 7. Haut
  1. VIII, XVIII et XXXI. Haut
  2. XXII et XXIII. Haut
  3. Jean Guilla­maud, « His­toire de la lit­té­ra­ture ja­po­naise ». Haut

Takakuni, « Histoires fantastiques du temps jadis »

éd. Ph. Picquier, Arles

éd. Ph. Pic­quier, Arles

Il s’agit d’une tra­duc­tion par­tielle des « His­toires qui sont main­te­nant du passé » (« Kon­jaku mo­no­ga­tari »1) éga­le­ment connues sous le titre d’« His­toires du Grand Conseiller d’Uji » (« Uji dai­na­gon mo­no­ga­tari »2). Ce Grand Conseiller d’Uji, dont le nom était Mi­na­moto no Ta­ka­kuni3 (XIe siècle apr. J.-C.), était un homme qui sup­por­tait mal dans sa vieillesse les cha­leurs de l’été et qui se re­ti­rait chaque an­née, du cin­quième au hui­tième mois, à Uji, au Sud de Kyôto. Là, dans une te­nue né­gli­gée, se fai­sant éven­ter d’un grand éven­tail, il fai­sait ap­pe­ler à lui les pas­sants, sans se sou­cier de leur rang, et les priait de ra­con­ter des his­toires du passé, ce­pen­dant que lui-même, étendu à l’intérieur, no­tait leurs pa­roles dans un gros ca­hier : « Il y avait des ré­cits de l’Inde, des ré­cits de la Chine, et aussi des ré­cits du Ja­pon. Il en était d’édifiants, il en était de plai­sants, il en était de ter­ri­fiants, il en était d’émouvants, il en était de ré­pu­gnants. Quelques-uns étaient sans rime ni rai­son, d’autres étaient des plus adroits, bref, il en était de toute sorte et de toute es­pèce », dit le « Sup­plé­ment aux “His­toires d’Uji” »4. La par­tie des « His­toires qui sont main­te­nant du passé » re­la­tive au Ja­pon oc­cupe à elle seule, avec ses vingt et un tomes sur trente et un, plus des deux tiers du texte, tan­dis que les par­ties consa­crées à l’Inde et à la Chine ne com­prennent cha­cune que cinq tomes. Trois tomes sont aujourd’hui man­quants5 et deux autres6 ne nous sont par­ve­nus qu’en un état in­com­plet. Tel quel pour­tant, le re­cueil est en­core d’une éton­nante ri­chesse, et les mille cin­quante-neuf ré­cits qu’il contient font pen­ser à un ad­mi­rable ka­léi­do­scope qui nous pré­sente à chaque se­cousse, comme par un coup de ma­gie, des fi­gures in­at­ten­dues et sur­pre­nantes : « Un dé­filé de per­son­nages ap­par­te­nant à toutes les ca­té­go­ries de la so­ciété anime un monde d’une grande ri­chesse hu­maine, où les sen­ti­ments et les sou­cis des humbles n’ont pas une di­gnité moindre que ceux des grands… La va­riété des ré­cits, ba­dins ou bur­lesques, ins­truc­tifs ou édi­fiants, fan­tas­tiques ou tou­chants, donne la pos­si­bi­lité de s’exprimer à toutes les émo­tions, des plus nobles aux moins raf­fi­nées »7. Tous dé­butent par la for­mule « main­te­nant, c’est du passé » (pro­non­cée « ima wa mu­ka­shi » à la ja­po­naise, « kon­jaku » à la chi­noise) qui fut choi­sie par Ta­ka­kuni parce qu’elle ex­prime à mer­veille l’idée boud­dhique se­lon la­quelle le passé existe au même titre et avec la même réa­lité que le « main­te­nant ».

  1. En ja­po­nais « 今昔物語 ». Au­tre­fois trans­crit « Kond­ja­kou mo­no­ga­tari » ou « Kon­ja­kou mo­no­ga­tari ». Haut
  2. En ja­po­nais « 宇治大納言物語 ». Haut
  3. En ja­po­nais 源隆国. Au­tre­fois trans­crit Mi­na­moto no Ta­ka­kouni. Haut
  4. p. 7. Haut
  1. VIII, XVIII et XXXI. Haut
  2. XXII et XXIII. Haut
  3. Jean Guilla­maud, « His­toire de la lit­té­ra­ture ja­po­naise ». Haut

Takakuni, « Histoires qui sont maintenant du passé, “Konjaku-monogatari shû” »

éd. Gallimard, coll. UNESCO d’œuvres représentatives-Connaissance de l’Orient, Paris

éd. Gal­li­mard, coll. UNESCO d’œuvres re­pré­sen­ta­tives-Connais­sance de l’Orient, Pa­ris

Il s’agit d’une tra­duc­tion par­tielle des « His­toires qui sont main­te­nant du passé » (« Kon­jaku mo­no­ga­tari »1) éga­le­ment connues sous le titre d’« His­toires du Grand Conseiller d’Uji » (« Uji dai­na­gon mo­no­ga­tari »2). Ce Grand Conseiller d’Uji, dont le nom était Mi­na­moto no Ta­ka­kuni3 (XIe siècle apr. J.-C.), était un homme qui sup­por­tait mal dans sa vieillesse les cha­leurs de l’été et qui se re­ti­rait chaque an­née, du cin­quième au hui­tième mois, à Uji, au Sud de Kyôto. Là, dans une te­nue né­gli­gée, se fai­sant éven­ter d’un grand éven­tail, il fai­sait ap­pe­ler à lui les pas­sants, sans se sou­cier de leur rang, et les priait de ra­con­ter des his­toires du passé, ce­pen­dant que lui-même, étendu à l’intérieur, no­tait leurs pa­roles dans un gros ca­hier : « Il y avait des ré­cits de l’Inde, des ré­cits de la Chine, et aussi des ré­cits du Ja­pon. Il en était d’édifiants, il en était de plai­sants, il en était de ter­ri­fiants, il en était d’émouvants, il en était de ré­pu­gnants. Quelques-uns étaient sans rime ni rai­son, d’autres étaient des plus adroits, bref, il en était de toute sorte et de toute es­pèce », dit le « Sup­plé­ment aux “His­toires d’Uji” »4. La par­tie des « His­toires qui sont main­te­nant du passé » re­la­tive au Ja­pon oc­cupe à elle seule, avec ses vingt et un tomes sur trente et un, plus des deux tiers du texte, tan­dis que les par­ties consa­crées à l’Inde et à la Chine ne com­prennent cha­cune que cinq tomes. Trois tomes sont aujourd’hui man­quants5 et deux autres6 ne nous sont par­ve­nus qu’en un état in­com­plet. Tel quel pour­tant, le re­cueil est en­core d’une éton­nante ri­chesse, et les mille cin­quante-neuf ré­cits qu’il contient font pen­ser à un ad­mi­rable ka­léi­do­scope qui nous pré­sente à chaque se­cousse, comme par un coup de ma­gie, des fi­gures in­at­ten­dues et sur­pre­nantes : « Un dé­filé de per­son­nages ap­par­te­nant à toutes les ca­té­go­ries de la so­ciété anime un monde d’une grande ri­chesse hu­maine, où les sen­ti­ments et les sou­cis des humbles n’ont pas une di­gnité moindre que ceux des grands… La va­riété des ré­cits, ba­dins ou bur­lesques, ins­truc­tifs ou édi­fiants, fan­tas­tiques ou tou­chants, donne la pos­si­bi­lité de s’exprimer à toutes les émo­tions, des plus nobles aux moins raf­fi­nées »7. Tous dé­butent par la for­mule « main­te­nant, c’est du passé » (pro­non­cée « ima wa mu­ka­shi » à la ja­po­naise, « kon­jaku » à la chi­noise) qui fut choi­sie par Ta­ka­kuni parce qu’elle ex­prime à mer­veille l’idée boud­dhique se­lon la­quelle le passé existe au même titre et avec la même réa­lité que le « main­te­nant ».

  1. En ja­po­nais « 今昔物語 ». Au­tre­fois trans­crit « Kond­ja­kou mo­no­ga­tari » ou « Kon­ja­kou mo­no­ga­tari ». Haut
  2. En ja­po­nais « 宇治大納言物語 ». Haut
  3. En ja­po­nais 源隆国. Au­tre­fois trans­crit Mi­na­moto no Ta­ka­kouni. Haut
  4. p. 7. Haut
  1. VIII, XVIII et XXXI. Haut
  2. XXII et XXIII. Haut
  3. Jean Guilla­maud, « His­toire de la lit­té­ra­ture ja­po­naise ». Haut