« L’Enseignement de la vérité • L’Enseignement de la jeunesse »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit de « L’Enseignement de la vé­rité » (« Jit­su­go­kyô »1) et de « L’Enseignement de la jeu­nesse » (« Dô­ji­kyô »2), trai­tés de mo­rale élé­men­taire qui, pen­dant l’époque d’Edo3, étaient ex­pli­qués dans toutes les écoles du Ja­pon, où les élèves en ap­pre­naient les maximes par cœur. « La soie blanche [c’est-à-dire l’enfance] re­çoit ai­sé­ment les im­pres­sions », dit la pré­face ja­po­naise4. « Si l’on n’étudie pas, étant jeune, l’obscurantisme ne se dis­sipe plus, une fois de­venu vieux. Aux en­fants des cam­pagnes et des vil­lages, ces livres sont of­ferts comme une échelle pour gra­vir les pre­miers de­grés ». Et ailleurs : « Les étu­diants des âges fu­turs de­vront tout d’abord s’attacher à l’étude de [ces livres]. Ils sont le com­men­ce­ment de la science. Jusqu’à la fin de la vie, gar­dez-vous de les ou­blier ou de les aban­don­ner »5. Les moines à qui l’on doit ces trai­tés, bien que s’appuyant en prin­cipe sur la croyance in­dienne boud­dhique, émettent des idées qui, dans une énorme pro­por­tion, rat­tachent leurs maximes à la doc­trine chi­noise confu­cia­niste, par­fois même taoïste. Ce mé­lange de pen­sées em­prun­tées à des sources phi­lo­so­phiques ou re­li­gieuses di­verses, voire op­po­sées les unes aux autres, se re­marque fré­quem­ment en Ex­trême-Orient. Pré­sentes dès le VIIIe siècle apr. J.-C. au centre de l’éducation ja­po­naise ; pro­po­sées, comme je l’ai dit, à l’ensemble de la po­pu­la­tion à l’époque d’Edo, ces pen­sées mar­que­ront en­core de leur em­preinte in­dé­lé­bile la gé­né­ra­tion qui a étu­dié au dé­but de l’ère Meiji. C’est ainsi que l’écrivain Mori Ôgai, né en 1862, en ana­ly­sant son pen­chant pour la phi­lo­so­phie, dit : « Ce sont peut-être les théo­ries [mo­rales], en­ten­dues dans mon en­fance, qui de­meu­raient au fond de mon cœur à l’état de “ré­mi­nis­cences lé­gères” (“ka­suka na re­mi­ni­su­sansu”6) et orien­taient ma bous­sole vers l’école de Scho­pen­hauer »7. Au-delà de ces « ré­mi­nis­cences lé­gères », tout lec­teur d’Ôgai ne peut qu’être frappé, chez cet homme qui connais­sait si bien l’Occident et ses langues, par la place consi­dé­rable que tient dans ses écrits une rhé­to­rique pui­sée dans la mo­rale pri­mor­diale de l’Extrême-Orient.

trai­tés de mo­rale élé­men­taire qui, pen­dant l’époque d’Edo, étaient ex­pli­qués dans toutes les écoles du Ja­pon

Voici un échan­tillon qui don­nera une idée du style de « L’Enseignement de la vé­rité » :
« Quand bien même on en­tas­se­rait mille taëls d’or, cela ne se­rait pas com­pa­rable à la science ac­quise en un seul jour d’étude.
En chas­sant le som­meil, toute la du­rée de la nuit, li­vrez-vous à la lec­ture ; en en­du­rant la faim toute la du­rée du jour, li­vrez-vous à l’étude.
Ce­lui qui pra­tique le bien re­çoit le bon­heur : comme exemple, on peut dire qu’il est tel que le son que ré­per­cute l’écho. Ce­lui qui aime le mal ap­pelle le mal­heur, le­quel est comme l’ombre qui suit le corps.
L’homme ver­tueux aime les sages ; l’homme de basse na­ture aime les hommes for­tu­nés
 ».

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  1. En ja­po­nais « 実語教 ». Au­tre­fois trans­crit « Zitu-go kyau ». Il y a une tra­di­tion peu fon­dée qui veut que Kôbô-dai­shi soit l’auteur de ce traité. Haut
  2. En ja­po­nais « 童子教 ». Au­tre­fois trans­crit « Dô-zi kyau ». Il y a une tra­di­tion peu fon­dée qui veut que Bai Juyi soit l’auteur de ce traité. Haut
  3. De l’an 1603 à l’an 1868. Haut
  4. p. 5. Haut
  1. p. 25. Haut
  2. En ja­po­nais かすかなレミニスサンス. Haut
  3. Dans Em­ma­nuel Lo­ze­rand, p. 40. Haut