Il s’agit de « La Vérité finale pour les sourds et les aveugles » (« Rôko-shiiki » 1), traité de morale en action, plus connu sous le titre de « La Vérité finale des trois enseignements » (« Sangô-shiiki » 2). Son auteur, l’introducteur du bouddhisme ésotérique au Japon et le fondateur de l’école tantrique Shingon (« la vraie parole »), naquit en 774 apr. J.-C. Ses qualités intellectuelles le poussaient, dès son enfance, à se retirer dans les montagnes. Il en éprouvait à chaque fois une grande joie, disant : « Une fois dans les forêts montagneuses, j’en oublie de rentrer chez moi… La rivière pure de la montagne ne cesse de compatir envers les personnes se noyant dans le poison de l’honneur et de l’argent ! Qu’ils ne soient pas brûlés dans le [tourbillon] du monde ! Qu’ils quittent tout de suite ce lieu impur pour entrer dans la terre de la Loi ! » 3 Il fut envoyé, à l’âge de quinze ans, à la capitale impériale pour entrer dans la carrière des lettres — voie qu’il abandonna cependant pour s’engager dans celle, plus austère, des canons bouddhiques. Remarqué pour son érudition, on lui conféra d’abord le titre de Kûkai 4 (« l’Océan du vide » 5), et bien plus tard, celui de Kôbô-daishi 6 (« le Grand Maître qui répand la Loi » 7) sous lequel il est connu. En 804 apr. J.-C., il fut nommé pour aller à une ambassade en Chine, où il demeura plus de deux ans à se perfectionner dans la connaissance des soûtras ésotériques. À son retour, par un pieux et habile mensonge, il soutint que la déesse shintoïste du soleil — la Grande-Auguste-Kami-Illuminant-le-Ciel — était une incarnation du Bouddha. Ainsi harmonisée avec les croyances nationales, la religion bouddhique se propagea avec une rapidité extraordinaire, et il y eut bientôt une mode, chez les nobles, de se raser la tête pour se retirer du monde. Quant à Kôbô-daishi, sa figure emblématique suscita l’apparition de nombreuses légendes et de récits hagiographiques, en particulier le « Rouleau enluminé sur la vie du saint homme Kôbô-daishi » (« Kôbô-daishi gyôjô emaki » 8) où l’on le représente chassant les êtres maléfiques, repoussant les ténèbres de l’ignorance qu’ils incarnent et diffusant « la vraie parole » dans l’archipel. Parmi les ouvrages qu’il laissa à sa mort, le plus accessible et le moins aride, en même temps que le moins rebutant, est « La Vérité finale des trois enseignements ». C’est à peine si l’on y reconnaît quelques traces des soûtras ésotériques, et il faut y voir plutôt un recueil d’instruction morale qu’un livre religieux proprement dit. On ne peut pas en dire autant du reste de ses ouvrages, qui reposent sur l’usage de formules invocatoires (« mantra »), de diagrammes mystiques (« mandala »), réservés au cercle restreint des initiés.
Kôbô-daishi (Kûkai)
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