Il s’agit des « Mémoires et Voyages » de Maurice-Auguste Beniowski 1, homme dont la vie ne fut qu’un tissu d’aventures extraordinaires (XVIIIe siècle). Il naquit à Vrbové, dans la Haute-Hongrie (l’actuelle Slovaquie). Sa curiosité naturelle le porta, tout jeune, à voyager en Allemagne, en Hollande et en Angleterre, où il s’instruisit dans l’art de la navigation. Il passa ensuite en Pologne, où il prit part à la guerre d’indépendance contre la Russie ; il était colonel quand, deux fois de suite, il fut fait prisonnier. Les Russes le condamnèrent à l’exil au Kamtchatka, à l’extrémité la plus orientale de la Sibérie, pour être employé, avec les plus vils malfaiteurs, à faire du charbon de terre. Dans la traversée, le vaisseau qui le portait fut assailli par une furieuse tempête et endommagé ; le capitaine tomba malade. Dans cet état désespéré, sollicité par le capitaine, Beniowski sauva le vaisseau du naufrage. C’est à ces circonstances qu’il dut le bon accueil qu’on lui fit au Kamtchatka. Là, l’intrépide Beniowski, de concert avec cinquante-six compagnons d’exil, auxquels il sut inspirer son audace, forma une conjuration, dont la réussite le rendit maître de la citadelle russe. Malgré cela, voyant l’impossibilité de tenir très longtemps en pays ennemi, il décida de s’embarquer à bord d’une corvette, dont il s’empara de force avec sa troupe d’exilés. Son voyage d’évasion tourna en véritable expédition maritime. Parti du milieu des neiges sous lesquelles les Russes avait voulu l’ensevelir, il navigua sur les eaux pratiquement inexplorées de la mer de Béring et du Pacifique Nord. Puis, après avoir atterri sur la côte japonaise, il noua même avec les naturels des relations prouvées par ses « Mémoires ». De là, il toucha à l’île de Taïwan et à la Chine, d’où il fut ramené en Europe par un bâtiment français. La remise qu’il fit au cabinet de Versailles de papiers importants qu’il avait volés aux archives du Kamtchatka, et entre lesquels se trouvait un projet de conquête du Japon par les Russes et par les Anglais, suffit pour lui procurer de la part de la monarchie française, dont la confiance envers les aventuriers venus de loin fut toujours constante, les moyens d’établir un comptoir à Madagascar. Beniowski voulut, en même temps, publier ses « Mémoires », dont il espérait tirer beaucoup de bénéfices. Il trouva le secret d’en enthousiasmer Jean-Hyacinthe de Magellan, descendant du célèbre navigateur ; non seulement le Portugais s’en chargea, mais comptant lui-même sur des profits immenses, il perdit dans cette publication une bonne partie de son argent. L’ouvrage, rédigé en français, parut en 1790. « La véracité de la description de cette navigation sur la mer de Béring et à travers les eaux du Nord et du centre du Pacifique, présentée avec tant de détails dans [les “Mémoires”], suscite depuis deux cents ans de vives discussions… Et cela est compréhensible ; car s’il a réellement suivi l’itinéraire qu’il décrit, il devrait être reconnu pour avoir découvert avant Cook la mer de Béring ; si en revanche il a tout inventé, il mériterait d’être qualifié de plaisantin… et de charlatan », dit M. Edward Kajdański 2.
homme dont la vie ne fut qu’un tissu d’aventures extraordinaires
Voici un passage qui donnera une idée de la manière de Beniowski : « Les Kamtchadales d’origine [c’est-à-dire les indigènes du Kamtchatka] se désignent entre eux par le nom d’Itelmen, mot qui exprime “habitants du pays”. Si nous voulions discuter leur origine d’après les formes de leur langage, nous les croirions descendants des Tartares-Mongols : leur figure ressemble assez à celle de ce peuple ; ils ont les cheveux noirs, la barbe peu fournie, la face large et aplatie… [Ils] n’ont d’autre subsistance que du poisson, des racines, de la chair d’ours, de l’écorce d’arbres ; leur boisson est de l’eau, et quelquefois de l’eau-de-vie, qu’ils payent très cher aux marchands. S’ils ont à présent des habits — avantage dont ils sont redevables aux Européens —, cet avantage leur a coûté bien cher si on le met dans la balance avec le traitement barbare et tyrannique qu’ils ont éprouvé de leurs nouveaux maîtres » 3.
Téléchargez ces œuvres imprimées au format PDF
- Édition de 1791. Tome I [Source : Google Livres]
- Édition de 1791. Tome I ; autre copie [Source : Google Livres]
- Édition de 1791. Tome I ; autre copie [Source : Google Livres]
- Édition de 1791. Tome I ; autre copie [Source : Google Livres]
- Édition de 1791. Tome I ; autre copie [Source : Google Livres]
- Édition de 1791. Tome II [Source : Google Livres]
- Édition de 1791. Tome II ; autre copie [Source : Google Livres]
- Édition de 1791. Tome II ; autre copie [Source : Google Livres]
- Édition de 1791. Tome II ; autre copie [Source : Google Livres]
- Édition de 1791. Tome II ; autre copie [Source : Google Livres].
Consultez cette bibliographie succincte en langue française
- Maurice-Auguste Beniowski, « Notes historiques qui justifient pleinement [ma] conduite » dans « Journal encyclopédique », vol. 8, nº 1, p. 158-166 [Source : Google Livres]
- Paulin-Pierre de Champrobert, « Mort du comte de Beniowski (Maurice-Auguste) » dans « Éphémérides universelles, ou Tableau religieux, politique, littéraire, scientifique et anecdotique. Tome V » (XIXe siècle), p. 403-404 [Source : Google Livres]
- Germain Lefèvre-Pontalis, « Un Projet de conquête du Japon par l’Angleterre et la Russie en 1776 » dans « Annales de l’École libre des sciences politiques », vol. 4, p. 433-457 [Source : Google Livres].