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von Neumann, « Théorie générale et Logique des automates »

éd. Champ Vallon, coll. Milieux, Seyssel

éd. Champ Val­lon, coll. Mi­lieux, Seys­sel

Il s’agit de «Théo­rie gé­né­rale et des » («The Ge­ne­ral and Lo­gi­cal Theory of Au­to­mata») de M. Já­nos Neu­mann, dit Jo­hann von Neu­mann, dit , de science uni­ver­sel (XXe siècle). On a sou­vent com­paré l’ de cet homme à celle d’une ma­chine dont les en­gre­nages s’emboîtaient avec une pré­ci­sion mil­li­mé­trée. Au mo­ment de quit­ter la à l’âge peu avancé de cin­quante-trois ans, il avait contri­bué aux thèses les plus fon­da­men­tales et les plus abs­traites de la science mo­derne; il s’était aussi im­pli­qué dans leurs ap­pli­ca­tions les plus ra­di­cales. Ces thèses ont des à la fois mys­té­rieux et étran­ge­ment fa­mi­liers : , al­gèbre des ob­ser­vables quan­tiques, théo­rie des , concep­tion d’armements ato­miques, de la des­truc­tion mu­tuelle as­su­rée, théo­rie des au­to­mates cel­lu­laires, des pro­gram­mables. L’ordinateur sur le­quel j’écris ces lignes, de même que le té­lé­phone qui se trouve dans votre poche, re­posent sur cette ar­chi­tec­ture qu’on ap­pelle dé­sor­mais «de von Neu­mann». Tout ceci est le pro­duit d’un pro­di­gieux né dans l’ombre de l’immense bi­blio­thèque fa­mi­liale à Bu­da­pest. Les Neu­mann fai­saient par­tie de ces fa­milles juives hon­groises qui, en dé­pit des , s’étaient as­suré une po­si­tion res­pec­table au sein de la de l’ cen­trale. Ils avaient en­touré leur fils de gou­ver­nantes triées sur le vo­let, l’adressant en , et . Les autres ma­tières lui étaient en­sei­gnées par une nuée de tu­teurs pri­vés. Et son libre, l’enfant le pas­sait ab­sorbé dans les qua­rante-quatre vo­lumes in-8º de l’«All­ge­meine Ges­chichte in Ein­zel­dars­tel­lun­gen» (« gé­né­rale en ré­cits dé­ta­chés») qu’il ap­pre­nait par cœur. À l’âge de six ans, sa n’était plus celle d’un être hu­main, mais celle d’un ex­tra­ter­restre qui avait étu­dié les hommes pour les imi­ter à la . Vous pou­viez lui don­ner à lire une page dans une quel­conque — fût-ce le an­cien de «La du Pé­lo­pon­nèse», l’allemand de «Faust» ou les chiffres d’un vul­gaire an­nuaire té­lé­pho­nique — et il vous la ré­ci­tait mot à mot, sans achop­per. Cette af­fir­ma­tion qu’on pour­rait croire exa­gé­rée, ou ne pas croire, est ré­pé­tée par tous ceux qui l’ont cô­toyé un jour, à com­men­cer par ses col­lègues et co­re­li­gion­naires hon­grois, sur­nom­més «les Mar­tiens» et réunis à Los Ala­mos pour mettre au point la bombe H : MM. Ed­ward Tel­ler, Leó Szilárd, Eu­gene Wi­gner, etc. «Si une race men­ta­le­ment sur­hu­maine de­vait ja­mais se dé­ve­lop­per», dé­clare M. Tel­ler 1, «ses membres res­sem­ble­ront à Johnny von Neu­mann.» À vingt-deux ans à peine, il était non seule­ment doc­teur en à l’Université de Bu­da­pest, mais di­plômé de chi­mie à la pres­ti­gieuse Po­ly­tech­nique de Zu­rich — celle où Ein­stein avait été re­calé. Et lorsqu’en 1928, il se mit à en­sei­gner en tant que pri­vat-dozent à l’Université de Ber­lin, étant le plus jeune ja­mais élu à ce poste, la gloire et la ré­pu­ta­tion s’accoutumèrent à ne plus par­ler sans lui.

  1. Dans Isaac­son, «Les In­no­va­teurs». Icône Haut

von Neumann, « L’Ordinateur et le Cerveau »

éd. La Découverte, coll. Textes à l’appui, Paris

éd. La Dé­cou­verte, coll. Textes à l’appui, Pa­ris

Il s’agit de «L’Ordinateur et le » («The Com­pu­ter and the Brain») de M. Já­nos Neu­mann, dit Jo­hann von Neu­mann, dit , de science uni­ver­sel (XXe siècle). On a sou­vent com­paré l’ de cet homme à celle d’une ma­chine dont les en­gre­nages s’emboîtaient avec une pré­ci­sion mil­li­mé­trée. Au mo­ment de quit­ter la à l’âge peu avancé de cin­quante-trois ans, il avait contri­bué aux thèses les plus fon­da­men­tales et les plus abs­traites de la science mo­derne; il s’était aussi im­pli­qué dans leurs ap­pli­ca­tions les plus ra­di­cales. Ces thèses ont des à la fois mys­té­rieux et étran­ge­ment fa­mi­liers : , al­gèbre des ob­ser­vables quan­tiques, théo­rie des , concep­tion d’armements ato­miques, de la des­truc­tion mu­tuelle as­su­rée, théo­rie des cel­lu­laires, des pro­gram­mables. L’ordinateur sur le­quel j’écris ces lignes, de même que le té­lé­phone qui se trouve dans votre poche, re­posent sur cette ar­chi­tec­ture qu’on ap­pelle dé­sor­mais «de von Neu­mann». Tout ceci est le pro­duit d’un cer­veau pro­di­gieux né dans l’ombre de l’immense bi­blio­thèque fa­mi­liale à Bu­da­pest. Les Neu­mann fai­saient par­tie de ces fa­milles juives hon­groises qui, en dé­pit des , s’étaient as­suré une po­si­tion res­pec­table au sein de la de l’ cen­trale. Ils avaient en­touré leur fils de gou­ver­nantes triées sur le vo­let, l’adressant en , et . Les autres ma­tières lui étaient en­sei­gnées par une nuée de tu­teurs pri­vés. Et son libre, l’enfant le pas­sait ab­sorbé dans les qua­rante-quatre vo­lumes in-8º de l’«All­ge­meine Ges­chichte in Ein­zel­dars­tel­lun­gen» (« gé­né­rale en ré­cits dé­ta­chés») qu’il ap­pre­nait par cœur. À l’âge de six ans, sa n’était plus celle d’un être hu­main, mais celle d’un ex­tra­ter­restre qui avait étu­dié les hommes pour les imi­ter à la . Vous pou­viez lui don­ner à lire une page dans une quel­conque — fût-ce le an­cien de «La du Pé­lo­pon­nèse», l’allemand de «Faust» ou les chiffres d’un vul­gaire an­nuaire té­lé­pho­nique — et il vous la ré­ci­tait mot à mot, sans achop­per. Cette af­fir­ma­tion qu’on pour­rait croire exa­gé­rée, ou ne pas croire, est ré­pé­tée par tous ceux qui l’ont cô­toyé un jour, à com­men­cer par ses col­lègues et co­re­li­gion­naires hon­grois, sur­nom­més «les Mar­tiens» et réunis à Los Ala­mos pour mettre au point la bombe H : MM. Ed­ward Tel­ler, Leó Szilárd, Eu­gene Wi­gner, etc. «Si une race men­ta­le­ment sur­hu­maine de­vait ja­mais se dé­ve­lop­per», dé­clare M. Tel­ler 1, «ses membres res­sem­ble­ront à Johnny von Neu­mann.» À vingt-deux ans à peine, il était non seule­ment doc­teur en à l’Université de Bu­da­pest, mais di­plômé de chi­mie à la pres­ti­gieuse Po­ly­tech­nique de Zu­rich — celle où Ein­stein avait été re­calé. Et lorsqu’en 1928, il se mit à en­sei­gner en tant que pri­vat-dozent à l’Université de Ber­lin, étant le plus jeune ja­mais élu à ce poste, la gloire et la ré­pu­ta­tion s’accoutumèrent à ne plus par­ler sans lui.

  1. Dans Isaac­son, «Les In­no­va­teurs». Icône Haut

« Vörösmarty : le poète de la Renaissance hongroise »

dans « Cosmopolis », vol. 10, p. 115-128

dans «Cos­mo­po­lis», vol. 10, p. 115-128

Il s’agit de Mi­chel Vörös­marty (Mihály Vörös­marty 1), le pre­mier poète com­plet dont la ait pu s’enorgueillir (XIXe siècle). Après avoir ré­sisté aux in­va­sions étran­gères pen­dant une bonne par­tie de son , la Hon­grie avait senti s’user ses forces; la lé­thar­gie l’avait sai­sie, et elle avait éprouvé une es­pèce de lent en­gour­dis­se­ment dont elle ne de­vait s’éveiller qu’avec les guerres na­po­léo­niennes, après une longue pé­riode de ger­ma­ni­sa­tion et d’anéantissement. «L’instant fut unique. L’activité se ré­ta­blit spon­ta­né­ment, im­pa­tiente de s’exercer; de tous cô­tés, des hommes sur­girent, cher­chant la voie , la bonne orien­ta­tion, l’acte conforme au hon­grois» 2. Un nom do­mine cette pé­riode : Mi­chel Vörös­marty. Grand ré­for­ma­teur de la et créa­teur d’une émi­nem­ment na­tio­nale, ar­tiste noble et pa­triote ar­dent, Vörös­marty ou­vrit le che­min que les Petœfi et les Arany al­laient suivre. À vingt-cinq ans, il acheva son pre­mier chef-d’œuvre : «La Fuite de Zalán» 3Zalán Futása»), cé­lé­brant en dix chants la vic­toire my­thique des Hon­grois dans les d’Alpár et la fuite de Zalán, le chef des Slaves et des Bul­gares 4. En voici le dé­but : «Gloire de nos aïeux, où t’attardes-tu dans la brume noc­turne? On vit s’écrouler [les] siècles, et so­li­taire, tu erres sous leurs dé­combres dans la pro­fon­deur, avec un éclat [qui va] s’affaiblissant» 5. Cette épo­pée fonda la gloire de Vörös­marty; elle re­tra­çait, dans un brillant , les ex­ploits des an­cêtres et leurs luttes pour la conquête du pays. La langue neuve et la na­tio­nale va­lurent au poète l’admiration de ses com­pa­triotes. En 1848, il su­bit les consé­quences de cette gloire. Élu membre de la diète, il prit part à la Ré­vo­lu­tion, et après la ca­tas­trophe de Vilá­gos, qui vit la Hon­grie suc­com­ber sous les forces de la et de l’Autriche, il dut er­rer en se ca­chant dans des huttes de fo­res­tiers : «Nos pa­triam fu­gi­mus» («Nous autres, nous fuyons la pa­trie» 6), écri­vit-il sur la porte d’une ca­bane mi­sé­rable l’ayant abrité une .

  1. Au­tre­fois trans­crit Mi­chel Vœrœs­marty. Icône Haut
  2. «Un Poète hon­grois : Vörös­marty», p. 8. Icône Haut
  3. Par­fois tra­duit «La Dé­faite de Zalán». Icône Haut
  1. La chro­nique «Gesta Hun­ga­ro­rum» («Geste des Hon­grois», in­édit en ), qui a servi de source à Vörös­marty, dit : «Le grand “khan”, prince de , grand-père du prince Zalán, s’était em­paré de la qui se trouve entre la Theisse et le Da­nube… et il avait fait ha­bi­ter là des Slaves et des Bul­gares» («Ter­ram, quæ ja­cet in­ter This­ciam et Da­nu­bium, præoc­cu­pa­vis­set sibi “kea­nus” ma­gnus, dux Bul­ga­rie, avus Sa­lani du­cis… et fe­cis­set ibi ha­bi­tare Scla­vos et Bul­ga­ros»). Icône Haut
  2. «Un Poète hon­grois : Vörös­marty», p. 8. Icône Haut
  3. Vir­gile, «Bu­co­liques», poème I, v. 4. Icône Haut

Attila József, « Aimez-moi : l’œuvre poétique »

éd. Phébus, coll. D’aujourd’hui-Étranger, Paris

éd. Phé­bus, coll. D’aujourd’hui-Étranger, Pa­ris

Il s’agit de «L’Œuvre » de M. At­tila Józ­sef, poète hon­grois, re­belle so­li­taire, n’acceptant pas le tel qu’il est, s’y at­ta­quant avec la seule arme des mots, en proie à l’obsession de la . La , les coups et la fuite d’un père in­ca­pable de par­ta­ger et de sou­la­ger les mi­sères de sa ont été pour quelque chose dans cette ob­ses­sion, ce goût qui han­tait M. At­tila Józ­sef et qui le pous­sera au bout du compte à se sui­ci­der à trente-deux ans. Y a été éga­le­ment pour quelque chose le cli­mat d’oppression ma­té­rielle et qui pe­sait sur la en­tière. Mais com­men­çons par le com­men­ce­ment! Notre poète na­quit en 1905 d’un père fa­bri­cant de sa­von et d’une mère blan­chis­seuse, sixième en­fant du couple. Son père ayant dis­paru un beau ma­tin (comme l’«écume de sa­von sur l’océan…», ra­conte un des poèmes 1), M. At­tila Józ­sef dut sé­cher ses cours pour al­ler ga­gner les de­niers dont sa mère et ses sœurs avaient le be­soin le plus in­dis­pen­sable. Il fut ré­duit, tour à tour, à gar­der des pour­ceaux, la­ver des chau­dières, trier des foins, vendre des jour­naux aux coins des rues, ba­layer des bu­reaux et cha­par­der du bois. Son atout, c’était la de ses vingt ans, et il s’en ser­vait : «Je n’ai rien que je rêve ou j’espère… Ma puis­sance, c’est [mes] vingt ans, et pour peu que nul n’en veuille, que le , lui, l’accueille! Je vo­le­rai, l’ pure», ra­conte un autre des poèmes 2. Ven­deur à la sau­vette, vo­leur au cœur étreint de , il re­dou­tait les agents, les contrô­leurs, et cette crainte de l’autorité, de l’ordre, qui le pour­sui­vra jusqu’à la fin de sa , s’étendait à tout ce qui por­tait l’uniforme, aux che­mi­nots et aux dé­bar­deurs :

«Est-ce vous, que j’ai craints, dé­bar­deurs in­tré­pides
Qui m’en im­po­siez tant, lan­ceurs de gros ron­dins?
Comme du bois volé, je vous em­porte vite
Dans ce monde sans [lu­mière] et rem­pli de gar­diens…
»

  1. Poème «Áron Józ­sef m’engendra». Icône Haut
  1. Poème «Cœur pur». Icône Haut

« Révolté ou révolutionnaire ? Sándor Petőfi à travers son journal, ses lettres [et] écrits polémiques »

éd. Corvina-Odéon Diffusion, Budapest-Paris

éd. Cor­vina-Odéon Dif­fu­sion, Bu­da­pest-Pa­ris

Il s’agit de la prose de  1, le plus im­por­tant des hon­grois, le chantre au tem­pé­ra­ment mi­li­taire et à l’ hé­roïque et pas­sion­née, qui a ex­halé, dans son œuvre comme dans sa , un ef­fréné de la (XIXe siècle). «Ce n’est pas seule­ment à une pré­di­ca­tion», dit un  2, «que Petœfi a consa­cré son ta­lent; sa vie en­tière est la mise en œuvre de ce pro­gramme… Cha­cune de ses pa­roles est une ac­tion. Il ne dit pas : “Souf­frez! Es­pé­rez!”, mais il souffre et il es­père.» Le jour, Petœfi ap­pelle la lutte et en­gage la ba­taille; la , il écrit au bi­vouac, en face de l’ennemi, au bruit des avant-postes, aux hen­nis­se­ments des che­vaux. Il est fou­gueux, brû­lant, ex­ces­sif même. Avec lui, on as­siste à la sai­sis­sante vi­sion de mê­lées fu­rieuses où le jaillit à flots au mi­lieu «du bruit des , des cla­meurs des clai­rons et des foudres du bronze». Tyr­tée des mo­dernes, il trouve, parmi les bou­le­ver­se­ments, le se­cret des ha­rangues qui en­traînent à la vic­toire, font cou­rir joyeu­se­ment vers la et dé­cident les dé­voue­ments hé­roïques. Il prie ar­dem­ment de ne pas mou­rir dans un lit, calé entre des oreillers, mais sur le champ d’, comme sol­dat de «la li­berté du ». Il a tout pour lui : le , le mo­ment his­to­rique, le des­tin hors sé­rie; et quand à vingt-six ans seule­ment, il tombe dans cette sainte , le qui chante ses , le peuple dont il est né et pour le­quel il est mort, ne veut pas croire que la ait osé re­prendre sa dé­pouille mor­telle; et si d’aventure, au mi­lieu du si­lence, quelque ber­ger en­tonne dans la lande : «De­bout, Hon­grois, contre la horde qui convoite nos biens, notre vie!… Mille ans nous ob­servent, nous jugent, d’Attila jusqu’à Rákóczi!», aus­si­tôt le brave peuple de s’écrie sous le chaume : «Vous voyez bien que Petœfi n’est pas mort! Ne re­con­nais­sez-vous pas sa ?»

  1. En hon­grois Petőfi Sán­dor. Par­fois trans­crit Alexandre Petœfi ou Alexandre Petœfy. Icône Haut
  1. Saint-René Taillan­dier. Icône Haut

Pilinszky, « De quelques problèmes fondamentaux de l’art hongrois contemporain à la lumière de la pensée de Simone Weil »

dans « Liberté », vol. 14, nº 6, p. 14-19

dans «», vol. 14, nº 6, p. 14-19

Il s’agit de «De quelques pro­blèmes fon­da­men­taux de l’art hon­grois contem­po­rain à la lu­mière de la de Si­mone Weil» de M.  1, poète et dra­ma­turge hon­grois. En­rôlé de force en 1944, il ne cessa ja­mais d’être hanté par le concen­tra­tion­naire qu’il dé­cou­vrit en lors de la re­traite de l’armée hon­groise, et dont il évo­qua les hor­reurs et les abo­mi­na­tions dans les poèmes «Pri­son­nier » («Fran­cia Fo­goly»), «Har­bach 1944», «Au­sch­witz», «Sur le mur d’un camp de concen­tra­tion» («Egy KZ lá­ger falára»), etc. 2 Cette du tra­gique, de l’irrémé, du scan­da­leux, de l’insoluble de la fut la pre­mière ren­contre du poète avec son siècle, dans ce que ce der­nier avait de plus obs­cur. Elle fut à l’origine de toutes ses in­ter­ro­ga­tions exis­ten­tia­listes. Celle-ci sur­tout : Quelle fin a-t-Il eue en fai­sant souf­frir tant de vic­times in­no­centes? Quel des­sein a-t-Il eu en les fai­sant mou­rir? Car, comme tout bon chré­tien, M. Pi­linszky était per­suadé que ces choses ne se se­raient pas pro­duites sans fin ou sans des­sein; et sans que Dieu les eût po­si­ti­ve­ment et di­rec­te­ment écrites : «C’est Dieu et Dieu seul qui écrit», dit-il 3, «sur le tissu des évé­ne­ments ou sur le pa­pier… Sur les ob­jets amas­sés dans les vi­trines d’Auschwitz, l’usure et les coups sont les “hié­ro­glyphes” du siècle, de la [“hié­ro­glyphes” au sens de “lettres sa­crées”]. Éter­nelle le­çon! Ceux qui avaient écrit ces “signes” n’ont peut-être ja­mais for­mulé leurs textes». Mais dans ce cas, quel texte, quelle pièce, quel drame Dieu a-t-Il écrit en écri­vant l’Holocauste? La ré­ponse à cette ques­tion dé­li­cate et dif­fi­cile à ré­soudre, M. Pi­linszky ne la trouva qu’en  : d’abord, par les sé­jours qu’il y mul­ti­plia après la guerre, à titre de cor­res­pon­dant de la re­vue ca­tho­lique hon­groise «Új Em­ber» (« nou­veau»); puis, grâce aux œuvres de Mme Si­mone Weil et de M. Al­bert Ca­mus qu’il y lut pour la pre­mière fois, et qui l’éblouirent. Il re­con­nut alors dans le drame d’Auschwitz la re­pré­sen­ta­tion scé­nique de la Pas­sion, tout comme il re­con­nut dans les dou­leurs hu­maines des camps la di­vine du Christ, at­ta­ché et sur la Croix. «“Tels les lar­rons”, se­lon la ma­gni­fique de Si­mone Weil, “nous, hommes, sommes at­ta­chés sur la Croix de l’ et du ”. Je m’évanouis et les échardes me ré­veillent en sur­saut. Alors je vois le monde avec une net­teté tran­chante», dit-il dans son «Jour­nal» 4, en re­pre­nant la pen­sée sui­vante de Mme Weil : «La cru­ci­fixion est l’achèvement, l’accomplissement d’une des­ti­née hu­maine. Com­ment un être dont l’essence est d’aimer Dieu et qui se trouve dans l’espace et le temps au­rait-il une autre vo­ca­tion que la Croix?» Cette pen­sée pieuse, cette sanc­ti­fi­ca­tion de l’agonie des camps, cette exal­ta­tion des plaies hu­mai­ne­ment di­vines ou di­vi­ne­ment hu­maines forma le fond des meilleurs poèmes de M. Pi­linszky : «Pas­sion de Ra­vens­brück» («Ra­vens­brü­cki Pas­sió»), «Apo­cryphe» («Apo­krif»), «Au troi­sième jour» («Har­mad­na­pon»), «“Ago­nia chris­tiana”», etc. 5

  1. On ren­contre aussi la gra­phie Pi­linski. Icône Haut
  2. Les deux pre­miers poèmes sont ab­sents de la tra­duc­tion de M. , pour­tant la plus com­plète qui existe en fran­çais; et le qua­trième est tra­duit sous le titre de «Pour le mur d’un sta­lag». Icône Haut
  3. «Le Monde mo­derne et l’ créa­trice». Icône Haut
  1. Et dans le poème «À Jutta» («Juttá­nak»). Icône Haut
  2. Les deux der­niers poèmes sont ab­sents de la tra­duc­tion de M. Gas­par. Icône Haut

Pilinszky, « Extraits de “Journal d’un lyrique” »

éd. La Différence, coll. Orphée, Paris

éd. La Dif­fé­rence, coll. Or­phée, Pa­ris

Il s’agit d’une tra­duc­tion par­tielle du «Jour­nal» de M.  1, poète et dra­ma­turge hon­grois. En­rôlé de force en 1944, il ne cessa ja­mais d’être hanté par le concen­tra­tion­naire qu’il dé­cou­vrit en lors de la re­traite de l’armée hon­groise, et dont il évo­qua les hor­reurs et les abo­mi­na­tions dans les poèmes «Pri­son­nier » («Fran­cia Fo­goly»), «Har­bach 1944», «Au­sch­witz», «Sur le mur d’un camp de concen­tra­tion» («Egy KZ lá­ger falára»), etc. 2 Cette du tra­gique, de l’irrémé, du scan­da­leux, de l’insoluble de la fut la pre­mière ren­contre du poète avec son siècle, dans ce que ce der­nier avait de plus obs­cur. Elle fut à l’origine de toutes ses in­ter­ro­ga­tions exis­ten­tia­listes. Celle-ci sur­tout : Quelle fin a-t-Il eue en fai­sant souf­frir tant de vic­times in­no­centes? Quel des­sein a-t-Il eu en les fai­sant mou­rir? Car, comme tout bon chré­tien, M. Pi­linszky était per­suadé que ces choses ne se se­raient pas pro­duites sans fin ou sans des­sein; et sans que Dieu les eût po­si­ti­ve­ment et di­rec­te­ment écrites : «C’est Dieu et Dieu seul qui écrit», dit-il 3, «sur le tissu des évé­ne­ments ou sur le pa­pier… Sur les ob­jets amas­sés dans les vi­trines d’Auschwitz, l’usure et les coups sont les “hié­ro­glyphes” du siècle, de la [“hié­ro­glyphes” au sens de “lettres sa­crées”]. Éter­nelle le­çon! Ceux qui avaient écrit ces “signes” n’ont peut-être ja­mais for­mulé leurs textes». Mais dans ce cas, quel texte, quelle pièce, quel drame Dieu a-t-Il écrit en écri­vant l’Holocauste? La ré­ponse à cette ques­tion dé­li­cate et dif­fi­cile à ré­soudre, M. Pi­linszky ne la trouva qu’en  : d’abord, par les sé­jours qu’il y mul­ti­plia après la guerre, à titre de cor­res­pon­dant de la re­vue ca­tho­lique hon­groise «Új Em­ber» (« nou­veau»); puis, grâce aux œuvres de Mme Si­mone Weil et de M. Al­bert Ca­mus qu’il y lut pour la pre­mière fois, et qui l’éblouirent. Il re­con­nut alors dans le drame d’Auschwitz la re­pré­sen­ta­tion scé­nique de la Pas­sion, tout comme il re­con­nut dans les dou­leurs hu­maines des camps la di­vine du Christ, at­ta­ché et sur la Croix. «“Tels les lar­rons”, se­lon la ma­gni­fique de Si­mone Weil, “nous, hommes, sommes at­ta­chés sur la Croix de l’ et du ”. Je m’évanouis et les échardes me ré­veillent en sur­saut. Alors je vois le monde avec une net­teté tran­chante», dit-il dans son «Jour­nal» 4, en re­pre­nant la sui­vante de Mme Weil : «La cru­ci­fixion est l’achèvement, l’accomplissement d’une des­ti­née hu­maine. Com­ment un être dont l’essence est d’aimer Dieu et qui se trouve dans l’espace et le temps au­rait-il une autre vo­ca­tion que la Croix?» Cette pen­sée pieuse, cette sanc­ti­fi­ca­tion de l’agonie des camps, cette exal­ta­tion des plaies hu­mai­ne­ment di­vines ou di­vi­ne­ment hu­maines forma le fond des meilleurs poèmes de M. Pi­linszky : «Pas­sion de Ra­vens­brück» («Ra­vens­brü­cki Pas­sió»), «Apo­cryphe» («Apo­krif»), «Au troi­sième jour» («Har­mad­na­pon»), «“Ago­nia chris­tiana”», etc. 5

  1. On ren­contre aussi la gra­phie Pi­linski. Icône Haut
  2. Les deux pre­miers poèmes sont ab­sents de la tra­duc­tion de M. , pour­tant la plus com­plète qui existe en fran­çais; et le qua­trième est tra­duit sous le titre de «Pour le mur d’un sta­lag». Icône Haut
  3. «Le Monde mo­derne et l’ créa­trice». Icône Haut
  1. Et dans le poème «À Jutta» («Juttá­nak»). Icône Haut
  2. Les deux der­niers poèmes sont ab­sents de la tra­duc­tion de M. Gas­par. Icône Haut

Pilinszky, « Le Monde moderne et l’Imagination créatrice »

dans Fondation pour une entraide intellectuelle européenne, « L’Imagination créatrice : actes » (éd. La Baconnière, coll. Langages, Neuchâtel), p. 247-252

dans Fon­da­tion pour une en­traide in­tel­lec­tuelle eu­ro­péenne, «L’ créa­trice : actes» (éd. La Ba­con­nière, coll. Lan­gages, Neu­châ­tel), p. 247-252

Il s’agit du « mo­derne et l’Imagination créa­trice» de M.  1, poète et dra­ma­turge hon­grois. En­rôlé de force en 1944, il ne cessa ja­mais d’être hanté par le monde concen­tra­tion­naire qu’il dé­cou­vrit en lors de la re­traite de l’armée hon­groise, et dont il évo­qua les hor­reurs et les abo­mi­na­tions dans les poèmes «Pri­son­nier » («Fran­cia Fo­goly»), «Har­bach 1944», «Au­sch­witz», «Sur le mur d’un camp de concen­tra­tion» («Egy KZ lá­ger falára»), etc. 2 Cette du tra­gique, de l’irrémé, du scan­da­leux, de l’insoluble de la fut la pre­mière ren­contre du poète avec son siècle, dans ce que ce der­nier avait de plus obs­cur. Elle fut à l’origine de toutes ses in­ter­ro­ga­tions exis­ten­tia­listes. Celle-ci sur­tout : Quelle fin a-t-Il eue en fai­sant souf­frir tant de vic­times in­no­centes? Quel des­sein a-t-Il eu en les fai­sant mou­rir? Car, comme tout bon chré­tien, M. Pi­linszky était per­suadé que ces choses ne se se­raient pas pro­duites sans fin ou sans des­sein; et sans que Dieu les eût po­si­ti­ve­ment et di­rec­te­ment écrites : «C’est Dieu et Dieu seul qui écrit», dit-il 3, «sur le tissu des évé­ne­ments ou sur le pa­pier… Sur les ob­jets amas­sés dans les vi­trines d’Auschwitz, l’usure et les coups sont les “hié­ro­glyphes” du siècle, de la [“hié­ro­glyphes” au sens de “lettres sa­crées”]. Éter­nelle le­çon! Ceux qui avaient écrit ces “signes” n’ont peut-être ja­mais for­mulé leurs textes». Mais dans ce cas, quel texte, quelle pièce, quel drame Dieu a-t-Il écrit en écri­vant l’Holocauste? La ré­ponse à cette ques­tion dé­li­cate et dif­fi­cile à ré­soudre, M. Pi­linszky ne la trouva qu’en  : d’abord, par les sé­jours qu’il y mul­ti­plia après la guerre, à titre de cor­res­pon­dant de la re­vue ca­tho­lique hon­groise «Új Em­ber» (« nou­veau»); puis, grâce aux œuvres de Mme Si­mone Weil et de M. Al­bert Ca­mus qu’il y lut pour la pre­mière fois, et qui l’éblouirent. Il re­con­nut alors dans le drame d’Auschwitz la re­pré­sen­ta­tion scé­nique de la Pas­sion, tout comme il re­con­nut dans les dou­leurs hu­maines des camps la di­vine du Christ, at­ta­ché et sur la Croix. «“Tels les lar­rons”, se­lon la ma­gni­fique de Si­mone Weil, “nous, hommes, sommes at­ta­chés sur la Croix de l’ et du ”. Je m’évanouis et les échardes me ré­veillent en sur­saut. Alors je vois le monde avec une net­teté tran­chante», dit-il dans son «Jour­nal» 4, en re­pre­nant la sui­vante de Mme Weil : «La cru­ci­fixion est l’achèvement, l’accomplissement d’une des­ti­née hu­maine. Com­ment un être dont l’essence est d’aimer Dieu et qui se trouve dans l’espace et le temps au­rait-il une autre vo­ca­tion que la Croix?» Cette pen­sée pieuse, cette sanc­ti­fi­ca­tion de l’agonie des camps, cette exal­ta­tion des plaies hu­mai­ne­ment di­vines ou di­vi­ne­ment hu­maines forma le fond des meilleurs poèmes de M. Pi­linszky : «Pas­sion de Ra­vens­brück» («Ra­vens­brü­cki Pas­sió»), «Apo­cryphe» («Apo­krif»), «Au troi­sième jour» («Har­mad­na­pon»), «“Ago­nia chris­tiana”», etc. 5

  1. On ren­contre aussi la gra­phie Pi­linski. Icône Haut
  2. Les deux pre­miers poèmes sont ab­sents de la tra­duc­tion de M. , pour­tant la plus com­plète qui existe en fran­çais; et le qua­trième est tra­duit sous le titre de «Pour le mur d’un sta­lag». Icône Haut
  3. «Le Monde mo­derne et l’Imagination créa­trice». Icône Haut
  1. Et dans le poème «À Jutta» («Juttá­nak»). Icône Haut
  2. Les deux der­niers poèmes sont ab­sents de la tra­duc­tion de M. Gas­par. Icône Haut

Pilinszky, « Poèmes choisis »

éd. Gallimard, coll. Du monde entier, Paris

éd. Gal­li­mard, coll. Du en­tier, Pa­ris

Il s’agit d’une tra­duc­tion par­tielle des «Poèmes» de M.  1, poète et dra­ma­turge hon­grois. En­rôlé de force en 1944, il ne cessa ja­mais d’être hanté par le monde concen­tra­tion­naire qu’il dé­cou­vrit en lors de la re­traite de l’armée hon­groise, et dont il évo­qua les hor­reurs et les abo­mi­na­tions dans les poèmes «Pri­son­nier » («Fran­cia Fo­goly»), «Har­bach 1944», «Au­sch­witz», «Sur le mur d’un camp de concen­tra­tion» («Egy KZ lá­ger falára»), etc. 2 Cette du tra­gique, de l’irrémé, du scan­da­leux, de l’insoluble de la fut la pre­mière ren­contre du poète avec son siècle, dans ce que ce der­nier avait de plus obs­cur. Elle fut à l’origine de toutes ses in­ter­ro­ga­tions exis­ten­tia­listes. Celle-ci sur­tout : Quelle fin a-t-Il eue en fai­sant souf­frir tant de vic­times in­no­centes? Quel des­sein a-t-Il eu en les fai­sant mou­rir? Car, comme tout bon chré­tien, M. Pi­linszky était per­suadé que ces choses ne se se­raient pas pro­duites sans fin ou sans des­sein; et sans que Dieu les eût po­si­ti­ve­ment et di­rec­te­ment écrites : «C’est Dieu et Dieu seul qui écrit», dit-il 3, «sur le tissu des évé­ne­ments ou sur le pa­pier… Sur les ob­jets amas­sés dans les vi­trines d’Auschwitz, l’usure et les coups sont les “hié­ro­glyphes” du siècle, de la [“hié­ro­glyphes” au sens de “lettres sa­crées”]. Éter­nelle le­çon! Ceux qui avaient écrit ces “signes” n’ont peut-être ja­mais for­mulé leurs textes». Mais dans ce cas, quel texte, quelle pièce, quel drame Dieu a-t-Il écrit en écri­vant l’Holocauste? La ré­ponse à cette ques­tion dé­li­cate et dif­fi­cile à ré­soudre, M. Pi­linszky ne la trouva qu’en  : d’abord, par les sé­jours qu’il y mul­ti­plia après la guerre, à titre de cor­res­pon­dant de la re­vue ca­tho­lique hon­groise «Új Em­ber» (« nou­veau»); puis, grâce aux œuvres de Mme Si­mone Weil et de M. Al­bert Ca­mus qu’il y lut pour la pre­mière fois, et qui l’éblouirent. Il re­con­nut alors dans le drame d’Auschwitz la re­pré­sen­ta­tion scé­nique de la Pas­sion, tout comme il re­con­nut dans les dou­leurs hu­maines des camps la di­vine du Christ, at­ta­ché et sur la Croix. «“Tels les lar­rons”, se­lon la ma­gni­fique de Si­mone Weil, “nous, hommes, sommes at­ta­chés sur la Croix de l’ et du ”. Je m’évanouis et les échardes me ré­veillent en sur­saut. Alors je vois le monde avec une net­teté tran­chante», dit-il dans son «Jour­nal» 4, en re­pre­nant la sui­vante de Mme Weil : «La cru­ci­fixion est l’achèvement, l’accomplissement d’une des­ti­née hu­maine. Com­ment un être dont l’essence est d’aimer Dieu et qui se trouve dans l’espace et le temps au­rait-il une autre vo­ca­tion que la Croix?» Cette pen­sée pieuse, cette sanc­ti­fi­ca­tion de l’agonie des camps, cette exal­ta­tion des plaies hu­mai­ne­ment di­vines ou di­vi­ne­ment hu­maines forma le fond des meilleurs poèmes de M. Pi­linszky : «Pas­sion de Ra­vens­brück» («Ra­vens­brü­cki Pas­sió»), «Apo­cryphe» («Apo­krif»), «Au troi­sième jour» («Har­mad­na­pon»), «“Ago­nia chris­tiana”», etc. 5

  1. On ren­contre aussi la gra­phie Pi­linski. Icône Haut
  2. Les deux pre­miers poèmes sont ab­sents de la tra­duc­tion de M. , pour­tant la plus com­plète qui existe en fran­çais; et le qua­trième est tra­duit sous le titre de «Pour le mur d’un sta­lag». Icône Haut
  3. «Le Monde mo­derne et l’ créa­trice». Icône Haut
  1. Et dans le poème «À Jutta» («Juttá­nak»). Icône Haut
  2. Les deux der­niers poèmes sont ab­sents de la tra­duc­tion de M. Gas­par. Icône Haut

Beniowski, « Mémoires et Voyages. Tome III. Concernant l’expédition à Madagascar »

éd. Noir sur blanc, Paris

éd. Noir sur blanc, Pa­ris

Il s’agit des «Mé­moires et » de  1, dont la ne fut qu’un tissu d’ ex­tra­or­di­naires (XVIIIe siècle). Il na­quit à Vr­bové, dans la Haute- (l’actuelle Slo­va­quie). Sa na­tu­relle le porta, tout jeune, à voya­ger en , en Hol­lande et en An­gle­terre, où il s’instruisit dans l’art de la . Il passa en­suite en , où il prit part à la d’indépendance contre la ; il était co­lo­nel quand, deux fois de suite, il fut fait pri­son­nier. Les Russes le condam­nèrent à l’ au Kamt­chatka, à l’extrémité la plus orien­tale de la Si­bé­rie, pour être em­ployé, avec les plus vils mal­fai­teurs, à faire du char­bon de . Dans la tra­ver­sée, le vais­seau qui le por­tait fut as­sailli par une fu­rieuse tem­pête et en­dom­magé; le ca­pi­taine tomba ma­lade. Dans cet état déses­péré, sol­li­cité par le ca­pi­taine, Be­niowski sauva le vais­seau du nau­frage. C’est à ces cir­cons­tances qu’il dut le bon ac­cueil qu’on lui fit au Kamt­chatka. Là, l’intrépide Be­niowski, de concert avec cin­quante-six com­pa­gnons d’exil, aux­quels il sut ins­pi­rer son au­dace, forma une conju­ra­tion, dont la réus­site le ren­dit maître de la ci­ta­delle . Mal­gré cela, voyant l’impossibilité de te­nir très long­temps en pays en­nemi, il dé­cida de s’embarquer à bord d’une cor­vette, dont il s’empara de force avec sa troupe d’. Son voyage d’évasion tourna en vé­ri­table ex­pé­di­tion ma­ri­time. Parti du mi­lieu des neiges sous les­quelles les Russes avait voulu l’ensevelir, il na­vi­gua sur les eaux pra­ti­que­ment in­ex­plo­rées de la de Bé­ring et du Pa­ci­fique Nord. Puis, après avoir at­terri sur la côte ja­po­naise, il noua même avec les na­tu­rels des prou­vées par ses «Mé­moires». De là, il tou­cha à l’île de Taï­wan et à la , d’où il fut ra­mené en par un bâ­ti­ment . La re­mise qu’il fit au ca­bi­net de Ver­sailles de pa­piers im­por­tants qu’il avait vo­lés aux ar­chives du Kamt­chatka, et entre les­quels se trou­vait un pro­jet de conquête du par les Russes et par les , suf­fit pour lui pro­cu­rer de la part de la fran­çaise, dont la confiance en­vers les ve­nus de loin fut tou­jours constante, les moyens d’établir un comp­toir à Ma­da­gas­car. Be­niowski vou­lut, en même , pu­blier ses «Mé­moires», dont il es­pé­rait ti­rer beau­coup de bé­né­fices. Il trouva le se­cret d’en en­thou­sias­mer Jean-Hya­cinthe de Ma­gel­lan, des­cen­dant du cé­lèbre na­vi­ga­teur; non seule­ment le Por­tu­gais s’en char­gea, mais comp­tant lui-même sur des pro­fits im­menses, il per­dit dans cette pu­bli­ca­tion une bonne par­tie de son ar­gent. L’ouvrage, ré­digé en fran­çais, pa­rut en 1790. «La vé­ra­cité de la de cette na­vi­ga­tion sur la mer de Bé­ring et à tra­vers les eaux du Nord et du centre du Pa­ci­fique, pré­sen­tée avec tant de dé­tails dans [les “Mé­moires”], sus­cite de­puis deux cents ans de vives dis­cus­sions… Et cela est com­pré­hen­sible; car s’il a réel­le­ment suivi l’itinéraire qu’il dé­crit, il de­vrait être re­connu pour avoir dé­cou­vert avant Cook la mer de Bé­ring; si en re­vanche il a tout in­venté, il mé­ri­te­rait d’être qua­li­fié de plai­san­tin… et de char­la­tan», dit M. Ed­ward Ka­j­dański

  1. Par­fois trans­crit Be­nyovszki, Be­nyovszky, Be­nyowszky, Be­nyowszki, Be­nyowsky, Be­nyousky, Ben­jowski, Ben­jowsky, Ben­jovski, Be­nyowski, Beňowský ou Beňovský. Icône Haut

Beniowski, « Mémoires et Voyages. Tome II. Voyage par mer, depuis la presqu’île de Kamtchatka jusqu’à Canton »

éd. Noir sur blanc, Paris

éd. Noir sur blanc, Pa­ris

Il s’agit des «Mé­moires et » de  1, dont la ne fut qu’un tissu d’ ex­tra­or­di­naires (XVIIIe siècle). Il na­quit à Vr­bové, dans la Haute- (l’actuelle Slo­va­quie). Sa na­tu­relle le porta, tout jeune, à voya­ger en , en Hol­lande et en An­gle­terre, où il s’instruisit dans l’art de la . Il passa en­suite en , où il prit part à la d’indépendance contre la ; il était co­lo­nel quand, deux fois de suite, il fut fait pri­son­nier. Les Russes le condam­nèrent à l’ au Kamt­chatka, à l’extrémité la plus orien­tale de la Si­bé­rie, pour être em­ployé, avec les plus vils mal­fai­teurs, à faire du char­bon de . Dans la tra­ver­sée, le vais­seau qui le por­tait fut as­sailli par une fu­rieuse tem­pête et en­dom­magé; le ca­pi­taine tomba ma­lade. Dans cet état déses­péré, sol­li­cité par le ca­pi­taine, Be­niowski sauva le vais­seau du nau­frage. C’est à ces cir­cons­tances qu’il dut le bon ac­cueil qu’on lui fit au Kamt­chatka. Là, l’intrépide Be­niowski, de concert avec cin­quante-six com­pa­gnons d’exil, aux­quels il sut ins­pi­rer son au­dace, forma une conju­ra­tion, dont la réus­site le ren­dit maître de la ci­ta­delle . Mal­gré cela, voyant l’impossibilité de te­nir très long­temps en pays en­nemi, il dé­cida de s’embarquer à bord d’une cor­vette, dont il s’empara de force avec sa troupe d’. Son voyage d’évasion tourna en vé­ri­table ex­pé­di­tion ma­ri­time. Parti du mi­lieu des neiges sous les­quelles les Russes avait voulu l’ensevelir, il na­vi­gua sur les eaux pra­ti­que­ment in­ex­plo­rées de la de Bé­ring et du Pa­ci­fique Nord. Puis, après avoir at­terri sur la côte ja­po­naise, il noua même avec les na­tu­rels des prou­vées par ses «Mé­moires». De là, il tou­cha à l’île de Taï­wan et à la , d’où il fut ra­mené en par un bâ­ti­ment . La re­mise qu’il fit au ca­bi­net de Ver­sailles de pa­piers im­por­tants qu’il avait vo­lés aux ar­chives du Kamt­chatka, et entre les­quels se trou­vait un pro­jet de conquête du par les Russes et par les , suf­fit pour lui pro­cu­rer de la part de la fran­çaise, dont la confiance en­vers les ve­nus de loin fut tou­jours constante, les moyens d’établir un comp­toir à Ma­da­gas­car. Be­niowski vou­lut, en même , pu­blier ses «Mé­moires», dont il es­pé­rait ti­rer beau­coup de bé­né­fices. Il trouva le se­cret d’en en­thou­sias­mer Jean-Hya­cinthe de Ma­gel­lan, des­cen­dant du cé­lèbre na­vi­ga­teur; non seule­ment le Por­tu­gais s’en char­gea, mais comp­tant lui-même sur des pro­fits im­menses, il per­dit dans cette pu­bli­ca­tion une bonne par­tie de son ar­gent. L’ouvrage, ré­digé en fran­çais, pa­rut en 1790. «La vé­ra­cité de la de cette na­vi­ga­tion sur la mer de Bé­ring et à tra­vers les eaux du Nord et du centre du Pa­ci­fique, pré­sen­tée avec tant de dé­tails dans [les “Mé­moires”], sus­cite de­puis deux cents ans de vives dis­cus­sions… Et cela est com­pré­hen­sible; car s’il a réel­le­ment suivi l’itinéraire qu’il dé­crit, il de­vrait être re­connu pour avoir dé­cou­vert avant Cook la mer de Bé­ring; si en re­vanche il a tout in­venté, il mé­ri­te­rait d’être qua­li­fié de plai­san­tin… et de char­la­tan», dit M. Ed­ward Ka­j­dański

  1. Par­fois trans­crit Be­nyovszki, Be­nyovszky, Be­nyowszky, Be­nyowszki, Be­nyowsky, Be­nyousky, Ben­jowski, Ben­jowsky, Ben­jovski, Be­nyowski, Beňowský ou Beňovský. Icône Haut

Beniowski, « Mémoires et Voyages. Tome I. Journal de voyage à travers la Sibérie »

éd. Noir sur blanc, Paris

éd. Noir sur blanc, Pa­ris

Il s’agit des «Mé­moires et » de  1, dont la ne fut qu’un tissu d’ ex­tra­or­di­naires (XVIIIe siècle). Il na­quit à Vr­bové, dans la Haute- (l’actuelle Slo­va­quie). Sa na­tu­relle le porta, tout jeune, à voya­ger en , en Hol­lande et en An­gle­terre, où il s’instruisit dans l’art de la . Il passa en­suite en , où il prit part à la d’indépendance contre la ; il était co­lo­nel quand, deux fois de suite, il fut fait pri­son­nier. Les Russes le condam­nèrent à l’ au Kamt­chatka, à l’extrémité la plus orien­tale de la Si­bé­rie, pour être em­ployé, avec les plus vils mal­fai­teurs, à faire du char­bon de . Dans la tra­ver­sée, le vais­seau qui le por­tait fut as­sailli par une fu­rieuse tem­pête et en­dom­magé; le ca­pi­taine tomba ma­lade. Dans cet état déses­péré, sol­li­cité par le ca­pi­taine, Be­niowski sauva le vais­seau du nau­frage. C’est à ces cir­cons­tances qu’il dut le bon ac­cueil qu’on lui fit au Kamt­chatka. Là, l’intrépide Be­niowski, de concert avec cin­quante-six com­pa­gnons d’exil, aux­quels il sut ins­pi­rer son au­dace, forma une conju­ra­tion, dont la réus­site le ren­dit maître de la ci­ta­delle . Mal­gré cela, voyant l’impossibilité de te­nir très long­temps en pays en­nemi, il dé­cida de s’embarquer à bord d’une cor­vette, dont il s’empara de force avec sa troupe d’. Son voyage d’évasion tourna en vé­ri­table ex­pé­di­tion ma­ri­time. Parti du mi­lieu des neiges sous les­quelles les Russes avait voulu l’ensevelir, il na­vi­gua sur les eaux pra­ti­que­ment in­ex­plo­rées de la de Bé­ring et du Pa­ci­fique Nord. Puis, après avoir at­terri sur la côte ja­po­naise, il noua même avec les na­tu­rels des prou­vées par ses «Mé­moires». De là, il tou­cha à l’île de Taï­wan et à la , d’où il fut ra­mené en par un bâ­ti­ment . La re­mise qu’il fit au ca­bi­net de Ver­sailles de pa­piers im­por­tants qu’il avait vo­lés aux ar­chives du Kamt­chatka, et entre les­quels se trou­vait un pro­jet de conquête du par les Russes et par les , suf­fit pour lui pro­cu­rer de la part de la fran­çaise, dont la confiance en­vers les ve­nus de loin fut tou­jours constante, les moyens d’établir un comp­toir à Ma­da­gas­car. Be­niowski vou­lut, en même , pu­blier ses «Mé­moires», dont il es­pé­rait ti­rer beau­coup de bé­né­fices. Il trouva le se­cret d’en en­thou­sias­mer Jean-Hya­cinthe de Ma­gel­lan, des­cen­dant du cé­lèbre na­vi­ga­teur; non seule­ment le Por­tu­gais s’en char­gea, mais comp­tant lui-même sur des pro­fits im­menses, il per­dit dans cette pu­bli­ca­tion une bonne par­tie de son ar­gent. L’ouvrage, ré­digé en fran­çais, pa­rut en 1790. «La vé­ra­cité de la de cette na­vi­ga­tion sur la mer de Bé­ring et à tra­vers les eaux du Nord et du centre du Pa­ci­fique, pré­sen­tée avec tant de dé­tails dans [les “Mé­moires”], sus­cite de­puis deux cents ans de vives dis­cus­sions… Et cela est com­pré­hen­sible; car s’il a réel­le­ment suivi l’itinéraire qu’il dé­crit, il de­vrait être re­connu pour avoir dé­cou­vert avant Cook la mer de Bé­ring; si en re­vanche il a tout in­venté, il mé­ri­te­rait d’être qua­li­fié de plai­san­tin… et de char­la­tan», dit M. Ed­ward Ka­j­dański

  1. Par­fois trans­crit Be­nyovszki, Be­nyovszky, Be­nyowszky, Be­nyowszki, Be­nyowsky, Be­nyousky, Ben­jowski, Ben­jowsky, Ben­jovski, Be­nyowski, Beňowský ou Beňovský. Icône Haut

« Un Poète hongrois : Vörösmarty »

dans « La Grande Revue », 1.X.1906, p. 5-20

dans «La Grande Re­vue», 1.X.1906, p. 5-20

Il s’agit de Mi­chel Vörös­marty (Mihály Vörös­marty 1), le pre­mier poète com­plet dont la ait pu s’enorgueillir (XIXe siècle). Après avoir ré­sisté aux in­va­sions étran­gères pen­dant une bonne par­tie de son , la Hon­grie avait senti s’user ses forces; la lé­thar­gie l’avait sai­sie, et elle avait éprouvé une es­pèce de lent en­gour­dis­se­ment dont elle ne de­vait s’éveiller qu’avec les guerres na­po­léo­niennes, après une longue pé­riode de ger­ma­ni­sa­tion et d’anéantissement. «L’instant fut unique. L’activité se ré­ta­blit spon­ta­né­ment, im­pa­tiente de s’exercer; de tous cô­tés, des hommes sur­girent, cher­chant la voie , la bonne orien­ta­tion, l’acte conforme au hon­grois» 2. Un nom do­mine cette pé­riode : Mi­chel Vörös­marty. Grand ré­for­ma­teur de la et créa­teur d’une émi­nem­ment na­tio­nale, ar­tiste noble et pa­triote ar­dent, Vörös­marty ou­vrit le che­min que les Petœfi et les Arany al­laient suivre. À vingt-cinq ans, il acheva son pre­mier chef-d’œuvre : «La Fuite de Zalán» 3Zalán Futása»), cé­lé­brant en dix chants la vic­toire my­thique des Hon­grois dans les d’Alpár et la fuite de Zalán, le chef des Slaves et des Bul­gares 4. En voici le dé­but : «Gloire de nos aïeux, où t’attardes-tu dans la brume noc­turne? On vit s’écrouler [les] siècles, et so­li­taire, tu erres sous leurs dé­combres dans la pro­fon­deur, avec un éclat [qui va] s’affaiblissant» 5. Cette épo­pée fonda la gloire de Vörös­marty; elle re­tra­çait, dans un brillant , les ex­ploits des an­cêtres et leurs luttes pour la conquête du pays. La langue neuve et la na­tio­nale va­lurent au poète l’admiration de ses com­pa­triotes. En 1848, il su­bit les consé­quences de cette gloire. Élu membre de la diète, il prit part à la Ré­vo­lu­tion, et après la ca­tas­trophe de Vilá­gos, qui vit la Hon­grie suc­com­ber sous les forces de la et de l’Autriche, il dut er­rer en se ca­chant dans des huttes de fo­res­tiers : «Nos pa­triam fu­gi­mus» («Nous autres, nous fuyons la pa­trie» 6), écri­vit-il sur la porte d’une ca­bane mi­sé­rable l’ayant abrité une .

  1. Au­tre­fois trans­crit Mi­chel Vœrœs­marty. Icône Haut
  2. «Un Poète hon­grois : Vörös­marty», p. 8. Icône Haut
  3. Par­fois tra­duit «La Dé­faite de Zalán». Icône Haut
  1. La chro­nique «Gesta Hun­ga­ro­rum» («Geste des Hon­grois», in­édit en ), qui a servi de source à Vörös­marty, dit : «Le grand “khan”, prince de , grand-père du prince Zalán, s’était em­paré de la qui se trouve entre la Theisse et le Da­nube… et il avait fait ha­bi­ter là des Slaves et des Bul­gares» («Ter­ram, quæ ja­cet in­ter This­ciam et Da­nu­bium, præoc­cu­pa­vis­set sibi “kea­nus” ma­gnus, dux Bul­ga­rie, avus Sa­lani du­cis… et fe­cis­set ibi ha­bi­tare Scla­vos et Bul­ga­ros»). Icône Haut
  2. «Un Poète hon­grois : Vörös­marty», p. 8. Icône Haut
  3. Vir­gile, «Bu­co­liques», poème I, v. 4. Icône Haut