Il s’agit de Tyrtée 1, poète grec (VIIe siècle av. J.-C.), fondateur de l’élégie guerrière, qui chanta le bonheur de combattre et de mourir pour la patrie ; l’indigence et l’éternel opprobre attachés au lâche ; l’immortalité qui récompense le héros en le faisant vivre dans une éternelle jeunesse ; bref, la vertu martiale élevée au-dessus de tout. Nous n’avons plus de Tyrtée que trois chants. Ils suffisent à justifier les éloges prodigués par Platon qui, dans son premier livre des « Lois », dit : « Ô Tyrtée, chantre divin, tu es à mes yeux un homme sage et vertueux » 2 ; et Horace qui, dans son « Art poétique », écrit qu’à la suite de « Tyrtée, dont les vers animaient au combat les cœurs guerriers, les oracles ne répondirent plus qu’en vers » 3. Mais le plus bel éloge de tous est celui que lui donna le fameux chef des trois cents Spartiates, Léonidas, lorsqu’il répondit à quelqu’un qui voulait savoir en quel degré d’estime il tenait Tyrtée : « Je le crois propre », affirma-t-il 4, « à inspirer de l’ardeur aux jeunes gens. Ses poésies les pénètrent d’un sentiment si vif d’enthousiasme, que dans les combats ils affrontent sans ménagement les plus grands dangers ». D’un art très simple, ses vers arrivent pourtant à arracher les auditeurs aux petitesses du présent en les forçant de vénérer le sublime. On y entend le cliquetis des armes, les cris de mort et de victoire ; on y sent avec un autre poète 5 que « l’acier, le fer, le marbre ne sont rien ; il n’est qu’un seul rempart : le bras du citoyen ». Ce n’est pas étonnant qu’avec tant de chaleur patriotique, Tyrtée ait enflammé les cœurs des jeunes Spartiates, si inflammables par ailleurs. Il est dommage que le peu qui nous reste de lui ne soit pas plus étendu ou mieux connu. « Les vers de Tyrtée sont un des plus énergiques encouragements au patriotisme que présente la littérature, et aussi l’un des plus simples, l’un de ceux qui, par la clarté de la forme et la vivacité de l’image, sont le plus assurés de trouver, toujours et partout, le chemin du cœur », explique Alfred Croiset
- En grec Τυρταῖος. Parfois transcrit Tirtée ou Tyrtæus.
- En grec « Ὦ Τύρταιε, ποιητὰ θειότατε, δοκεῖς… σοφὸς ἡμῖν εἶναι καὶ ἀγαθός ».
- En latin « Tyrtæusque mares animos in Martia bella / Versibus exacuit ; dictæ per carmina sortes ».