Humbert, « Le Japon illustré. Tome II »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit de la re­la­tion « Le Ja­pon illus­tré » d’Aimé Hum­bert1, di­plo­mate fran­co­phone (XIXe siècle). Dès les pre­miers contacts qu’ils eurent avec les mar­chands ou mis­sion­naires oc­ci­den­taux, à par­tir de 1543 apr. J.-C., les Ja­po­nais s’intéressèrent à nos in­ven­tions et se mirent no­tam­ment à construire des « hor­loges mé­ca­niques » (« wa­do­kei »2) qui, bien que pro­cé­dant des mêmes prin­cipes que les nôtres, mon­traient une ori­gi­na­lité in­dé­niable. Après que l’Empire du So­leil le­vant se fut, à par­tir de 1641 apr. J.-C., fermé aux étran­gers (pé­riode Sa­koku), des ob­jets d’horlogerie conti­nuèrent ce­pen­dant à être im­por­tés. Un cer­tain nombre de montres suisses de luxe pé­né­trèrent au Ja­pon par la Chine dès la fin du XVIIIe siècle, si­non avant. La preuve en est dans celles, si­gnées de noms d’horlogers hel­vé­tiques, que l’on y a re­trou­vées plus tard. Ce n’est tou­te­fois qu’aux der­niers jours du shô­gu­nat (pé­riode Ba­ku­matsu) dans les an­nées 1850 et 1860 que les im­por­ta­tions de montres s’organisèrent vrai­ment. À la si­gna­ture des pre­miers trai­tés nippo-suisses, le Conseil fé­dé­ral de la Confé­dé­ra­tion dé­si­gna l’Allemand Ro­dolphe Lin­dau, agent de l’Union hor­lo­gère3, et le Neu­châ­te­lois, Aimé Hum­bert, pré­sident de cette Union, pour se rendre en mis­sion au Ja­pon ; et ce, dans le but de ne plus dé­pendre des com­pa­gnies in­ter­mé­diaires qui contrô­laient les mar­chés de l’Asie. Les am­bas­sades po­li­tiques et com­mer­ciales de ces deux hommes per­mirent de re­cueillir, sur une na­tion trop peu connue en­core, mais de plus en plus mê­lée aux in­té­rêts mon­diaux, de nom­breux té­moi­gnages, es­tampes, pho­to­gra­phies, en­cy­clo­pé­dies illus­trées, etc. Ce sont ces do­cu­ments qui, joints à des sou­ve­nirs per­son­nels, ser­virent de base aux re­la­tions de voyage que Lin­dau et Hum­bert firent pa­raître en 1864 et 1870.

voya­geurs at­ten­tifs, exempts de pré­ju­gés d’aucune sorte, di­plo­mates de cœur plu­tôt que de car­rière

Per­sonne ne croira sans doute que ces re­la­tions, les toutes pre­mières en langue fran­çaise, donnent la connais­sance et la com­pré­hen­sion com­plète du Ja­pon : « Nul ne peut dire qu’il connaisse un peuple à fond, s’il n’en pos­sède l’idiome et la lit­té­ra­ture. Or, pour faire en­trer la lit­té­ra­ture ja­po­naise dans l’inventaire du monde ci­vi­lisé, il faut en­core le tra­vail de plus d’une gé­né­ra­tion », re­con­naît Hum­bert4. Et pour­tant, je ne crains pas de dire que ce sont des re­la­tions très pré­cieuses, très at­ta­chantes. On se sent guidé, à chaque page, par des voya­geurs at­ten­tifs, exempts de pré­ju­gés d’aucune sorte, di­plo­mates de cœur plu­tôt que de car­rière, épris d’une sym­pa­thie pro­fonde pour le pays au­quel ils rendent vi­site — sym­pa­thie jus­ti­fiée, d’ailleurs, et par tout ce que vaut ce pays, et par le cor­dial ac­cueil qu’il leur fait : « Je dis alors adieu à ce pays, qui m’avait été hos­pi­ta­lier, que j’avais vu à une époque des plus in­té­res­santes de son his­toire, au com­men­ce­ment de la grande ré­vo­lu­tion cau­sée par l’intrusion de l’élément étran­ger », dit Lin­dau5. En ef­fet, le mo­ment était unique pour l’Empire du So­leil le­vant, qui sor­tait d’un iso­le­ment à peu près ab­solu. Sa vieille so­ciété féo­dale se fai­sait plus cour­toise et plus belle au mo­ment où elle al­lait dis­pa­raître à ja­mais. Une es­pèce de grande ef­fer­ves­cence ani­mait le pays, tout re­vêtu en­core de la splen­deur presque in­tacte de son passé, mais tendu, d’ores et déjà, vers des des­tins in­con­nus. « Ce­pen­dant, [quelle] que soit l’issue [de ces des­tins], l’Empire du so­leil nais­sant res­tera éter­nel­le­ment beau ; et la vi­gou­reuse race qu’il nour­rit conser­vera les qua­li­tés émi­nentes qui font d’elle la pre­mière et la plus in­té­res­sante na­tion de l’Extrême-Orient », dit Lin­dau6.

Voici un pas­sage qui don­nera une idée du style du « Ja­pon illus­tré » : « Il n’est pas de de­meure ja­po­naise de la bonne bour­geoi­sie qui n’ait son pe­tit jar­din, asile sa­cré de la so­li­tude, de la sieste, des lec­tures amu­santes, de la pêche à la ligne, et des longues li­ba­tions de thé ou de saké… Quand il y a une en­trée de jar­din sur la rue, on jette un pont rus­tique sur le ca­nal qui est de­vant la porte, et on dis­si­mule celle-ci sous des touffes d’arbres et d’arbustes à l’épais feuillage. À peine en a-t-on fran­chi le seuil, que l’on se croi­rait au sein d’une fo­rêt vierge, bien loin de toute ha­bi­ta­tion hu­maine »7.

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  1. On ren­contre aussi la gra­phie Aimé Hum­bert-Droz. Haut
  2. En ja­po­nais 和時計. Haut
  3. « Cette Union [hor­lo­gère] était un comp­toir d’escompte, de dé­pôts et d’exportation, une sorte de banque des­ti­née à sou­te­nir les fa­bri­cants d’horlogerie aux prises avec les dif­fi­cul­tés de la fin des an­nées 1850 », dit M. Fran­çois Je­quier. Haut
  4. « Le Ja­pon illus­tré. Tome I », p. I. Haut
  1. « Un Voyage au­tour du Ja­pon », p. 311. Haut
  2. id. p. 312. Haut
  3. p. 112. Haut