Il s’agit de Laonic Chalcondyle, Athénien du XVe siècle apr. J.-C. qui a écrit en dix livres « L’Histoire de la décadence de l’Empire grec et établissement de celui des Turcs ». J’adopte la manière la plus commune d’orthographier son nom en français, qui est de supprimer une des syllabes pour éviter le redoublement, écrivant Chalcondyle au lieu de Chalcocondyle1. Quant à son prénom de Laonic2, quelques-uns préfèrent le changer en celui de Nicolas, dont il est, en effet, le verlan. Quoi qu’il en soit, « L’Histoire » de Chalcondyle parle avec étendue des guerres des Grecs et autres chrétiens contre les Turcs ; elle commence vers l’an 1300 (date depuis laquelle les affaires des Grecs allèrent toujours de mal en pis) jusqu’à leur destruction et ruine finale par Mehmed II, qui prit Constantinople en l’an 1453. Chassé de sa patrie par ces funestes événements, Chalcondyle a évoqué, mieux qu’aucun autre avant lui, les souffrances de sa Grèce natale et a ainsi rappelé vers l’Orient l’attention de l’Europe oublieuse et indifférente. La douleur qu’il ressent d’être exilé, ne le rend pas injuste pour autant. Il fait preuve d’une grande objectivité à l’égard des Turcs ; il vante leurs qualités et leur rigoureuse discipline, qu’il oppose aux discordes et aux vices de ses compatriotes. Par ailleurs, malgré l’inaction de l’Europe, il montre une sincère estime pour les États qui témoignent du moins quelque sympathie à la cause grecque, surtout pour la France qui, tant de fois, prit l’initiative des croisades. Écoutons-le épuiser toutes les formules d’une vive admiration pour le nom français : « Je dirai… ceci des Français », dit-il, « que c’est une nation très noble et fort ancienne ; riche, opulente et de grand pouvoir. Et d’autant qu’[en] toutes ces choses ils surmontent et passent de bien loin tous les autres peuples de l’Occident, aussi… c’est à eux [que], de droit, l’autorité souveraine et l’administration de l’Empire romain doit appartenir ». Et aussi : « On sait assez que cette nation est fort ancienne sur toutes [les] autres, et qu’elle s’est davantage acquis une très grande et magnifique gloire pour avoir, tant de fois, vaincu et rembarré les barbares qui étaient sortis de l’Afrique, durant même que3 l’Empire romain était comme annexé et héréditaire à [sa] couronne ».
guerres des Grecs et autres chrétiens contre les Turcs
On a souvent reproché à Chalcondyle d’avoir écrit dans un style peu correct ou plein d’expressions triviales ; d’avoir corrompu le grec classique par l’usage des termes de l’idiome vulgaire ; de n’avoir d’autre mérite que d’être l’unique source pour cette période de l’histoire. Mais ces défauts disparaissent dans la traduction française, qui eut l’avantage d’avoir pour interprète un des grands esprits du XVIe siècle, Blaise de Vigenère, dont on a pu dire : « Entre tous les nourrissons des muses que la France ait enfantés, [Vigenère] a si bien dit, que l’on estime avoir clos la porte à tous ceux qui viendront par ci-après, [tant] en excellence de langage que doctrine »4. Montaigne, d’après qui Chalcondyle était un « homme de foi »5, lut « L’Histoire » dans cette version de Vigenère et lui fit plusieurs emprunts.
« Βασιλεὺς δὲ Ἑλλήνων ὡς ἐπύθετο τὰ παρὰ τοῦ ἀγγέλου, ἤχθετο μὲν οἷα εἰκός, διαϐεϐηκότος οὕτω ὥστε μὴ διακωλῦσαι τὴν διάϐασιν ἀμαχητί, ἀλλ’ ἡσυχῇ διαϐάντα τόντε στρατὸν αὐτοῦ ἅμα διαπορθμεῦσαι, καὶ ἔφερε μὲν χαλεπῶς, ἐϐουλεύετο δέ ὅπως τῷ παρόντι χρήσαιτο, καὶ εἴτε πόλεμον ἀπαγγέλοι τῷ Ἀμουράτῃ εἴτε εἰρήνην. »
— Passage dans la langue originale
« Ces nouvelles mirent l’Empereur en grand émoi et perplexité d’esprit, pour n’avoir su empêcher aux Turcs le passage de l’Europe, où sans trouver aucune résistance ils avaient pris terre si à leur aise. C’était à la vérité ce qui lui pesait le plus sur le cœur. Pourtant discourait-il en soi-même lequel des deux lui serait plus à propos et utile pour l’heure présente : ou de dissimuler et s’entretenir en la paix et amitié d’Amurat6, ou bien de rompre avec lui et lui dénoncer la guerre. »
— Passage dans la traduction de Blaise de Vigenère
« Græcorum rex ut audivit quæ adferebat nuntius Amuratis, dolebat animo, quemadmodum verisimile est, quod eum transitu prohibere nequivisset, verum absque prælio transiisset et per otium copias traduxisset omnes. Hæc quidem molesto ferebat animo. Deliberabat quid in præsenti rerum statu potissimum ageret, bellumne sive pacem Amurati nuntiaret. »
— Passage dans la traduction latine de Konrad Clauser (XVIe siècle)
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- Jean Balsamo, « Byzance à Paris : Chalcondyle, Vigenère, L’Angelier » dans « Sauver Byzance de la barbarie du monde » (éd. Cisalpino, coll. Quaderni di Acme, Milan), p. 197-212 [Source : Archivio Istituzionale della Ricerca (AIR)]
- Henry Faure, « Blaise de Vigenère » dans « Antoine de Laval et les Écrivains bourbonnais de son temps, 2e édition » (XIXe siècle), p. 215-259 [Source : Canadiana].