Zéami, « L’Île d’or »

éd. Publications orientalistes de France, coll. Tama, Cergy

éd. Pu­bli­ca­tions orien­ta­listes de France, coll. Tama, Cergy

Il s’agit d’une tra­duc­tion par­tielle du « “Re­cueil des seize trai­tés” de Zéami »1 (« Zéami jû­roku-bu-shû »2) sur la « fleur » du nô, éga­le­ment connu sous le titre de « La Tra­di­tion se­crète » (« Hi­den »3). Une tra­di­tion bien éta­blie af­fir­mait que Zéami4 — le plus fa­meux homme de théâtre et dra­ma­turge ja­po­nais (XIVe-XVe siècle apr. J.-C.) — avait com­posé un cer­tain nombre d’écrits théo­riques confi­den­tiels, des­ti­nés à être trans­mis à un seul homme par gé­né­ra­tion, et consi­gnant les se­crets de l’art du nô. Mais ce n’est qu’en 1909 que la plu­part de ces écrits furent re­trou­vés, à la grande sur­prise des sa­vants ja­po­nais qui les croyaient dé­fi­ni­ti­ve­ment per­dus. Le « Re­cueil » de Zéami ren­ferme seize opus­cules qu’il lui a été donné de mettre par écrit et de dé­ve­lop­per, pen­dant plus de trente ans, sur les moyens de faire s’épanouir dans le cœur du spec­ta­teur une sorte de pa­roxysme de l’émotion, nommé la « fleur » (« hana »5) ; ils sont l’expression d’un es­prit ex­tra­or­di­nai­re­ment raf­finé, servi par la sû­reté d’un ju­ge­ment dé­li­cat. Le maître y ap­puie sa pen­sée par une quan­tité d’allusions aux œuvres qui peuvent la mettre en lu­mière, de­puis les poèmes de l’Antiquité jusqu’aux pièces de théâtre de son propre père. Mais ce fils conscien­cieux, en­nemi de tout pé­dan­tisme, ne veut pas lais­ser voir les tré­sors d’érudition qu’il a dé­pen­sés. Aussi, ces théo­ries qu’il a si lon­gue­ment mé­di­tées les cache-t-il sous le voile lé­ger d’un style tou­jours dis­cret. Son « Re­cueil » est un poème en prose, où chaque idée se fait image, où chaque mot éveille un monde de sou­ve­nirs et d’impressions. Ainsi donc, au risque de cho­quer quelques-uns, je crois pou­voir dire que Zéami, théo­ri­cien du nô, est plus in­té­res­sant et plus im­por­tant que Zéami, dra­ma­turge du nô ; son « Re­cueil » consti­tuant « l’une des ré­flexions les plus ori­gi­nales et les plus pro­fondes qui se soient ja­mais at­ta­chées aux arts du spec­tacle »6.

Voici un pas­sage qui don­nera une idée du style du « Re­cueil des seize trai­tés » : « En vé­rité, s’il est vrai que le ros­si­gnol qui chante dans les fleurs, et jusqu’à la gre­nouille qui ha­bite les eaux, savent com­po­ser des chants7, pour­quoi le cou­cou, qui pa­reille­ment est oi­seau, se­rait-il in­sen­sible, me suis-je dit :

Tom­bées les fleurs pluie pure
Le cou­cou se met à chan­ter
Par la lune claire au­tomne congé­dié
Sous les pins déjà voici la neige…

Si en d’autres temps l’on a prêté l’oreille à “l’oiseau de la ca­pi­tale”, ta voix de même est évo­ca­trice : ô cou­cou, chante donc ! Car moi aussi, vieil homme que je suis, je veux pleu­rer ma pa­trie, je veux pleu­rer ma pa­trie ! »8

Consultez cette bibliographie succincte en langue française

  • « Joyaux et Fleurs du nô : sept trai­tés se­crets de Zeami et Zen­chiku » (éd. A. Mi­chel, Pa­ris)
  • Ro­bert Laf­font et Va­len­tino Bom­piani, « “Trai­tés” de Se-ami » dans « Dic­tion­naire des œuvres de tous les temps et de tous les pays » (éd. R. Laf­font, coll. Bou­quins, Pa­ris)
  • René Sief­fert, « Zeami (1363-1443) » dans « En­cy­clopæ­dia uni­ver­sa­lis » (éd. élec­tro­nique).
  1. Par­fois tra­duit « Re­cueil de seize opus­cules ». Haut
  2. En ja­po­nais « 世阿弥十六部集 ». Haut
  3. En ja­po­nais « 秘伝 ». Haut
  4. En ja­po­nais 世阿弥. Au­tre­fois trans­crit Seami. Éga­le­ment connu sous le titre de Ze­shi (世子), c’est-à-dire « maître Zé ». Haut
  1. En ja­po­nais . Haut
  2. René Sief­fert, « Zeami ». Haut
  3. Ré­fé­rence à la « Pré­face de Ki no Tsu­rayuki ». Haut
  4. p. 21-22. Haut