
dans Sakaé Murakami Giroux, « Zéami et ses “Entretiens sur le nô” » (éd. Publications orientalistes de France, coll. Bibliothèque japonaise, Cergy-Pontoise), p. 153-248
Il s’agit d’une traduction partielle du « “Recueil des seize traités” de Zéami » 1 (« Zéami jûroku-bu-shû » 2) sur la « fleur » du nô, également connu sous le titre de « La Tradition secrète » (« Hiden » 3). Une tradition bien établie affirmait que Zéami 4 — le plus fameux homme de théâtre et dramaturge japonais (XIVe-XVe siècle apr. J.-C.) — avait composé un certain nombre d’écrits théoriques confidentiels, destinés à être transmis à un seul homme par génération, et consignant les secrets de l’art du nô. Mais ce n’est qu’en 1909 que la plupart de ces écrits furent retrouvés, à la grande surprise des savants japonais qui les croyaient définitivement perdus. Le « Recueil » de Zéami renferme seize opuscules qu’il lui a été donné de mettre par écrit et de développer, pendant plus de trente ans, sur les moyens de faire s’épanouir dans le cœur du spectateur une sorte de paroxysme de l’émotion, nommé la « fleur » (« hana » 5) ; ils sont l’expression d’un esprit extraordinairement raffiné, servi par la sûreté d’un jugement délicat. Le maître y appuie sa pensée par une quantité d’allusions aux œuvres qui peuvent la mettre en lumière, depuis les poèmes de l’Antiquité jusqu’aux pièces de théâtre de son propre père. Mais ce fils consciencieux, ennemi de tout pédantisme, ne veut pas laisser voir les trésors d’érudition qu’il a dépensés. Aussi, ces théories qu’il a si longuement méditées les cache-t-il sous le voile léger d’un style toujours discret. Son « Recueil » est un poème en prose, où chaque idée se fait image, où chaque mot éveille un monde de souvenirs et d’impressions. Ainsi donc, au risque de choquer quelques-uns, je crois pouvoir dire que Zéami, théoricien du nô, est plus intéressant et plus important que Zéami, dramaturge du nô ; son « Recueil » constituant « l’une des réflexions les plus originales et les plus profondes qui se soient jamais attachées aux arts du spectacle »