Mot-cleflittérature bouddhique chinoise

su­jet

Wu Cheng’en, « La Pérégrination vers l’Ouest, “Xiyou ji”. Tome II »

éd. Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, Paris

éd. Gal­li­mard, coll. Bi­blio­thèque de la Pléiade, Pa­ris

Il s’agit de « (Mé­moire de) La Pé­ré­gri­na­tion vers l’Ouest » (« Xiyou ji »1), très cé­lèbre ro­man-fleuve chi­nois, dont le per­son­nage cen­tral est un Singe pè­le­rin. « La Pé­ré­gri­na­tion vers l’Ouest » est, comme on le sait, une sorte de dé­dou­ble­ment ou de trans­po­si­tion bur­lesque de la pé­ré­gri­na­tion vers l’Inde (réelle, celle-là) du moine Xuan­zang. Dès le dé­but du IXe siècle, l’imagination po­pu­laire chi­noise s’était em­pa­rée des ex­ploits de ce moine en marche, parti avec sa canne pour seul com­pa­gnon, tra­ver­sant fleuves et monts, courbé sous le poids des cen­taines de soû­tras boud­dhiques qu’il ra­me­nait dans une hotte d’osier, tel Pro­mé­thée rap­por­tant le feu sa­cré dans la conca­vité d’un ro­seau. « Xuan­zang est allé là où nul autre n’est allé, il a vu et en­tendu ce que nul autre n’a ja­mais vu et en­tendu. Seul, il tra­versa de vastes éten­dues sans che­min, fré­quen­tées seule­ment par des fan­tômes dé­mo­niaques. Cou­ra­geu­se­ment il grimpa sur de fa­bu­leuses mon­tagnes… tou­jours re­froi­dies par des vents gla­cés et par des neiges éter­nelles… Main­te­nant, il est re­venu sain et sauf [dans] son pays na­tal et avec si grande quan­tité de pré­cieux tré­sors. Il y a, là, six cent cin­quante-sept ou­vrages sa­crés… dont cer­tains sont rem­plis de charmes… ca­pables de faire en­vo­ler les puis­sances in­vi­sibles du mal »2. Ses « Mé­moires » et sa « Bio­gra­phie » de­vinrent la source d’inspiration de nom­breuses lé­gendes qui, mê­lées à des contes ani­ma­liers, s’enrichirent peu à peu de créa­tures sur­na­tu­relles et de pro­diges. Déjà dans la « Chan­te­fable de la quête des soû­tras par Xuan­zang des grands Tang » (« Da Tang San­zang qu jing shi­hua »3), da­tée du Xe ou XIe siècle, on voit en­trer en scène un Roi des Singes, ac­com­pa­gnant le pè­le­rin dans son voyage et contri­buant puis­sam­ment à sa réus­site — un Singe fa­bu­leux cal­qué, au moins en par­tie, sur le per­son­nage d’Hanumân dans le « Râ­mâyaṇa ». Cer­taines pièces du théâtre des Yuan avaient aussi pour su­jet la quête des soû­tras. Et il exis­tait, sous ces mêmes Yuan, un ro­man in­ti­tulé « La Pé­ré­gri­na­tion vers l’Ouest », mais qui est perdu, si l’on ex­cepte un frag­ment dans la « Grande En­cy­clo­pé­die Yongle »

  1. En chi­nois « 西遊記 ». Au­tre­fois trans­crit « Xiyuji », « Hsi-yu chi », « Si you tsi », « Sy-yeou-ky » ou « Si yeou ki ». Haut
  2. Dans Lévy, « Les Pè­le­rins chi­nois en Inde », p. 362. Haut
  1. En chi­nois « 大唐三藏取經詩話 ». Haut

Wu Cheng’en, « La Pérégrination vers l’Ouest, “Xiyou ji”. Tome I »

éd. Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, Paris

éd. Gal­li­mard, coll. Bi­blio­thèque de la Pléiade, Pa­ris

Il s’agit de « (Mé­moire de) La Pé­ré­gri­na­tion vers l’Ouest » (« Xiyou ji »1), très cé­lèbre ro­man-fleuve chi­nois, dont le per­son­nage cen­tral est un Singe pè­le­rin. « La Pé­ré­gri­na­tion vers l’Ouest » est, comme on le sait, une sorte de dé­dou­ble­ment ou de trans­po­si­tion bur­lesque de la pé­ré­gri­na­tion vers l’Inde (réelle, celle-là) du moine Xuan­zang. Dès le dé­but du IXe siècle, l’imagination po­pu­laire chi­noise s’était em­pa­rée des ex­ploits de ce moine en marche, parti avec sa canne pour seul com­pa­gnon, tra­ver­sant fleuves et monts, courbé sous le poids des cen­taines de soû­tras boud­dhiques qu’il ra­me­nait dans une hotte d’osier, tel Pro­mé­thée rap­por­tant le feu sa­cré dans la conca­vité d’un ro­seau. « Xuan­zang est allé là où nul autre n’est allé, il a vu et en­tendu ce que nul autre n’a ja­mais vu et en­tendu. Seul, il tra­versa de vastes éten­dues sans che­min, fré­quen­tées seule­ment par des fan­tômes dé­mo­niaques. Cou­ra­geu­se­ment il grimpa sur de fa­bu­leuses mon­tagnes… tou­jours re­froi­dies par des vents gla­cés et par des neiges éter­nelles… Main­te­nant, il est re­venu sain et sauf [dans] son pays na­tal et avec si grande quan­tité de pré­cieux tré­sors. Il y a, là, six cent cin­quante-sept ou­vrages sa­crés… dont cer­tains sont rem­plis de charmes… ca­pables de faire en­vo­ler les puis­sances in­vi­sibles du mal »2. Ses « Mé­moires » et sa « Bio­gra­phie » de­vinrent la source d’inspiration de nom­breuses lé­gendes qui, mê­lées à des contes ani­ma­liers, s’enrichirent peu à peu de créa­tures sur­na­tu­relles et de pro­diges. Déjà dans la « Chan­te­fable de la quête des soû­tras par Xuan­zang des grands Tang » (« Da Tang San­zang qu jing shi­hua »3), da­tée du Xe ou XIe siècle, on voit en­trer en scène un Roi des Singes, ac­com­pa­gnant le pè­le­rin dans son voyage et contri­buant puis­sam­ment à sa réus­site — un Singe fa­bu­leux cal­qué, au moins en par­tie, sur le per­son­nage d’Hanumân dans le « Râ­mâyaṇa ». Cer­taines pièces du théâtre des Yuan avaient aussi pour su­jet la quête des soû­tras. Et il exis­tait, sous ces mêmes Yuan, un ro­man in­ti­tulé « La Pé­ré­gri­na­tion vers l’Ouest », mais qui est perdu, si l’on ex­cepte un frag­ment dans la « Grande En­cy­clo­pé­die Yongle »

  1. En chi­nois « 西遊記 ». Au­tre­fois trans­crit « Xiyuji », « Hsi-yu chi », « Si you tsi », « Sy-yeou-ky » ou « Si yeou ki ». Haut
  2. Dans Lévy, « Les Pè­le­rins chi­nois en Inde », p. 362. Haut
  1. En chi­nois « 大唐三藏取經詩話 ». Haut

Faxian, « Mémoire sur les pays bouddhiques »

éd. Les Belles Lettres, coll. Bibliothèque chinoise, Paris

éd. Les Belles Lettres, coll. Bi­blio­thèque chi­noise, Pa­ris

Il s’agit du « Mé­moire sur les pays boud­dhiques »1 (« Fo guo ji »2) de Faxian3. La vaste lit­té­ra­ture de la Chine contient une sé­rie de bio­gra­phies et de mé­moires où se trouvent re­la­tés les voyages d’éminents moines boud­dhistes qui — à des dates dif­fé­rentes, mais com­prises pour la plu­part entre le Ve et le VIIe siècle — sor­tirent de leur propre pa­trie (la Chine) pour se rendre dans celle de leur Dieu (l’Inde), en bra­vant des dif­fi­cul­tés in­sur­mon­tables : « Ils sont al­lés jusqu’aux li­mites du monde et ils ont vu là où toutes choses fi­nissent »4. L’immense en­tre­prise sino-in­dienne de ces pè­le­rins, qui s’en al­laient cher­cher une idée plus claire de leur foi, doit être sa­luée — au-delà de son sens re­li­gieux — comme l’une des ma­ni­fes­ta­tions les plus évi­dentes de l’humanisme. Non contents de re­mon­ter, sur les pas du Boud­dha, jusqu’aux lieux saints de l’Inde, ces hommes d’action et d’étude ap­pre­naient le sans­crit et se pro­cu­raient des masses de ma­nus­crits, qu’ils em­me­naient avec eux au re­tour et qu’ils consa­craient tout le reste de leur vie à tra­duire, en­tou­rés de dis­ciples. Leur im­por­tance dans l’histoire spi­ri­tuelle de l’Asie fut in­ouïe. N’eût été leur rôle de mé­dia­teurs, le sen­ti­ment boud­dhique ne se fût sans doute ja­mais per­pé­tué en Chine. Pour­tant, les pé­rils et les dan­gers que ren­con­traient ces voya­geurs, en s’aventurant par-delà l’Himalaya, au­raient pu dé­cou­ra­ger même les plus vaillants. Ceux qui pas­saient par terre de­vaient tra­ver­ser des dé­serts épou­van­tables où la route à suivre était mar­quée par les os­se­ments des bêtes et des gens qui y avaient trouvé la mort ; ceux qui, à l’inverse, choi­sis­saient la voie de mer ha­sar­daient leur vie sur de lourdes jonques qui som­braient corps et bien au pre­mier gros temps. L’un d’eux5 dé­clare en pré­am­bule de sa « Re­la­tion sur les moines émi­nents qui al­lèrent cher­cher la Loi dans les contrées de l’Ouest » : « Consi­dé­rons de­puis les temps an­ciens ceux qui [par­tis de Chine] ont été à l’étranger en fai­sant peu de cas de la vie et en se sa­cri­fiant pour la Loi… Tous comp­taient re­ve­nir, [et] ce­pen­dant, la voie triom­phante était se­mée de dif­fi­cul­tés ; les lieux saints étaient éloi­gnés et vastes. Pour des di­zaines qui ver­dirent et fleu­rirent, et pour plu­sieurs qui en­tre­prirent, il y en eut à peine un qui noua ses fruits et donna des ré­sul­tats vé­ri­tables, et il y en eut peu qui ache­vèrent leur œuvre. La vraie cause en fut les im­men­si­tés des dé­serts pier­reux du pays de l’éléphant [c’est-à-dire l’Inde] et l’éclat du so­leil qui crache son ar­deur ; ou les masses d’eau des vagues sou­le­vées par le pois­son gi­gan­tesque ».

  1. Au­tre­fois tra­duit « Re­la­tion des royaumes boud­dhiques ». Haut
  2. En chi­nois « 佛國記 ». Au­tre­fois trans­crit « Foĕ kouĕ ki », « Foe kue ki », « Fo kouo ki » ou « Fo kuo chi ». Éga­le­ment connu sous le titre de « 法顯傳 » (« Fa xian zhuan »), c’est-à-dire « Bio­gra­phie de Faxian ». Au­tre­fois trans­crit « Fa-hien-tch’ouen », « Fa-hien tchouan » ou « Fa-hsien chuan ». Haut
  3. En chi­nois 法顯. Par­fois trans­crit Fă Hian, Fah-hiyan, Fa-hein, Fa-hien ou Fa-hsien. Haut
  1. Dans Lévy, « Les Pè­le­rins chi­nois en Inde ». Haut
  2. Yi­jing. Haut

Huili et Yancong, « Histoire de la vie de Xuanzang et de ses voyages dans l’Inde, depuis l’an 629 jusqu’en 645 »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit de la « Bio­gra­phie de Xuan­zang », ou lit­té­ra­le­ment « Bio­gra­phie du Maître des Trois Cor­beilles de la Loi du mo­nas­tère de la Grande Bien­veillance »1 (« Da ci en si san zang fa shi zhuan »2) de Huili3 et Yan­cong4. La vaste lit­té­ra­ture de la Chine contient une sé­rie de bio­gra­phies et de mé­moires où se trouvent re­la­tés les voyages d’éminents moines boud­dhistes qui — à des dates dif­fé­rentes, mais com­prises pour la plu­part entre le Ve et le VIIe siècle — sor­tirent de leur propre pa­trie (la Chine) pour se rendre dans celle de leur Dieu (l’Inde), en bra­vant des dif­fi­cul­tés in­sur­mon­tables : « Ils sont al­lés jusqu’aux li­mites du monde et ils ont vu là où toutes choses fi­nissent »5. L’immense en­tre­prise sino-in­dienne de ces pè­le­rins, qui s’en al­laient cher­cher une idée plus claire de leur foi, doit être sa­luée — au-delà de son sens re­li­gieux — comme l’une des ma­ni­fes­ta­tions les plus évi­dentes de l’humanisme. Non contents de re­mon­ter, sur les pas du Boud­dha, jusqu’aux lieux saints de l’Inde, ces hommes d’action et d’étude ap­pre­naient le sans­crit et se pro­cu­raient des masses de ma­nus­crits, qu’ils em­me­naient avec eux au re­tour et qu’ils consa­craient tout le reste de leur vie à tra­duire, en­tou­rés de dis­ciples. Leur im­por­tance dans l’histoire spi­ri­tuelle de l’Asie fut in­ouïe. N’eût été leur rôle de mé­dia­teurs, le sen­ti­ment boud­dhique ne se fût sans doute ja­mais per­pé­tué en Chine. Pour­tant, les pé­rils et les dan­gers que ren­con­traient ces voya­geurs, en s’aventurant par-delà l’Himalaya, au­raient pu dé­cou­ra­ger même les plus vaillants. Ceux qui pas­saient par terre de­vaient tra­ver­ser des dé­serts épou­van­tables où la route à suivre était mar­quée par les os­se­ments des bêtes et des gens qui y avaient trouvé la mort ; ceux qui, à l’inverse, choi­sis­saient la voie de mer ha­sar­daient leur vie sur de lourdes jonques qui som­braient corps et bien au pre­mier gros temps. L’un d’eux6 dé­clare en pré­am­bule de sa « Re­la­tion sur les moines émi­nents qui al­lèrent cher­cher la Loi dans les contrées de l’Ouest » : « Consi­dé­rons de­puis les temps an­ciens ceux qui [par­tis de Chine] ont été à l’étranger en fai­sant peu de cas de la vie et en se sa­cri­fiant pour la Loi… Tous comp­taient re­ve­nir, [et] ce­pen­dant, la voie triom­phante était se­mée de dif­fi­cul­tés ; les lieux saints étaient éloi­gnés et vastes. Pour des di­zaines qui ver­dirent et fleu­rirent, et pour plu­sieurs qui en­tre­prirent, il y en eut à peine un qui noua ses fruits et donna des ré­sul­tats vé­ri­tables, et il y en eut peu qui ache­vèrent leur œuvre. La vraie cause en fut les im­men­si­tés des dé­serts pier­reux du pays de l’éléphant [c’est-à-dire l’Inde] et l’éclat du so­leil qui crache son ar­deur ; ou les masses d’eau des vagues sou­le­vées par le pois­son gi­gan­tesque ».

  1. Au­tre­fois tra­duit « His­toire de la vie de Hiouen-thsang », « His­toire du Maître de la Loi des Trois Cor­beilles du couvent de la Grande Bien­fai­sance », « La Vie de Maître San­zang du mo­nas­tère de la Grande Bien­veillance », « Bio­gra­phie du Maître Tri­piṭaka du temple de la Grande Com­pas­sion » ou « Bio­gra­phie du Maître de la Loi des Trois Cor­beilles du mo­nas­tère de la Grande Com­pas­sion ». Haut
  2. En chi­nois « 大慈恩寺三藏法師傳 ». Au­tre­fois trans­crit « Ta-ts’e-’en-sse-san-thsang-fa-sse-tch’ouen », « Ta-ts’eu-ngen-sseu san-tsang fa-che tchouan », « Ta-tz’u-en-szu san-tsang fa-shih chuan » ou « Ta-tz’u-en-ssu san-tsang fa-shih chuan ». Éga­le­ment connu sous le titre al­longé de « 大唐大慈恩寺三藏法師傳 » (« Da Tang da ci en si san zang fa shi zhuan »), c’est-à-dire « Bio­gra­phie du Maître des Trois Cor­beilles de la Loi ré­si­dant au mo­nas­tère de la Grande Bien­veillance à l’époque des grands Tang ». Haut
  3. En chi­nois 慧立. Par­fois trans­crit Hoeï-li, Houei-li, Kwui Li ou Hwui-li. Haut
  1. En chi­nois 彥悰. Par­fois trans­crit Yen-thsang, Yen-thsong, Yen-ts’ong ou Yen Ts’ung. Haut
  2. Dans Lévy, « Les Pè­le­rins chi­nois en Inde ». Haut
  3. Yi­jing. Haut

Xuanzang, « Mémoires sur les contrées occidentales. Tome II. Livres IX à XII »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit des « Mé­moires sur les contrées de l’Ouest1 à l’époque des grands Tang »2 (« Da Tang xi yu ji »3) de Xuan­zang4. La vaste lit­té­ra­ture de la Chine contient une sé­rie de bio­gra­phies et de mé­moires où se trouvent re­la­tés les voyages d’éminents moines boud­dhistes qui — à des dates dif­fé­rentes, mais com­prises pour la plu­part entre le Ve et le VIIe siècle — sor­tirent de leur propre pa­trie (la Chine) pour se rendre dans celle de leur Dieu (l’Inde), en bra­vant des dif­fi­cul­tés in­sur­mon­tables : « Ils sont al­lés jusqu’aux li­mites du monde et ils ont vu là où toutes choses fi­nissent »5. L’immense en­tre­prise sino-in­dienne de ces pè­le­rins, qui s’en al­laient cher­cher une idée plus claire de leur foi, doit être sa­luée — au-delà de son sens re­li­gieux — comme l’une des ma­ni­fes­ta­tions les plus évi­dentes de l’humanisme. Non contents de re­mon­ter, sur les pas du Boud­dha, jusqu’aux lieux saints de l’Inde, ces hommes d’action et d’étude ap­pre­naient le sans­crit et se pro­cu­raient des masses de ma­nus­crits, qu’ils em­me­naient avec eux au re­tour et qu’ils consa­craient tout le reste de leur vie à tra­duire, en­tou­rés de dis­ciples. Leur im­por­tance dans l’histoire spi­ri­tuelle de l’Asie fut in­ouïe. N’eût été leur rôle de mé­dia­teurs, le sen­ti­ment boud­dhique ne se fût sans doute ja­mais per­pé­tué en Chine. Pour­tant, les pé­rils et les dan­gers que ren­con­traient ces voya­geurs, en s’aventurant par-delà l’Himalaya, au­raient pu dé­cou­ra­ger même les plus vaillants. Ceux qui pas­saient par terre de­vaient tra­ver­ser des dé­serts épou­van­tables où la route à suivre était mar­quée par les os­se­ments des bêtes et des gens qui y avaient trouvé la mort ; ceux qui, à l’inverse, choi­sis­saient la voie de mer ha­sar­daient leur vie sur de lourdes jonques qui som­braient corps et bien au pre­mier gros temps. L’un d’eux6 dé­clare en pré­am­bule de sa « Re­la­tion sur les moines émi­nents qui al­lèrent cher­cher la Loi dans les contrées de l’Ouest » : « Consi­dé­rons de­puis les temps an­ciens ceux qui [par­tis de Chine] ont été à l’étranger en fai­sant peu de cas de la vie et en se sa­cri­fiant pour la Loi… Tous comp­taient re­ve­nir, [et] ce­pen­dant, la voie triom­phante était se­mée de dif­fi­cul­tés ; les lieux saints étaient éloi­gnés et vastes. Pour des di­zaines qui ver­dirent et fleu­rirent, et pour plu­sieurs qui en­tre­prirent, il y en eut à peine un qui noua ses fruits et donna des ré­sul­tats vé­ri­tables, et il y en eut peu qui ache­vèrent leur œuvre. La vraie cause en fut les im­men­si­tés des dé­serts pier­reux du pays de l’éléphant [c’est-à-dire l’Inde] et l’éclat du so­leil qui crache son ar­deur ; ou les masses d’eau des vagues sou­le­vées par le pois­son gi­gan­tesque ».

  1. L’Asie cen­trale et l’Inde, si­tuées à l’Ouest de l’Empire chi­nois. Haut
  2. Au­tre­fois tra­duit « Mé­moires sur les contrées oc­ci­den­tales, com­po­sés sous la dy­nas­tie des grands Thang ». Haut
  3. En chi­nois « 大唐西域記 ». Au­tre­fois trans­crit « Ta-Thang-si-yu-ki », « Ta-Thang-hsi-yu-tchi » ou « Ta T’ang hsi-yü chi ». Éga­le­ment connu sous le titre abrégé de « 西域記 ». Au­tre­fois trans­crit « Hsi-yü-chih ». Haut
  1. En chi­nois 玄奘. Par­fois trans­crit Hiuen-tchoang, Hiuen Tsiang, Hiouen-thsang, Hiuan-tsang, Hsuang-tsang, Hsüan-tsang, Hwen Thsang, Hüan Chwang, Yuan Chwang ou Zuan­zang. Haut
  2. Dans Lévy, « Les Pè­le­rins chi­nois en Inde ». Haut
  3. Yi­jing. Haut

Xuanzang, « Mémoires sur les contrées occidentales. Tome I. Livres I à VIII »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit des « Mé­moires sur les contrées de l’Ouest1 à l’époque des grands Tang »2 (« Da Tang xi yu ji »3) de Xuan­zang4. La vaste lit­té­ra­ture de la Chine contient une sé­rie de bio­gra­phies et de mé­moires où se trouvent re­la­tés les voyages d’éminents moines boud­dhistes qui — à des dates dif­fé­rentes, mais com­prises pour la plu­part entre le Ve et le VIIe siècle — sor­tirent de leur propre pa­trie (la Chine) pour se rendre dans celle de leur Dieu (l’Inde), en bra­vant des dif­fi­cul­tés in­sur­mon­tables : « Ils sont al­lés jusqu’aux li­mites du monde et ils ont vu là où toutes choses fi­nissent »5. L’immense en­tre­prise sino-in­dienne de ces pè­le­rins, qui s’en al­laient cher­cher une idée plus claire de leur foi, doit être sa­luée — au-delà de son sens re­li­gieux — comme l’une des ma­ni­fes­ta­tions les plus évi­dentes de l’humanisme. Non contents de re­mon­ter, sur les pas du Boud­dha, jusqu’aux lieux saints de l’Inde, ces hommes d’action et d’étude ap­pre­naient le sans­crit et se pro­cu­raient des masses de ma­nus­crits, qu’ils em­me­naient avec eux au re­tour et qu’ils consa­craient tout le reste de leur vie à tra­duire, en­tou­rés de dis­ciples. Leur im­por­tance dans l’histoire spi­ri­tuelle de l’Asie fut in­ouïe. N’eût été leur rôle de mé­dia­teurs, le sen­ti­ment boud­dhique ne se fût sans doute ja­mais per­pé­tué en Chine. Pour­tant, les pé­rils et les dan­gers que ren­con­traient ces voya­geurs, en s’aventurant par-delà l’Himalaya, au­raient pu dé­cou­ra­ger même les plus vaillants. Ceux qui pas­saient par terre de­vaient tra­ver­ser des dé­serts épou­van­tables où la route à suivre était mar­quée par les os­se­ments des bêtes et des gens qui y avaient trouvé la mort ; ceux qui, à l’inverse, choi­sis­saient la voie de mer ha­sar­daient leur vie sur de lourdes jonques qui som­braient corps et bien au pre­mier gros temps. L’un d’eux6 dé­clare en pré­am­bule de sa « Re­la­tion sur les moines émi­nents qui al­lèrent cher­cher la Loi dans les contrées de l’Ouest » : « Consi­dé­rons de­puis les temps an­ciens ceux qui [par­tis de Chine] ont été à l’étranger en fai­sant peu de cas de la vie et en se sa­cri­fiant pour la Loi… Tous comp­taient re­ve­nir, [et] ce­pen­dant, la voie triom­phante était se­mée de dif­fi­cul­tés ; les lieux saints étaient éloi­gnés et vastes. Pour des di­zaines qui ver­dirent et fleu­rirent, et pour plu­sieurs qui en­tre­prirent, il y en eut à peine un qui noua ses fruits et donna des ré­sul­tats vé­ri­tables, et il y en eut peu qui ache­vèrent leur œuvre. La vraie cause en fut les im­men­si­tés des dé­serts pier­reux du pays de l’éléphant [c’est-à-dire l’Inde] et l’éclat du so­leil qui crache son ar­deur ; ou les masses d’eau des vagues sou­le­vées par le pois­son gi­gan­tesque ».

  1. L’Asie cen­trale et l’Inde, si­tuées à l’Ouest de l’Empire chi­nois. Haut
  2. Au­tre­fois tra­duit « Mé­moires sur les contrées oc­ci­den­tales, com­po­sés sous la dy­nas­tie des grands Thang ». Haut
  3. En chi­nois « 大唐西域記 ». Au­tre­fois trans­crit « Ta-Thang-si-yu-ki », « Ta-Thang-hsi-yu-tchi » ou « Ta T’ang hsi-yü chi ». Éga­le­ment connu sous le titre abrégé de « 西域記 ». Au­tre­fois trans­crit « Hsi-yü-chih ». Haut
  1. En chi­nois 玄奘. Par­fois trans­crit Hiuen-tchoang, Hiuen Tsiang, Hiouen-thsang, Hiuan-tsang, Hsuang-tsang, Hsüan-tsang, Hwen Thsang, Hüan Chwang, Yuan Chwang ou Zuan­zang. Haut
  2. Dans Lévy, « Les Pè­le­rins chi­nois en Inde ». Haut
  3. Yi­jing. Haut

« Deux Chapitres extraits des mémoires de Yijing sur son voyage dans l’Inde »

dans « Journal asiatique », sér. 8, vol. 12, p. 411-439

dans « Jour­nal asia­tique », sér. 8, vol. 12, p. 411-439

Il s’agit d’une tra­duc­tion par­tielle de la « Re­la­tion sur le boud­dhisme, en­voyée des mers du Sud »1 (« Nan hai ji gui nei fa zhuan »2) de Yi­jing3. La vaste lit­té­ra­ture de la Chine contient une sé­rie de bio­gra­phies et de mé­moires où se trouvent re­la­tés les voyages d’éminents moines boud­dhistes qui — à des dates dif­fé­rentes, mais com­prises pour la plu­part entre le Ve et le VIIe siècle — sor­tirent de leur propre pa­trie (la Chine) pour se rendre dans celle de leur Dieu (l’Inde), en bra­vant des dif­fi­cul­tés in­sur­mon­tables : « Ils sont al­lés jusqu’aux li­mites du monde et ils ont vu là où toutes choses fi­nissent »4. L’immense en­tre­prise sino-in­dienne de ces pè­le­rins, qui s’en al­laient cher­cher une idée plus claire de leur foi, doit être sa­luée — au-delà de son sens re­li­gieux — comme l’une des ma­ni­fes­ta­tions les plus évi­dentes de l’humanisme. Non contents de re­mon­ter, sur les pas du Boud­dha, jusqu’aux lieux saints de l’Inde, ces hommes d’action et d’étude ap­pre­naient le sans­crit et se pro­cu­raient des masses de ma­nus­crits, qu’ils em­me­naient avec eux au re­tour et qu’ils consa­craient tout le reste de leur vie à tra­duire, en­tou­rés de dis­ciples. Leur im­por­tance dans l’histoire spi­ri­tuelle de l’Asie fut in­ouïe. N’eût été leur rôle de mé­dia­teurs, le sen­ti­ment boud­dhique ne se fût sans doute ja­mais per­pé­tué en Chine. Pour­tant, les pé­rils et les dan­gers que ren­con­traient ces voya­geurs, en s’aventurant par-delà l’Himalaya, au­raient pu dé­cou­ra­ger même les plus vaillants. Ceux qui pas­saient par terre de­vaient tra­ver­ser des dé­serts épou­van­tables où la route à suivre était mar­quée par les os­se­ments des bêtes et des gens qui y avaient trouvé la mort ; ceux qui, à l’inverse, choi­sis­saient la voie de mer ha­sar­daient leur vie sur de lourdes jonques qui som­braient corps et bien au pre­mier gros temps. L’un d’eux5 dé­clare en pré­am­bule de sa « Re­la­tion sur les moines émi­nents qui al­lèrent cher­cher la Loi dans les contrées de l’Ouest » : « Consi­dé­rons de­puis les temps an­ciens ceux qui [par­tis de Chine] ont été à l’étranger en fai­sant peu de cas de la vie et en se sa­cri­fiant pour la Loi… Tous comp­taient re­ve­nir, [et] ce­pen­dant, la voie triom­phante était se­mée de dif­fi­cul­tés ; les lieux saints étaient éloi­gnés et vastes. Pour des di­zaines qui ver­dirent et fleu­rirent, et pour plu­sieurs qui en­tre­prirent, il y en eut à peine un qui noua ses fruits et donna des ré­sul­tats vé­ri­tables, et il y en eut peu qui ache­vèrent leur œuvre. La vraie cause en fut les im­men­si­tés des dé­serts pier­reux du pays de l’éléphant [c’est-à-dire l’Inde] et l’éclat du so­leil qui crache son ar­deur ; ou les masses d’eau des vagues sou­le­vées par le pois­son gi­gan­tesque ».

  1. Au­tre­fois tra­duit « His­toire de la loi in­té­rieure, en­voyée de la mer du Sud » ou « Mé­moire sur la loi in­té­rieure, en­voyé des mers du Sud ». Haut
  2. En chi­nois « 南海寄歸內法傳 ». Au­tre­fois trans­crit « Nan-haï-khi-koueï-neï-fa-tch’ouen », « Nan hai ki kouei nei fa tchouan », « Nan-hai-ki-koei-nei-fa-tchoan » ou « Nan-hai-chi-kuei-nai-fa-ch’uan ». Haut
  3. En chi­nois 義淨. Par­fois trans­crit I-tsing, Yi-tsing, Y-tsing, I-tshing, Yi Ching ou I-ching. Haut
  1. Dans Lévy, « Les Pè­le­rins chi­nois en Inde ». Haut
  2. Yi­jing. Haut

Yijing, « Mémoire composé à l’époque de la grande dynastie T’ang sur les religieux éminents qui allèrent chercher la Loi dans les pays d’Occident »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit de la « Re­la­tion sur les moines émi­nents qui al­lèrent cher­cher la Loi dans les contrées de l’Ouest1 à l’époque des grands Tang »2 (« Da Tang xi yu qiu fa gao seng zhuan »3) de Yi­jing4. La vaste lit­té­ra­ture de la Chine contient une sé­rie de bio­gra­phies et de mé­moires où se trouvent re­la­tés les voyages d’éminents moines boud­dhistes qui — à des dates dif­fé­rentes, mais com­prises pour la plu­part entre le Ve et le VIIe siècle — sor­tirent de leur propre pa­trie (la Chine) pour se rendre dans celle de leur Dieu (l’Inde), en bra­vant des dif­fi­cul­tés in­sur­mon­tables : « Ils sont al­lés jusqu’aux li­mites du monde et ils ont vu là où toutes choses fi­nissent »5. L’immense en­tre­prise sino-in­dienne de ces pè­le­rins, qui s’en al­laient cher­cher une idée plus claire de leur foi, doit être sa­luée — au-delà de son sens re­li­gieux — comme l’une des ma­ni­fes­ta­tions les plus évi­dentes de l’humanisme. Non contents de re­mon­ter, sur les pas du Boud­dha, jusqu’aux lieux saints de l’Inde, ces hommes d’action et d’étude ap­pre­naient le sans­crit et se pro­cu­raient des masses de ma­nus­crits, qu’ils em­me­naient avec eux au re­tour et qu’ils consa­craient tout le reste de leur vie à tra­duire, en­tou­rés de dis­ciples. Leur im­por­tance dans l’histoire spi­ri­tuelle de l’Asie fut in­ouïe. N’eût été leur rôle de mé­dia­teurs, le sen­ti­ment boud­dhique ne se fût sans doute ja­mais per­pé­tué en Chine. Pour­tant, les pé­rils et les dan­gers que ren­con­traient ces voya­geurs, en s’aventurant par-delà l’Himalaya, au­raient pu dé­cou­ra­ger même les plus vaillants. Ceux qui pas­saient par terre de­vaient tra­ver­ser des dé­serts épou­van­tables où la route à suivre était mar­quée par les os­se­ments des bêtes et des gens qui y avaient trouvé la mort ; ceux qui, à l’inverse, choi­sis­saient la voie de mer ha­sar­daient leur vie sur de lourdes jonques qui som­braient corps et bien au pre­mier gros temps. L’un d’eux6 dé­clare en pré­am­bule de sa « Re­la­tion sur les moines émi­nents qui al­lèrent cher­cher la Loi dans les contrées de l’Ouest » : « Consi­dé­rons de­puis les temps an­ciens ceux qui [par­tis de Chine] ont été à l’étranger en fai­sant peu de cas de la vie et en se sa­cri­fiant pour la Loi… Tous comp­taient re­ve­nir, [et] ce­pen­dant, la voie triom­phante était se­mée de dif­fi­cul­tés ; les lieux saints étaient éloi­gnés et vastes. Pour des di­zaines qui ver­dirent et fleu­rirent, et pour plu­sieurs qui en­tre­prirent, il y en eut à peine un qui noua ses fruits et donna des ré­sul­tats vé­ri­tables, et il y en eut peu qui ache­vèrent leur œuvre. La vraie cause en fut les im­men­si­tés des dé­serts pier­reux du pays de l’éléphant [c’est-à-dire l’Inde] et l’éclat du so­leil qui crache son ar­deur ; ou les masses d’eau des vagues sou­le­vées par le pois­son gi­gan­tesque ».

  1. L’Asie cen­trale et l’Inde, si­tuées à l’Ouest de l’Empire chi­nois. Haut
  2. Au­tre­fois tra­duit « Ré­cit de l’éminent moine T’ang qui voya­gea vers la ré­gion oc­ci­den­tale en quête de la Loi » ou « Mé­moire com­posé à l’époque de la grande dy­nas­tie T’ang sur les re­li­gieux émi­nents qui al­lèrent cher­cher la Loi dans les pays d’Occident ». Haut
  3. En chi­nois « 大唐西域求法高僧傳 ». Au­tre­fois trans­crit « Ta-T’ang-si-yu-k’ieou-fa-kao-seng-tchoan », « Ta T’ang si yu k’ieou fa kao seng tchouan » ou « Ta T’ang hsi-yü ch’iu-fa kao-sêng ch’uan ». Éga­le­ment connu sous le titre abrégé de « 求法高僧傳 ». Au­tre­fois trans­crit « Khieou-fa-kao-seng-tch’ouen », « Kieou-fa-kao-seng-tchuen » ou « Kau-fa-kao-sang-chuen ». Haut
  1. En chi­nois 義淨. Par­fois trans­crit I-tsing, Yi-tsing, Y-tsing, I-tshing, Yi Ching ou I-ching. Haut
  2. Dans Lévy, « Les Pè­le­rins chi­nois en Inde ». Haut
  3. Yi­jing. Haut

« La Double Inspiration du poète Po Kiu-yi (772-846) »

éd. P. Bossuet, coll. Faculté des lettres de l’Université de Paris, Paris

éd. P. Bos­suet, coll. Fa­culté des lettres de l’Université de Pa­ris, Pa­ris

Il s’agit de Bai Juyi1, le poète le plus ta­len­tueux de la Chine, avec Li Po (IXe siècle apr. J.-C.). Au contraire de son pays, où sa po­pu­la­rité dé­crut au fil des siècles, le Viêt-nam et le Ja­pon, sans doute grâce à leur lec­to­rat fé­mi­nin, le tinrent tou­jours pour un mo­dèle su­prême et al­lèrent jusqu’à en faire une sorte de dieu tu­té­laire. Déjà de son vi­vant, sa « Chan­son des re­grets éter­nels » (« Chang hen ge »2) et sa « Bal­lade du luth » (« Pi pa xing »3) jouis­saient d’un pres­tige in­com­pa­rable au­près des femmes : « Veuves et vierges ont sou­vent, à la bouche, un poème de moi… À ma vue, les chan­teuses me dé­si­gnent du doigt, en se di­sant entre elles : voici le maître de la “Chan­son des re­grets éter­nels” », dit-il dans une lettre4. « Le trait prin­ci­pal… de Bai Juyi, qui fait son mé­rite prin­ci­pal en tant que poète », dit un cri­tique5, « c’est l’extrême sim­pli­cité de son élo­cu­tion, le na­tu­rel de toute son œuvre ». Bai Juyi re­non­çait au lan­gage trop sa­vant, trop froid, trop dense que ses pré­dé­ces­seurs po­lis­saient et ci­se­laient de­puis des siècles jusqu’à être sou­vent un peu obs­curs. On pré­tend qu’il li­sait ses vers à une vieille dame illet­trée et ne ces­sait de les chan­ger jusqu’à ce que cette der­nière lui fît en­tendre qu’elle avait tout com­pris. On com­pare son style simple, abon­dant, ré­gu­lier à l’eau d’une fon­taine qui coule nuit et jour sur la pe­tite place du vil­lage, et où tout le monde s’abreuve :

« Dan­seuse tar­tare ! Dan­seuse tar­tare !
L’âme ré­pond au son des cordes,
Les mains ré­pondent au tam­bour.
La mu­sique pré­lude, elle s’élance, manches hautes.
Pal­pi­tante comme la neige, fré­mis­sante comme le ro­seau,
À droite et à gauche, in­las­sable, elle pi­vote,
Mille et mille tours se pour­suivent sans trêve.
Rien de ce monde ne pour­rait l’égaler :
Voi­ture, moins ra­pide ; tour­billon, moins pri­me­sau­tier.
La danse fi­nie, à plu­sieurs re­prises elle sa­lue et re­mer­cie
Le sou­ve­rain qui sou­rit lé­gè­re­ment
 »

  1. En chi­nois 白居易. Au­tre­fois trans­crit Pé-kiu-y, Po Kiu-i, Po Kiu-yi, Po Tchu-yi, Pai Chui, Bo Ju yi, Po Chü-i ou Po Chu yi. Haut
  2. En chi­nois « 長恨歌 ». Au­tre­fois trans­crit « Tch’ang-hen-ko » ou « Ch’ang-hen ko ». Haut
  3. En chi­nois « 琵琶行 ». Au­tre­fois trans­crit « P’i-pa-hing », « Pi pa sing » ou « Pï-pá hsing ». Haut
  1. Dans Lo Ta-kang, « La Double Ins­pi­ra­tion du poète Po Kiu-yi », p. 135. Haut
  2. M. Georges Mar­gou­liès. Haut

Bai Juyi, « Un Homme sans affaire : poèmes »

éd. Moundarren, Millemont

éd. Moun­dar­ren, Mil­le­mont

Il s’agit de Bai Juyi1, le poète le plus ta­len­tueux de la Chine, avec Li Po (IXe siècle apr. J.-C.). Au contraire de son pays, où sa po­pu­la­rité dé­crut au fil des siècles, le Viêt-nam et le Ja­pon, sans doute grâce à leur lec­to­rat fé­mi­nin, le tinrent tou­jours pour un mo­dèle su­prême et al­lèrent jusqu’à en faire une sorte de dieu tu­té­laire. Déjà de son vi­vant, sa « Chan­son des re­grets éter­nels » (« Chang hen ge »2) et sa « Bal­lade du luth » (« Pi pa xing »3) jouis­saient d’un pres­tige in­com­pa­rable au­près des femmes : « Veuves et vierges ont sou­vent, à la bouche, un poème de moi… À ma vue, les chan­teuses me dé­si­gnent du doigt, en se di­sant entre elles : voici le maître de la “Chan­son des re­grets éter­nels” », dit-il dans une lettre4. « Le trait prin­ci­pal… de Bai Juyi, qui fait son mé­rite prin­ci­pal en tant que poète », dit un cri­tique5, « c’est l’extrême sim­pli­cité de son élo­cu­tion, le na­tu­rel de toute son œuvre ». Bai Juyi re­non­çait au lan­gage trop sa­vant, trop froid, trop dense que ses pré­dé­ces­seurs po­lis­saient et ci­se­laient de­puis des siècles jusqu’à être sou­vent un peu obs­curs. On pré­tend qu’il li­sait ses vers à une vieille dame illet­trée et ne ces­sait de les chan­ger jusqu’à ce que cette der­nière lui fît en­tendre qu’elle avait tout com­pris. On com­pare son style simple, abon­dant, ré­gu­lier à l’eau d’une fon­taine qui coule nuit et jour sur la pe­tite place du vil­lage, et où tout le monde s’abreuve :

« Dan­seuse tar­tare ! Dan­seuse tar­tare !
L’âme ré­pond au son des cordes,
Les mains ré­pondent au tam­bour.
La mu­sique pré­lude, elle s’élance, manches hautes.
Pal­pi­tante comme la neige, fré­mis­sante comme le ro­seau,
À droite et à gauche, in­las­sable, elle pi­vote,
Mille et mille tours se pour­suivent sans trêve.
Rien de ce monde ne pour­rait l’égaler :
Voi­ture, moins ra­pide ; tour­billon, moins pri­me­sau­tier.
La danse fi­nie, à plu­sieurs re­prises elle sa­lue et re­mer­cie
Le sou­ve­rain qui sou­rit lé­gè­re­ment
 »

  1. En chi­nois 白居易. Au­tre­fois trans­crit Pé-kiu-y, Po Kiu-i, Po Kiu-yi, Po Tchu-yi, Pai Chui, Bo Ju yi, Po Chü-i ou Po Chu yi. Haut
  2. En chi­nois « 長恨歌 ». Au­tre­fois trans­crit « Tch’ang-hen-ko » ou « Ch’ang-hen ko ». Haut
  3. En chi­nois « 琵琶行 ». Au­tre­fois trans­crit « P’i-pa-hing », « Pi pa sing » ou « Pï-pá hsing ». Haut
  1. Dans Lo Ta-kang, « La Double Ins­pi­ra­tion du poète Po Kiu-yi », p. 135. Haut
  2. M. Georges Mar­gou­liès. Haut