« Deux Chapitres extraits des mémoires de Yijing sur son voyage dans l’Inde »

dans « Journal asiatique », sér. 8, vol. 12, p. 411-439

dans « Jour­nal asia­tique », sér. 8, vol. 12, p. 411-439

Il s’agit d’une tra­duc­tion par­tielle de la « Re­la­tion sur le boud­dhisme, en­voyée des mers du Sud »1 (« Nan hai ji gui nei fa zhuan »2) de Yi­jing3. La vaste lit­té­ra­ture de la Chine contient une sé­rie de bio­gra­phies et de mé­moires où se trouvent re­la­tés les voyages d’éminents moines boud­dhistes qui — à des dates dif­fé­rentes, mais com­prises pour la plu­part entre le Ve et le VIIe siècle — sor­tirent de leur propre pa­trie (la Chine) pour se rendre dans celle de leur Dieu (l’Inde), en bra­vant des dif­fi­cul­tés in­sur­mon­tables : « Ils sont al­lés jusqu’aux li­mites du monde et ils ont vu là où toutes choses fi­nissent »4. L’immense en­tre­prise sino-in­dienne de ces pè­le­rins, qui s’en al­laient cher­cher une idée plus claire de leur foi, doit être sa­luée — au-delà de son sens re­li­gieux — comme l’une des ma­ni­fes­ta­tions les plus évi­dentes de l’humanisme. Non contents de re­mon­ter, sur les pas du Boud­dha, jusqu’aux lieux saints de l’Inde, ces hommes d’action et d’étude ap­pre­naient le sans­crit et se pro­cu­raient des masses de ma­nus­crits, qu’ils em­me­naient avec eux au re­tour et qu’ils consa­craient tout le reste de leur vie à tra­duire, en­tou­rés de dis­ciples. Leur im­por­tance dans l’histoire spi­ri­tuelle de l’Asie fut in­ouïe. N’eût été leur rôle de mé­dia­teurs, le sen­ti­ment boud­dhique ne se fût sans doute ja­mais per­pé­tué en Chine. Pour­tant, les pé­rils et les dan­gers que ren­con­traient ces voya­geurs, en s’aventurant par-delà l’Himalaya, au­raient pu dé­cou­ra­ger même les plus vaillants. Ceux qui pas­saient par terre de­vaient tra­ver­ser des dé­serts épou­van­tables où la route à suivre était mar­quée par les os­se­ments des bêtes et des gens qui y avaient trouvé la mort ; ceux qui, à l’inverse, choi­sis­saient la voie de mer ha­sar­daient leur vie sur de lourdes jonques qui som­braient corps et bien au pre­mier gros temps. L’un d’eux5 dé­clare en pré­am­bule de sa « Re­la­tion sur les moines émi­nents qui al­lèrent cher­cher la Loi dans les contrées de l’Ouest » : « Consi­dé­rons de­puis les temps an­ciens ceux qui [par­tis de Chine] ont été à l’étranger en fai­sant peu de cas de la vie et en se sa­cri­fiant pour la Loi… Tous comp­taient re­ve­nir, [et] ce­pen­dant, la voie triom­phante était se­mée de dif­fi­cul­tés ; les lieux saints étaient éloi­gnés et vastes. Pour des di­zaines qui ver­dirent et fleu­rirent, et pour plu­sieurs qui en­tre­prirent, il y en eut à peine un qui noua ses fruits et donna des ré­sul­tats vé­ri­tables, et il y en eut peu qui ache­vèrent leur œuvre. La vraie cause en fut les im­men­si­tés des dé­serts pier­reux du pays de l’éléphant [c’est-à-dire l’Inde] et l’éclat du so­leil qui crache son ar­deur ; ou les masses d’eau des vagues sou­le­vées par le pois­son gi­gan­tesque ».

Il n’existe pas moins de deux tra­duc­tions fran­çaises de la « Re­la­tion sur le boud­dhisme, en­voyée des mers du Sud », mais s’il fal­lait n’en choi­sir qu’une seule, je choi­si­rais celle de Ryauon Fu­ji­shima.

「其社得迦摩羅亦同此類社得迦者,本生也.摩羅者,即貫焉.集取菩薩昔生難行之事貫之一處也,若譯可成十餘軸.取本生事而為詩讚,欲令順俗妍美,讀者歡愛教攝群生耳.時戒日王極好文筆,乃下令曰:『諸君但有好詩讚者,明日旦朝咸將示朕』.及其總集得五百夾,展而閱之,多是社得迦摩羅矣,方知讚詠之中斯為美極.」

— Pas­sage dans la langue ori­gi­nale

« Il y a en­core la “Jâ­ta­ka­mâlâ” (“Guir­lande des exis­tences pas­sées des Boud­dhas”), qui est une es­pèce de re­cueil de louanges. Si on la tra­dui­sait en chi­nois, elle for­me­rait plus de dix livres. On met en vers élo­gieux les évé­ne­ments des exis­tences pas­sées des Boud­dhas en vue d’élever les mœurs, et pour que les lec­teurs qui s’y plaisent tra­vaillent, en les en­sei­gnant, au sa­lut des êtres vi­vants. Un jour, le roi Śî­lâ­di­tya, qui ai­mait la lit­té­ra­ture, donna à ses su­jets l’ordre sui­vant : “S’il y a quelques-uns entre vous qui aiment les hymnes, qu’ils veuillent bien me faire le plai­sir de m’en pré­sen­ter de­main ma­tin”. C’est à cette oc­ca­sion que furent pré­sen­tées les cinq cents poé­sies qui en­trèrent presque toutes dans la “Jâ­ta­ka­mâlâ”. Il faut donc re­con­naître que la “Jâ­ta­ka­mâlâ” contient les meilleurs hymnes de ce genre. »
— Pas­sage dans la tra­duc­tion de Fu­ji­shima

« Il y a un autre ou­vrage d’un ca­rac­tère sem­blable ap­pelé “Jā­ta­kamālā”. “Jā­taka” veut dire “nais­sances an­té­rieures”, et “mālā” veut dire “guir­lande” ; l’expression vient de ce que les ré­cits des faits dif­fi­ciles ac­com­plis dans les vies an­té­rieures du Bod­hi­sattva (plus tard le Boud­dha) sont en­fi­lés (ou réunis) en­semble. Si on le tra­dui­sait (en chi­nois), il oc­cu­pe­rait plus de dix rou­leaux. L’objet de la com­po­si­tion des ré­cits des nais­sances (du Bod­hi­sattva) en vers est d’enseigner la doc­trine du sa­lut uni­ver­sel dans un beau style, conforme à l’intelligence po­pu­laire et at­trayant aux lec­teurs. Un jour, le roi Śî­lâ­di­tya, qui était un ami pas­sionné de la lit­té­ra­ture, or­donna et dit : “Vous qui ai­mez la poé­sie, ap­por­tez et mon­trez-moi de­main ma­tin quelques pièces que vous au­rez com­po­sées vous-mêmes”. Quand il les eut réunies, il y en avait cinq cents pa­quets ; et après les avoir exa­mi­nés, on trouva que la plu­part furent des “Jā­ta­kamālās”. De ce fait, on voit que la “Jā­ta­kamālā” est le thème le plus beau (le plus aimé) pour des pa­né­gy­riques. »
— Pas­sage dans la tra­duc­tion in­di­recte de Mau­rice Léon Et­tin­ghau­sen (dans « Harṣa Vard­hana, Em­pe­reur et poète de l’Inde sep­ten­trio­nale », p. 180-181)

Avertissement Cette tra­duc­tion n’a pas été faite sur l’original.

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Consultez cette bibliographie succincte en langue française

  • Dai­saku Ikeda, « Le Boud­dhisme en Chine » (éd. du Ro­cher, Mo­naco)
  • Paul Lévy, « Les Pè­le­rins chi­nois en Inde » dans « Pré­sence du boud­dhisme » (éd. Gal­li­mard, coll. Bi­blio­thèque illus­trée des his­toires, Pa­ris), p. 279-368
  • Louis Re­nou, « L’Inde clas­sique : ma­nuel des études in­diennes. Tome II » (éd. Payot, coll. Bi­blio­thèque scien­ti­fique, Pa­ris).
  1. Au­tre­fois tra­duit « His­toire de la loi in­té­rieure, en­voyée de la mer du Sud » ou « Mé­moire sur la loi in­té­rieure, en­voyé des mers du Sud ». Haut
  2. En chi­nois « 南海寄歸內法傳 ». Au­tre­fois trans­crit « Nan-haï-khi-koueï-neï-fa-tch’ouen », « Nan hai ki kouei nei fa tchouan », « Nan-hai-ki-koei-nei-fa-tchoan » ou « Nan-hai-chi-kuei-nai-fa-ch’uan ». Haut
  3. En chi­nois 義淨. Par­fois trans­crit I-tsing, Yi-tsing, Y-tsing, I-tshing, Yi Ching ou I-ching. Haut
  1. Dans Lévy, « Les Pè­le­rins chi­nois en Inde ». Haut
  2. Yi­jing. Haut