Il s’agit du « Kong-tze Kia-yu »1 (« Entretiens familiers de Confucius »2), espèce de supplément aux « Entretiens de Confucius ». Il n’est peut-être pas inutile de rappeler que Confucius, suivant l’usage de son temps, avait toujours à sa suite quelques-uns de ses disciples, même lorsqu’il était admis en présence d’un roi ou d’un prince. C’est au soin que ces disciples ont eu de transmettre par écrit ce qu’ils avaient vu et entendu de la part de leur maître, qu’on est redevable de ce que l’on sait de sa vie privée. Le détail en fut consigné, peu de temps après sa mort, dans le fameux livre des « Entretiens de Confucius ». Mais comme ce livre ne renfermait pas tout, on y suppléa dans la suite en recueillant tout ce qui avait été rejeté des grandes éditions et tout ce qu’on put trouver d’un peu intéressant dans les mémoires des premiers disciples ou leurs descendants. On donna à ce supplément le titre de « Kia-yu ». Ce livre, comme tant d’autres, fut perdu dans l’incendie général des livres chinois ordonné en 213 av. J.-C par Tsin-chi-hoang-ti — acte de barbarie qui mérite une malédiction aussi éternelle que la perte de la bibliothèque d’Alexandrie. L’ordre fut exécuté avec la plus grande cruauté. Les lamentations, les pleurs mêmes que cette destruction arracha à de nombreux lettrés, en firent périr plus de quatre cents dans les flammes et attirèrent sur les autres une proscription impériale. Avec le temps, le « Kia-yu » reparut, mais tronqué, mutilé, presque informe. Ce ne fut que quatre siècles plus tard, vers 240 apr. J.-C., qu’un lettré, Wang Su3, en reproduisit une partie, tronquée elle-même, et y amalgama d’autres parties, puisées à d’autres sources. « Comment s’opéra cette transformation ? On l’ignore. [Mais] comme le nouveau texte [de Wang Su] était accompagné d’un commentaire, et que l’ancien n’existait probablement qu’en très petit nombre d’exemplaires, le premier eut bientôt supplanté complètement l’autre qui tomba dans l’oubli », explique monseigneur Charles de Harlez4. Il résulte de là que le « Kia-yu », dans l’état où il se trouve aujourd’hui, n’a pas l’autorité des autres écrits confucéens, bien que le fond en soit bon.
espèce de supplément aux « Entretiens de Confucius »
Voici un passage qui donnera une idée du style du « Kia-yu » : « Confucius était allé visiter le temple ancestral du duc Huan de Lou. Il y avait là des vases inclinés… Confucius repartit : “J’ai entendu dire de ces vases que, quand ils sont vides, ils s’inclinent ; quand ils sont à moitié remplis, ils se tiennent droit ; mais que, s’ils sont tout pleins, ils se renversent. Les princes sages estiment cela comme une sorte de leçon, c’est pourquoi ils les font placer près des personnes assises”. Le Philosophe se tournant alors vers ses disciples leur fit verser de l’eau mesurément. Quand il fut à mi-plein, le vase se redressa ; quand il fut plein, il se renversa. “Hélas ! hélas !”, dit Confucius en gémissant, “les êtres se remplissent de mal et ne se renversent pas” »5.
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- Traduction de monseigneur Charles de Harlez (1899) [Source : Google Livres].