« Le “Chêne” et le “Voile” de Phérécyde : note sur un témoignage du gnostique Isidore »

dans « Revue des études grecques », vol. 124, nº 1, p. 79-92

dans «Re­vue des études grecques», vol. 124, nº 1, p. 79-92

Il s’agit de Phé­ré­cyde de Sy­ros 1, théo­lo­gien et , le plus an­cien pro­sa­teur de la . Chez presque toutes les na­tions, les vers ont pré­cédé la prose. Car quoique la prose ait tou­jours été, comme elle l’est aujourd’hui, le com­mun des hommes, il a été d’abord un où l’on ne croyait pas qu’elle mé­ri­tât d’être trans­mise à la pos­té­rité. Phé­ré­cyde de Sy­ros, qui vi­vait au VIe siècle av. J.-C., écri­vit une por­tant le titre étrange de «L’Antre aux sept re­plis» 2Hep­ta­my­chos» 3) ou «Théo­cra­sie» 4 ou en­core «Théo­go­nie» 5. C’était le plus an­cien ou­vrage en prose parmi les Grecs si l’on en croit entre autres Pline l’Ancien, qui dit : «Phé­ré­cyde de Sy­ros est le pre­mier qui écri­vit en prose» («pro­sam ora­tio­nem condere Phe­re­cydes Sy­rius ins­ti­tuit»), vou­lant dire par là que notre au­teur fut le pre­mier qui traita de ma­tières plus ou moins phi­lo­so­phiques, et qui s’appliqua à don­ner à la prose cette es­pèce d’élévation qui dis­tingue les ou­vrages de l’esprit. Dio­gène Laërce at­tri­bue à Phé­ré­cyde, outre son livre, une hor­loge so­laire — un «hé­lio­trope» (un «tour­ne­sol»), mais il est pos­sible que cet ins­tru­ment as­tro­no­mique ne soit qu’une ou, pour mieux dire, une dont le point de dé­part est ce pas­sage d’Ho­mère com­pris : «Il y a une île qu’on nomme Sy­ros… du côté où Hé­lios tourne» 6. Ci­cé­ron, dans ses «Tus­cu­lanes», men­tionne Phé­ré­cyde comme le pre­mier pen­seur qui ait pro­posé et sou­tenu le de l’ de l’ hu­maine, qu’il au­rait en­suite trans­mis à Py­tha­gore, son dis­ciple. En­fin, voici une lettre adres­sée par notre au­teur à Tha­lès : «J’ai donc en­joint à mes ser­vi­teurs, lorsqu’ils m’auront en­se­veli, de t’apporter mon écrit. Pu­blie-le si, après en avoir conféré avec les autres , tu juges qu’il mé­rite d’être lu; si­non, tu peux le sup­pri­mer. Il ne me sa­tis­fait pas com­plè­te­ment -même. En de telles ques­tions, la cer­ti­tude est im­pos­sible; aussi, je me flatte moins d’être ar­rivé à la , que d’avoir fourni à ré­flexion à ceux qui s’occupent de . Du reste, il faut in­ter­pré­ter mes pa­roles et al­ler au fond; car je for­mule tout sous forme al­lé­go­rique».

à la fois ré­cit my­thique et ré­flexion phi­lo­so­phique»

Il ne nous reste de «L’Antre aux sept re­plis» que quelques courts frag­ments, mais qui donnent une idée suf­fi­sante de son tour d’esprit. Phé­ré­cyde ad­met­tait deux prin­cipes co­exis­tant de toute éter­nité, l’un di­vin — Zas (Zeus), l’autre ma­té­riel — Chtho­nie. Les deux cé­lé­brèrent leur , et au troi­sième jour de la noce, Zas tissa pour son épouse Chtho­nie un voile ma­gni­fique, sur le­quel il broda la et l’océan et les de­meures de l’océan. Puis, il l’étala sur les branches dé­ployées de l’arbre de l’univers. Cette scène de l’arbre et du voile, pro­ba­ble­ment or­phique, est la plus em­blé­ma­tique de la cos­mo­go­nie de Phé­ré­cyde; elle est «à la fois ré­cit my­thique et ré­flexion phi­lo­so­phique, [dé­bu­tant] par les prin­cipes di­vins de toutes choses et [es­sayant] fi­na­le­ment de rendre compte des pra­tiques de la hu­maine», comme le dit Mme Lu­cia Sau­delli 7.

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  1. En Φερεκύδης ὁ Σύριος. Icône Haut
  2. Par­fois tra­duit «Sept Re­coins». Icône Haut
  3. En grec «Ἑπτάμυχος». Icône Haut
  4. En grec «Θεοκρασία». Par­fois tra­duit «Mé­lange di­vin». Icône Haut
  1. En grec «Θεογονία». Icône Haut
  2. «L’Odyssée», ch. XV. Icône Haut
  3. p. 90. Icône Haut