Doubnov, «Précis d’histoire juive : des origines à nos jours [complété par Marc Jarblum]»

éd. Service technique pour l’éducation, Paris

éd. Ser­vice tech­nique pour l’éducation, Pa­ris

Il s’agit du «Pré­cis d’histoire juive», ou lit­té­ra­le­ment «L’Histoire juive ra­con­tée aux en­fants» («Yi­dishe Ge­shi­khte dert­seylt far Kin­der» 1) de Si­mon Doub­nov 2, l’un des plus émi­nents his­to­riens juifs (XIXe-XXe siècle). La vie de cet his­to­rio­graphe, né du temps des po­gromes russes et mort dans les camps de la bar­ba­rie na­zie, est celle de toute une gé­né­ra­tion de Juifs de l’Europe orien­tale. Qu’au mi­lieu du car­nage et «du fond du gouffre», comme il dit lui-même 3, cet homme ait songé à des tra­vaux his­to­riques de si grande en­ver­gure, cela peut pa­raître étrange. Mais cela té­moigne sim­ple­ment de la pé­ren­nité du ju­daïsme, de sa vi­va­cité dans la mort. Doub­nov avait une hau­teur de vues, une élé­va­tion de pen­sées, une piété qui l’obligeaient à cher­cher l’indestructible au mi­lieu des des­truc­tions; il di­sait comme Ar­chi­mède au sol­dat ro­main : «Ne dé­range pas mes cercles!» «Que de fois», dit Doub­nov 4, «la dou­leur cau­sée par les brû­lants sou­cis quo­ti­diens a été apai­sée par mes rêves ar­dents du mo­ment où un gran­diose édi­fice 5 s’élèverait, et où ces mil­liers de faits et de com­bi­nai­sons se mê­le­raient en un vif ta­bleau dé­pei­gnant huit cents ans de la vie de notre peuple en Eu­rope orien­tale!» Des té­moins rap­portent que même après son ar­res­ta­tion par les agents de la Ges­tapo, ma­lade et gre­lot­tant de fièvre, Doub­nov n’arrêta pas son tra­vail : avec le stylo qui lui avait servi pen­dant tant d’années, il rem­plit un car­net de notes. Juste avant d’être abattu d’un coup de re­vol­ver, on le vit mar­chant et ré­pé­tant : «Bonnes gens, n’oubliez pas, bonnes gens, ra­con­tez, bonnes gens, écri­vez!» 6 De ceux à qui s’adressaient ces pa­roles, presque au­cun ne sur­vé­cut. «Les pen­sées sont comme les fleurs ou les fruits, comme le blé et tout ce qui pousse et gran­dit de la terre. Elles ont be­soin de temps et d’un lieu pour être se­mées, elles ont be­soin d’un hi­ver pour prendre des forces et d’un prin­temps pour sor­tir et s’épanouir. Il y a les his­to­riens de l’hiver et les his­to­riens du prin­temps… Doub­nov est un his­to­rien de l’hiver», dit M. Marc-Alain Ouak­nin 7.

né du temps des po­gromes russes et mort dans les camps de la bar­ba­rie na­zie

Voici un pas­sage qui don­nera une idée du style du «Pré­cis d’histoire juive» : «La Ré­vo­lu­tion fran­çaise sus­cita un mou­ve­ment de li­bé­ra­tion dans d’autres pays, par­ti­cu­liè­re­ment dans ceux qui furent rat­ta­chés à la France sous l’Empire na­po­léo­nien. En Hol­lande et en Ita­lie, les Juifs ob­tinrent les droits ci­viques. En Prusse, le roi Fré­dé­ric-Guillaume III fut obligé d’émettre un dé­cret don­nant aux Juifs les droits de “ci­toyens prus­siens” (1812). Dans d’autres par­ties de l’Allemagne (West­pha­lie, Franc­fort, Ham­bourg), les Juifs furent éga­le­ment éman­ci­pés. Mais ce ne fut que pour peu de temps. Si­tôt ces pays dé­li­vrés du joug fran­çais (après la chute de Na­po­léon), les an­ciens gou­ver­ne­ments (à l’exception de la Hol­lande) re­ti­rèrent les droits ci­viques aux Juifs et re­vinrent à l’ordre an­té­rieur. Une pé­riode de ré­ac­tion po­li­tique com­mença (1815-1848)» 8.

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  1. On ren­contre aussi les gra­phies «Idishe Ge­shi­khte dert­seylt far Kin­der», «Ji­dische Ges­chichte der­zeilt far Kin­der», «Idische Ges­chichte der­ze­jlt far Kin­der» et «Yid­dische Ges­chichte der­zeilt far Kin­der». Haut
  2. En russe Семён Дубнов ou Шимон Дубнов. Par­fois trans­crit Se­myon Dub­now, Si­meon Dub­now, Shi­meon Dub­now, Shi­mon Dub­nov ou Semën Dub­nov. Le nom de Doub­nov, confor­mé­ment à une pra­tique bien éta­blie chez les Juifs, lui vient de la ville dont ses an­cêtres étaient ori­gi­naires : Doubno (Дубно), en Ukraine. Haut
  3. «Le Livre de ma vie : sou­ve­nirs et ré­flexions, ma­té­riaux pour l’histoire de mon temps», p. 737. Haut
  4. id. p. 359. Haut
  5. La gran­diose somme en dix vo­lumes, «His­toire uni­ver­selle du peuple juif», sur la­quelle Doub­nov ne cessa de tra­vailler de 1901 jusqu’à son as­sas­si­nat. Haut
  1. Dans So­phie Er­lich-Doub­nov, «La Vie de Si­mon Dub­nov», p. 25. Haut
  2. «Pré­face à “His­toire du has­si­disme”». Haut
  3. p. 260-261. Haut
  4. Fille de Si­mon Doub­nov. Haut