« Abou ṭ-Ṭayyib al-Motanabbî, un poète arabe du Xe siècle : essai d’histoire littéraire »

éd. Librairie d’Amérique et d’Orient A. Maisonneuve, Paris

éd. Li­brai­rie d’Amérique et d’Orient A. Mai­son­neuve, Pa­ris

Il s’agit d’Abou’ltayyib1, sur­nommé Mo­té­nabbi2, or­gueilleux poète de Cour, rendu cé­lèbre en ser­vant dif­fé­rents princes arabes, en chan­tant leurs hauts faits et leurs bien­faits, en se brouillant avec eux, en se ven­geant par des sa­tires des louanges qu’il leur avait don­nées au­pa­ra­vant. Ses poèmes ont quel­que­fois de la beauté dans leur élo­quence ; mais, plus sou­vent en­core, ils ne brillent que par ce sin­gu­lier mé­lange d’insolence et de po­li­tesse, de bas­sesse et d’orgueil qui dis­tingue les cour­ti­sans ; cet art de plaire aux grands en se mo­quant d’eux. Si l’on en croit ses ri­vaux, ce poète était le fils d’un simple por­teur d’eau dans la ville de Koufa (en Irak), quoiqu’il se van­tât beau­coup de sa no­blesse. Dès sa jeu­nesse, il fut tour­menté par une am­bi­tion in­com­men­su­rable, ré­con­for­tée par les suc­cès de sa poé­sie, qui était payée très chè­re­ment par les princes aux­quels il s’attachait. Bien­tôt, la tête lui tourna, et il crut pou­voir pas­ser à un aussi juste titre pour pro­phète en vers, que Ma­ho­met l’avait été en prose ; cela lui va­lut le sur­nom de Mo­té­nabbi (« ce­lui qui se pré­tend pro­phète »). Mais, en­fin, quand il se vit dans l’impossibilité de réa­li­ser cet idéal ; quand le temps et les oc­ca­sions le dé­trom­pèrent en le rap­pe­lant à une vie si brève, si or­di­naire, si fa­ta­le­ment hu­maine ; quand il son­gea que des pans en­tiers de son am­bi­tieuse na­ture res­te­raient à ja­mais en­se­ve­lis dans l’ombre, ce fut un dé­bor­de­ment d’une amer­tume sans pa­reille. « De là, cet amour-propre qui, au lieu de re­cher­cher à bien faire pour ga­gner l’estime d’autrui et de­ve­nir al­truisme, se trans­forme en égoïsme hai­neux et mal­veillant à l’égard des autres [ou en] joie quand ils ont échoué », dit M. Jo­seph Da­her3. Té­moin les vers sui­vants où il dit aux hommes tout le mé­pris et toute la haine qu’ils lui ins­pirent : « Je cri­tique les pe­tites gens de ce siècle, car le plus docte d’entre eux est un cré­tin, le plus éner­gique un lâche, le plus noble un chien, le plus clair­voyant un aveugle, le plus vi­gi­lant un loir, et le plus cou­ra­geux un singe ».

il fut tour­menté par une am­bi­tion in­com­men­su­rable, ré­con­for­tée par les suc­cès de sa poé­sie

Voici un pas­sage qui don­nera une idée de la ma­nière de Mo­té­nabbi :
« Tous ceux que réunit cette as­sem­blée savent qui je suis : le plus grand homme qui foule cette terre.
Je suis l’homme dont l’aveugle consi­dère le sa­voir et dont le verbe est perçu par le sourd.
Je dors à poings fer­més, in­sou­cieux des mer­veilles que je viens d’écrire, tan­dis que tout le monde, à cause d’elles, veille et se que­relle.
Que de sots mon dé­dain railleur a lais­sés dans leur er­reur jusqu’au jour où je les ai ter­ras­sés de ma griffe et de mon verbe !
 »4

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  1. En arabe أبو الطيب. Par­fois trans­crit Abou’l Tayib, Abou ṭ-Ṭayyib, Aboul Thaïeb ou Abū al-Ṭaiyib. Haut
  2. En arabe المتنبي. Par­fois trans­crit Mo­ta­nabbî, Mo­ta­nabby, Mo­té­nabby, Mo­te­nabi, Mo­te­nebbi, Mou­ta­nabbi, Mou­ta­nabi, Mu­ta­nabi ou Mu­ta­nabbī. Haut
  1. « Es­sai sur le pes­si­misme chez le poète arabe al-Mu­ta­nabbī », p. 54. Haut
  2. p. 165. Haut