Il s’agit des « Mémoires des architectes anciens et modernes » (« Memorie degli architetti antichi e moderni ») également connus sous le titre de « Vies des plus célèbres architectes » (« Vite de’ più celebri architetti ») de Francesco Milizia, théoricien de l’architecture, partisan de la simplicité antique (XVIIIe siècle). Pour ce théoricien italien, la beauté de l’architecture naît dans le nécessaire et l’utile. La profusion des ornements et le manque de critique dans leur choix, tout ce qui est exagéré et qui n’est pas commandé par la nécessité ou l’utilité, ne fait que desservir une construction déjà mal conçue, « à peu près comme la parure ne sert qu’à enlaidir et faire remarquer une laide femme » 1. Le grand style, c’est celui qui n’exprime que les grandes et utiles parties d’un sujet ; principe clair, d’une importance capitale, et fréquemment négligé non seulement dans l’art de l’architecture, mais encore dans celui de la politique et la jurisprudence. De même que les mauvais législateurs compliquent l’échafaudage législatif « pour que nous n’entendions jamais rien aux lois » 2 ; de même, les mauvais architectes compliquent « une grande coupole de coupoles plus petites, de coupolettes, de coupolinettes » (« una cupola con cupolino, con cupolette, con cupolucce ») pour que nous n’entendions jamais rien aux plans de leurs constructions extravagantes. Ordre, simplicité, vérité, tels sont les critères qui déterminent la beauté pour Milizia. Aussi blâme-t-il tout édifice qui a quelque chose de déraisonnable et de lourdement raffiné, « aussi éloigné de la légèreté gothique que de la majesté et de l’élégance grecque » (« ugualmente lontana dalla sveltezza gotica e dalla maestosa eleganza greca ») ; tandis qu’un édifice qui correspond exactement à son but et à sa vocation, même lorsqu’il est dépourvu d’ornementations et destiné aux usages les plus vils et les plus repoussants, peut être beau, comme l’est la « Cloaca maxima », le Grand égout bâti par Tarquin l’Ancien. Dans ses traités, Milizia propose pour modèles les monuments de la Grèce, exhorte à étudier ce qui reste de ceux de l’Asie et s’élève contre Michel-Ange et les architectes de la Renaissance qui, selon lui, n’ont étudié les Anciens que de seconde main et ont ainsi introduit des éléments de décadence, que leurs écoles ont consacrés sous forme de mode, de caprice, de folie : « Voilà pourquoi [ces] écoles sont si pauvres de génie », dit Milizia ; et pourquoi, en allant du Grand égout à la coupole de Saint-Pierre, on va « du meilleur au plus mauvais » 3.
la beauté de l’architecture naît dans le nécessaire et l’utile
Voici un passage qui donnera une idée du style des « Mémoires des architectes anciens et modernes » : « [Gherardo] Silvani excella dans l’architecture et fit quelquefois son amusement de la sculpture. Il vécut toujours en homme de bien : il était charitable et généreux ; on ne le vit jamais aller nulle part sans y avoir été mandé. Cet artiste vécut dans l’abondance jusqu’à la fin de ses jours. Il aimait tellement le travail, que quelques jours avant sa mort, il allait à la cathédrale et montait par les petits escaliers tortus de la coupole, avec un maçon qui avait cent ans » 4.
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- Traduction du capitaine Jean-Claude Pingeron (1771). Tome II [Source : Bibliothèque nationale de France]
- Traduction du capitaine Jean-Claude Pingeron (1771). Tome II ; autre copie [Source : Google Livres]
- Traduction du capitaine Jean-Claude Pingeron (1771). Tome II ; autre copie [Source : Google Livres]
- Traduction du capitaine Jean-Claude Pingeron (1771). Tome II ; autre copie [Source : Google Livres].
Consultez cette bibliographie succincte en langue française
- René Alby, « Milizia (François) » dans « Biographie universelle, ancienne et moderne » (XIXe siècle) [Source : Google Livres]
- Pierre Larousse, « Architectes anciens et modernes, Mémoires des (“Architetti antichi e moderni, Memorie degli”) » dans « Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle » (XIXe siècle) [Source : Google Livres]
- Marc Le Cannu, « Milizia, Francesco (1725-1798) » dans « Encyclopædia universalis » (éd. électronique).