Yuan Mei, «Ce dont le Maître ne parlait pas : le merveilleux onirique»

éd. Gallimard, Connaissance de l’Orient, Paris

éd. Gal­li­mard, Connais­sance de l’Orient, Pa­ris

Il s’agit d’une tra­duc­tion par­tielle de «Ce dont le Maître ne par­lait pas» («Zi bu yu» 1) de Yuan Mei, col­lec­tion chi­noise de contes, d’historiettes, de faits di­vers, met­tant en scène toutes sortes d’esprits ou d’êtres sur­na­tu­rels (XVIIIe siècle). Le titre ren­voie au pas­sage sui­vant des «En­tre­tiens de Confu­cius» : «Le Maître ne trai­tait ni des pro­diges, ni de la vio­lence, ni du désordre, ni des es­prits» 2. Or, tels sont jus­te­ment les thèmes qui sont abor­dés avec pré­di­lec­tion dans «Ce dont le Maître ne par­lait pas». Par la suite, sans doute pour évi­ter de trop se com­pro­mettre aux yeux des bien-pen­sants, Yuan Mei chan­gea ce titre quelque peu fron­deur par ce­lui de «Nou­veau “Qi xie”» («Xin “Qi xie”» 3) tiré, cette fois-ci, de «L’Œuvre com­plète» de Tchouang-tseu, où il est ques­tion d’un livre ou d’un homme qui au­rait re­cueilli des lé­gendes et qui se se­rait ap­pelé Qi xie. Yuan Mei s’empara donc de cette ap­pel­la­tion obs­cure pour en ti­rer une nou­velle, vo­lon­tai­re­ment énig­ma­tique, et sur la­quelle ses ad­ver­saires ne pou­vaient faire que des conjec­tures, en l’absence de toute autre ex­pli­ca­tion. «Aux yeux de la pos­té­rité, le re­nom de Yuan Mei tient sur­tout à l’originalité et au charme de sa poé­sie. Le “Zi bu yu” n’est sou­vent consi­déré que comme une œuvre mi­neure, si­non même in­digne de son au­teur», ex­plique M. Jean-Pierre Diény 4. Dans un XVIIIe siècle mar­qué, en Chine, par une éclo­sion de contes, le re­cueil de Yuan Mei fait, en ef­fet, mo­deste fi­gure aux cô­tés de deux re­cueils plus im­por­tants : les «Contes ex­tra­or­di­naires du pa­villon des loi­sirs» du su­blime Pu Son­gling, qui mou­rut un an avant la nais­sance de Yuan Mei, et les «Notes de la chau­mière des ob­ser­va­tions sub­tiles» de l’érudit Ji Yun, son ca­det de quelques an­nées. En ban­nis­sant de sa prose les élé­gances de la poé­sie, en ne cher­chant l’inspiration que dans les confi­dences de pa­rents et d’amis, en abor­dant le sexe jusque dans ses as­pects les moins at­ten­dus, Yuan Mei est par trop dé­sin­volte, et les herbes folles abondent dans son ou­vrage. Il le pré­sente avec rai­son, dans sa pré­face, comme un re­cueil «de ré­cits abra­ca­da­brants, sans pro­fonde si­gni­fi­ca­tion» fait prin­ci­pa­le­ment «pour le plai­sir» 5; il dit ailleurs 6 avoir voulu «dans les his­toires de fan­tômes se dé­fou­ler de l’absurdité».

col­lec­tion chi­noise de contes, d’historiettes, de faits di­vers, met­tant en scène toutes sortes d’esprits ou d’êtres sur­na­tu­rels

Voici un pas­sage qui don­nera une idée du style de «Ce dont le Maître ne par­lait pas» : «Fa­ti­gué, il s’assoupit et rêva d’une femme d’une tren­taine d’années : une te­nue sobre, un air de rare dis­tinc­tion, une pe­tite taille, une jupe noire à re­flets rouges, un ban­deau de jais au­tour du front, toute l’allure d’une femme du Jian­gnan. Elle sou­leva le ri­deau et dit à voix basse : “Mon­sieur le Pré­fet, je vous confie res­pec­tueu­se­ment une co­pie sur le ‘Par­fum des fleurs d’osmanthe’. Je vous sup­plie d’y prê­ter at­ten­tion et de lui ap­por­ter votre ap­pui”. Yang se ré­veilla, très sur­pris, et ra­conta la chose à ses col­lègues qui se mirent à rire : “C’est un cau­che­mar! Com­ment! pré­sen­ter une co­pie au mo­ment où la liste des lau­réats va être ren­due pu­blique?” Yang était bien du même avis. Mais il tomba par ha­sard sur une co­pie d’un can­di­dat re­calé, un mé­moire où, dans un dis­tique, fi­gu­rait le vers sui­vant : “Quand fleu­rit l’abricotier, em­baument les fleurs d’osmanthe”» 7.

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  1. En chi­nois «子不語». Au­tre­fois trans­crit «Tseu-pou-yu» ou «Tzu pu yu». Haut
  2. VII, 21. Haut
  3. En chi­nois «新齊諧». Au­tre­fois trans­crit «Sin “Ts’i-hiai”». Haut
  4. p. 26. Haut
  1. Dans Pierre Ka­ser, «Yuan Mei et son “Zi bu yu”», p. 84-85. Haut
  2. «Di­vers Plai­sirs à la villa Sui», p. 40. Haut
  3. p. 66-67. Haut