Icône Mot-clefJean-Pierre Diény

tra­duc­teur ou tra­duc­trice

« “Méditations poétiques” de Jouan Tsi [ou Ruan Ji] »

dans « Anthologie de la poésie chinoise classique » (éd. Gallimard-UNESCO, coll. Connaissance de l’Orient, Paris)

dans « de la clas­sique» (éd. Gal­li­mard-UNESCO, coll. Connais­sance de l’, Pa­ris)

Il s’agit d’une tra­duc­tion par­tielle des « poé­tiques” de Ruan Ji» 1Ruan Ji “Yong­huai­shi”» 2) et autres œuvres des «Sept du bos­quet de bam­bous» 3Zhu­lin qi xian» 4), un cé­nacle de sept an­ti­con­for­mistes , hip­pies avant la lettre, qu’un même dé­goût des conven­tions et un même de «la spon­ta­néité na­tu­relle» («zi­ran» 5) réunis­saient vers 260 apr. J.-C. Ji Kang et Ruan Ji 6 ar­ri­vaient en tête de ce groupe d’amis in­sé­pa­rables; sui­vaient Shan , Ruan Xian, Wang Rong, Liu Ling et Xiang Xiu 7. Ils par­cou­raient le bos­quet de Sha­nyang 8 en s’éloignant de l’embarras des af­faires. Ados­sés à de vieux , ils en goû­taient l’ombrage. Au bord d’un ruis­seau, ils com­po­saient des poèmes. Égayés par le va-et-vient de la faune et par la splen­deur de la flore, ils jouaient des mé­lo­dies cé­lestes, sur le point de s’envoler en dan­sant dans les airs. De­man­dant à l’ivresse l’oubli de la tris­tesse, ils au­raient pu avoir pour de­vise : «Quand mon verre est plein, je le vide; quand il est vide, je le plains». Un jour que Ruan Ji, l’un des sept, était à jouer aux échecs, on vint lui ap­prendre la de sa mère; son ad­ver­saire vou­lut aus­si­tôt in­ter­rompre la par­tie, mais Ruan Ji, oc­cupé de son jeu, vou­lut conti­nuer. Il se fit même ap­por­ter deux vases de , qu’il vida, et sor­tit si saoul qu’il fal­lut le por­ter chez lui. Un contem­po­rain, Pei Kai 9, alla lui of­frir ses condo­léances et le vit fai­sant cuire de la de porc et sif­flant 10; il com­menta : «Ruan Ji est un au-delà de la mo­ra­lité or­di­naire; c’est pour­quoi il ne res­pecte pas les cé­ré­mo­nies ri­tuelles. Des gens comme vous et ap­par­te­nons [au contraire] au do­maine de la cou­tume…» 11 ren­dit alors vi­site à Ruan Ji en ap­por­tant sa ci­thare et du vin. Telle fut la pre­mière ren­contre entre ces er­mites hors des règles so­ciales, à l’origine du cé­nacle «du bos­quet de bam­bous». Pour­tant, l’attitude des sept à l’égard de la bois­son semble avoir été plus que char­nelle. En voici une preuve : Le voi­sin de Ruan Ji avait une fort jo­lie femme. Elle ven­dait du vin, et Ruan Ji et Wang Rong al­laient boire chez elle; quel­que­fois, lorsque Ruan Ji était ivre, il s’endormait à côté d’elle. Au dé­but, na­tu­rel­le­ment, le mari de la jeune femme se mé­fiait beau­coup; puis, ayant ob­servé at­ten­ti­ve­ment ce qui se pas­sait, «il se ren­dit compte que Ruan Ji n’avait pas d’autre in­ten­tion»

  1. Par­fois tra­duit «En ex­po­sant mes », «Ce que j’ai au cœur», «Chants des pro­fondes pen­sées», «En ex­pri­mant ce que je res­sens», «Mes Pen­sées in­times», «Poèmes chan­tant le fond de mon cœur» ou «Poèmes in­times». Icône Haut
  2. En chi­nois «阮籍詠懷詩». Icône Haut
  3. Au­tre­fois tra­duit «Sept Amis de la fo­rêt de bam­bou», «Sept Hommes ver­tueux de la fo­rêt de bam­bous», «Sept Sages de la bam­bou­se­raie» ou «Sept Sages de Tchou-lin». Icône Haut
  4. En chi­nois 竹林七賢. Au­tre­fois trans­crit «Tchou-lin ts’i-hien» ou «Chu-lin ch’i-hsien». Icône Haut
  5. En chi­nois 自然. Icône Haut
  6. En chi­nois 阮籍. Au­tre­fois trans­crit Yuan Tsi ou Jouan Tsi. Icône Haut
  1. En chi­nois 山濤, 阮咸, 王戎, 劉伶 et 向秀 (res­pec­ti­ve­ment). Par­fois trans­crit Shan T’ao, Yüan Hsien, Wang Jung, Liu Ling et Hsiang Hsiu; ou Chan T’ao, Yuan Hien, Wang Jong, Lieou Ling et Hiang Sieou (res­pec­ti­ve­ment). Icône Haut
  2. En chi­nois 山陽. Icône Haut
  3. En chi­nois 裴楷. Icône Haut
  4. Ce qui était ri­gou­reu­se­ment pros­crit dans les rites de confu­céens. Icône Haut
  5. Dans «Es­thé­tique de la en mé­dié­vale», p. 576. Icône Haut

Yuan Mei, « Ce dont le Maître ne parlait pas : le merveilleux onirique »

éd. Gallimard, Connaissance de l’Orient, Paris

éd. Gal­li­mard, Connais­sance de l’, Pa­ris

Il s’agit d’une tra­duc­tion par­tielle de «Ce dont le Maître ne par­lait pas» («Zi bu yu» 1) de , col­lec­tion chi­noise de , d’historiettes, de faits di­vers, met­tant en scène toutes sortes d’ ou d’êtres sur­na­tu­rels (XVIIIe siècle). Le titre ren­voie au pas­sage sui­vant des «En­tre­tiens de Confu­cius» : «Le Maître ne trai­tait ni des pro­diges, ni de la , ni du désordre, ni des es­prits» 2. , tels sont jus­te­ment les thèmes qui sont abor­dés avec pré­di­lec­tion dans «Ce dont le Maître ne par­lait pas». Par la suite, sans pour évi­ter de trop se com­pro­mettre aux yeux des bien-pen­sants, Yuan Mei chan­gea ce titre quelque peu fron­deur par ce­lui de «Nou­veau “Qi xie”» («Xin “Qi xie”» 3) tiré, cette fois-ci, de «L’Œuvre com­plète» de Tchouang-tseu, où il est ques­tion d’un livre ou d’un qui au­rait re­cueilli des et qui se se­rait ap­pelé Qi xie. Yuan Mei s’empara donc de cette ap­pel­la­tion obs­cure pour en ti­rer une , vo­lon­tai­re­ment énig­ma­tique, et sur la­quelle ses ne pou­vaient faire que des conjec­tures, en l’absence de toute autre ex­pli­ca­tion. «Aux yeux de la pos­té­rité, le re­nom de Yuan Mei tient sur­tout à l’originalité et au charme de sa poé­sie. Le “Zi bu yu” n’est sou­vent consi­déré que comme une œuvre mi­neure, si­non même in­digne de son au­teur», ex­plique M. Jean- Diény 4. Dans un XVIIIe siècle mar­qué, en , par une éclo­sion de contes, le re­cueil de Yuan Mei fait, en ef­fet, mo­deste aux cô­tés de deux re­cueils plus im­por­tants : les «Contes ex­tra­or­di­naires du pa­villon des loi­sirs» du Pu Son­gling, qui mou­rut un an avant la nais­sance de Yuan Mei, et les «Notes de la chau­mière des ob­ser­va­tions sub­tiles» de l’érudit Ji Yun, son ca­det de quelques an­nées. En ban­nis­sant de sa prose les élé­gances de la , en ne cher­chant l’ que dans les confi­dences de pa­rents et d’amis, en abor­dant le sexe jusque dans ses as­pects les moins at­ten­dus, Yuan Mei est par trop dé­sin­volte, et les herbes folles abondent dans son ou­vrage. Il le pré­sente avec , dans sa pré­face, comme un re­cueil «de ré­cits abra­ca­da­brants, sans pro­fonde si­gni­fi­ca­tion» fait prin­ci­pa­le­ment «pour le plai­sir» 5; il dit ailleurs 6 avoir voulu «dans les his­toires de se dé­fou­ler de l’absurdité».

  1. En «子不語». Au­tre­fois trans­crit «Tseu-pou-yu» ou «Tzu pu yu». Icône Haut
  2. VII, 21. Icône Haut
  3. En chi­nois «新齊諧». Au­tre­fois trans­crit «Sin “Ts’i-hiai”». Icône Haut
  1. p. 26. Icône Haut
  2. Dans Pierre Ka­ser, «Yuan Mei et son “Zi bu yu”», p. 84-85. Icône Haut
  3. «Di­vers Plai­sirs à la villa Sui», p. 40. Icône Haut

« Les Poèmes de Cao Cao (155-220) »

éd. Collège de France-Institut des hautes études chinoises, coll. Bibliothèque de l’Institut des hautes études chinoises, Paris

éd. Col­lège de -Ins­ti­tut des hautes études chi­noises, coll. Bi­blio­thèque de l’Institut des hautes études chi­noises, Pa­ris

Il s’agit des poèmes de Ts’ao Ts’ao 1, gé­né­ral et po­li­ti­cien , dé­fait dans la ba­taille de la fa­laise Rouge en 208 apr. J.-C. Cet ivre d’action qui, simple chef de bande à ses dé­buts, sut se tailler, dans la dis­lo­quée et trou­blée de la fin des Han, la part du lion, et mo­men­ta­né­ment du moins, à uni­fier le pays sous son au­to­rité — cet homme ivre d’action, dis-je, trouva parmi ses sou­cis d’État et de as­sez de loi­sirs pour se li­vrer à la . Aussi, les bio­graphes le dé­crivent-ils as­sis à dos de , «la longue lance en tra­vers de sa selle», bu­vant du et «com­po­sant des vers in­ébran­lables» 2 pleins d’énergie mâle et de force hé­roïque :

«Du vieux cour­sier, cou­ché dans l’écurie,
L’ se si­tue à mille “li”
[c’est-à-dire sur un champ de ba­taille loin­tain].
Quand le hé­ros touche au soir de la ,
Son cœur vaillant n’a pas fini de battre
» 3.

Sa ré­pu­ta­tion ac­quise, Ts’ao Ts’ao em­ploya tous les res­sorts de son pour ob­te­nir d’être nommé pre­mier mi­nistre. Il réus­sit; et élevé dans ce poste, il ne tra­vailla dé­sor­mais qu’à se faire des pro­té­gés, en em­bau­chant ceux qui lui pa­rais­saient dé­voués à ses in­té­rêts, et en des­ti­tuant qui­conque n’adhérait pas aveu­glé­ment à toutes ses vo­lon­tés. Son am­bi­tion fi­nit par éteindre en lui ses belles qua­li­tés. «Il avait dé­li­vré son [Em­pe­reur] d’un ty­ran qui le per­sé­cu­tait; mais ce fut pour le faire gé­mir sous une autre ty­ran­nie, moins cruelle sans , mais qui n’en était pas moins réelle», dit très bien le père Jo­seph Amiot 4. «Il de­vint fourbe, vin­di­ca­tif, cruel, per­fide, et ne garda pas même l’extérieur de ce qu’on ap­pe­lait ses an­ciennes .» Ts’ao Ts’ao mou­rut en 220 apr. J.-C., en em­por­tant avec lui la haine d’une , dont il au­rait pu être l’idole s’il s’était contenté d’être le pre­mier des su­jets de son sou­ve­rain lé­gi­time. Peu de au­pa­ra­vant, il avait as­so­cié son fils au pre­mier mi­nis­tère et l’avait nommé son suc­ces­seur dans la prin­ci­pauté de Ouei; ce­lui-ci donna à Ts’ao Ts’ao, son père, le titre post­hume de «Ouei-Ou-Ti» 5Em­pe­reur Ou des Ouei»).

  1. En chi­nois 曹操. Par­fois trans­crit Cao Cao. Icône Haut
  2. En chi­nois 橫槊賦詩. Icône Haut
  3. p. 152. Icône Haut
  1. «Ouei-ou-ti, mi­nistre», p. 105. Icône Haut
  2. En chi­nois 魏武帝. Par­fois trans­crit «Wei-Wu-Di». Icône Haut

« Les Dix-neuf Poèmes anciens »

éd. Les Belles Lettres, coll. Bibliothèque chinoise, Paris

éd. Les Belles Lettres, coll. Bi­blio­thèque chi­noise, Pa­ris

Il s’agit des «Dix-neuf Poèmes an­ciens» 1Gu­shi shi­jiu shou» 2), en­semble de dix-neuf poèmes , tous ano­nymes, qui tirent leur beauté des images douces et sym­bo­liques et de l’expression toute per­son­nelle de leur . Très peu connus en , ils datent pro­ba­ble­ment du dé­clin de la dy­nas­tie des Han (IIe siècle apr. J.-C.), qui fut mar­qué par de graves troubles po­li­tiques, et l’emprise du se re­lâ­chant, par une de la qui s’intéressa non plus aux choses, mais aux in­times. Pour la pre­mière fois en , les «Dix-neuf Poèmes an­ciens» évo­quèrent — certes sur un ton po­pu­laire, mais avec art tout de même, et un art qui a ses titres de — l’amertume de l’, la de l’ , le sen­ti­ment dou­lou­reux de la fra­gi­lité hu­maine, la han­tise du qui passe et de la  : «Se­lon une brillante étude du pro­fes­seur Yo­shi­kawa 3, l’idée que l’ est le jouet d’un des­tin in­com­pré­hen­sible et ca­pri­cieux ne se dé­ve­loppe en Chine que sous les Han. Bien qu’en [cette] idée ap­pa­raisse déjà dans le “Shi Jing” et dans les “Élé­gies de Chu”… les du “Shi Jing” croient en gé­né­ral à la du , et ceux des “Élé­gies de Chu” ac­cusent plu­tôt les hommes que le ha­sard de leurs mal­heurs. Il semble donc que la dé­so­la­tion si­len­cieuse des “Dix-neuf Poèmes an­ciens” soit bien l’indice d’un nou­veau», ex­plique M. Jean- Diény

  1. Au­tre­fois tra­duit «Les Dix-Neuf Poèmes des temps très re­cu­lés». Icône Haut
  2. En chi­nois «古詩十九首». Au­tre­fois trans­crit «Kou che che kieou cheou» ou «Ku-shih shih-chiu shou». Icône Haut
  1. Kô­jirô Yo­shi­kawa, «推移の悲哀ー古詩十九首の主題» («La Tris­tesse de l’impermanence — le thème prin­ci­pal des “Dix-neuf Poèmes an­ciens”»), in­édit en . Icône Haut