Mot-clefpoésie chinoise

su­jet

Ji Kang, «Le “Sheng wu aile lun”, [ou] Discussion sur l’absence de joie et de tristesse en musique»

dans « Esthétique de la musique en Chine médiévale : idéologies, débats et pratiques chez Ruan Ji et Ji Kang » (éd. électronique)

dans «Es­thé­tique de la mu­sique en Chine mé­dié­vale : idéo­lo­gies, dé­bats et pra­tiques chez Ruan Ji et Ji Kang» (éd. élec­tro­nique)

Il s’agit d’«Il n’est ni joie ni tris­tesse qui tienne en mu­sique» 1Sheng wu aile lun» 2) de Ji Kang 3, vir­tuose de la ci­thare, fervent taoïste, poète at­ta­chant par ses opi­nions et ses ma­nières de voir au­tant que par son ta­lent, chef de file des «Sept Sages du bos­quet de bam­bous» (fa­meux cé­nacle dont je par­le­rai ailleurs). Fier, in­dé­pen­dant, Ji Kang était un homme de la haute so­ciété, époux d’une prin­cesse, mais al­liant un amour mys­tique, presque re­li­gieux, de la na­ture et un pro­fond dé­goût pour les règles et les idées re­çues. Il pro­cla­mait haut et fort, seize siècles avant Flau­bert dans sa «Cor­res­pon­dance» 4, que «les hon­neurs désho­norent; le titre dé­grade; la fonc­tion abru­tit». Dans sa «Lettre de rup­ture avec Shan Tao», il confiait que l’éducation li­ber­taire qu’il a re­çue dans son en­fance a fait de lui «un cerf sau­vage» qui de­vient comme fou à la vue des liens ri­gides que porte au cou tout fonc­tion­naire en poste : «Un cerf sau­vage se pliera à ce qu’on lui a in­cul­qué, pourvu qu’on l’ait cap­turé et pris en main en­core jeune. Mais qu’on lui passe la bride, une fois adulte, et il se dé­bat­tra comme un dé­ment, pour faire vo­ler ses liens, quitte à ruer dans les flammes ou l’eau bouillante». Ji Kang se ju­geait, en somme, to­ta­le­ment in­apte au ser­vice man­da­ri­nal. Aux yeux de ses contem­po­rains, pour un homme de sa classe et de sa condi­tion, c’était un vé­ri­table crime de ne pas être fonc­tion­naire — un crime non seule­ment contre la tra­di­tion, mais contre les as­sises mêmes de l’autorité confu­cia­niste. Ji Kang s’en ren­dait compte, mais son es­prit ex­cen­trique et re­belle l’entraînait ir­ré­sis­ti­ble­ment vers la poé­sie, la mu­sique cé­leste, les ébats dans la na­ture, les pro­me­nades heu­reuses au cours des­quelles il se per­dait au point d’oublier le re­tour. La lé­gende se plaît à le re­pré­sen­ter va­ga­bon­dant dans le bos­quet de bam­bous de Sha­nyang où il réunis­sait ses amis, tous plus bi­zarres les uns que les autres, re­cher­chant des plantes dont il pré­pa­rait des drogues d’immortalité, et «se nour­ris­sant des va­peurs roses de l’aurore» («can xia» 5).

  1. Par­fois tra­duit «Dis­cus­sion sur l’absence de joie et de tris­tesse en mu­sique», «Dia­logue sur une mu­sique sans joie ni tris­tesse», «Le son n’a ni tris­tesse ni joie» ou «La mu­sique n’a ni joie ni tris­tesse». Haut
  2. En chi­nois «聲無哀樂論». Au­tre­fois trans­crit «Cheng wou ngai lo louen». Haut
  3. En chi­nois 嵇康. Par­fois trans­crit Xi Kang, Ki Kang, Chi K’ang, Tsi K’ang, Hsi K’ang, Hi K’ang ou Si K’ang. Haut
  1. À Léo­nie Brainne, 10 ou 11.XII.1878; à Guy de Mau­pas­sant, 15.I.1879; à sa nièce Ca­ro­line, 28.II.1880. Haut
  2. En chi­nois 餐霞. L’une des ap­ti­tudes des im­mor­tels. Haut

Ji Kang, «La Description poétique du “qin”»

dans « L’Art du “qin” : deux textes d’esthétique musicale chinoise » (éd. Institut belge des hautes études chinoises, coll. Mélanges chinois et bouddhiques, Bruxelles), p. 19-46

dans «L’Art du “qin” : deux textes d’esthétique mu­si­cale chi­noise» (éd. Ins­ti­tut belge des hautes études chi­noises, coll. Mé­langes chi­nois et boud­dhiques, Bruxelles), p. 19-46

Il s’agit de «La Des­crip­tion poé­tique de la ci­thare» 1Qinfu» 2) de Ji Kang 3, vir­tuose de la ci­thare, fervent taoïste, poète at­ta­chant par ses opi­nions et ses ma­nières de voir au­tant que par son ta­lent, chef de file des «Sept Sages du bos­quet de bam­bous» (fa­meux cé­nacle dont je par­le­rai ailleurs). Fier, in­dé­pen­dant, Ji Kang était un homme de la haute so­ciété, époux d’une prin­cesse, mais al­liant un amour mys­tique, presque re­li­gieux, de la na­ture et un pro­fond dé­goût pour les règles et les idées re­çues. Il pro­cla­mait haut et fort, seize siècles avant Flau­bert dans sa «Cor­res­pon­dance» 4, que «les hon­neurs désho­norent; le titre dé­grade; la fonc­tion abru­tit». Dans sa «Lettre de rup­ture avec Shan Tao», il confiait que l’éducation li­ber­taire qu’il a re­çue dans son en­fance a fait de lui «un cerf sau­vage» qui de­vient comme fou à la vue des liens ri­gides que porte au cou tout fonc­tion­naire en poste : «Un cerf sau­vage se pliera à ce qu’on lui a in­cul­qué, pourvu qu’on l’ait cap­turé et pris en main en­core jeune. Mais qu’on lui passe la bride, une fois adulte, et il se dé­bat­tra comme un dé­ment, pour faire vo­ler ses liens, quitte à ruer dans les flammes ou l’eau bouillante». Ji Kang se ju­geait, en somme, to­ta­le­ment in­apte au ser­vice man­da­ri­nal. Aux yeux de ses contem­po­rains, pour un homme de sa classe et de sa condi­tion, c’était un vé­ri­table crime de ne pas être fonc­tion­naire — un crime non seule­ment contre la tra­di­tion, mais contre les as­sises mêmes de l’autorité confu­cia­niste. Ji Kang s’en ren­dait compte, mais son es­prit ex­cen­trique et re­belle l’entraînait ir­ré­sis­ti­ble­ment vers la poé­sie, la mu­sique cé­leste, les ébats dans la na­ture, les pro­me­nades heu­reuses au cours des­quelles il se per­dait au point d’oublier le re­tour. La lé­gende se plaît à le re­pré­sen­ter va­ga­bon­dant dans le bos­quet de bam­bous de Sha­nyang où il réunis­sait ses amis, tous plus bi­zarres les uns que les autres, re­cher­chant des plantes dont il pré­pa­rait des drogues d’immortalité, et «se nour­ris­sant des va­peurs roses de l’aurore» («can xia» 5).

  1. Par­fois tra­duit «La Des­crip­tion poé­tique du “qin”», «Rhap­so­die sur la ci­thare», «“Fu” sur la ci­thare», «“Fou” du luth» ou «Éloge du luth». Haut
  2. En chi­nois «琴賦». Au­tre­fois trans­crit «K’in-fou». Haut
  3. En chi­nois 嵇康. Par­fois trans­crit Xi Kang, Ki Kang, Chi K’ang, Tsi K’ang, Hsi K’ang, Hi K’ang ou Si K’ang. Haut
  1. À Léo­nie Brainne, 10 ou 11.XII.1878; à Guy de Mau­pas­sant, 15.I.1879; à sa nièce Ca­ro­line, 28.II.1880. Haut
  2. En chi­nois 餐霞. L’une des ap­ti­tudes des im­mor­tels. Haut

Ji Kang, «Se délivrer des sentiments personnels»

dans « La Vie et la Pensée de Hi K’ang [ou Ji Kang] (223-262 apr. J.-C.) », éd. E. J. Brill, Leyde, p. 122-130

dans «La Vie et la Pen­sée de Hi K’ang [ou Ji Kang] (223-262 apr. J.-C.)», éd. E. J. Brill, Leyde, p. 122-130

Il s’agit de «Se dé­li­vrer des sen­ti­ments per­son­nels» 1Shisi lun» 2) de Ji Kang 3, vir­tuose de la ci­thare, fervent taoïste, poète at­ta­chant par ses opi­nions et ses ma­nières de voir au­tant que par son ta­lent, chef de file des «Sept Sages du bos­quet de bam­bous» (fa­meux cé­nacle dont je par­le­rai ailleurs). Fier, in­dé­pen­dant, Ji Kang était un homme de la haute so­ciété, époux d’une prin­cesse, mais al­liant un amour mys­tique, presque re­li­gieux, de la na­ture et un pro­fond dé­goût pour les règles et les idées re­çues. Il pro­cla­mait haut et fort, seize siècles avant Flau­bert dans sa «Cor­res­pon­dance» 4, que «les hon­neurs désho­norent; le titre dé­grade; la fonc­tion abru­tit». Dans sa «Lettre de rup­ture avec Shan Tao», il confiait que l’éducation li­ber­taire qu’il a re­çue dans son en­fance a fait de lui «un cerf sau­vage» qui de­vient comme fou à la vue des liens ri­gides que porte au cou tout fonc­tion­naire en poste : «Un cerf sau­vage se pliera à ce qu’on lui a in­cul­qué, pourvu qu’on l’ait cap­turé et pris en main en­core jeune. Mais qu’on lui passe la bride, une fois adulte, et il se dé­bat­tra comme un dé­ment, pour faire vo­ler ses liens, quitte à ruer dans les flammes ou l’eau bouillante». Ji Kang se ju­geait, en somme, to­ta­le­ment in­apte au ser­vice man­da­ri­nal. Aux yeux de ses contem­po­rains, pour un homme de sa classe et de sa condi­tion, c’était un vé­ri­table crime de ne pas être fonc­tion­naire — un crime non seule­ment contre la tra­di­tion, mais contre les as­sises mêmes de l’autorité confu­cia­niste. Ji Kang s’en ren­dait compte, mais son es­prit ex­cen­trique et re­belle l’entraînait ir­ré­sis­ti­ble­ment vers la poé­sie, la mu­sique cé­leste, les ébats dans la na­ture, les pro­me­nades heu­reuses au cours des­quelles il se per­dait au point d’oublier le re­tour. La lé­gende se plaît à le re­pré­sen­ter va­ga­bon­dant dans le bos­quet de bam­bous de Sha­nyang où il réunis­sait ses amis, tous plus bi­zarres les uns que les autres, re­cher­chant des plantes dont il pré­pa­rait des drogues d’immortalité, et «se nour­ris­sant des va­peurs roses de l’aurore» («can xia» 5).

  1. Par­fois tra­duit «Es­sai sur la dé­prise de l’ego», «Traité sur la dé­prise du moi» ou «Se dé­li­vrer du moi». Haut
  2. En chi­nois «釋私論». Au­tre­fois trans­crit «Shih-ssû-lun», «Shih-tzu-lun» ou «Che sseu louen». Haut
  3. En chi­nois 嵇康. Par­fois trans­crit Xi Kang, Ki Kang, Chi K’ang, Tsi K’ang, Hsi K’ang, Hi K’ang ou Si K’ang. Haut
  1. À Léo­nie Brainne, 10 ou 11.XII.1878; à Guy de Mau­pas­sant, 15.I.1879; à sa nièce Ca­ro­line, 28.II.1880. Haut
  2. En chi­nois 餐霞. L’une des ap­ti­tudes des im­mor­tels. Haut

«Réponse de Hsi K’ang [ou Ji Kang] à la réfutation par Hsiang Tseu-ts’i [ou Xiang Ziqi] de son essai sur l’art de nourrir le principe vital»

dans « Éloge de l’anarchie par deux excentriques chinois : polémiques du IIIᵉ siècle » (éd. de l’Encyclopédie des nuisances, Paris), p. 75-92

dans «Éloge de l’anarchie par deux ex­cen­triques chi­nois : po­lé­miques du IIIe siècle» (éd. de l’Encyclopédie des nui­sances, Pa­ris), p. 75-92

Il s’agit de la «Ré­ponse à la ré­fu­ta­tion (par Xiang Ziqi) de l’essai sur l’art de nour­rir le prin­cipe vi­tal» 1Da (Xiang Ziqi) nan yang­sheng lun» 2) de Ji Kang 3, vir­tuose de la ci­thare, fervent taoïste, poète at­ta­chant par ses opi­nions et ses ma­nières de voir au­tant que par son ta­lent, chef de file des «Sept Sages du bos­quet de bam­bous» (fa­meux cé­nacle dont je par­le­rai ailleurs). Fier, in­dé­pen­dant, Ji Kang était un homme de la haute so­ciété, époux d’une prin­cesse, mais al­liant un amour mys­tique, presque re­li­gieux, de la na­ture et un pro­fond dé­goût pour les règles et les idées re­çues. Il pro­cla­mait haut et fort, seize siècles avant Flau­bert dans sa «Cor­res­pon­dance» 4, que «les hon­neurs désho­norent; le titre dé­grade; la fonc­tion abru­tit». Dans sa «Lettre de rup­ture avec Shan Tao», il confiait que l’éducation li­ber­taire qu’il a re­çue dans son en­fance a fait de lui «un cerf sau­vage» qui de­vient comme fou à la vue des liens ri­gides que porte au cou tout fonc­tion­naire en poste : «Un cerf sau­vage se pliera à ce qu’on lui a in­cul­qué, pourvu qu’on l’ait cap­turé et pris en main en­core jeune. Mais qu’on lui passe la bride, une fois adulte, et il se dé­bat­tra comme un dé­ment, pour faire vo­ler ses liens, quitte à ruer dans les flammes ou l’eau bouillante». Ji Kang se ju­geait, en somme, to­ta­le­ment in­apte au ser­vice man­da­ri­nal. Aux yeux de ses contem­po­rains, pour un homme de sa classe et de sa condi­tion, c’était un vé­ri­table crime de ne pas être fonc­tion­naire — un crime non seule­ment contre la tra­di­tion, mais contre les as­sises mêmes de l’autorité confu­cia­niste. Ji Kang s’en ren­dait compte, mais son es­prit ex­cen­trique et re­belle l’entraînait ir­ré­sis­ti­ble­ment vers la poé­sie, la mu­sique cé­leste, les ébats dans la na­ture, les pro­me­nades heu­reuses au cours des­quelles il se per­dait au point d’oublier le re­tour. La lé­gende se plaît à le re­pré­sen­ter va­ga­bon­dant dans le bos­quet de bam­bous de Sha­nyang où il réunis­sait ses amis, tous plus bi­zarres les uns que les autres, re­cher­chant des plantes dont il pré­pa­rait des drogues d’immortalité, et «se nour­ris­sant des va­peurs roses de l’aurore» («can xia» 5).

  1. Par­fois tra­duit «Ré­ponse à la ré­fu­ta­tion du traité sur l’entretien du prin­cipe vi­tal», «Ré­ponse à la ré­fu­ta­tion du traité sur l’art de nour­rir sa vie», «Ré­ponse à la cri­tique de l’essai “Nour­rir la vie”» ou «Ré­ponse à la cri­tique du “Nour­rir la vie”». Haut
  2. En chi­nois «答(向子期)難養生論». Au­tre­fois trans­crit «Ta nan yang cheng louen». Haut
  3. En chi­nois 嵇康. Par­fois trans­crit Xi Kang, Ki Kang, Chi K’ang, Tsi K’ang, Hsi K’ang, Hi K’ang ou Si K’ang. Haut
  1. À Léo­nie Brainne, 10 ou 11.XII.1878; à Guy de Mau­pas­sant, 15.I.1879; à sa nièce Ca­ro­line, 28.II.1880. Haut
  2. En chi­nois 餐霞. L’une des ap­ti­tudes des im­mor­tels. Haut

Ji Kang, «Essai sur l’art de nourrir le principe vital»

dans « Éloge de l’anarchie par deux excentriques chinois : polémiques du IIIᵉ siècle » (éd. de l’Encyclopédie des nuisances, Paris), p. 65-70

dans «Éloge de l’anarchie par deux ex­cen­triques chi­nois : po­lé­miques du IIIe siècle» (éd. de l’Encyclopédie des nui­sances, Pa­ris), p. 65-70

Il s’agit de l’«Es­sai sur l’art de nour­rir le prin­cipe vi­tal» 1Yang­sheng lun» 2) de Ji Kang 3, vir­tuose de la ci­thare, fervent taoïste, poète at­ta­chant par ses opi­nions et ses ma­nières de voir au­tant que par son ta­lent, chef de file des «Sept Sages du bos­quet de bam­bous» (fa­meux cé­nacle dont je par­le­rai ailleurs). Fier, in­dé­pen­dant, Ji Kang était un homme de la haute so­ciété, époux d’une prin­cesse, mais al­liant un amour mys­tique, presque re­li­gieux, de la na­ture et un pro­fond dé­goût pour les règles et les idées re­çues. Il pro­cla­mait haut et fort, seize siècles avant Flau­bert dans sa «Cor­res­pon­dance» 4, que «les hon­neurs désho­norent; le titre dé­grade; la fonc­tion abru­tit». Dans sa «Lettre de rup­ture avec Shan Tao», il confiait que l’éducation li­ber­taire qu’il a re­çue dans son en­fance a fait de lui «un cerf sau­vage» qui de­vient comme fou à la vue des liens ri­gides que porte au cou tout fonc­tion­naire en poste : «Un cerf sau­vage se pliera à ce qu’on lui a in­cul­qué, pourvu qu’on l’ait cap­turé et pris en main en­core jeune. Mais qu’on lui passe la bride, une fois adulte, et il se dé­bat­tra comme un dé­ment, pour faire vo­ler ses liens, quitte à ruer dans les flammes ou l’eau bouillante». Ji Kang se ju­geait, en somme, to­ta­le­ment in­apte au ser­vice man­da­ri­nal. Aux yeux de ses contem­po­rains, pour un homme de sa classe et de sa condi­tion, c’était un vé­ri­table crime de ne pas être fonc­tion­naire — un crime non seule­ment contre la tra­di­tion, mais contre les as­sises mêmes de l’autorité confu­cia­niste. Ji Kang s’en ren­dait compte, mais son es­prit ex­cen­trique et re­belle l’entraînait ir­ré­sis­ti­ble­ment vers la poé­sie, la mu­sique cé­leste, les ébats dans la na­ture, les pro­me­nades heu­reuses au cours des­quelles il se per­dait au point d’oublier le re­tour. La lé­gende se plaît à le re­pré­sen­ter va­ga­bon­dant dans le bos­quet de bam­bous de Sha­nyang où il réunis­sait ses amis, tous plus bi­zarres les uns que les autres, re­cher­chant des plantes dont il pré­pa­rait des drogues d’immortalité, et «se nour­ris­sant des va­peurs roses de l’aurore» («can xia» 5).

  1. Par­fois tra­duit «Traité sur l’entretien du prin­cipe vi­tal», «Traité sur l’art de nour­rir sa vie», «Nour­rir la vie» ou «Nour­rir le prin­cipe vi­tal». Haut
  2. En chi­nois «養生論». Au­tre­fois trans­crit «Yang cheng louen». Haut
  3. En chi­nois 嵇康. Par­fois trans­crit Xi Kang, Ki Kang, Chi K’ang, Tsi K’ang, Hsi K’ang, Hi K’ang ou Si K’ang. Haut
  1. À Léo­nie Brainne, 10 ou 11.XII.1878; à Guy de Mau­pas­sant, 15.I.1879; à sa nièce Ca­ro­line, 28.II.1880. Haut
  2. En chi­nois 餐霞. L’une des ap­ti­tudes des im­mor­tels. Haut

Ji Kang, «Réfutation de l’essai sur le caractère inné du goût pour l’étude»

dans « Éloge de l’anarchie par deux excentriques chinois : polémiques du IIIᵉ siècle » (éd. de l’Encyclopédie des nuisances, Paris), p. 59-62

dans «Éloge de l’anarchie par deux ex­cen­triques chi­nois : po­lé­miques du IIIe siècle» (éd. de l’Encyclopédie des nui­sances, Pa­ris), p. 59-62

Il s’agit de la «Ré­fu­ta­tion de l’essai sur le ca­rac­tère inné du goût pour l’étude» 1Nan zi­ran haoxue lun» 2) de Ji Kang 3, vir­tuose de la ci­thare, fervent taoïste, poète at­ta­chant par ses opi­nions et ses ma­nières de voir au­tant que par son ta­lent, chef de file des «Sept Sages du bos­quet de bam­bous» (fa­meux cé­nacle dont je par­le­rai ailleurs). Fier, in­dé­pen­dant, Ji Kang était un homme de la haute so­ciété, époux d’une prin­cesse, mais al­liant un amour mys­tique, presque re­li­gieux, de la na­ture et un pro­fond dé­goût pour les règles et les idées re­çues. Il pro­cla­mait haut et fort, seize siècles avant Flau­bert dans sa «Cor­res­pon­dance» 4, que «les hon­neurs désho­norent; le titre dé­grade; la fonc­tion abru­tit». Dans sa «Lettre de rup­ture avec Shan Tao», il confiait que l’éducation li­ber­taire qu’il a re­çue dans son en­fance a fait de lui «un cerf sau­vage» qui de­vient comme fou à la vue des liens ri­gides que porte au cou tout fonc­tion­naire en poste : «Un cerf sau­vage se pliera à ce qu’on lui a in­cul­qué, pourvu qu’on l’ait cap­turé et pris en main en­core jeune. Mais qu’on lui passe la bride, une fois adulte, et il se dé­bat­tra comme un dé­ment, pour faire vo­ler ses liens, quitte à ruer dans les flammes ou l’eau bouillante». Ji Kang se ju­geait, en somme, to­ta­le­ment in­apte au ser­vice man­da­ri­nal. Aux yeux de ses contem­po­rains, pour un homme de sa classe et de sa condi­tion, c’était un vé­ri­table crime de ne pas être fonc­tion­naire — un crime non seule­ment contre la tra­di­tion, mais contre les as­sises mêmes de l’autorité confu­cia­niste. Ji Kang s’en ren­dait compte, mais son es­prit ex­cen­trique et re­belle l’entraînait ir­ré­sis­ti­ble­ment vers la poé­sie, la mu­sique cé­leste, les ébats dans la na­ture, les pro­me­nades heu­reuses au cours des­quelles il se per­dait au point d’oublier le re­tour. La lé­gende se plaît à le re­pré­sen­ter va­ga­bon­dant dans le bos­quet de bam­bous de Sha­nyang où il réunis­sait ses amis, tous plus bi­zarres les uns que les autres, re­cher­chant des plantes dont il pré­pa­rait des drogues d’immortalité, et «se nour­ris­sant des va­peurs roses de l’aurore» («can xia» 5).

  1. Par­fois tra­duit «Ré­fu­ta­tion du traité sur le goût spon­tané pour l’étude», «Cri­tique de l’essai sur l’amour na­tu­rel de l’étude», «Cri­tique de l’essai “Ai­mer les études est na­tu­rel”» ou «Cri­tique de l’essai “Il est na­tu­rel d’aimer les études”». Haut
  2. En chi­nois «難自然好學論». Au­tre­fois trans­crit «Nan tzu-jan hao hsüeh lun» ou «Nan tseu-jan hao hio louen». Haut
  3. En chi­nois 嵇康. Par­fois trans­crit Xi Kang, Ki Kang, Chi K’ang, Tsi K’ang, Hsi K’ang, Hi K’ang ou Si K’ang. Haut
  1. À Léo­nie Brainne, 10 ou 11.XII.1878; à Guy de Mau­pas­sant, 15.I.1879; à sa nièce Ca­ro­line, 28.II.1880. Haut
  2. En chi­nois 餐霞. L’une des ap­ti­tudes des im­mor­tels. Haut

«Une Voix pour l’évasion : Tsi K’ang [ou Ji Kang] et sa lettre de rupture»

éd. Fata Morgana, coll. Les Immémoriaux, Saint-Clément-de-Rivière

éd. Fata Mor­gana, coll. Les Im­mé­mo­riaux, Saint-Clé­ment-de-Ri­vière

Il s’agit de la «Lettre de rup­ture avec Shan Juyuan [ou Shan Tao]» 1Yu Shan Juyuan [Tao] jue­jiao shu» 2) de Ji Kang 3, vir­tuose de la ci­thare, fervent taoïste, poète at­ta­chant par ses opi­nions et ses ma­nières de voir au­tant que par son ta­lent, chef de file des «Sept Sages du bos­quet de bam­bous» (fa­meux cé­nacle dont je par­le­rai ailleurs). Fier, in­dé­pen­dant, Ji Kang était un homme de la haute so­ciété, époux d’une prin­cesse, mais al­liant un amour mys­tique, presque re­li­gieux, de la na­ture et un pro­fond dé­goût pour les règles et les idées re­çues. Il pro­cla­mait haut et fort, seize siècles avant Flau­bert dans sa «Cor­res­pon­dance» 4, que «les hon­neurs désho­norent; le titre dé­grade; la fonc­tion abru­tit». Dans sa «Lettre de rup­ture avec Shan Tao», il confiait que l’éducation li­ber­taire qu’il a re­çue dans son en­fance a fait de lui «un cerf sau­vage» qui de­vient comme fou à la vue des liens ri­gides que porte au cou tout fonc­tion­naire en poste : «Un cerf sau­vage se pliera à ce qu’on lui a in­cul­qué, pourvu qu’on l’ait cap­turé et pris en main en­core jeune. Mais qu’on lui passe la bride, une fois adulte, et il se dé­bat­tra comme un dé­ment, pour faire vo­ler ses liens, quitte à ruer dans les flammes ou l’eau bouillante». Ji Kang se ju­geait, en somme, to­ta­le­ment in­apte au ser­vice man­da­ri­nal. Aux yeux de ses contem­po­rains, pour un homme de sa classe et de sa condi­tion, c’était un vé­ri­table crime de ne pas être fonc­tion­naire — un crime non seule­ment contre la tra­di­tion, mais contre les as­sises mêmes de l’autorité confu­cia­niste. Ji Kang s’en ren­dait compte, mais son es­prit ex­cen­trique et re­belle l’entraînait ir­ré­sis­ti­ble­ment vers la poé­sie, la mu­sique cé­leste, les ébats dans la na­ture, les pro­me­nades heu­reuses au cours des­quelles il se per­dait au point d’oublier le re­tour. La lé­gende se plaît à le re­pré­sen­ter va­ga­bon­dant dans le bos­quet de bam­bous de Sha­nyang où il réunis­sait ses amis, tous plus bi­zarres les uns que les autres, re­cher­chant des plantes dont il pré­pa­rait des drogues d’immortalité, et «se nour­ris­sant des va­peurs roses de l’aurore» («can xia» 5).

  1. Par­fois tra­duit «Lettre de rup­ture avec Chan Kiu-yuan [ou Chan T’ao]» ou «Lettre de re­fus à Shan Juyuan [ou Shan Tao]». Haut
  2. En chi­nois «與山巨源[濤]絕交書». Au­tre­fois trans­crit «Yü Shan Chü-yüan [T’ao] chüeh-chiao shu». Haut
  3. En chi­nois 嵇康. Par­fois trans­crit Xi Kang, Ki Kang, Chi K’ang, Tsi K’ang, Hsi K’ang, Hi K’ang ou Si K’ang. Haut
  1. À Léo­nie Brainne, 10 ou 11.XII.1878; à Guy de Mau­pas­sant, 15.I.1879; à sa nièce Ca­ro­line, 28.II.1880. Haut
  2. En chi­nois 餐霞. L’une des ap­ti­tudes des im­mor­tels. Haut

«La Poésie de Ji Kang»

dans « Journal asiatique », vol. 248, p. 107-177 & 323-378

dans «Jour­nal asia­tique», vol. 248, p. 107-177 & 323-378

Il s’agit d’«An­goisse au ca­chot» 1You­fen shi» 2) et autres poèmes de Ji Kang 3, vir­tuose de la ci­thare, fervent taoïste, poète at­ta­chant par ses opi­nions et ses ma­nières de voir au­tant que par son ta­lent, chef de file des «Sept Sages du bos­quet de bam­bous» (fa­meux cé­nacle dont je par­le­rai ailleurs). Fier, in­dé­pen­dant, Ji Kang était un homme de la haute so­ciété, époux d’une prin­cesse, mais al­liant un amour mys­tique, presque re­li­gieux, de la na­ture et un pro­fond dé­goût pour les règles et les idées re­çues. Il pro­cla­mait haut et fort, seize siècles avant Flau­bert dans sa «Cor­res­pon­dance» 4, que «les hon­neurs désho­norent; le titre dé­grade; la fonc­tion abru­tit». Dans sa «Lettre de rup­ture avec Shan Tao», il confiait que l’éducation li­ber­taire qu’il a re­çue dans son en­fance a fait de lui «un cerf sau­vage» qui de­vient comme fou à la vue des liens ri­gides que porte au cou tout fonc­tion­naire en poste : «Un cerf sau­vage se pliera à ce qu’on lui a in­cul­qué, pourvu qu’on l’ait cap­turé et pris en main en­core jeune. Mais qu’on lui passe la bride, une fois adulte, et il se dé­bat­tra comme un dé­ment, pour faire vo­ler ses liens, quitte à ruer dans les flammes ou l’eau bouillante». Ji Kang se ju­geait, en somme, to­ta­le­ment in­apte au ser­vice man­da­ri­nal. Aux yeux de ses contem­po­rains, pour un homme de sa classe et de sa condi­tion, c’était un vé­ri­table crime de ne pas être fonc­tion­naire — un crime non seule­ment contre la tra­di­tion, mais contre les as­sises mêmes de l’autorité confu­cia­niste. Ji Kang s’en ren­dait compte, mais son es­prit ex­cen­trique et re­belle l’entraînait ir­ré­sis­ti­ble­ment vers la poé­sie, la mu­sique cé­leste, les ébats dans la na­ture, les pro­me­nades heu­reuses au cours des­quelles il se per­dait au point d’oublier le re­tour. La lé­gende se plaît à le re­pré­sen­ter va­ga­bon­dant dans le bos­quet de bam­bous de Sha­nyang où il réunis­sait ses amis, tous plus bi­zarres les uns que les autres, re­cher­chant des plantes dont il pré­pa­rait des drogues d’immortalité, et «se nour­ris­sant des va­peurs roses de l’aurore» («can xia» 5).

  1. Par­fois tra­duit «Rage de mon ca­chot», «Rage en mon ca­chot», «Rage au ca­chot», «Rage d’un pri­son­nier», «Tris­tesse obs­cure», «Ran­cœur se­crète» ou «Noire Exas­pé­ra­tion». Haut
  2. En chi­nois «幽憤詩». Au­tre­fois trans­crit «Yu-fên-shih» ou «Yeou-fen che». Haut
  3. En chi­nois 嵇康. Par­fois trans­crit Xi Kang, Ki Kang, Chi K’ang, Tsi K’ang, Hsi K’ang, Hi K’ang ou Si K’ang. Haut
  1. À Léo­nie Brainne, 10 ou 11.XII.1878; à Guy de Mau­pas­sant, 15.I.1879; à sa nièce Ca­ro­line, 28.II.1880. Haut
  2. En chi­nois 餐霞. L’une des ap­ti­tudes des im­mor­tels. Haut

«Visite chez Lu You, poète chinois du XIIe siècle»

dans « Une Robe de papier pour Xue Tao : choix de textes inédits de littérature chinoise » (éd. Espaces & Signes, Paris), p. 9-13

dans «Une Robe de pa­pier pour Xue Tao : choix de textes in­édits de lit­té­ra­ture chi­noise» (éd. Es­paces & Signes, Pa­ris), p. 9-13

Il s’agit de Lu You 1, un des poètes chi­nois les plus fé­conds (XIIe siècle apr. J.-C.). La quan­tité in­nom­brable des com­po­si­tions poé­tiques de Lu You (dix mille de conser­vées, un nombre égal de per­dues) ne manque pas d’étonner, et le si­no­logue est comme sur­pris et ef­frayé quand il voit se dé­ployer de­vant lui le vaste champ de ces poé­sies, ne sa­chant trop quelles li­mites im­po­ser à son étude; et sur­tout, hé­si­tant à faire un choix. Si, dans ce des­sein, il se fie au goût des au­toch­tones, c’est-à-dire s’il aborde seule­ment les poé­sies re­gar­dées comme su­blimes par les Chi­nois, il fera fausse route. Trop sou­vent, celles-ci ne sont ap­pré­ciées que pour leurs thèmes pa­trio­tiques et leur es­prit de ré­sis­tance, qui ser­vi­ront de mo­dèles aux «Poé­sies com­plètes» d’un Mao Tsé-toung. En vé­rité, Lu You fut un poète d’une ins­pi­ra­tion ex­trê­me­ment va­riée. Les fleurs qu’il cueillit furent des plus di­verses. Il prit son bien là où il le trouva; et les pro­cla­ma­tions pa­trio­tiques de ses dé­buts ont ten­dance à s’éclipser, sur­tout vers la fin de sa vie, de­vant un éloge des pay­sages cam­pa­gnards ou le dé­ta­che­ment d’un sage ni­ché au fond des mon­tagnes et fo­rêts : «Son œuvre pro­li­fique tisse la chro­nique de son quo­ti­dien, avec… un pen­chant inné pour la na­ture et les joies de la vie cam­pa­gnarde qui le rap­proche de Tao Yuan ming. Sa phi­lo­so­phie de la vie, ins­pi­rée par le dé­ta­che­ment taoïste, trans­pa­raît dans “Adresse à mes vi­si­teurs” : “À l’ombre des mû­riers les sen­teurs de cent herbes / À midi le vent frais le bruit des dé­vi­doirs à soie / Vi­si­teurs, tai­sez-vous sur les af­faires du monde / Et par­ta­gez plu­tôt avec monts et fo­rêts la longue jour­née d’été”», ex­plique M. Guil­hem Fabre 2. Lu You ap­pe­lait son ate­lier «le nid aux livres» («shu chao» 3). Il n’y re­ce­vait pas d’invités et n’y ac­cueillait pas son épouse ni ses en­fants. Per­chés sur les éta­gères, ali­gnés par de­vant, cou­chés pêle-mêle sur son lit, où qu’on por­tât le re­gard, on y voyait des livres. Qu’il man­geât, bût, se le­vât ou s’assît; qu’il souf­frît ou gé­mît; qu’il fût triste ou se mît en co­lère, ce n’était ja­mais sans un livre. Si d’aventure il son­geait à sor­tir, le désordre in­ex­tri­cable des livres l’enserrait comme des branches en­tre­mê­lées, et il ne pou­vait avan­cer. Alors, il di­sait en riant : «N’est-ce pas là ce que j’appelle mon “nid”?» 4

  1. En chi­nois 陸游. Au­tre­fois trans­crit Lou Yeou, Lu Yiu ou Lu Yu. À ne pas confondre avec Lu Yu, l’auteur du «Clas­sique du thé», qui vé­cut quatre siècles plus tôt. Haut
  2. «Ins­tants éter­nels : cent et quelques poèmes connus par cœur en Chine» (éd. La Dif­fé­rence, Pa­ris), p. 261. Haut
  1. En chi­nois 書巢. Haut
  2. «Vi­site chez Lu You, poète chi­nois du XIIe siècle», p. 11. Haut

Tu Fu, «Œuvre poétique. Tome III. Au bout du monde (759)»

éd. Les Belles Lettres, coll. Bibliothèque chinoise, Paris

éd. Les Belles Lettres, coll. Bi­blio­thèque chi­noise, Pa­ris

Il s’agit de l’«Œuvre poé­tique» de Tu Fu 1 qui se dé­fi­nit par la so­briété des sen­ti­ments et l’exact réa­lisme des ta­bleaux. Sans se per­mettre des com­men­taires trop per­son­nels, s’effaçant, dis­pa­rais­sant en tant qu’auteur de­vant ses poé­sies qui parlent d’elles-mêmes, Tu Fu peint les scènes fa­mi­lières de la vie cou­rante, les mi­sères du pe­tit peuple en proie à la guerre, à la fa­mine et aux in­jus­tices. Son «Œuvre poé­tique» adopte un ton égal et ap­pa­rem­ment im­pas­sible, mais qu’un dé­tail vient tout à coup rendre vi­vant, voire poi­gnant, grâce au choix de deux ou trois mots («der­rière les portes de laque rouge, viandes et vins em­pestent; sur les che­mins, les af­fa­més laissent leurs os ge­lés») aux­quels l’auteur sait don­ner leur va­leur en­tière, et qu’on di­rait écrits pour l’éternité. Tu Fu est, à ce titre, le plus clas­sique des poètes chi­nois, même s’il y en a d’autres dont le gé­nie est su­pé­rieur au sien 2. «Le trait prin­ci­pal de son ta­lent, ce­lui qui do­mine l’œuvre et vient le pre­mier à l’esprit cher­chant une im­pres­sion gé­né­rale, c’est le ca­rac­tère conscient et comme ré­flé­chi de ses œuvres. Tu Fu est un ar­tiste tou­jours sûr et conscient de ses moyens, sa­chant tou­jours par­fai­te­ment le but au­quel il tend. Il n’a guère d’élans im­pré­vus, de di­gres­sions dues à des émo­tions spon­ta­né­ment écloses; il règle ses œuvres et leur ef­fet avec la per­fec­tion d’un mé­ca­nisme in­faillible, ne lais­sant rien au ha­sard, n’omettant rien d’essentiel, n’ajoutant rien de su­per­flu… Mais ce sont là, pré­ci­sé­ment, les traits es­sen­tiels des prin­cipes de l’école clas­sique, les qua­li­tés idéales aux­quelles tend… la men­ta­lité ar­tis­tique des Tang 3, pé­riode du clas­si­cisme chi­nois», dit M. Georges Mar­gou­liès.

  1. En chi­nois 杜甫. Par­fois trans­crit Du Fu, Dou-fou, Thou-fou, Thu Fu ou Tou Fou. Haut
  2. Li Po et Bai Juyi. Haut
  1. De l’an 618 à l’an 907. Haut

Yang Wan-li, «Le Son de la pluie : poèmes»

éd. Moundarren, Millemont

éd. Moun­dar­ren, Mil­le­mont

Il s’agit de Yang Wan-li 1, le plus grand poète des Song du Sud et un des pre­miers en Chine à avoir sou­tenu que «[l’écrivain] ne re­cherche pas le poème, c’est le poème qui re­cherche l’écrivain» 2. Il na­quit en 1127. Tout juste un an au­pa­ra­vant, les hordes no­mades des Jürčen 3 s’étaient mises en mou­ve­ment. Et après avoir, déjà de­puis un siècle, constam­ment in­quiété les fron­tières chi­noises, elles avaient en­vahi la moi­tié du pays, mis à sac sa ca­pi­tale et ins­tallé un nou­vel Em­pire au Nord, re­fou­lant les Song au Sud. Cette ca­la­mité que les Song n’avaient pas su évi­ter, mal­gré les conseils et les ad­mo­nes­ta­tions ré­pé­tées des let­trés, montre bien la dé­ca­dence de cette dy­nas­tie qui aima mieux ache­ter aux en­va­his­seurs une paix hon­teuse, que d’interrompre le cours de ses vo­lup­tés. C’est au mi­lieu de ces évé­ne­ments graves que Yang Wan-li ac­céda à vingt-huit ans au titre de «doc­teur» ou «let­tré ac­com­pli» («jin­shi» 4), le plus élevé dans le sys­tème d’examen. Le pre­mier poste qu’il oc­cupa à son en­trée dans le man­da­ri­nat fut ce­lui d’administrateur des fi­nances de la pré­fec­ture de Ganz­hou. Et en 1159, il fut nommé pré­fet du Lin­gling, dans le Hu­nan. Là-bas, il es­saya par trois fois d’être ad­mis en au­dience au­près du grand homme d’État Zhang Jun 5, qui y avait été in­jus­te­ment exilé pour s’être rangé du côté des fac­tions pa­trio­tiques, dé­si­reuses de re­con­qué­rir par les armes les ter­ri­toires per­dus au Nord. L’audience lui fut, en­fin, ac­cor­dée : «Cultive l’impartialité et la sin­cé­rité», conseilla Zhang Jun au jeune Yang Wan-li, qui en fut si for­te­ment mar­qué, qu’il prit plus tard le pseu­do­nyme de Cheng Zhai 6le Stu­dio de la Sin­cé­rité»). Mal­gré toute sa sin­cé­rité, ou jus­te­ment à cause d’elle, Yang Wan-li ne s’éleva ja­mais aussi haut qu’il l’aurait mé­rité au sein du gou­ver­ne­ment. Par contre, la dé­ca­dence ayant pour ef­fet pa­ra­doxal de dé­cu­pler le raf­fi­ne­ment ar­tis­tique, le côté émo­tion­nel chez quelques âmes iso­lées, c’est alors que notre man­da­rin fit l’expérience d’une illu­mi­na­tion su­bite, un Éveil d’une in­ten­sité rare, qui lui fit quit­ter sa car­rière «comme une chaus­sure trouée» pour celle de la poé­sie. Je le laisse tout ra­con­ter : «Le jour du Nou­vel An de l’année 1178… ayant peu d’affaires of­fi­cielles à ré­gler, je me mets à com­po­ser des poèmes. Sou­dain, j’ai comme une illu­mi­na­tion… et me sens tout à coup li­béré. Je de­mande à mon fils de prendre un pin­ceau et lui dicte plu­sieurs poèmes… Dix mille choses se pré­sentent comme ma­tière à un poème. Si j’essaie de les écar­ter, elles re­fusent de par­tir. À peine ai-je le temps de tra­duire la pre­mière, que déjà les autres suivent».

  1. En chi­nois 楊萬里. Haut
  2. Poème «Froid tar­dif, com­posé de­vant les nar­cisses sur le lac de mon­tagne». Haut
  3. Les ac­tuels Mand­chous. Haut
  1. En chi­nois 進士. Par­fois trans­crit «chin shih». Haut
  2. En chi­nois 張浚. Par­fois trans­crit Chang Chun. Haut
  3. En chi­nois 誠齋. Par­fois trans­crit Cheng Chai. Haut

«L’Extase du thé : poèmes»

éd. Moundarren, Millemont

éd. Moun­dar­ren, Mil­le­mont

Il s’agit de poèmes clas­siques chi­nois sur le thé. C’est Li Po, au VIIIe siècle apr. J.-C., qui com­posa ce que l’on consi­dère comme le pre­mier poème sur le thé pour re­mer­cier son ne­veu, le moine Chung fu, qui lui avait of­fert du thé de la mon­tagne de la Source de jade. Le poète avait en­tendu par­ler de cette mon­tagne qui re­gor­geait de grottes. À l’extérieur, au mi­lieu des ro­chers, pous­saient des théiers. La Source de jade en as­per­geait les ra­cines et les branches de gouttes par­fu­mées. Seul un vieil homme ve­nait cueillir leurs feuilles qui, quand on les bu­vait, to­ni­fiaient chair et os : il les sé­chait au so­leil et les fa­çon­nait en briques 1. À l’âge de quatre-vingts ans pas­sés, son teint gar­dait la cou­leur des pêches et des prunes. Alors que Li Po voya­geait dans le Ching ling, le moine Chung fu, son ne­veu comme je l’ai dit plus haut, lui avait of­fert des di­zaines de ces briques dont la forme res­sem­blait à une main hu­maine. On ap­pe­lait ce thé «la main d’immortel». Un ma­tin, as­sis, res­sen­tant en­core les bien­faits de la bois­son, Li Po com­posa des vers su­perbes et une pré­face pour en faire l’éloge. C’est éga­le­ment au VIIIe siècle que na­quit Lu Tung 2, sur­nommé le «fou du thé». «Du ma­tin au soir», ex­plique M. Paul Bu­tel 3, «le maître [Lu Tung] ne fai­sait rien d’autre que de ré­ci­ter des poèmes et de pré­pa­rer la bois­son dont il raf­fo­lait avec tant de pas­sion que quelques-uns de ses contem­po­rains le crurent fou. N’écrit-il pas “je ne m’intéresse nul­le­ment à l’immortalité, mais seule­ment au goût du thé”?». Au­tant Lu Yu est cé­lèbre en prose pour son «Clas­sique du thé»; au­tant Lu Tung l’est en poé­sie pour son chant des «Sept tasses de thé» 4, qui dé­crit re­mar­qua­ble­ment le plai­sir ap­porté par les tasses suc­ces­sives de thé, de­puis la pre­mière qui «hu­mecte lèvres et go­sier» jusqu’à la sep­tième qui pro­voque «un vent frais sous [les] ais­selles», c’est-à-dire une ex­tase qua­si­ment re­li­gieuse. Plus qu’une idéa­li­sa­tion de la ma­nière de boire, le thé re­pré­sente chez lui une mys­tique de l’art de la vie, comme on le voit à son exis­tence re­cluse, sub­tile, loin d’une car­rière dans le fonc­tion­na­riat. Son théisme est un taoïsme dé­guisé.

  1. Le thé était ja­dis conservé sous forme de briques com­pres­sées, aussi dures qu’une pierre, comme il s’en vend en­core dans les pro­vinces orien­tales de la Rus­sie. Haut
  2. En chi­nois 盧仝. Par­fois trans­crit Lo­tung ou Lu Tong. Haut
  1. «His­toire du thé», p. 22. Haut
  2. En chi­nois «七碗茶». Par­fois tra­duit «Sept bols de thé». Ce chant n’est, en réa­lité, que la par­tie cen­trale d’un long poème in­ti­tulé «Zoubi Meng jia­nyi ji xin­cha» («走筆謝孟諫議寄新茶»), c’est-à-dire «Re­mer­cie­ments em­pres­sés adres­sés au cen­seur im­pé­rial Meng pour son ca­deau de thé fraî­che­ment coupé». Haut

Tu Fu, «Œuvre poétique. Tome II. La Guerre civile (755-759)»

éd. Les Belles Lettres, coll. Bibliothèque chinoise, Paris

éd. Les Belles Lettres, coll. Bi­blio­thèque chi­noise, Pa­ris

Il s’agit de l’«Œuvre poé­tique» de Tu Fu 1 qui se dé­fi­nit par la so­briété des sen­ti­ments et l’exact réa­lisme des ta­bleaux. Sans se per­mettre des com­men­taires trop per­son­nels, s’effaçant, dis­pa­rais­sant en tant qu’auteur de­vant ses poé­sies qui parlent d’elles-mêmes, Tu Fu peint les scènes fa­mi­lières de la vie cou­rante, les mi­sères du pe­tit peuple en proie à la guerre, à la fa­mine et aux in­jus­tices. Son «Œuvre poé­tique» adopte un ton égal et ap­pa­rem­ment im­pas­sible, mais qu’un dé­tail vient tout à coup rendre vi­vant, voire poi­gnant, grâce au choix de deux ou trois mots («der­rière les portes de laque rouge, viandes et vins em­pestent; sur les che­mins, les af­fa­més laissent leurs os ge­lés») aux­quels l’auteur sait don­ner leur va­leur en­tière, et qu’on di­rait écrits pour l’éternité. Tu Fu est, à ce titre, le plus clas­sique des poètes chi­nois, même s’il y en a d’autres dont le gé­nie est su­pé­rieur au sien 2. «Le trait prin­ci­pal de son ta­lent, ce­lui qui do­mine l’œuvre et vient le pre­mier à l’esprit cher­chant une im­pres­sion gé­né­rale, c’est le ca­rac­tère conscient et comme ré­flé­chi de ses œuvres. Tu Fu est un ar­tiste tou­jours sûr et conscient de ses moyens, sa­chant tou­jours par­fai­te­ment le but au­quel il tend. Il n’a guère d’élans im­pré­vus, de di­gres­sions dues à des émo­tions spon­ta­né­ment écloses; il règle ses œuvres et leur ef­fet avec la per­fec­tion d’un mé­ca­nisme in­faillible, ne lais­sant rien au ha­sard, n’omettant rien d’essentiel, n’ajoutant rien de su­per­flu… Mais ce sont là, pré­ci­sé­ment, les traits es­sen­tiels des prin­cipes de l’école clas­sique, les qua­li­tés idéales aux­quelles tend… la men­ta­lité ar­tis­tique des Tang 3, pé­riode du clas­si­cisme chi­nois», dit M. Georges Mar­gou­liès.

  1. En chi­nois 杜甫. Par­fois trans­crit Du Fu, Dou-fou, Thou-fou, Thu Fu ou Tou Fou. Haut
  2. Li Po et Bai Juyi. Haut
  1. De l’an 618 à l’an 907. Haut