Il s’agit des poèmes de Tao Yuan ming 1, lettré chinois, grand chantre de la vie rustique (IVe-Ve siècle apr. J.-C.). Issu d’une illustre lignée tombée dans l’obscurité et le besoin, il rêvait d’une vie simple, mais qui lui appartînt réellement, une vie consacrée à ses poèmes et à son jardin de chrysanthèmes : « Cueillant des chrysanthèmes à la haie de l’Est, le cœur libre, j’aperçois la montagne du Sud. Dans tout cela réside une signification profonde. Sur le point de l’exprimer, j’ai déjà oublié les mots », dit-il dans un passage remarquable. Sa famille était pauvre : labourer et cultiver ne suffisait pas à la nourrir. La maison était pleine de jeunes enfants, mais la jarre — vide de grains. Ses amis le pressaient de prendre quelque poste lointain et finirent par l’en persuader. Tao Yuan ming avait à peine pris ses fonctions que, nostalgique, il avait déjà envie de s’en retourner. Pourquoi ? Sa nature était spontanée ; elle refusait de se plier pour être contenue. Languissant, bouleversé, il eut profondément honte de trahir le principe de sa vie — celui de ne pas se mêler aux obligations du monde. Il décida d’attendre la fin de l’année pour aussitôt emballer ses vêtements et partir la nuit, tel un oiseau échappé de sa cage :
« Les champs et le jardin doivent déjà être envahis par les herbes,
Pourquoi ne m’en suis-je pas retourné plus tôt ?…
Aujourd’hui j’ai raison, hier j’avais tort…
J’interroge des passants pour trouver le bon chemin
À l’aube, je regrette que la lumière soit à peine claire
Dès que j’aperçois mon humble hutte,
Joyeux, aussitôt je me mets à courir
Le jeune serviteur vient m’accueillir,
Mes jeunes enfants attendent à la porte…
Tenant la main des enfants j’entre dans la maison
Il y a un pot rempli de vin
Je prends le pot, me sers et bois seul
À contempler les arbres dans la cour 2 se réjouit mon visage ».
- En chinois 陶淵明. Autrefois transcrit T’ao Yuen-ming ou T’au Yüan-ming. Également connu sous le nom de Tao Qian (陶潛). Autrefois transcrit T’ao Ts’ien, T’au Ts’ien ou T’ao Ch’ien.
- Tao Yuan ming avait planté une allée de cinq saules à côté de sa maison. C’était là, si l’on veut, son lycée ; il s’y promenait. De là lui est venu son nom de pinceau de « Wuliu Xiansheng » (五柳先生), c’est-à-dire « Monsieur Cinq-saules ». Parfois traduit « Sieur aux Cinq Saules », « le Docteur des Cinq Saules », « l’Homme aux Cinq Saules », « le Maître des Cinq Saules » ou « Lettré aux Cinq Saules ».