« Commentaire sur la “Loi des douze tables”. Tome I »

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit des « des douze tables» («Leges duo­de­cim ta­bu­la­rum»), un des les plus cu­rieux du (Ve siècle av. J.-C.). Les Ro­mains furent na­tu­rel­le­ment des lé­gis­la­teurs. Leur , leur souci de la règle, les par­ti­cu­la­ri­tés de leur in­té­rieure les pous­sèrent à ce rôle qu’ils rem­plirent ad­mi­ra­ble­ment. Les «Lois des douze tables» furent chez eux leurs pre­mières lois. On les connaît aussi sous le nom de «Lois dé­cem­vi­rales» («Leges de­cem­vi­rales»), parce que la com­pi­la­tion en avait été faite par les soins et l’autorité de dix ma­gis­trats ap­pe­lés «dé­cem­virs». Voici com­ment cela ar­riva. Il se trouva à un cer­tain Her­mo­dore d’Éphèse 1, ami d’Hé­ra­clite. Il per­suada les Ro­mains de tra­duire les lois de et de les adap­ter à l’usage de la . Pour cela, le ro­main créa les «dé­cem­virs»; et un an après être en­trés en fonc­tion, ils firent gra­ver les­dites lois sur dix tables, qu’on ex­posa dans le Fo­rum. L’année sui­vante, comme il y man­quait quelque chose pour une ache­vée, de nou­veaux «dé­cem­virs» en firent deux autres qui, ajou­tées aux dix pre­mières, for­mèrent la des «Lois des douze tables». Telle fut l’origine de ce mo­nu­ment pri­mi­tif du ; de ces lois fon­da­men­tales nom­mées, par ex­cel­lence, la «Loi» («Lex»); de cette «le­çon in­dis­pen­sable» («car­men ne­ces­sa­rium» 2) qu’on fai­sait ap­prendre par cœur aux , et dans la­quelle plu­sieurs au­teurs sé­rieux — Tite-Live, Ci­cé­ron, De­nys d’Halicarnasse, Dio­dore de Si­cile — crurent voir un chef-d’œuvre.

un des mo­nu­ments les plus cu­rieux du droit ro­main

Ne tom­bons pas dans l’erreur de pen­ser que l’étude des «Lois des douze tables» en par­ti­cu­lier, et de la ju­ris­pru­dence en gé­né­ral, doit être re­lé­guée dans les ou­bliettes des écoles de droit. Tous les ama­teurs de la Rome an­tique, tous ceux qui cultivent les lettres ou la , peuvent y re­trou­ver le vieux des Ro­mains. , parce que la plu­part des mots de ce lan­gage ont reçu, de­puis, une ac­cep­tion dif­fé­rente; que néan­moins les les em­ploient sou­vent dans leur si­gni­fi­ca­tion pri­mi­tive, la connais­sance des mots de la loi est la clef de beau­coup de pas­sages des poètes an­ciens, pas­sages qu’autrement on ne pour­rait pas com­prendre. En­suite, si la de Pla­ton, cette mère des , nous in­té­resse, c’est dans les lois que nous trou­vons quelques-uns des ob­jets les plus im­por­tants de ses . En­fin, au point de vue de la , les lois ne nous font-elles pas ai­mer la , lorsque nous les voyons dé­cer­ner à la , à la , à la pro­bité les hon­neurs et les ré­com­penses, tan­dis qu’elles fus­tigent le par l’ignominie, la pri­son, l’ et la . Toutes ces rai­sons et d’autres sem­blables fai­saient dire à Ci­cé­ron «que le pe­tit livre des “Douze tables” — source et prin­cipe de nos lois — était pré­fé­rable à tous les des , et par son au­to­rité im­po­sante et par son uti­lité» 3.

Il n’existe pas moins de quatre tra­duc­tions fran­çaises des «Lois des douze tables», mais s’il fal­lait n’en choi­sir qu’une seule, je choi­si­rais celle de .

«Si nox fur­tum faxit, si im ali­quis oc­ci­sit 4, jure cæ­sus esto.

Si luci fur­tum faxit, si im ali­quis endo ipso cap­sit, ver­be­ra­tor, illique cui fur­tum fac­tum es­cit, ad­di­ci­tor. Ser­vus vir­gis cæ­sus, saxo de­ji­ci­tor. Im­pubes, præ­to­ris ar­bi­tratu ver­be­ra­tor, noxiamque de­cer­nito.»
— Pas­sage dans la ori­gi­nale

«Si quelqu’un com­met de un vol, et qu’il soit tué, que ce­lui qui le tue n’encoure au­cune peine.

Si le vol se fait de jour, et si le vo­leur est pris en fla­grant dé­lit, qu’il soit fus­tigé, et li­vré à ce­lui qu’il aura volé, pour lui rendre tous les ser­vices d’un es­clave. Si le vo­leur est un es­clave, qu’on le fus­tige, et qu’il soit pré­ci­pité du haut de la roche Tar­péienne 5. Si c’est un en­fant qui n’ait pas at­teint l’âge de pu­berté, qu’il soit battu de verges au gré du pré­teur, et qu’on dé­dom­mage la par­tie ci­vile.»
— Pas­sage dans la tra­duc­tion de Bou­chaud

«Si quelqu’un com­met un vol de nuit et qu’il soit tué, que ce­lui qui l’aura tué n’encoure au­cune peine.

Si un vol est fait de jour, et si le vo­leur est pris en fla­grant dé­lit, qu’il soit fus­tigé et donné comme es­clave à ce­lui qu’il aura volé. Si ce vo­leur est un es­clave, qu’il soit fus­tigé et pré­ci­pité du haut de la roche Tar­péienne. S’il n’a pas en­core at­teint l’âge de pu­berté, qu’il soit battu de verges à la vo­lonté du pré­teur, et qu’on dé­dom­mage la par­tie ci­vile.»
— Pas­sage dans la tra­duc­tion de l’abbé -An­toine-Sul­pice de Bréard-Neu­ville (XIXe siècle)

«Si quelqu’un com­met­tant un vol de nuit est tué, qu’il le soit à bon droit.

Quant au vo­leur sur­pris dans le jour, [si c’est un] vo­leur ma­ni­feste, il doit être battu de verges et at­tri­bué par ad­dic­tion à ce­lui qu’il a volé; si c’est un es­clave, battu de verges et pré­ci­pité de la roche Tar­péienne; mais les im­pu­bères se­ront seule­ment bat­tus de verges, à l’arbitraire du ma­gis­trat, et condam­nés à ré­pa­rer le dom­mage.»
— Pas­sage dans la tra­duc­tion de Jo­seph-Louis-El­zéar Or­to­lan (XIXe siècle)

«Ce­lui qui sera at­ta­qué par un vo­leur pen­dant la nuit, pourra tuer ce vo­leur sans en­cou­rir au­cune .

Si le vol se fait de jour, et que le vo­leur soit pris sur le fait, il sera fus­tigé, et il de­vien­dra l’esclave de ce­lui qu’il aura volé. Si le vo­leur est déjà es­clave, il sera fus­tigé, et en­suite pré­ci­pité du haut du Ca­pi­tole. Mais si le vo­leur est un en­fant qui n’ait pas en­core at­teint l’âge de pu­berté, il sera châ­tié sui­vant la vo­lonté du pré­teur, et l’on dé­dom­ma­gera la par­tie ci­vile.»
— Pas­sage dans la tra­duc­tion d’Antoine Ter­ras­son (XVIIIe siècle)

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Consultez cette bibliographie succincte en langue française

  1. En Ἑρμόδωρος. Icône Haut
  2. Ci­cé­ron, « des lois» («De le­gi­bus»), liv. II, sect. 59. Icône Haut
  3. «Les Trois Dia­logues de l’orateur» («De ora­tore»), liv. I, sect. 195. Icône Haut
  1. «Faxit» mis pour «fe­ce­rit», «im» mis pour «eum», «oc­ci­sit» mis pour «oc­ci­de­rit». Icône Haut
  2. La roche Tar­péienne, d’où l’on pré­ci­pi­tait les condam­nés à mort, était si­tuée sur le mont Ca­pi­to­lin, à Rome. Icône Haut