Il s’agit d’Abû’l-Hasan ‘Alî al-Hujwirî 1, théologien persan né à Hujwir, banlieue de la ville de Ghaznî, dans l’actuel Afghanistan (XIe siècle apr. J.-C.). On ne connaît guère sa biographie, sinon qu’il fit de nombreux voyages et qu’il visita la Syrie, le Turkestan, l’Azerbaïdjan, l’Irak et les bords de la mer Caspienne. Le dernier, cependant, fut celui qu’il effectua à Lahore, dans l’actuel Pakistan, où il fut retenu — contre son gré, paraît-il — pendant des décennies et jusqu’à sa mort. Dans son « Kashf al-Mahjûb » 2 (« Somme spirituelle », ou littéralement « Révélation des choses voilées » 3), il se plaint de la perte de ses livres laissés à Ghaznî : « Mon cheikh », dit-il 4, « racontait d’autres anecdotes [encore], mais il m’est impossible d’en rapporter plus, mes livres ayant été laissés à Ghaznî — que Dieu la protège ! — tandis que moi-même je suis forcé de rester à Lahore, parmi les gens vils ». Il est curieux que ces « gens vils » lui aient édifié, depuis, un immense mausolée à Lahore, où il est vénéré sous le surnom de Dâtâ Gandj Bakhsh 5. Le « Kashf al-Mahjûb » est le plus ancien traité de soufisme en langue persane. Hélas ! le soufisme, tel que le conçoit Hujwirî, a d’énergiques partis pris et ressemble fort à ce qu’est l’islamisme. Il consiste surtout dans l’austérité des mœurs, dans la répression du luxe, dans une animosité systématique envers les femmes ; tout cela conçu non comme une discipline privée qu’on accepte pour soi, mais comme une loi d’État, dont le roi et les princes sont les gardiens. Dans une foule de cas, sous prétexte d’hérésie, Hujwirî atténue, altère, explique mal ce qui touche à l’extase des soufis mystiques. Il avoue que ces soufis, quelque inégaux et peu corrects qu’ils soient, ont de beaux traits ; il les cite, et ils sont si beaux qu’ils font lire sa critique : « Toutes les paroles de Hallâj », prétend-il 6, « ressemblent à celles des débutants : certaines sont plus fortes, d’autres plus faibles, d’autres plus faciles, d’autres plus inconvenantes… Il vous faut savoir que les paroles de Hallâj ne doivent pas être prises comme modèles, car il était un extatique, non pondéré, et un homme doit être pondéré avant que ses paroles fassent autorité… On rapporte qu’il disait “que les langues qui parlent sont la destruction des cœurs silencieux”… : en vérité, cette phrase est dépourvue de sens ». Et Hujwirî de s’appuyer sur des théologiens comme lui qui, à proprement parler, ne font pas partie du soufisme.
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- Hidayet Hosain, « Hudjwīrī » dans « Encyclopédie de l’islam » (éd. E. J. Brill, Leyde).
- En persan هجویری. Parfois transcrit Houdjviri, Houjwiri, Hodjvîri, Hojuirî, Hajvery, Hajveri, Hajweri, Hujweri, Hujwuri, Houdjouari, Hujwiry, Hudjwīrī ou Hujvīrī.
- En persan « کشفالمحجوب ». Parfois transcrit « Kashf-ul-Mahjab », « Kašf al-Maḥǧûb », « Kachf al-Maḥjoûb », « Kashf-ul-Mahjup », « Kaschf-ol Mahdjoub », « Keshf el-Mahdjoub », « Kashf al Mahjoob », « Kashf-al-Mehjub » ou « Kashf al-Maḥdjūb ».
- Parfois traduit « Dévoilement des mystères » ou « Révélation du caché ».