«Le Bois sec refleuri : roman coréen»

XIXᵉ siècle

XIXe siècle

Il s’agit du «Bois sec re­fleuri», dont le titre ori­gi­nal en co­réen est «Chant de Sim Ch’ŏng» («Simch’ŏng-ga» 1) ou «His­toire de Sim Ch’ŏng» 2Simch’ŏng-jŏn» 3). C’est d’abord un très vieux conte, de­venu un ro­man au XVIIIe siècle, puis une pièce de spec­tacle chanté («p’ansori»). En voici l’histoire. Un di­gni­taire de la Cour co­réenne, nommé Sim Hyŏn 4, voit plu­sieurs per­sonnes mortes de faim sur la voie pu­blique. Il en fait part au roi, qui est en train de don­ner un grand ban­quet, et il se per­met de cri­ti­quer de­vant lui les gou­ver­neurs de pro­vince : «Qui est-ce qui paie les frais de vos dis­trac­tions?», dit-il 5. «C’est votre peuple. Et les gou­ver­neurs, au lieu de faire leur de­voir, mènent joyeuse vie». Les gou­ver­neurs mis en cause ne se laissent pas ac­ca­bler : ils forgent une lettre pleine de tra­hi­sons et de com­plots, qu’ils signent du nom de Sim Hyŏn. Le roi, le croyant cou­pable, l’exile dans une île loin­taine. Ce qui cha­grine par-des­sus tout Sim Hyŏn, c’est l’idée que sa femme ne va pas sup­por­ter ce lieu dé­sert. Elle y meurt, en ef­fet, trois jours après avoir mis au monde une fille, nom­mée Sim Ch’ŏng. Le mal­heu­reux, tout en pleurs, voit bien­tôt fondre sur lui un nou­veau mal­heur. Il de­vient aveugle. Sa plus grande amer­tume, c’est de ne pas pou­voir contem­pler les traits de sa fille. C’est qu’elle gran­dit. Elle vient d’atteindre sa trei­zième an­née. La nuit, elle se consacre à l’étude. Et le jour, elle men­die de mai­son en mai­son, pour as­su­rer l’entretien de son père in­for­tuné. Un jour, elle ne rentre pas à l’heure pré­vue. Très in­quiet, l’aveugle se ha­sarde hors de sa mai­son. S’appuyant sur son bâ­ton, il se met en route; mais ar­rivé au bord d’un lac qui se trouve près de là, il fait un faux pas et tombe à l’eau. Un bonze, vi­vant isolé dans ces so­li­tudes, ac­court et le re­tire de l’eau. Il pro­met à Sim Hyŏn que s’il lui ap­porte trois cents sacs de riz, il re­cou­vrera sa vue en même temps que sa si­tua­tion à la Cour. L’aveugle consent. Ayant ap­pris la chose, sa fille se vend à des mar­chands, contre trois cents sacs de riz, pour être leur vic­time. Car, dans cette époque très an­cienne et très bar­bare, les mar­chands qui fai­saient voile pour le be­soin de leur com­merce avaient cou­tume de sa­cri­fier une jeune vierge aux dieux de la mer, croyant ob­te­nir leur pro­tec­tion et conju­rer le pé­ril. «Le mo­ment du sa­cri­fice est venu» 6, disent-ils à Sim Ch’ŏng lorsque le ba­teau a ga­gné le large. «Pu­ri­fiez votre corps, re­vê­tez-vous de vos plus beaux ha­bits!» La vierge est pla­cée en face d’un brûle-par­fum. Puis, les prières ter­mi­nées, sans ma­ni­fes­ter la moindre émo­tion, elle se jette ré­so­lu­ment à la mer; mais tan­dis que le ba­teau s’éloigne, Sim Ch’ŏng, qui pense mou­rir en l’espace de quelques se­condes, s’aperçoit avec stu­pé­fac­tion qu’elle est en vie. Les dieux de la mer, tou­chés par sa piété fi­liale, s’apprêtent à la ré­com­pen­ser…

Les dieux de la mer, tou­chés par sa piété fi­liale, s’apprêtent à la ré­com­pen­ser

Voici un pas­sage qui don­nera une idée du style du «Bois sec re­fleuri» : «Eh bien! mon père, pour­quoi, tan­dis que les autres vivent au mi­lieu de leurs pa­rents et de leurs amis, sommes-nous ainsi ré­duits à la so­li­tude?

 Hé­las! ma fille, il est bien vrai que nous sommes aban­don­nés à nous-mêmes. Il n’en a pas tou­jours été ainsi. Il fut un temps où j’habitais la ca­pi­tale avec ta pauvre mère, et où nous étions en­tou­rés d’un cercle de pa­rents et d’amis. J’occupais une haute si­tua­tion. Notre fa­mille ap­par­tient à la meilleure no­blesse et a tou­jours en­tre­tenu de très bons rap­ports avec la Cour royale. Mais un jour, à la suite d’une dé­non­cia­tion ca­lom­nieuse, le roi… m’exila ici» 7.

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  1. En co­réen «심청가». Au­tre­fois trans­crit «Sim­cheong-ga». Haut
  2. Par­fois tra­duit «His­toire de Sim Tchyeng». Haut
  3. En co­réen «심청전». Au­tre­fois trans­crit «Sim tchyeng tjyen» ou «Sim­cheong-jeon». Haut
  4. En co­réen 심현. Au­tre­fois trans­crit Sùn-Hyen ou Sim Hyen. Haut
  1. p. 37. Haut
  2. p. 119. Haut
  3. p. 53. Haut