Mot-clefThao Nhouy Abhay

tra­duc­teur ou tra­duc­trice

Pangkham, «Sinsay : chef-d’œuvre de la littérature lao»

éd. Liang Ziang Chong Chareon, Bangkok

éd. Liang Ziang Chong Cha­reon, Bang­kok

Il s’agit du «sin jai» 1, un des ro­mans épiques du Laos. Les Lao­tiens ont une pré­di­lec­tion mar­quée pour les longs ré­cits en vers, im­pré­gnés de boud­dhisme, et re­le­vés par la fan­tai­sie et par l’agencement des aven­tures. Ils les ap­pellent «̄n₂ văn­naḥgaḥ» 2textes lit­té­raires»). Ils les lisent dans les réunions; ils les ré­citent pen­dant la nuit aux jeunes femmes ré­cem­ment ac­cou­chées, pour les em­pê­cher de suc­com­ber au som­meil et de de­ve­nir ainsi une proie fa­cile pour les mau­vais es­prits. Cer­tains de ces ro­mans épiques sont d’une lon­gueur ac­ca­blante : le «dāv₂ kā­laḥket» 3, par exemple, compte à peu près dix mille vers, et le «cāṃPā sī₁ Tŏn₂» 4 — en­vi­ron qua­torze mille. «Il faut croire que les pé­ri­pé­ties qui forment la trame du ré­cit en font to­lé­rer la lon­gueur», dit Louis Fi­not 5. «Pour­tant ni les ac­teurs ni les in­ci­dents du drame ne brillent par la va­riété : les mêmes fi­gures et les mêmes scènes se re­pré­sentent sans cesse avec une mo­no­to­nie qui las­se­rait le lec­teur le plus in­tré­pide, mais qui ne pa­raît pas dé­plaire aux âmes simples pour les­quelles des bardes ano­nymes ont com­posé ces en­fan­tines rhap­so­dies.» Je l’avoue : ces ro­mans épiques, en gé­né­ral fort mal­adroits, tra­cés pour la plu­part par des mains la­bo­rieuses, m’ont tou­ché. Je les ai ou­verts sou­vent avec dé­dain, et presque ja­mais je ne les ai fer­més sans être ému. La forme, à très peu d’exceptions près, en est dé­fec­tueuse, mais cela par ru­desse plu­tôt que par mau­vais goût. Ils res­pirent tant de sin­cé­rité, de sym­pa­thie, de bonne vo­lonté; on y trouve des sen­ti­ments si res­pec­tables dans leur naï­veté, que moi, qui étais dé­cidé à en rire, j’ai tou­jours fini par m’y plaire. Ja­mais je n’accueillerai par la raille­rie cette confes­sion hon­nête d’un poète :

«Moi, qui ai com­posé ce ré­cit ver­si­fié,
Je me suis en­fui au loin, tout comme la pe­tite [hé­roïne dont je vous parle]!
Car moi, votre ser­vi­teur, couche en so­li­taire;
Je suis bien seul, dans ma chambre, les bras pen­dant dans le vide…
De­puis que j’ai quitté ma mai­son pour al­ler chez les Thaï où je n’ai pas d’amis,
Je m’efforce d’écrire des vers pour me ré­chauf­fer le cœur.
Tout au fond de mon être… je me dis que je fi­ni­rai par ren­trer chez moi.
Ils sont évi­dem­ment bien éloi­gnés l’un de l’autre, la cité d’or et le pays na­tal!
»

  1. En lao­tien «ສິນໄຊ». Par­fois trans­crit «Sin­say», «Sin­sai», «Sin Xay» ou «Sine Xay». Outre cette ap­pel­la­tion com­mu­né­ment em­ployée, le «sin jai» porte en­core di­vers titres, se­lon les édi­tions, tels que : «săṅkh silP jăy» («ສັງຂສິລປຊັຍ») ou «săṅ sin jai» («ສັງສິນໄຊ»). Par­fois trans­crit «Sang Sin­xaï». Haut
  2. En lao­tien ພື້ນວັນນະຄະດີ. Haut
  3. En lao­tien «ທ້າວກາລະເກດ», in­édit en fran­çais. Haut
  1. En lao­tien «ຈໍາປາສີ່ຕົ້ນ», in­édit en fran­çais. Haut
  2. «Re­cherches sur la lit­té­ra­ture lao­tienne», p. 116. Haut