Mot-clefcontribution à la philosophie de l’action

su­jet

Aristote, « Grande Morale »

dans « Revue de l’Institut catholique de Paris », nº 23, p. 3-90

dans « Re­vue de l’Institut ca­tho­lique de Pa­ris », no 23, p. 3-90

Il s’agit de la « Grande Mo­rale » (« Êthika me­gala »1) d’Aristote. Il se trouve dans le cor­pus aris­to­té­li­cien, tel qu’il nous est par­venu, trois trai­tés d’éthique ou de mo­rale, in­ti­tu­lés res­pec­ti­ve­ment l’« Éthique à Ni­co­maque », l’« Éthique à Eu­dème » et la « Grande Mo­rale ». Ces trai­tés ex­posent les mêmes ma­tières, avec des dé­ve­lop­pe­ments ana­logues, dans le même ordre ; ce sont trois ré­dac­tions d’une seule pen­sée. Qu’est-ce donc que ces trois ré­dac­tions ? Quels rap­ports exacts ont-elles entre elles ? Sont-elles des le­çons re­cueillies par des dis­ciples ? Est-ce Aris­tote lui-même qui s’est re­pris jusqu’à trois fois pour ex­po­ser son sys­tème ? Ce sont là des ques­tions dé­li­cates et très mal­ai­sées à ré­soudre. Les conjec­tures qu’ont sus­ci­tées les titres mêmes de ces trai­tés montrent, peut-être mieux que tout, l’incertitude où nous sommes sur leur sta­tut. L’« Éthique à Eu­dème » par exemple, est-elle une « Éthique pour Eu­dème », c’est-à-dire un traité qu’Aristote au­rait dé­dié à un de ses dis­ciples, nommé Eu­dème ? Est-elle, au contraire, une « Éthique d’Eudème », c’est-à-dire un traité dont ce dis­ciple au­rait été l’éditeur, voire l’auteur ? Rien de sûr. Pour l’« Éthique à Ni­co­maque », le plus soi­gné des trois trai­tés, le plus connu et le seul que saint Tho­mas d’Aquin ait com­menté, l’incertitude est presque iden­tique, à ceci près que Ni­co­maque se­rait, d’après Ci­cé­ron, le fils d’Aristote. Quant à la « Grande Mo­rale », qui ne mé­rite ce nom ni par sa lon­gueur ni par la dif­fi­culté de ses idées, elle sem­ble­rait, d’après Por­phyre et Da­vid l’Arménien, avoir été ap­pe­lée au­tre­fois la « Pe­tite Mo­rale à Ni­co­maque » ; ce nom lui convient mieux. Mais lais­sons de côté ces ques­tions. Il n’est pas un seul traité d’Aristote qui ne soit en désordre : soit par la faute de l’auteur qui, sur­pris par la mort, n’y au­rait pas mis la der­nière main, soit par la faute de quelque co­piste peu avisé qui au­rait tout bou­le­versé. « C’est fort re­gret­table », ex­plique un tra­duc­teur2, « mais si l’on de­vait condam­ner tout ou­vrage d’Aristote par cela seul qu’il est ir­ré­gu­lier, il faut re­con­naître qu’il ne nous en res­te­rait plus un seul : de­puis la “Mé­ta­phy­sique” jusqu’à la “Poé­tique” ! »

  1. En grec « Ἠθικὰ μεγάλα ». Haut
  1. Jules Bar­thé­lémy Saint-Hi­laire. Haut

Aristote, « Éthique à Eudème »

éd. J. Vrin-Presses de l’Université de Montréal, coll. Bibliothèque des textes philosophiques, Paris-Montréal

éd. J. Vrin-Presses de l’Université de Mont­réal, coll. Bi­blio­thèque des textes phi­lo­so­phiques, Pa­ris-Mont­réal

Il s’agit de l’« Éthique à Eu­dème » (« Êthika Eu­dê­mia »1) d’Aristote. Il se trouve dans le cor­pus aris­to­té­li­cien, tel qu’il nous est par­venu, trois trai­tés d’éthique ou de mo­rale, in­ti­tu­lés res­pec­ti­ve­ment l’« Éthique à Ni­co­maque », l’« Éthique à Eu­dème » et la « Grande Mo­rale ». Ces trai­tés ex­posent les mêmes ma­tières, avec des dé­ve­lop­pe­ments ana­logues, dans le même ordre ; ce sont trois ré­dac­tions d’une seule pen­sée. Qu’est-ce donc que ces trois ré­dac­tions ? Quels rap­ports exacts ont-elles entre elles ? Sont-elles des le­çons re­cueillies par des dis­ciples ? Est-ce Aris­tote lui-même qui s’est re­pris jusqu’à trois fois pour ex­po­ser son sys­tème ? Ce sont là des ques­tions dé­li­cates et très mal­ai­sées à ré­soudre. Les conjec­tures qu’ont sus­ci­tées les titres mêmes de ces trai­tés montrent, peut-être mieux que tout, l’incertitude où nous sommes sur leur sta­tut. L’« Éthique à Eu­dème » par exemple, est-elle une « Éthique pour Eu­dème », c’est-à-dire un traité qu’Aristote au­rait dé­dié à un de ses dis­ciples, nommé Eu­dème ? Est-elle, au contraire, une « Éthique d’Eudème », c’est-à-dire un traité dont ce dis­ciple au­rait été l’éditeur, voire l’auteur ? Rien de sûr. Pour l’« Éthique à Ni­co­maque », le plus soi­gné des trois trai­tés, le plus connu et le seul que saint Tho­mas d’Aquin ait com­menté, l’incertitude est presque iden­tique, à ceci près que Ni­co­maque se­rait, d’après Ci­cé­ron, le fils d’Aristote. Quant à la « Grande Mo­rale », qui ne mé­rite ce nom ni par sa lon­gueur ni par la dif­fi­culté de ses idées, elle sem­ble­rait, d’après Por­phyre et Da­vid l’Arménien, avoir été ap­pe­lée au­tre­fois la « Pe­tite Mo­rale à Ni­co­maque » ; ce nom lui convient mieux. Mais lais­sons de côté ces ques­tions. Il n’est pas un seul traité d’Aristote qui ne soit en désordre : soit par la faute de l’auteur qui, sur­pris par la mort, n’y au­rait pas mis la der­nière main, soit par la faute de quelque co­piste peu avisé qui au­rait tout bou­le­versé. « C’est fort re­gret­table », ex­plique un tra­duc­teur2, « mais si l’on de­vait condam­ner tout ou­vrage d’Aristote par cela seul qu’il est ir­ré­gu­lier, il faut re­con­naître qu’il ne nous en res­te­rait plus un seul : de­puis la “Mé­ta­phy­sique” jusqu’à la “Poé­tique” ! »

  1. En grec « Ἠθικὰ Εὐδήμια ». Haut
  1. Jules Bar­thé­lémy Saint-Hi­laire. Haut

Aristote, « Éthique de Nicomaque »

éd. Garnier frères, coll. Classiques Garnier, Paris

éd. Gar­nier frères, coll. Clas­siques Gar­nier, Pa­ris

Il s’agit de l’« Éthique à Ni­co­maque » (« Êthika Ni­ko­ma­cheia »1) d’Aristote. Il se trouve dans le cor­pus aris­to­té­li­cien, tel qu’il nous est par­venu, trois trai­tés d’éthique ou de mo­rale, in­ti­tu­lés res­pec­ti­ve­ment l’« Éthique à Ni­co­maque », l’« Éthique à Eu­dème » et la « Grande Mo­rale ». Ces trai­tés ex­posent les mêmes ma­tières, avec des dé­ve­lop­pe­ments ana­logues, dans le même ordre ; ce sont trois ré­dac­tions d’une seule pen­sée. Qu’est-ce donc que ces trois ré­dac­tions ? Quels rap­ports exacts ont-elles entre elles ? Sont-elles des le­çons re­cueillies par des dis­ciples ? Est-ce Aris­tote lui-même qui s’est re­pris jusqu’à trois fois pour ex­po­ser son sys­tème ? Ce sont là des ques­tions dé­li­cates et très mal­ai­sées à ré­soudre. Les conjec­tures qu’ont sus­ci­tées les titres mêmes de ces trai­tés montrent, peut-être mieux que tout, l’incertitude où nous sommes sur leur sta­tut. L’« Éthique à Eu­dème » par exemple, est-elle une « Éthique pour Eu­dème », c’est-à-dire un traité qu’Aristote au­rait dé­dié à un de ses dis­ciples, nommé Eu­dème ? Est-elle, au contraire, une « Éthique d’Eudème », c’est-à-dire un traité dont ce dis­ciple au­rait été l’éditeur, voire l’auteur ? Rien de sûr. Pour l’« Éthique à Ni­co­maque », le plus soi­gné des trois trai­tés, le plus connu et le seul que saint Tho­mas d’Aquin ait com­menté, l’incertitude est presque iden­tique, à ceci près que Ni­co­maque se­rait, d’après Ci­cé­ron, le fils d’Aristote. Quant à la « Grande Mo­rale », qui ne mé­rite ce nom ni par sa lon­gueur ni par la dif­fi­culté de ses idées, elle sem­ble­rait, d’après Por­phyre et Da­vid l’Arménien, avoir été ap­pe­lée au­tre­fois la « Pe­tite Mo­rale à Ni­co­maque » ; ce nom lui convient mieux. Mais lais­sons de côté ces ques­tions. Il n’est pas un seul traité d’Aristote qui ne soit en désordre : soit par la faute de l’auteur qui, sur­pris par la mort, n’y au­rait pas mis la der­nière main, soit par la faute de quelque co­piste peu avisé qui au­rait tout bou­le­versé. « C’est fort re­gret­table », ex­plique un tra­duc­teur2, « mais si l’on de­vait condam­ner tout ou­vrage d’Aristote par cela seul qu’il est ir­ré­gu­lier, il faut re­con­naître qu’il ne nous en res­te­rait plus un seul : de­puis la “Mé­ta­phy­sique” jusqu’à la “Poé­tique” ! »

  1. En grec « Ἠθικὰ Νικομάχεια ». Haut
  1. Jules Bar­thé­lémy Saint-Hi­laire. Haut