dans « Mémoires de littérature, tirés des registres de l’Académie royale des inscriptions et belles-lettres. Tome XIX » (XVIIIe siècle), p. 77-94
Il s’agit d’Athénodore (le) Cananite 1 ou Athénodore de Tarse 2, philosophe grec, précepteur et ami intime d’Auguste. Plusieurs hommes ont porté le nom d’Athénodore. Celui dont je me propose de rendre compte ici est le plus célèbre, ayant fait une partie de sa carrière à Rome, dans l’entourage immédiat d’Auguste. Il est permis de penser qu’il fut pour quelque chose dans la clémence et la douceur que cet Empereur fit paraître au cours de son règne. Ayant atteint un grand âge, Athénodore demanda à Auguste la permission de retourner à Tarse, sa patrie, et conseilla en partant à son élève « d’attendre, quand il était en colère, pour parler ou pour agir qu’il eût récité à voix basse les vingt-quatre lettres de l’alphabet » (Plutarque). Le géographe Strabon joint toujours le nom de Posidonius à celui d’Athénodore comme deux des plus grands stoïciens de leur siècle. Il attribue à ces deux philosophes plusieurs opinions communes, tant sur la nature de l’océan, que sur les causes du flux et du reflux. Et lorsque Cicéron a besoin de renseignements bibliographiques sur les problèmes moraux et les solutions proposées par Posidonius, c’est aussi à Athénodore qu’il a recours. Tout porte à croire que le premier a été le maître du second. Athénodore a composé plusieurs ouvrages. Malheureusement, la postérité ne s’est pas donné la peine de conserver même leurs titres. Il faut se résigner aux traditions de la « petite histoire », aux anecdotes. L’une des plus curieuses met en scène Athénodore dans une maison hantée d’Athènes 3 peut-être à l’occasion de son séjour dans cette ville pour une conférence. Les logements à Athènes étaient rares ; Athénodore risquait de n’en trouver aucun, si le hasard ne l’avait guidé vers une maison à bas prix, mais que personne ne voulait louer. On lui apprit qu’un terrible fantôme s’était emparé de ce logis, et que ses apparitions avaient fait fuir les plus braves. Il aurait été honteux pour un philosophe, surtout pour un stoïcien, de témoigner de la frayeur. Athénodore loua la maison sans tarder. Vers le milieu de la nuit, il était en train de lire et d’écrire, quand le revenant, s’annonçant par un fracas effroyable, entra dans la chambre. Notre philosophe se retourna, vit et reconnut le spectre tel qu’on l’avait décrit. Il était là, dressé et lui faisant signe de le suivre. Il avait l’aspect d’un vieillard d’une maigreur repoussante, avec une grande barbe et des cheveux hérissés, portant des chaînes aux pieds et aux mains qu’il secouait horriblement. Athénodore, à son tour, lui fit comprendre, par des gestes, qu’il lui restait encore du travail et reprit, imperturbable, son stylet et ses tablettes. Offensé de tant de flegme, l’autre se mit à sonner ses chaînes au-dessus de la tête d’Athénodore. Enfin, ce dernier se leva, prit la lumière et l’accompagna d’un pas lent jusqu’à la cour où le fantôme disparut. Le lendemain, il alla trouver des magistrats et les pria de faire fouiller la terre en ce lieu précis. On le fit et on y trouva des ossements chargés de chaînes. On leur donna publiquement la sépulture. Il n’y eut plus, depuis, d’apparitions dans ce logis.
- En grec Ἀθηνόδωρος (ὁ) Κανανίτης. Parfois transcrit Athenodoros Kananites. Également connu sous le surnom d’Athénodore fils de Sandon (Ἀθηνόδωρος ὁ Σάνδωνος ou Ἀθηνόδωρος ὁ τοῦ Σάνδωνος).
- En latin Athenodorus Tarsensis. Également connu sous le surnom de Calvus ou le Chauve, parce qu’en effet il était chauve.