Synésios, «[Œuvres complètes]. Tome IV. Opuscules, part. 1»

éd. Les Belles Lettres, coll. des universités de France, Paris

éd. Les Belles Lettres, coll. des uni­ver­si­tés de France, Pa­ris

Il s’agit de l’«Éloge de la cal­vi­tie» («Pha­la­kras En­kô­mion» 1) et autres œuvres de Sy­né­sios de Cy­rène 2. Écri­vain de se­cond rang, su­pé­rieur en rien, Sy­né­sios at­tire sur­tout l’attention par les dé­tails de sa vie; car il fut élu évêque, après avoir passé une bonne par­tie de sa vie en païen (IVe-Ve siècle apr. J.-C.). Né dans la ville de Cy­rène, dans l’actuelle Li­bye, il était issu d’une des meilleures fa­milles de l’aristocratie; il pré­ten­dait même, sur preuves écrites, des­cendre des pre­miers ex­plo­ra­teurs ve­nus, plus de mille ans avant lui, de­puis la Grèce jusqu’aux côtes afri­caines fon­der sa pa­trie. Il fré­quenta les écoles su­pé­rieures d’Alexandrie et y sui­vit les le­çons de la fa­meuse Hy­pa­tie, pour la­quelle il ex­prima tou­jours une ad­mi­ra­tion émue. Re­venu à Cy­rène, il vé­cut en riche pro­prié­taire exempt de toute gêne et ne de­man­dant qu’à cou­ler, sur ses terres, une vie oi­sive et bien­heu­reuse «comme [dans] une en­ceinte sa­crée», pré­cise-t-il 3, «[en] être libre et sans contrainte, [par­ta­geant] mon exis­tence entre la prière, les livres et la chasse». Sa «Cor­res­pon­dance» nous in­dique que, quand il n’avait pas le nez dans les livres, il se lais­sait en­traî­ner par son pen­chant pour les armes et les che­vaux : «Je par­tage, en toutes cir­cons­tances, mon temps en deux : le plai­sir et l’étude. Dans l’étude, je vis seul avec moi-même…; dans le plai­sir, je me donne à tous» 4. Les évêques orien­taux vou­lurent ab­so­lu­ment avoir ce gen­til­homme pour col­lègue et lui firent confé­rer l’évêché de Pto­lé­maïs; car ils cher­chaient quelqu’un qui eût une grande si­tua­tion so­ciale; quelqu’un qui sût se faire en­tendre. Il leur ré­pon­dit que, s’il de­ve­nait évêque, il ne se sé­pa­re­rait point de son épouse, quoique cette sé­pa­ra­tion fût exi­gée des pré­lats chré­tiens; qu’il ne vou­lait pas re­non­cer non plus au plai­sir dé­fendu de la chasse; qu’il ne pour­rait ja­mais croire en la Ré­sur­rec­tion, ni dans d’autres dogmes qui ne se trou­vaient pas chez Pla­ton; que, si on vou­lait l’accepter à ce prix, il ne sa­vait même pas en­core s’il y consen­ti­rait. Les évêques in­sis­tèrent. On le bap­tisa et on le fit évêque. Il conci­lia sa phi­lo­so­phie avec son mi­nis­tère et il écri­vit de nom­breuses œuvres. On dis­pute pour sa­voir si c’est l’hellénisme ou le chris­tia­nisme qui y do­mine. Ni l’un ni l’autre! Ce qui y do­mine, c’est la re­li­gion d’un homme qui n’eut que des dé­las­se­ments et ja­mais de vraies pas­sions.

Il n’existe pas moins de trois tra­duc­tions fran­çaises de l’«Éloge de la cal­vi­tie», mais s’il fal­lait n’en choi­sir qu’une seule, je choi­si­rais celle de M. Noël Au­jou­lat.

«Ἐγὼ μὲν οὖν καὶ ὁπηνίκα τὸ δεινὸν ἤρχετο καὶ θρὶξ ἀπερρύη, μέσην αὐτὴν δέδηγμαι τὴν καρδίαν· καὶ ἐπειδὴ προσέκειτο μᾶλλον, ἄλλης ἐπ’ ἄλλῃ πιπτούσης, ἤδη δὲ καὶ σύνδυο καὶ κατὰ πλείους, καὶ ὁ πόλεμος λαμπρὸς ἦν, ἀγομένης καὶ φερομένης τῆς κεφαλῆς, τότε δή — τότε χαλεπώτερα πάσχειν ᾤμην ἢ ὑπ’ Ἀρχιδάμου τοὺς Ἀθηναίους ἐπὶ τῇ δενδροτομίᾳ τῶν Ἀχαρνῶν, ταχύ τε ἀπεδείχθην ἀνεπιτήδευτος Εὐϐοεύς, οὓς “ὄπιθεν κομόωντας” ἐστράτευσεν ἐπὶ Τροίαν ἡ Ποίησις.»
— Pas­sage dans la langue ori­gi­nale

«Pour moi, quand com­mença mon mal­heur, et que mes che­veux se mirent à tom­ber, je fus mordu au plus pro­fond du cœur; puis, comme mon mal s’accroissait, que mes che­veux tom­baient l’un après l’autre, puis deux par deux, puis en foule; que l’âpreté du com­bat de­ve­nait ma­ni­feste, et que ma tête était li­vrée à la dé­vas­ta­tion, alors — oui, alors je pen­sai su­bir des épreuves pires que celles qu’endurèrent les Athé­niens par la vo­lonté d’Archidamos, lorsqu’il fit cou­per les arbres des Achar­niens, et bien vite j’apparus comme un de ces Eu­béens né­gli­gés que le Poète a en­voyés en ex­pé­di­tion contre Troie “avec les che­veux en ar­rière de la tête” 5.»
— Pas­sage dans la tra­duc­tion de M. Au­jou­lat

«Pour ma part, quand la chose ter­rible a com­mencé, et que mes che­veux sont tom­bés, j’ai été mordu en plein cœur. Et c’est allé de mal en pis. Je per­dais mes che­veux par poi­gnées, les uns après les autres. La guerre était dé­cla­rée, ma tête li­vrée au pillage! J’étais, me sem­blait-il, plus cruel­le­ment éprouvé que les Athé­niens quand Ar­chi­da­mos fit abattre les arbres aux alen­tours d’Acharnes. J’eus bien­tôt l’aspect d’un de ces Eu­béens gros­siers “qui n’ont plus que trois poils der­rière la tête”, et que le Poète a me­nés en ex­pé­di­tion contre Troie.»
— Pas­sage dans la tra­duc­tion de M. Claude Ter­reaux (éd. Ar­léa, coll. Re­tour aux grands textes, Pa­ris)

«Pour moi, quand mon front mal­heu­reu­se­ment a com­mencé à se dé­gar­nir, j’ai res­senti une vive tris­tesse; puis, le mal conti­nuant tou­jours, avec des pro­grès as­sez lents d’abord, en­suite plus ra­pides, mes che­veux tom­baient les uns après les autres. En consi­dé­rant les ra­vages faits sur ma tête par l’ennemi, je me trou­vais traité plus ru­de­ment que les Athé­niens ne l’avaient été par Ar­chi­da­mus, lorsqu’il alla cou­per tous les arbres jusqu’au bourg d’Acharnes. Bien­tôt, je me vis sem­blable à l’un de ces rus­tiques Eu­béens “qui n’ont de che­veux que sur le der­rière de la tête”, comme nous les montre le Poète qui les conduit de­vant Troie.»
— Pas­sage dans la tra­duc­tion d’Henri Druon (XIXe siècle)

«Equi­dem malo ipso jam in­ci­piente, de­fluen­teque ca­pil­li­tio, pe­ni­tius animo dis­cru­ciari cœpi; cumque ma­gis ac ma­gis in­gra­ves­ce­ret, et alius su­per alio pi­lus de­ci­de­ret; ac duo sub­inde plu­resve; et in­gens bel­lum exar­sis­set, ca­pite agi fer­rique cœpto; tunc mihi qui­dem vi­sum est multo agi me­cum ini­quius, quam cum Athe­nien­si­bus olim suc­ci­sis ab Ar­chi­damo Achar­nen­sium ar­bo­ri­bus; sta­timque me se­rium ac mi­nime af­fec­ta­tum Eubœen­sem ca­sus ille fe­cit, quos “pone co­ma­tos” ad Tro­ja­nam ex­pe­di­tio­nem pro­fec­tos nar­rat Poe­sis.»
— Pas­sage dans la tra­duc­tion la­tine de De­nis Pe­tau (XVIIe siècle)

«Hæc ubi de­fluere cœ­pit, cordi di­ros ic­tus in­fert, tunc me gra­viora per­pes­sum ar­bi­tra­bar, quam Athe­nienses ab Ar­chi­damo in sec­tione ar­bo­rum Acar­na­num. Mox vi­deor esse unus iner­tium Eubœn­sium, quos Ho­meri car­men ait “re­tro­co­mantes” ad Tro­jam isse mi­li­ta­tum.»
— Pas­sage dans la tra­duc­tion la­tine de John Free, dit Joannes Phreas (XVIe siècle)

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Consultez cette bibliographie succincte en langue française

  1. En grec «Φαλάκρας Ἐγκώμιον». Haut
  2. En grec Συνέσιος ὁ Κυρηναῖος. Au­tre­fois trans­crit Sy­né­sius ou Sy­nèse. Haut
  3. «Cor­res­pon­dance», lettre XLI. Haut
  1. lettre CV. Haut
  2. «L’Iliade», liv. II, v. 542. Haut