Il s’agit des « Oracles chaldaïques » (« Logia chaldaïka » 1), un pot-pourri de toute espèce d’ésotérismes de l’Antiquité, un mélange de magie occulte, de théosophie métaphysique, d’imagination délirante, de rituels théurgiques, de révélations censées provenir de la bouche des dieux eux-mêmes. Pourquoi ces « Oracles » s’appellent-ils donc « chaldaïques » ? Les Chaldéens étaient considérés comme les plus sages des Babyloniens et formaient, dans la division sociale de la Mésopotamie, une classe à peu près comparable à celle des prêtres. Choisis pour exercer les fonctions du culte public des dieux, ils passaient leur vie appliqués aux études astrologiques. De par ces études et de par les coïncidences merveilleuses qu’ils croyaient reconnaître entre, d’un côté, le mouvement si compliqué et pourtant si régulier des astres, de l’autre côté, la destinée humaine et les accidents de l’Histoire, leur religion devint subordonnée aux présages et à la divination. La prépondérance de ces pratiques frappa tant l’esprit des visiteurs de Babylone que, dès avant notre ère, le mot « Chaldéen » perdit son sens ethnique et vint à signifier chez les Grecs et les Romains « un mage, un devin ». Puis, par une même confusion, il devint synonyme de « magicien ». De là, le titre tautologique d’« Oracles magiques des mages » (« Magika logia tôn magôn » 2) que porte une des éditions des « Oracles chaldaïques ». On fait remonter l’origine de ce livre à deux Juliens — père et fils — qui vivaient au IIe siècle apr. J.-C., en Syrie. Le père, surnommé « le Chaldéen », était philosophe platonicien en plus d’être mage ; quant au fils, surnommé « le Théurge », il avait été fait médium dans les circonstances extraordinaires que voici : « Son père, au moment où il était sur le point de l’engendrer, demanda au Dieu rassembleur de l’univers une âme archangélique pour l’existence de son fils ; et, une fois né, il le mit au contact de tous les dieux et de l’âme de Platon… Par moyen de l’art hiératique, il l’éleva jusqu’à l’époptie [c’est-à-dire la vision immédiate] de cette âme de Platon pour pouvoir l’interroger sur ce qu’il voulait » 3. Bref, Platon et les dieux, interrogés par le père, répondaient par la bouche du fils, qui n’était plus lui-même quand il parlait. Ils prononçaient leurs prédictions et leurs avis, qu’ils psalmodiaient en vers ; et ayant dit, ils s’en allaient.
néo-platonisme
sujet
Synésios, « [Œuvres complètes]. Tome IV. Opuscules, part. 1 »
Il s’agit de l’« Éloge de la calvitie » (« Phalakras Enkômion » 1) et autres œuvres de Synésios de Cyrène 2. Écrivain de second rang, supérieur en rien, Synésios attire surtout l’attention par les détails de sa vie ; car il fut élu évêque, après avoir passé une bonne partie de sa vie en païen (IVe-Ve siècle apr. J.-C.). Né dans la ville de Cyrène, dans l’actuelle Libye, il était issu d’une des meilleures familles de l’aristocratie ; il prétendait même, sur preuves écrites, descendre des premiers explorateurs venus, plus de mille ans avant lui, depuis la Grèce jusqu’aux côtes africaines fonder sa patrie. Il fréquenta les écoles supérieures d’Alexandrie et y suivit les leçons de la fameuse Hypatie, pour laquelle il exprima toujours une admiration émue. Revenu à Cyrène, il vécut en riche propriétaire exempt de toute gêne et ne demandant qu’à couler, sur ses terres, une vie oisive et bienheureuse « comme [dans] une enceinte sacrée », précise-t-il 3, « [en] être libre et sans contrainte, [partageant] mon existence entre la prière, les livres et la chasse ». Sa « Correspondance » nous indique que, quand il n’avait pas le nez dans les livres, il se laissait entraîner par son penchant pour les armes et les chevaux : « Je partage, en toutes circonstances, mon temps en deux : le plaisir et l’étude. Dans l’étude, je vis seul avec moi-même… ; dans le plaisir, je me donne à tous » 4. Les évêques orientaux voulurent absolument avoir ce gentilhomme pour collègue et lui firent conférer l’évêché de Ptolémaïs ; car ils cherchaient quelqu’un qui eût une grande situation sociale ; quelqu’un qui sût se faire entendre. Il leur répondit que, s’il devenait évêque, il ne se séparerait point de son épouse, quoique cette séparation fût exigée des prélats chrétiens ; qu’il ne voulait pas renoncer non plus au plaisir défendu de la chasse ; qu’il ne pourrait jamais croire en la Résurrection, ni dans d’autres dogmes qui ne se trouvaient pas chez Platon ; que, si on voulait l’accepter à ce prix, il ne savait même pas encore s’il y consentirait. Les évêques insistèrent. On le baptisa et on le fit évêque. Il concilia sa philosophie avec son ministère et il écrivit de nombreuses œuvres. On dispute pour savoir si c’est l’hellénisme ou le christianisme qui y domine. Ni l’un ni l’autre ! Ce qui y domine, c’est la religion d’un homme qui n’eut que des délassements et jamais de vraies passions.
Synésios, « [Œuvres complètes]. Tome III. Correspondance, lettres LXIV-CLVI »
Il s’agit de la « Correspondance » (« Epistolai » 1) et autres œuvres de Synésios de Cyrène 2. Écrivain de second rang, supérieur en rien, Synésios attire surtout l’attention par les détails de sa vie ; car il fut élu évêque, après avoir passé une bonne partie de sa vie en païen (IVe-Ve siècle apr. J.-C.). Né dans la ville de Cyrène, dans l’actuelle Libye, il était issu d’une des meilleures familles de l’aristocratie ; il prétendait même, sur preuves écrites, descendre des premiers explorateurs venus, plus de mille ans avant lui, depuis la Grèce jusqu’aux côtes africaines fonder sa patrie. Il fréquenta les écoles supérieures d’Alexandrie et y suivit les leçons de la fameuse Hypatie, pour laquelle il exprima toujours une admiration émue. Revenu à Cyrène, il vécut en riche propriétaire exempt de toute gêne et ne demandant qu’à couler, sur ses terres, une vie oisive et bienheureuse « comme [dans] une enceinte sacrée », précise-t-il 3, « [en] être libre et sans contrainte, [partageant] mon existence entre la prière, les livres et la chasse ». Sa « Correspondance » nous indique que, quand il n’avait pas le nez dans les livres, il se laissait entraîner par son penchant pour les armes et les chevaux : « Je partage, en toutes circonstances, mon temps en deux : le plaisir et l’étude. Dans l’étude, je vis seul avec moi-même… ; dans le plaisir, je me donne à tous » 4. Les évêques orientaux voulurent absolument avoir ce gentilhomme pour collègue et lui firent conférer l’évêché de Ptolémaïs ; car ils cherchaient quelqu’un qui eût une grande situation sociale ; quelqu’un qui sût se faire entendre. Il leur répondit que, s’il devenait évêque, il ne se séparerait point de son épouse, quoique cette séparation fût exigée des prélats chrétiens ; qu’il ne voulait pas renoncer non plus au plaisir défendu de la chasse ; qu’il ne pourrait jamais croire en la Résurrection, ni dans d’autres dogmes qui ne se trouvaient pas chez Platon ; que, si on voulait l’accepter à ce prix, il ne savait même pas encore s’il y consentirait. Les évêques insistèrent. On le baptisa et on le fit évêque. Il concilia sa philosophie avec son ministère et il écrivit de nombreuses œuvres. On dispute pour savoir si c’est l’hellénisme ou le christianisme qui y domine. Ni l’un ni l’autre ! Ce qui y domine, c’est la religion d’un homme qui n’eut que des délassements et jamais de vraies passions.
Synésios, « [Œuvres complètes]. Tome II. Correspondance, lettres I-LXIII »
Il s’agit de la « Correspondance » (« Epistolai » 1) et autres œuvres de Synésios de Cyrène 2. Écrivain de second rang, supérieur en rien, Synésios attire surtout l’attention par les détails de sa vie ; car il fut élu évêque, après avoir passé une bonne partie de sa vie en païen (IVe-Ve siècle apr. J.-C.). Né dans la ville de Cyrène, dans l’actuelle Libye, il était issu d’une des meilleures familles de l’aristocratie ; il prétendait même, sur preuves écrites, descendre des premiers explorateurs venus, plus de mille ans avant lui, depuis la Grèce jusqu’aux côtes africaines fonder sa patrie. Il fréquenta les écoles supérieures d’Alexandrie et y suivit les leçons de la fameuse Hypatie, pour laquelle il exprima toujours une admiration émue. Revenu à Cyrène, il vécut en riche propriétaire exempt de toute gêne et ne demandant qu’à couler, sur ses terres, une vie oisive et bienheureuse « comme [dans] une enceinte sacrée », précise-t-il 3, « [en] être libre et sans contrainte, [partageant] mon existence entre la prière, les livres et la chasse ». Sa « Correspondance » nous indique que, quand il n’avait pas le nez dans les livres, il se laissait entraîner par son penchant pour les armes et les chevaux : « Je partage, en toutes circonstances, mon temps en deux : le plaisir et l’étude. Dans l’étude, je vis seul avec moi-même… ; dans le plaisir, je me donne à tous » 4. Les évêques orientaux voulurent absolument avoir ce gentilhomme pour collègue et lui firent conférer l’évêché de Ptolémaïs ; car ils cherchaient quelqu’un qui eût une grande situation sociale ; quelqu’un qui sût se faire entendre. Il leur répondit que, s’il devenait évêque, il ne se séparerait point de son épouse, quoique cette séparation fût exigée des prélats chrétiens ; qu’il ne voulait pas renoncer non plus au plaisir défendu de la chasse ; qu’il ne pourrait jamais croire en la Résurrection, ni dans d’autres dogmes qui ne se trouvaient pas chez Platon ; que, si on voulait l’accepter à ce prix, il ne savait même pas encore s’il y consentirait. Les évêques insistèrent. On le baptisa et on le fit évêque. Il concilia sa philosophie avec son ministère et il écrivit de nombreuses œuvres. On dispute pour savoir si c’est l’hellénisme ou le christianisme qui y domine. Ni l’un ni l’autre ! Ce qui y domine, c’est la religion d’un homme qui n’eut que des délassements et jamais de vraies passions.
Synésios, « [Œuvres complètes]. Tome I. Hymnes »
Il s’agit des « Hymnes » (« Hymnoi » 1) et autres œuvres de Synésios de Cyrène 2. Écrivain de second rang, supérieur en rien, Synésios attire surtout l’attention par les détails de sa vie ; car il fut élu évêque, après avoir passé une bonne partie de sa vie en païen (IVe-Ve siècle apr. J.-C.). Né dans la ville de Cyrène, dans l’actuelle Libye, il était issu d’une des meilleures familles de l’aristocratie ; il prétendait même, sur preuves écrites, descendre des premiers explorateurs venus, plus de mille ans avant lui, depuis la Grèce jusqu’aux côtes africaines fonder sa patrie. Il fréquenta les écoles supérieures d’Alexandrie et y suivit les leçons de la fameuse Hypatie, pour laquelle il exprima toujours une admiration émue. Revenu à Cyrène, il vécut en riche propriétaire exempt de toute gêne et ne demandant qu’à couler, sur ses terres, une vie oisive et bienheureuse « comme [dans] une enceinte sacrée », précise-t-il 3, « [en] être libre et sans contrainte, [partageant] mon existence entre la prière, les livres et la chasse ». Sa « Correspondance » nous indique que, quand il n’avait pas le nez dans les livres, il se laissait entraîner par son penchant pour les armes et les chevaux : « Je partage, en toutes circonstances, mon temps en deux : le plaisir et l’étude. Dans l’étude, je vis seul avec moi-même… ; dans le plaisir, je me donne à tous » 4. Les évêques orientaux voulurent absolument avoir ce gentilhomme pour collègue et lui firent conférer l’évêché de Ptolémaïs ; car ils cherchaient quelqu’un qui eût une grande situation sociale ; quelqu’un qui sût se faire entendre. Il leur répondit que, s’il devenait évêque, il ne se séparerait point de son épouse, quoique cette séparation fût exigée des prélats chrétiens ; qu’il ne voulait pas renoncer non plus au plaisir défendu de la chasse ; qu’il ne pourrait jamais croire en la Résurrection, ni dans d’autres dogmes qui ne se trouvaient pas chez Platon ; que, si on voulait l’accepter à ce prix, il ne savait même pas encore s’il y consentirait. Les évêques insistèrent. On le baptisa et on le fit évêque. Il concilia sa philosophie avec son ministère et il écrivit de nombreuses œuvres. On dispute pour savoir si c’est l’hellénisme ou le christianisme qui y domine. Ni l’un ni l’autre ! Ce qui y domine, c’est la religion d’un homme qui n’eut que des délassements et jamais de vraies passions.
« Hypatie : l’étoile d’Alexandrie »
Il s’agit d’Hypatie 1, femme savante, admirable par sa vertu, et que les chrétiens d’Alexandrie tuèrent barbarement pour satisfaire l’orgueil, le fanatisme et la cruauté de leur patriarche Cyrille (IVe-Ve siècle apr. J.-C.). Elle eut pour père Théon d’Alexandrie, philosophe, astronome et mathématicien. Elle s’occupa des mêmes sciences que son père et s’y distingua tellement, que sa maison devint bientôt le rendez-vous des premiers magistrats de la ville, des lettrés et des intellectuels. On la représente allant couverte du manteau des philosophes, fixant tous les regards sur elle, mais insouciante de sa beauté, expliquant à qui désirait l’entendre soit Platon, soit tout autre penseur. On se pressait en foule à ses leçons : « il y avait », dit l’encyclopédie Souda 2, « une grande bousculade à sa porte “d’hommes et de chevaux ensemble” 3, les uns qui s’en approchaient, les autres qui s’en éloignaient, d’autres encore qui attendaient ». On ne considérait pas comme indécent qu’elle se trouvât parmi tant d’hommes, car tous la respectaient en raison de son extrême érudition et de la gravité de ses manières. De plus, les sciences acquéraient un charme spécial en passant par sa gracieuse bouche et par sa douce voix de femme. L’un de ceux qui assistaient à ses cours, raconte l’encyclopédie Souda, ne fut pas capable de contenir son désir et lui déclara sa flamme ; en guise de réponse, elle apporta un linge ensanglanté de ses menstruations et le lui lança, en disant : « Voilà ce dont tu es épris, jeune homme, et ce n’est pas quelque chose de bien beau ! » 4 Elle compta parmi ses disciples Synésios de Cyrène, et les lettres de ce dernier témoignent suffisamment de son enthousiasme et de sa révérence pour celle qu’il appelle « ma mère, ma sœur, mon maître et, à tous ces titres, ma bienfaitrice ; l’être et le nom qui me sont les plus chers au monde » 5. La CXXIVe lettre de Synésios commence ainsi : « “Même quand les morts oublieraient chez Hadès” 6, moi, je me souviendrai, là-bas encore, de ma chère Hypatie ». D’autre part, on trouve dans l’« Anthologie grecque », sous la plume de Palladas, cette épigramme à l’honneur de la femme philosophe : « Toutes tes pensées, toute ta vie ont quelque chose de céleste, auguste Hypatie, gloire de l’éloquence, astre pur de la sagesse et du savoir »
- En grec Ὑπατία. Autrefois transcrit Hipathia, Hypathia, Hypathie, Hipatia ou Hypatia.
- En grec « πολὺν ὠθισμὸν ὄντα πρὸς ταῖς θύραις, ἐπιμὶξ ἀνδρῶν τε καὶ ἵππων, τῶν μὲν προσιόντων τῶν δὲ ἀπιόντων τῶν δὲ καὶ προσισταμένων ».
- « L’Iliade », liv. XXI, v. 16.
- En grec « Τούτου μέντοι ἐρᾷς, ὦ νεανίσκε, καλοῦ δὲ οὐδενός ».
- lettre XVI.
- « L’Iliade », liv. XXII, v. 389.
Eunape, « Vies de philosophes et de sophistes. Tome II »
Il s’agit des « Vies de philosophes et de sophistes » (« Bioi philosophôn kai sophistôn » 1) d’Eunape de Sardes 2, biographe grec. Il naquit en 349 apr. J.-C. C’était un Oriental, un Grec d’Asie, et bien qu’il vécût dans l’Empire romain d’Orient, il ne se considérait ni comme sujet de l’Empire ni encore moins comme chrétien ; car il fut élevé dans la religion païenne et dans le polythéisme traditionnel des Hellènes. Tous les penseurs qui feront plus tard l’objet de ses « Vies » seront des païens de l’Orient, fidèles comme lui à une religion et à une tradition expirantes. Eunape eut pour premier maître le philosophe Chrysanthe, son compatriote et son parent par alliance 3. Il apprit auprès de lui aussi bien les œuvres des poètes que celles des philosophes ou des orateurs. À quinze ans, il fit le voyage obligé de tout intellectuel d’alors à Athènes. Arrivé malade et fiévreux, il reçut une hospitalité très généreuse dans la maison de Prohérésius, sophiste d’origine arménienne, qui le soigna comme son propre fils. Eunape lui voua en retour une affection et une admiration qu’il consignera plus tard dans ses « Vies ». Après un séjour de cinq ans à Athènes, il fut rappelé à Sardes par un ordre familial : « une école de sophistique m’était offerte », dit-il 4, « tous m’appelaient dans cette intention ». Rentré dans sa ville natale, il y retrouva son premier maître, Chrysanthe ; et bien qu’il eût à enseigner les matières sophistiques à ses propres élèves durant la matinée, il courait dès le début de l’après-midi chez Chrysanthe, pour discuter à ses côtés des doctrines plus hautes et plus divines de la philosophie, lors de promenades très longues, mais très profitables : « On oubliait qu’on avait mal aux pieds, tant on était ensorcelé par ses exposés », dit-il 5. C’est probablement au cours d’une de ces promenades que Chrysanthe instigua Eunape à composer une œuvre en l’honneur des philosophes, des médecins et des sophistes célèbres dont il était le contemporain ou qui avaient vécu peu avant lui. C’est de cette œuvre que je veux rendre compte ici. Elle nous est parvenue en entier. Grosse de vingt-deux notices biographiques, elle parle non des doctrines de ces divers personnages, mais des détails de leur vie — détails qui ne prennent un véritable intérêt que par les indices qu’ils fournissent, quelquefois très vagues, d’autres fois plus précis, sur le caractère des temps et des hommes auxquels ils se rapportent : « Dans ces biographies il faut distinguer deux parties : l’une, où l’auteur traite de temps et d’hommes qu’il ne connaît que par tradition ; l’autre, où il parle de temps où il a vécu et d’hommes qu’il a vus et connus lui-même. Il glisse sur les premiers et ne s’arrête que sur les seconds. Il y a peu de choses sur Plotin ; il y en a un peu plus sur Porphyre ; un peu plus encore sur Jamblique ; mais ensuite, les biographies deviennent plus étendues », explique Victor Cousin.
Eunape, « Vies de philosophes et de sophistes. Tome I »
Il s’agit des « Vies de philosophes et de sophistes » (« Bioi philosophôn kai sophistôn » 1) d’Eunape de Sardes 2, biographe grec. Il naquit en 349 apr. J.-C. C’était un Oriental, un Grec d’Asie, et bien qu’il vécût dans l’Empire romain d’Orient, il ne se considérait ni comme sujet de l’Empire ni encore moins comme chrétien ; car il fut élevé dans la religion païenne et dans le polythéisme traditionnel des Hellènes. Tous les penseurs qui feront plus tard l’objet de ses « Vies » seront des païens de l’Orient, fidèles comme lui à une religion et à une tradition expirantes. Eunape eut pour premier maître le philosophe Chrysanthe, son compatriote et son parent par alliance 3. Il apprit auprès de lui aussi bien les œuvres des poètes que celles des philosophes ou des orateurs. À quinze ans, il fit le voyage obligé de tout intellectuel d’alors à Athènes. Arrivé malade et fiévreux, il reçut une hospitalité très généreuse dans la maison de Prohérésius, sophiste d’origine arménienne, qui le soigna comme son propre fils. Eunape lui voua en retour une affection et une admiration qu’il consignera plus tard dans ses « Vies ». Après un séjour de cinq ans à Athènes, il fut rappelé à Sardes par un ordre familial : « une école de sophistique m’était offerte », dit-il 4, « tous m’appelaient dans cette intention ». Rentré dans sa ville natale, il y retrouva son premier maître, Chrysanthe ; et bien qu’il eût à enseigner les matières sophistiques à ses propres élèves durant la matinée, il courait dès le début de l’après-midi chez Chrysanthe, pour discuter à ses côtés des doctrines plus hautes et plus divines de la philosophie, lors de promenades très longues, mais très profitables : « On oubliait qu’on avait mal aux pieds, tant on était ensorcelé par ses exposés », dit-il 5. C’est probablement au cours d’une de ces promenades que Chrysanthe instigua Eunape à composer une œuvre en l’honneur des philosophes, des médecins et des sophistes célèbres dont il était le contemporain ou qui avaient vécu peu avant lui. C’est de cette œuvre que je veux rendre compte ici. Elle nous est parvenue en entier. Grosse de vingt-deux notices biographiques, elle parle non des doctrines de ces divers personnages, mais des détails de leur vie — détails qui ne prennent un véritable intérêt que par les indices qu’ils fournissent, quelquefois très vagues, d’autres fois plus précis, sur le caractère des temps et des hommes auxquels ils se rapportent : « Dans ces biographies il faut distinguer deux parties : l’une, où l’auteur traite de temps et d’hommes qu’il ne connaît que par tradition ; l’autre, où il parle de temps où il a vécu et d’hommes qu’il a vus et connus lui-même. Il glisse sur les premiers et ne s’arrête que sur les seconds. Il y a peu de choses sur Plotin ; il y en a un peu plus sur Porphyre ; un peu plus encore sur Jamblique ; mais ensuite, les biographies deviennent plus étendues », explique Victor Cousin.
Macrobe, « Commentaire au “Songe de Scipion”. Tome II »
Il s’agit du « Commentaire au “Songe de Scipion” » (« In “Somnium Scipionis” ») de Macrobe 1, érudit et compilateur latin, le dernier en date des grands représentants du paganisme. Il vécut à la fin du IVe siècle et au commencement du Ve siècle apr. J.-C. Ce fut un des hommes les plus distingués de l’Empire romain, comme l’atteste le double titre de « clarissimus » et d’« illustris » que lui attribuent un certain nombre de manuscrits. En effet, si « clarissimus » n’indique que l’appartenance à l’ordre sénatorial, « illustris », lui, était réservé à une poignée de hauts fonctionnaires, exerçant de grandes charges. Tous ces emplois divers n’empêchèrent pas Macrobe de s’appliquer aux belles-lettres avec un soin extraordinaire. D’ailleurs, bien qu’à cette époque les beaux-arts et les sciences fussent déjà dans leur décadence, ils avaient encore néanmoins l’avantage d’être cultivés, plus que jamais, par les personnes les plus considérables de l’Empire — les consuls, les préfets, les préteurs, les gouverneurs des provinces et les principaux chefs des armées —, qui se faisaient gloire d’être les seuls refuges, les seuls remparts de la civilisation face au christianisme envahissant. Tels furent les Flavianus, les Albinus, les Symmaque, les Prétextatus, et autres païens convaincus, dont Macrobe faisait partie, et qu’il mettait en scène dans son œuvre en qualité d’interlocuteurs. L’un d’eux déclare : « Pour le passé, nous devons toujours avoir de la vénération, si nous avons quelque sagesse ; car ce sont ces générations qui ont fait naître notre Empire au prix de leur sang et de leur sueur — Empire que seule une profusion de vertus a pu bâtir » 2. Voilà une profession de foi qui peut servir d’exergue à toute l’œuvre de Macrobe. Celle-ci est un compendium de la science et de la sagesse du passé, « un miel élaboré de sucs divers » 3. On y trouve ce qu’on veut : des spéculations philosophiques, des notions grammaticales, une mine de bons mots et de traits d’esprit, une astronomie et une géographie abrégées. Il est vrai qu’on a reproché à Macrobe de n’y avoir mis que fort peu du sien ; de s’être contenté de rapporter les mots mêmes employés par les anciens auteurs. « Seul le vêtement lui appartient », dit un critique 4, « tandis que le contenu est la propriété d’autrui ». C’est pour cela qu’Érasme l’appelle « la corneille d’Ésope, qui pastiche en se parant des plumes des autres oiseaux » (« Æsopicam corniculam, ex aliorum pannis suos contexuit centones ») ; et que Marc Antoine Muret lui applique spirituellement ce vers de Térence, dans un sens tout différent de celui qu’on a l’habitude de lui donner : « Je suis homme : en cette qualité, je crois avoir droit sur les biens de tous les autres hommes ».
Macrobe, « Commentaire au “Songe de Scipion”. Tome I »
Il s’agit du « Commentaire au “Songe de Scipion” » (« In “Somnium Scipionis” ») de Macrobe 1, érudit et compilateur latin, le dernier en date des grands représentants du paganisme. Il vécut à la fin du IVe siècle et au commencement du Ve siècle apr. J.-C. Ce fut un des hommes les plus distingués de l’Empire romain, comme l’atteste le double titre de « clarissimus » et d’« illustris » que lui attribuent un certain nombre de manuscrits. En effet, si « clarissimus » n’indique que l’appartenance à l’ordre sénatorial, « illustris », lui, était réservé à une poignée de hauts fonctionnaires, exerçant de grandes charges. Tous ces emplois divers n’empêchèrent pas Macrobe de s’appliquer aux belles-lettres avec un soin extraordinaire. D’ailleurs, bien qu’à cette époque les beaux-arts et les sciences fussent déjà dans leur décadence, ils avaient encore néanmoins l’avantage d’être cultivés, plus que jamais, par les personnes les plus considérables de l’Empire — les consuls, les préfets, les préteurs, les gouverneurs des provinces et les principaux chefs des armées —, qui se faisaient gloire d’être les seuls refuges, les seuls remparts de la civilisation face au christianisme envahissant. Tels furent les Flavianus, les Albinus, les Symmaque, les Prétextatus, et autres païens convaincus, dont Macrobe faisait partie, et qu’il mettait en scène dans son œuvre en qualité d’interlocuteurs. L’un d’eux déclare : « Pour le passé, nous devons toujours avoir de la vénération, si nous avons quelque sagesse ; car ce sont ces générations qui ont fait naître notre Empire au prix de leur sang et de leur sueur — Empire que seule une profusion de vertus a pu bâtir » 2. Voilà une profession de foi qui peut servir d’exergue à toute l’œuvre de Macrobe. Celle-ci est un compendium de la science et de la sagesse du passé, « un miel élaboré de sucs divers » 3. On y trouve ce qu’on veut : des spéculations philosophiques, des notions grammaticales, une mine de bons mots et de traits d’esprit, une astronomie et une géographie abrégées. Il est vrai qu’on a reproché à Macrobe de n’y avoir mis que fort peu du sien ; de s’être contenté de rapporter les mots mêmes employés par les anciens auteurs. « Seul le vêtement lui appartient », dit un critique 4, « tandis que le contenu est la propriété d’autrui ». C’est pour cela qu’Érasme l’appelle « la corneille d’Ésope, qui pastiche en se parant des plumes des autres oiseaux » (« Æsopicam corniculam, ex aliorum pannis suos contexuit centones ») ; et que Marc Antoine Muret lui applique spirituellement ce vers de Térence, dans un sens tout différent de celui qu’on a l’habitude de lui donner : « Je suis homme : en cette qualité, je crois avoir droit sur les biens de tous les autres hommes ».
Macrobe, « Les Saturnales »
Il s’agit des « Saturnales » (« Saturnalia ») de Macrobe 1, érudit et compilateur latin, le dernier en date des grands représentants du paganisme. Il vécut à la fin du IVe siècle et au commencement du Ve siècle apr. J.-C. Ce fut un des hommes les plus distingués de l’Empire romain, comme l’atteste le double titre de « clarissimus » et d’« illustris » que lui attribuent un certain nombre de manuscrits. En effet, si « clarissimus » n’indique que l’appartenance à l’ordre sénatorial, « illustris », lui, était réservé à une poignée de hauts fonctionnaires, exerçant de grandes charges. Ces différents emplois n’empêchèrent pas Macrobe de s’appliquer aux belles-lettres avec un soin extraordinaire. D’ailleurs, bien qu’à cette époque les sciences et les arts fussent déjà dans leur décadence, ils avaient encore néanmoins l’avantage d’être cultivés, plus que jamais, par les personnes les plus considérables de l’Empire — les consuls, les préfets, les préteurs, les gouverneurs des provinces et les principaux chefs des armées —, qui se faisaient gloire d’être les seuls refuges, les seuls remparts de la civilisation face au christianisme envahissant. Tels furent les Flavianus, les Albinus, les Symmaque, les Prétextatus et autres païens convaincus, dont Macrobe faisait partie, et qu’il mettait en scène dans son œuvre en qualité d’interlocuteurs. L’un d’eux déclare : « Pour le passé, nous devons toujours avoir de la vénération, si nous avons quelque sagesse ; car ce sont ces générations qui ont fait naître notre Empire au prix de leur sang et de leur sueur — Empire que seule une profusion de vertus a pu bâtir » 2. Voilà une profession de foi qui peut servir d’exergue à toute l’œuvre de Macrobe. Celle-ci est un compendium de la science et de la sagesse du passé, « un miel élaboré de sucs divers » 3. On y trouve ce qu’on veut : des spéculations philosophiques, des notions grammaticales, une mine de bons mots et de traits d’esprit, une astronomie et une géographie abrégées. Il est vrai qu’on a reproché à Macrobe de n’y avoir mis que fort peu du sien ; de s’être contenté de rapporter les mots mêmes employés par les anciens auteurs. « Seul le vêtement lui appartient », dit un critique 4, « tandis que le contenu est la propriété d’autrui ». C’est pour cela qu’Érasme l’appelle « la corneille d’Ésope, qui pastiche en se parant des plumes des autres oiseaux » (« Æsopicam corniculam, ex aliorum pannis suos contexuit centones ») ; et que Marc Antoine Muret lui applique spirituellement ce vers de Térence, dans un sens tout différent de celui qu’on a l’habitude de lui donner : « Je suis homme : en cette qualité, je crois avoir droit sur les biens de tous les autres hommes ».