Il s’agit de Bâbâ Tâhir 1, poète persan, dont la simplicité des sentiments et du vocabulaire fait le charme de ses quatrains. On sait peu de choses sur lui ; on ignore même le temps où il vécut (entre le Xe et XIIe siècle apr. J.-C. probablement). Il était un de ces derviches errants, ces fous de Dieu qui passent pour saints en Orient, et que pour cela, tout le monde révère et respecte. Le surnom de ‘Uryân 2 (« le Nu ») sous lequel il est désigné lui vient, disent certains, de ce qu’il se promenait sans vêtements dans les bazars et dans les rues ; mais il est tout aussi vraisemblable qu’il vivait dans le dénuement ou le renoncement, plutôt que dans la complète nudité : « Je suis le bohème mystique qu’on appelle “qalender” ; je n’ai ni feu ni lieu, nul point d’attache », dit-il. « Le jour, j’erre autour du monde, et la nuit, je m’endors une brique sous la tête… Il n’y a point dans l’univers de papillon aussi étourdi, de fou aussi étrange que moi. Les serpents et les fourmis ont tous une retraite, mais moi je n’ai pas même — infortuné ! — le mur d’une maison en ruines » 3. En tout cas, l’on constate que son mysticisme ne lui épargna ni les tourments de l’amour ni les angoisses causées par la pensée de la mort. Il est, d’ailleurs, un des premiers derviches à avoir décrit ses transports amoureux dans la langue persane : « Le colchique des montagnes ne dure qu’une semaine, ainsi que la violette des bords de la rivière ; je veux crier, de ville en ville, que la fidélité des belles aux joues rosées ne dure qu’une semaine… Mon cœur est plein de feu, mes yeux pleins de larmes ; ma vie n’est qu’un vase rempli de tristesses et d’ennuis. Eh bien ! si, après ma mort, tu viens à passer près de ma tombe, ton parfum me rendra la vie »
Mahshid Moshiri
traducteur ou traductrice