Il s’agit des « Mémoires » (« Zapiski » 1) de Nadejda Andreïevna Dourova 2, jeune femme russe qui, déguisée en homme, prit part à toutes les campagnes militaires contre Napoléon, reçut la croix de Saint-Georges de la main du tsar et quitta le service en 1816 avec le grade de capitaine de cavalerie. Désœuvrée dans la seconde moitié de sa vie, elle trouva dans l’écriture le moyen de dévier le cours de son extraordinaire énergie. C’est dans la revue d’Alexandre Pouchkine, « Le Contemporain » (« Sovrémennik » 3), qu’elle publia en 1836 un extrait de ses « Mémoires », avant de les faire sortir en livre. Dourova n’avait pas envie d’apparaître sous son vrai nom et avait proposé comme titre « Mémoires personnels d’une amazone russe connue sous le nom d’Alexandrova » (« Svoïéroutchnyïé zapiski rousskoï amazonki izvestnoï pod iménem Alexandrova » 4). À quoi Pouchkine avait répondu qu’il valait mieux titrer « Mémoires de Dourova », parce que c’était simple, franc et noble. Ce livre, écrit dans une langue actuelle, impressionna à tel point le célèbre critique Vissarion Belinski qu’il soupçonna dans un premier temps quelque mystification de la part de Pouchkine 5 : « S’il s’agit d’une mystification, avouons qu’elle est menée de main de maître ; s’il s’agit de mémoires authentiques, alors ils sont d’un intérêt et d’un charme inouïs. Et quelle langue, quel style on trouve chez cette demoiselle-cavalier ! Il semble que Pouchkine lui-même lui ait cédé sa plume de prosateur et qu’elle lui soit redevable de cette fermeté et cette force viriles… de ce caractère pittoresque et captivant du récit, toujours empli, toujours pénétré de quelque sens caché ».
Nadejda Andreïevna Dourova
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