«La Légende de Bent el Khass»

éd. A. Jourdan, Alger

éd. A. Jour­dan, Al­ger

Il s’agit de Hind Bint al-Khuss 1 (ou Hind, fille de Khuss). La condi­tion des femmes, chez les tri­bus arabes avant l’islam, n’était nul­le­ment ce qu’elle fut plus tard, quand la vie de ha­rem eut tout à fait abaissé les mœurs. L’Arabie an­cienne eut quatre sages; ces quatre sages furent des femmes. Hind est la plus illustre, bien qu’on ne sache pas pré­ci­ser le siècle où elle vi­vait, ni la contrée d’où elle était ori­gi­naire. Les traits re­la­tifs à cette sur­douée forment une es­pèce de lé­gende po­pu­laire où sont cé­lé­brées sa pers­pi­ca­cité, la fi­nesse de ses re­par­ties, la ra­pi­dité et la sû­reté de son ju­ge­ment à pro­pos des choses et des hommes. «Sa vue por­tait jusqu’aux li­mites de l’horizon; et d’un seul re­gard, elle em­bras­sait une scène dans ses plus minces dé­tails», ex­plique Ju­dith Gau­tier 2. On rap­porte qu’un jour, Hind était as­sise au mi­lieu d’un groupe de jeunes filles; elle jouait avec un pi­geon do­mes­tique per­ché sur son poing. Tout à coup, une troupe de pi­geons passa, très haut dans le ciel. Elle leva les yeux et dit : «Oh, si seule­ment ces pi­geons et la moi­tié de leur nombre étaient ajou­tés à notre pi­geon, cela suf­fi­rait [à faire 100]» 3. On vit ces oi­seaux, cher­chant de l’eau, des­cendre près d’une mare; on les compta et on trouva qu’ils étaient 66. Or, 66 + 66/2 + 1 = 100, le nombre qu’elle avait dit, ni plus ni moins; un seul re­gard lui avait suffi pour conce­voir cette énigme. Son es­prit n’était pas moins prompt que son coup d’œil, et elle ré­pon­dait sans hé­si­ter à toutes les ques­tions qu’on pou­vait lui po­ser. Son père lui de­manda une fois : «Les nuits sont-elles plus nom­breuses que les jours? — Les jours sont plus nom­breux que les nuits. — Et pour­quoi? — Parce que les nuits de [pleine] lune sont sem­blables à des jours» 4. On cite en­core d’elle d’autres re­par­ties éton­nantes : «Quel est l’homme le meilleur? — Le plus vi­sité, comme les [meilleures] col­lines d’un pays sont les plus fou­lées aux pieds. — Qui est-il? — C’est ce­lui à qui on de­mande et qui ne de­mande pas, qui donne l’hospitalité et ne la re­çoit pas, qui ré­ta­blit la paix et à qui on ne l’impose pas. — Quel est le pire des hommes? — L’imberbe ba­vard qui tient un pe­tit fouet et qui dit : “Re­te­nez-moi loin de l’esclave des Be­nou un tel, car je le tue­rai ou il me tuera”» 5. Il sem­ble­rait qu’elle n’ait pas voulu contrac­ter de ma­riage et qu’elle ait cher­ché les plai­sirs en de­hors d’une union lé­gi­time. Sur­prise avec un es­clave noir, elle donna pour ex­cuse cette ré­ponse en prose ri­mée, qui est de­ve­nue un dic­ton : «[C’est à cause] de la proxi­mité de l’oreiller et de la lon­gueur de l’obscurité» («ḳurb al-wi­sâd wa-ṭûl al-siwâd» 6).

Téléchargez ces œuvres imprimées au format PDF

Consultez cette bibliographie succincte en langue française

  • Amar Dhina, «Les Deux Hind d’avant l’islam» dans «Femmes illustres en is­lam» (éd. En­tre­prise na­tio­nale du livre, Al­ger), p. 5-9
  • Charles Pel­lat, «Hind Bint al-Khuss» dans «En­cy­clo­pé­die de l’islam» (éd. E. J. Brill, Leyde).
  1. En arabe هند بنت الخس. Au­tre­fois trans­crit Bint el Khouss, Bent el Khoss ou Bent el Khass. Haut
  2. «Fleurs d’Orient», p. 796. Haut
  3. p. 32. Haut
  1. p. 19. Haut
  2. p. 30. Haut
  3. En arabe «قرب الوساد وطول السواد». Haut