Milizia, « De l’art de voir dans les beaux-arts »

XVIIIᵉ siècle

XVIIIe siècle

Il s’agit de «De l’art de voir dans les beaux-» 1Dell’arte di ve­dere nelle belle arti») de , théo­ri­cien de l’, par­ti­san de la sim­pli­cité an­tique (XVIIIe siècle). Pour ce théo­ri­cien , la beauté de l’architecture naît dans le né­ces­saire et l’utile. La pro­fu­sion des or­ne­ments et le manque de dans leur choix, tout ce qui est exa­géré et qui n’est pas com­mandé par la né­ces­sité ou l’utilité, ne fait que des­ser­vir une construc­tion déjà conçue, «à peu près comme la pa­rure ne sert qu’à en­lai­dir et faire re­mar­quer une laide femme» 2. Le grand , c’est ce­lui qui n’exprime que les grandes et utiles par­ties d’un su­jet; prin­cipe clair, d’une im­por­tance ca­pi­tale, et fré­quem­ment né­gligé non seule­ment dans l’art de l’architecture, mais en­core dans ce­lui de la et la . De même que les mau­vais lé­gis­la­teurs com­pliquent l’échafaudage lé­gis­la­tif «pour que nous n’entendions ja­mais rien aux » 3; de même, les mau­vais com­pliquent «une grande cou­pole de cou­poles plus pe­tites, de cou­po­lettes, de cou­po­li­nettes» («una cu­pola con cu­po­lino, con cu­po­lette, con cu­po­lucce») pour que nous n’entendions ja­mais rien aux plans de leurs construc­tions ex­tra­va­gantes. Ordre, sim­pli­cité, , tels sont les cri­tères qui dé­ter­minent la beauté pour Mi­li­zia. Aussi blâme-t-il tout édi­fice qui a quelque chose de dé­rai­son­nable et de lour­de­ment raf­finé, «aussi éloi­gné de la lé­gè­reté go­thique que de la ma­jesté et de l’élégance grecque» («ugual­mente lon­tana dalla svel­tezza go­tica e dalla maes­tosa ele­ganza greca»); tan­dis qu’un édi­fice qui cor­res­pond exac­te­ment à son but et à sa vo­ca­tion, même lorsqu’il est dé­pourvu d’ornementations et des­tiné aux usages les plus vils et les plus re­pous­sants, peut être beau, comme l’est la «Cloaca maxima», le Grand égout bâti par Tar­quin l’Ancien. Dans ses trai­tés, Mi­li­zia pro­pose pour mo­dèles les de la , ex­horte à étu­dier ce qui reste de ceux de l’ et s’élève contre Mi­chel-Ange et les ar­chi­tectes de la qui, se­lon lui, n’ont étu­dié les An­ciens que de se­conde main et ont ainsi in­tro­duit des élé­ments de , que leurs écoles ont consa­crés sous forme de , de ca­price, de fo­lie : «Voilà pour­quoi [ces] écoles sont si de », dit Mi­li­zia; et pour­quoi, en al­lant du Grand égout à la cou­pole de Saint-, on va «du meilleur au plus mau­vais» 4.

la beauté de l’architecture naît dans le né­ces­saire et l’utile

Voici un pas­sage qui don­nera une idée du style de «De l’art de voir dans les beaux-arts» : «Si le goût est un ra­pide que toutes les fa­cul­tés de l’entendement conspirent à for­mer; si, em­bras­sant dans ses com­pa­rai­sons une mul­ti­tude d’idées, il exige un es­prit exercé à les dis­tin­guer et ha­bi­tué à les com­prendre toutes en­semble; il faut donc pour ac­qué­rir du goût… que tous les arts, toutes les se prêtent leurs mu­tuels se­cours. Les Grecs eurent cet avan­tage; leurs pre­miers furent tout à la fois , , , — mé­diocres né­ces­sai­re­ment, mais c’est pour cela qu’ils purent tout per­fec­tion­ner. Les Ro­mains, n’étant rien de tout cela, quand ils eurent connais­sance des arts, virent tout d’un coup une mul­ti­tude d’ouvrages. Com­ment en pou­vaient-ils ju­ger, quand ils n’avaient pas ap­pris à voir? Tout va par de­grés. Les Ro­mains n’eurent d’arts que parce qu’ils les conquirent; les Grecs avaient em­ployé vingt siècles à les créer — les Ro­mains ne pou­vaient les de­vi­ner ni les sen­tir en un jour» 5.

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  1. Par­fois tra­duit «De l’art de voir en , , et ar­chi­tec­ture» ou «Ré­flexions sur la sculp­ture, la pein­ture, la gra­vure et l’architecture». Icône Haut
  2. «De l’art de voir dans les beaux-arts», p. 88. Icône Haut
  3. id. p. 26. Icône Haut
  1. id. p. 225. Icône Haut
  2. p. 39. Icône Haut